La langue, la clef du succès?

On commence finalement à parler ouvertement du fait que, côté culture, on encourage fréquemment la médiocrité en Ontario français. Il est vitalement important de rappeler, afin d’assurer la pérennité des arts, que ce n’est pas parce que c’est en français que c’est nécessairement bon. Alors qu’il semble évident que la langue n’a rien à voir avec la qualité d’un produit culturel, cette idée est loin d’être ancrée partout, par exemple auprès des divers organismes de la province qui se résignent encore à promouvoir des artistes par obligation. Il est également le temps d’avoir une discussion sérieuse sur les programmes postsecondaires francophones dans la province, car, à plusieurs égards, on perpétue aussi ce phénomène de médiocrité au niveau de l’éducation.

Disons les choses comme elles le sont. Ceux qui maîtrisent bien le français ont souvent moins de difficulté à progresser dans le cadre universitaire francophone ontarien peu importe s’ils sont réellement aptes à poursuivre des études. Dans plusieurs cas, les étudiants sont récompensés en fonction de leur niveau de langue et non selon leurs réelles capacités. Je comprends maintenant que je n’étais pas la candidate universitaire idéale et, pourtant, j’étais continuellement encouragée à poursuivre mes études.

Parler mieux français

J’ai toujours bien réussi à l’université, mais il faut dire qu’une très grande partie de ce succès était probablement basée sur ma capacité à m’exprimer en français. Malheureusement, cette habileté linguistique se mesurait principalement par un accent audible, qui, en réalité, n’avait aucune incidence sur ma compréhension de la matière enseignée. La preuve, c’est que je n’ai pas beaucoup développé mes habiletés pendant mon baccalauréat. D’ailleurs, j’ai eu énormément de rattrapage à faire en décidant de poursuivre des études supérieures. Non seulement j’avais adopté de mauvaises habitudes de travail, mais, étant donné que je ne m’étais jamais réellement donné la peine de comprendre ce qu’on m’enseignait, j’avais pris un retard considérable du côté théorique.

Il semble que pendant mes premières années d’études, tout ce que j’avais à faire était de polir mon vocabulaire de temps à autre. J’étais capable de m’exprimer clairement, ce qui facilitait du même coup ma capacité à intervenir à l’improviste dans les débats en classe. Bref, mon expérience en tant qu’étudiante en sciences sociales se résumait essentiellement à être capable de bien parler français. Il était facile pour moi de prétendre que j’avais toujours tout compris. Et ce bon français, je l’avais simplement acquis en grandissant dans une ville majoritairement francophone. Je n’étais pas tellement meilleure en grammaire que les autres, seulement, j’avais la facilité avec les mots; j’étais capable de rédiger des textes en utilisant efficacement mon dictionnaire de synonymes.

Bien maîtriser le français ne signifie pas toutefois qu’on a toutes les compétences requises pour bien réussir; la langue n’est qu’une des nombreuses aptitudes qu’il nous faut. J’ai l’impression d’avoir été récompensée de façon phénoménale pour mon niveau de langue pendant mes études. J’ai évidemment eu d’excellents profs, mais je me sentais peu motivée à faire l’effort que méritaient mes études puisque c’était rarement nécessaire. Pourtant, il y avait tellement d’étudiants plus ambitieux et, surtout, beaucoup plus passionnés que moi. Certains débordaient d’idées originales, mais ayant un peu de difficulté à s’exprimer, étaient parfois ignorés par des profs et par des gens comme moi, qui se félicitaient constamment de mieux parler français que les autres. Heureusement, avec les années, mon attitude a changé. J’ai enfin compris que le niveau de langue ne voulait absolument rien dire au sujet de la capacité d’une personne à pouvoir vivre en français. Mais ce constat, ce n’est pas tout le monde qui réussit à le faire. À ce jour, la hiérarchie arbitraire associée aux différents accents francophones demeure une problématique importante à l’échelle de la province opposant directement communautés, écoles et, faut-il le rappeler, élèves.

Je me souviendrai toujours comment les accents régionaux m’apparaissaient initialement étranges lors de mon arrivée dans la grande ville. À l’époque,  je ne connaissais pratiquement rien au sujet de l’Ontario français. Rien de l’histoire, rien des progrès législatifs, et, surtout, absolument rien des arts. J’avais en fait été très isolée dans ma petite ville francophone, où on nous rappelait fréquemment qu’on parlait mieux français qu’ailleurs en province. Mais qu’est-ce que ça signifie, concrètement, parler mieux? Est-ce que ça veut dire un isolationnisme profond? On peut dire que mes années universitaires ont été remplies de belles découvertes où j’ai finalement compris ce que signifiait vivre en situation minoritaire. Et, aujourd’hui, quand j’entends un accent ontarien, je me sens forcément nostalgique.


But I still got away with murder.

Soyons honnête, je sais que je n’ai pas travaillé particulièrement fort pendant mon baccalauréat. Alors que mes collègues œuvraient à terminer leurs travaux des semaines à l’avance, je commençais habituellement les miens la veille et j’étudiais rarement pour mes examens. Ce n’était pas parce que j’étais une élève surdouée avec une mémoire infaillible. Au contraire. J’oubliais ce que lisais au fur et à mesure que je le lisais. Je faisais souvent le strict minimum et je réussissais quand même à obtenir d’excellents résultats. À vrai dire, contrairement à la plupart de mes collègues, j’ai passé mon baccalauréat à faire la fête, à trinquer trois à quatre fois par semaine. Vous me direz que ce comportement est tout à fait normal pour une jeune étudiante habitant seule pour la première fois, mais une personne ayant de si mauvaises habitudes de travail n’aurait pas dû, en temps normal, être capable de continuer à réussir, particulièrement dans un contexte universitaire.

Il y a évidemment eu des exceptions; quelques cours où la matière était extrêmement intéressante et où je prenais plaisir à bien faire le travail demandé. Mais ces cours passionnants, je peux les compter sur une main. Règle générale,  je recevais quand même de bonnes notes pour des travaux qui, honnêtement, étaient affreux. Avec du recul, je peux dire que j’ai rarement mérité les notes que j’ai reçues, car on évaluait rarement, j’ai l’impression, ma compréhension globale. On peut presque dire que les évaluations étaient à l’occasion uniquement basées sur une comparaison des niveaux de langue. Plus il y avait des gens ayant de la difficulté en français, plus j’avais la chance d’obtenir une bonne note.  Combien de fois la fameuse bell curve m’a-t-elle aidée à obtenir de meilleurs résultats parce que trop d’étudiants avaient échoué? Probablement plus d’une vingtaine.

Pour en finir avec la médiocrité

À l’école, mes collègues me considéraient comme une étudiante modèle, qui réussissait bien et qui était aussi bonne en français. Sans le vouloir, je faisais partie d’une certaine élite. Cependant, à part assister régulièrement aux cours, je ne faisais rien de plus que les autres; même que j’en faisais moins. Se classer parmi les meilleurs de classe ne veut rien dire quand on a l’impression d’être continuellement en train de tricher le système. Autrefois, il me semble que l’élite franco-ontarienne était composée de gens qui, en plus d’avoir fréquenté l’université, œuvraient dans les professions libérales et s’impliquaient grandement dans la vie communautaire. Faut-il croire que cette élite a été remplacée?  J’ose espérer que non; parce que moi, je ne me sentirai jamais comme si j’en fais partie, du moins, pas avant d’avoir accompli quelque chose de concret.

Quand je repense à ces premières années universitaires, je regrette de ne pas m’être intéressée davantage à mes collègues, ceux qui, malgré leurs difficultés linguistiques, étaient clairement passionnés par la langue et la culture francophone. Quel courage de choisir, par exemple, de faire un baccalauréat entièrement en français lorsque notre famille est unilingue anglophone! Il faudrait féliciter davantage ces gens, car l’expertise, les connaissances et les habiletés ne devraient pas être uniquement mesurées selon le niveau du français. Il faut du temps pour apprendre et perfectionner une langue et c’est quelque chose qui se fait progressivement.

Je ne nie évidemment pas que la maîtrise de la langue demeure un outil important pour la réussite, mais, quelque part, il faut aussi rehausser les standards académiques en Ontario français. Il faut notamment cesser de mettre sur un piédestal ceux qui se débrouillent bien en français et arrêter de leur faire croire qu’ils sont naturellement bons à l’école.  Il faut créer un environnement favorisant l’apprentissage pour tous. S’il faut continuer à fournir des instruments permettant aux étudiants d’améliorer leur français à l’université, il faut aussi cesser de forcer ceux qui maîtrisent déjà les bases de la langue à suivre des cours de rattrapage, afin qu’ils puissent, eux aussi, continuer à se perfectionner. L’université ne devrait pas être facile.

J’ai fini par trouver un prof qui, heureusement, a vu à travers ma bullshit et m’a encouragée à me surpasser. Mais je me dis que j’ai eu de la chance. Plusieurs personnes continueront à croire que leur niveau de langue fait automatiquement d’eux de meilleurs candidats. Être bon en français ne fait pas obligatoirement de nous de grands académiques capables de participer adéquatement aux débats scientifiques. N’empêche que quelqu’un comme moi, n’aurait pas dû, à la fin, avoir accès si facilement aux études supérieures, la suite logique, pour quelqu’un qui avait tellement bien réussi.

Trop, c’est comme pas assez

Je suis une hybride, une métisse à la peau blanche.

Je suis, pour paraphraser une chanson de Jean Leloup, une fille d’Ottawa, grandi à Ste-Catherine, d’une mère franco-ontarienne et d’un père du bas de Lachine.

Trop québécoise pour les Canadians, trop ontarienne pour les Québécois, je suis entre deux chaises. Parfaitement bilingue, j’ai appris à parler l’anglais quand j’ai commencé à parler. Je suis donc trop anglaise pour les français, et trop française pour les anglais. Pas assez ontaroise, pas assez québécoise.

Je ne suis pas une vraie Québécoise selon les uns, je ne suis pas une vraie Canadienne selon les autres. Je suis une expatriée dans mon propre pays. Pourtant, sur papier, je suis la Canadienne modèle. Je suis le wet dream de Pierre Elliott Trudeau.

J’ai lu quelque part qu’on ne pouvait pas ne pas être indépendantiste si on connaissait bien son Histoire. Eh bien! Je connais mon Histoire sur le bout des doigts. Et parce que je connais mon Histoire, je ne suis pas souverainiste, ne le serai jamais. Être souverainiste, ce serait renier le pays de mes ancêtres, eux qui l’ont bâti, l’ont porté à bout de bras et me l’ont légué. Ce serait trahir leur mémoire. Être souverainiste, ce serait pour moi la même chose que déshériter mes enfants, les priver de leur bien le plus précieux. Ce serait écraser leur avenir. Être souverainiste, ce serait aussi renier une partie de moi-même, de mon identité.

Je crois au Canada, même si je ne crois pas au Canada ultra-militariste et born again de Stephen Harper. Les premiers ministres, les gouvernements, sont toujours remplacés, un jour ou l’autre. En attendant ce jour, je continue à bâtir ce pays, pour le léguer à mon tour à mes enfants.

N’en déplaise à ceux qui trouvent que je suis trop ceci, ou pas assez cela, je ne suis pas une french frog. Je ne suis pas une dead duck. Je ne suis pas une vendue, ni une colonisée. Je suis canadienne-française, et je le dis avec fierté.

Les «réseaux parallèles» remis en cause

Cet article est paru le vendredi 6 avril 2012 dans le journal Le Droit. Le voici en intégrale tel qu’il est paru dans la version imprimée du journal.


Les «réseaux parallèles» remis en cause

«Le 26 juin 2030 n’était pas que la dernière journée de l’année scolaire; c’était la dernière journée d’existence des conseils scolaires francophones de l’Ontario. À partir de septembre prochain, l’éducation des Franco-Ontariens relèvera d’un nouveau réseau de commissions scolaires.»

C’est dans ce cadre futuriste que les blogueurs du webzine TaGueule.ca remettent en question l’existence de ces «deux réseaux de conseils parallèles, un catholique et un public, qui remplissent exactement le même mandat et qui ne font que diviser les francophones au lieu de les rassembler», affirme Félix Hallée-Théoret, un des éditeurs du billet paru dimanche.

L’équipe de TaGueule.ca cherchait depuis un bout de temps à lancer un débat sur la pertinence d’avoir deux réseaux d’écoles francophones «qui se battent pour recruter les mêmes élèves», déplore M. Hallée-Théoret.

La semaine dernière, le dépôt de l’ébauche budgétaire 2012 à Queen’s Park a donné au webzine les munitions nécessaires. Le gouvernement libéral de Dalton McGuinty ouvre toute grande la porte à la fusion de conseils scolaires, dans les régions où les effectifs sont en baisse. Les lois constitutionnelles de la province empêchent toutefois les fusions entre conseils catholiques et publics.

«Nos conseils francophones sont très grands, surtout dans le Nord. La distance est déjà un problème. Je ne vois franchement pas comment on pourrait faire des conseils plus grands. Tant qu’à vouloir fusionner des conseils pour économiser, pourquoi ne pas fusionner des conseils catholiques et publics ensemble», plaide M. Hallée-Théoret, joint par LeDroit à Sudbury.

Un sujet tabou

Le hic, c’est que depuis que l’ancien chef progressiste-conservateur John Tory s’est cassé les dents sur une question de financement des écoles confessionnelles, en 2007, très peu de politiciens à Queen’s Park osent aborder le sujet. Il n’y a que le Parti vert de l’Ontario qui parle ouvertement de l’abolition des conseils catholiques.

«Ce serait logique et financièrement plus responsable d’avoir un seul réseau de conseils scolaires anglophones, et un seul réseau francophone. Le système actuel est injuste à l’endroit des autres religions. Notre pays a deux langues officielles mais pas deux religions officielles», affirme au Droit le chef vert Mike Schreiner. Une fusion des conseils catholiques et publics se traduirait par une «meilleure qualité de l’enseignement», ajoute-t-il.

Ce n’est pas du tout l’avis de Carole Drouin, la directrice générale de l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques. «Nous assisterions à une diminution de la qualité de l’enseignement. Le système catholique est le plus performant dans la province. Le gouvernement devrait regarder ailleurs pour trouver des économies», rétorque-t-elle.

«Ce n’est pas une attaque contre les catholiques», précise pour sa part M. Hallée-Théoret. L’enseignement religieux aurait toujours sa place dans les écoles, selon lui, même au sein d’un système exclusivement public.

Un chevauchement unique

L’Ontario est la seule province canadienne où se chevauchent deux réseaux scolaires francophones, et deux réseaux anglophones. Le Québec est passé d’un système d’éducation confessionnel à linguistique en 1998. Il lui a suffi d’amender ses lois constitutionnelles, à la suite d’une entente bilatérale avec Ottawa.

«Ce n’est plus vrai que les francophones de l’Ontario sont nécessairement tous catholiques, comme en 1867. Le fait d’avoir deux réseaux crée des divisions entre les Franco-Ontariens de souche et les nouveaux arrivants d’autres religions au lieu de créer une meilleure intégration», affirme au Droit le politologue Alexandre Brassard, directeur de recherche au collège Glendon de l’Université York, à Toronto.

L’Ontario montré du doigt par les Nations unies

Pas une, mais deux. C’est le nombre de fois que l’Ontario s’est fait taper sur les doigts par l’Organisation des Nations unies (ONU) parce que son système d’éducation viole le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Utiliser des derniers publics pour financer un réseau d’écoles confessionnelles va à l’encontre de l’accord ratifié par 160 pays, dont le Canada. «C’est en effet discriminatoire qu’un gouvernement favorise une seule religion au détriment des autres», commente le politologue Alexandre Brassard, du collège Glendon de l’Université York.

Le poids de l’ONU n’a toutefois rien de comparable à celui du lobby catholique à Queen’s Park, selon M. Brassard. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la question des écoles confessionnelles demeure un tabou, dit-il au Droit.

La directrice générale de l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques, Carole Drouin, croit pour sa part que toute fusion administrative entrainerait de lourdes conséquences pour l’éducation de langue française. Elle note que les huit conseils catholiques et les quatre conseils publics francophones sont encore jeunes et «n’ont pas fini de s’établir». Les Franco-Ontariens ont obtenu la pleine gestion de leurs écoles en 1998, après des décennies de lutte.

Félix Hallée-Théoret, du webzine TaGueule.ca, affirme au contraire que les francophones pourraient être «des catalyseurs de changement» dans la province. «Le fruit est assez mûr pour qu’on en parle».


Photo: Archives, Le Droit

Naissance de l’université de Sudbury : une minorité remise à sa petite place

Le 5 septembre 1997. L’Université de Sudbury profitait de la rentrée universitaire pour souligner le 40e anniversaire de sa fondation. CBON diffusait ce matin-là une émission en direct du salon Canisius. J’y ai lu ce billet en ondes et devant public. 


Il y a ceux qui font l’histoire et ceux qui la subissent ; il y a ceux qui l’écrivent et ceux la lisent. Dernièrement, j’ai lu l’histoire des débuts de l’université de Sudbury et j’ai bien vu qui l’a subie. Le bel édifice où nous sommes ce matin m’a l’air maintenant d’un monument à la mémoire de notre impuissance politique de minoritaires. Car entre l’université dont on a rêvé et celle qu’on a eue, il y a quarante ans, il y a de grosses différences.

L’histoire raconte que dans les années cinquante, les jésuites se préparaient à ouvrir à Sudbury une université catholique et française. Celle-ci devait venir agrandir l’œuvre traditionnelle du collège classique du Sacré-Cœur, en place depuis 1913. Or, des comités d’autres églises protestantes et d’autres villes nord-ontariennes, qui étaient loin d’avoir un passé éducationnel aussi solide, ont réclamé l’égalité. Voilà tout ce qu’il fallait pour brouiller l’eau politique et noyer le poisson.

Cependant, les francophones avaient encore dans leur jeu une très bonne carte. En fait, c’était une bonne charte, celle du collège du Sacré-Cœur. Dans cette charte, il y avait une clause qui lui donnait le droit de créer au besoin une université. L’histoire raconte qu’un jour, en 1955, une délégation de Sudbury – le père Alphonse Raymond, Gaston Vincent et d’autres – sont allés à Toronto mettre leur charte sous le nez du ministre de l’Éducation.

Voilà donc l’action qui explique qu’en 1957, et pour trois ans, l’université de Sudbury a existé indépendamment de toute autre institution… et malheureusement, de toute subvention. C’est là que le gouvernement tenait la bonne carte ! Pour emporter la main, il a fait jouer sa fameuse balance politique, qui n’est pas toujours celle de la justice. Dans un plateau, on a mis les cinquante années d’expérience du collège du Sacré-Cœur, l’existence de l’université de Sudbury comme un fait accompli et les centaines de milliers de dollars de dons déjà faits pour une université française. Dans l’autre plateau, on a mis les autres groupes sans pareille préparation, qui ont pourtant pesé tout aussi lourd. Toronto a ainsi eu la partie facile : Non, on ne donnera pas de subvention à une université catholique, car il faudrait alors en donner aux autres. Et avant qu’on puisse revenir lui parler d’une université française laïque, le gouvernement a balancé sous le nez de tout le monde un gros chèque à l’ordre de tous ceux qui voudraient s’unir.

Tout d’un coup, une page de l’histoire a vite tourné. De nouveaux négociateurs jésuites, aux noms Belcourt et Bouvier, se sont fermement convertis. Ils ont soutenu que la plupart des Canadiens-Français voulaient en fait la cohabitation bilingue, que ceux qui avaient tant oeuvré pour une université sous gouverne française avaient mal visé, que l’université de Sudbury devait se fondre docilement dans l’université Laurentienne bilingue.

La suite est bien connue. Les anglophones ont mis la loi du nombre de leur bord. Les programmes français ont piétiné, les programmes anglais se sont multipliés. Dans l’université qu’ils avaient créée, les Canadiens-Français ont été avalés. Voilà donc l’histoire d’une minorité ambitieuse remise à sa petite place. Mais dans cette histoire d’échec politique, un passage détonne : celui où par la force d’un vieux document légal, on a eu, pour un moment, une université française.

Quarante ans plus tard, la gestion de l’éducation française entre français est un droit acquis en Ontario. Nos écoles secondaires sont françaises, nos conseils scolaires sont français. Au postsecondaire, nos collèges comme le Boréal sont français. Seules nos universités restent bilingues, comme des fossiles vivants. Dans ce contexte, l’université de Sudbury pourrait-elle poser de nouveau son grand geste d’hier ? Dans ses tiroirs, nous dit l’histoire, elle a une deuxième charte qui n’a jamais servi. C’est la charte d’un certain collège Lalemant qui n’a jamais existé. Cette charte pourrait-elle servir à accélérer l’histoire ? Pourrait-elle servir à fonder l’université de l’Ontario français ? Et si une charte n’est pas le bon moyen, comme en 1955, l’Université de Sudbury pourrait-elle prendre le leadership autrement ? Voilà de bonnes questions posées au mauvais endroit. Car il y a 40 ans, on a déjà enterré un rêve d’université française, ici même, sous les pierres de l’université de Sudbury. Son fantôme ne semble pas hanter les lieux.

Les historiens disent que l’histoire a tendance à se répéter, surtout quand on l’a oubliée. Aujourd’hui, je vous l’ai rappelée.


Ce texte fut publié dans le recueil de nouvelles De face et de billet, par Normand Renaud, aux éditions Prise de parole, 2002. Reproduit avec permission.

Pourquoi je ne suis pas à La Nuit sur l’étang

Pour ma génération, La Nuit sur l’étang c’est un show rock parmi tant d’autres. C’est un show rock auquel on associe une certaine mythologie, puisqu’on nous dit que ça a déjà été autre chose qu’un simple show.

Ça a déjà été une soirée de party, un rassemblement, une célébration de l’art, de la musique, de la poésie, du théâtre. Me semble que c’était une façon de se faire notre propre Nuit de la poésie. Me semble que c’est censé représenter «la folie collective d’un peuple en party», non?

J’ai souvent ressenti un devoir, ou une obligation personnelle d’aller à La Nuit. Pas nécessairement pour les artistes, qui souvent ne m’intéressaient pas, mais pour avoir l’impression de participer à quelque chose. J’y allais, soit comme bénévole, soit comme consommateur, et j’étais souvent déçu. Pas nécessairement par les artistes, qui malgré leur anonymat relatif et/ou leur manque de compréhension du contexte donnaient des bonnes performances, mais par le manque de party, le manque de dynamisme, la banalité de la chose.

J’y allais, principalement (malheureusement) pour démontrer que les jeunes participaient encore à la culture franco-ontarienne.

Il y a quelques années que je ne suis pas allé à La Nuit sur l’étang. Ce n’est pas entièrement de ma faute, je n’habitais plus à Sudbury. Bien sûr, j’aurais pu faire la route et revenir voir ma famille pour une fin de semaine, mais tant qu’à faire 8 heures de route, je pouvais voir d’aussi bons, sinon de meilleurs shows à Montréal. D’après ce que m’ont raconté mes amis sudburois lors de mon exil, je n’ai pas manqué grand-chose. J’ai manqué quelques shows rock.

Revenu maintenant dans mon cratère, dans mon étang, dans mon talus de bleuets, je ne ressens plus ce besoin d’aller à La Nuit sur l’étang. Je ne ressens plus ce besoin de prouver que les jeunes s’impliquent; on l’a prouvé avec taGueule, on l’a prouvé avec des shows de Malajube, de Dumas, des Vulgaires Machins, on continue de le prouver et en ce sens, je ne suis plus aussi inquiet que je l’ai déjà été sur la place des jeunes dans la communauté. Mais à travers tout ça, notre folie collective ne passe plus que par La Nuit sur l’étang.

En cette 39ième Nuit sur l’étang, j’ai autre chose à faire. J’ai déjà vu en spectacle la plupart des artistes invités, et je n’ai pas envie de voir un show rock parmi tant d’autres.

Dérape de la Francophonie

En cette Journée de la Francophonie, je partage avec vous un vidéo qui est dans la même veine que C’est un amour, sauf que celui-ci vient de l’Ontario et les saxs kitch des années ’80 ont été remplacés par des «Yo! Yo! On est francos!», des «Francoquoi?» et des «C’est cooool».

On peut-tu s’il vous plaît arrêter de pervertir la Francophonie avec des quétaineries aussi insipides? On a d’l’air désespéré!

Oui, le contenu est pertinent, mais si le médium est le message, on est notre propre source d’assimilation.

Ça me rappelle un peu (mais un peu!) ceci.

Sorry, I Don’t Speak French: Anti-bilingualism Protest in Cornwall Demands “Equality For All”

Welcome to the first installment of Sorry I don’t speak French, taGueule’s way of opening dialogue between what are too often known as “two solitudes”  here in Canada. We will occasionally publish articles in English (or translate some of our hottest French articles) in order to seek out opinions from the anglophone community.


“Equality For All” ?

As you may have heard, bilingualism has been the target of the media in the last few months. Whether it was the Fraser institute’s report saying that bilingualism costs 2.4 billion dollars annually to maintain in Canada, the appointment of a unilingual justice to the Supreme Court, the appointment of a unilingual auditor general by Stephen Harper’s Conservatives, the Official Languages Act is taking a beating in comments sections in Sun Media sources across the country. More recently in Cornwall, protesters have taken action against what they claim are “unfair hiring policies” at Cornwall Community Hospital.

According to protestors, the hospital’s administration is only hiring bilingual nurses and letting go staff who are not because of its designation under the Ontario French-Language Services Act (also known as La loi sur les services en français or Loi 8). South Stormont’s city council (who relies on the Cornwall hospital) also decided to withold its annual $30 000 donation to the hospital for the same reason.

So What’s The Problem Here?

The protestors and the city of Stormont are missing the point. In a city like Cornwall, where 30% of the population is francophone, isn’t the additional skill of speaking French a desireable quality for a candidate applying to a nursing position? Consider the following. A middle-aged woman is rushed to the hospital yelling: “J’ai mal au cœur, j’ai mal au coeur!” A non-fully-bilingual nurse could misinterpret the woman saying “j’ai mal au cœur” as saying she has chest pain. While this is indeed a literal translation, French-speakers know that having “mal au cœur” actually means having abdominal pains. As it turns out, the woman’s appendix bursts and she requires immediate surgery. Do we really want a disproportionate number of unilingual nurses working at this hospital? Don’t agree? Why not listen to this CBC radio interview with the Mayor of South Stormont and the chair of the Cornwall Community Hospital and decide for yourself?

What’s the deal with the hypocrisy of the protestors? Slogans like “Equality for All” or “Fairness in Full-Time Positions. Education + Experience before Language” can be read on their signs. Surely, learning French isn’t added education or anything like that. If a unilingual francophone applied for the same position, he or she obviously wouldn’t be hired in a hospital where about 70% of the patients only speak English, that would be absurd! Where does the bigot at 1:30 in this video get off with his claims that a unilingual Canada would save billions of dollars? When did the francophones from Cornwall say they wanted a separate country? Isn’t the fact that the FLSA exists a testament to the fact that francophones are proud Canadians and wish to remain so? Isn’t the fact that they want to be served in their language in their homeland demonstrating their love for their country? Buddy, we live here too!

What’s up English Canada? I know people like this are the minority, but where did they come from? I’m not blaming you, but I’m curious. More importantly, what Canada did they grow up in? It sure as hell isn’t the same one I did.

[hr]

March 8th 2012, 11:32 pm edit: For anyone wondering whether or not the bilingualism policy means that all jobs be bilingual at the hospital, here is an official statement from the hospital stating otherwise.

Photo: Des manifestants dénoncent la nouvelle politique d’embauche de l’Hôpital de Cornwall, Radio-Canada

Cornwall: le docteur est malade

Début février, le bon Dr Dany Tombler s’offusque de la publication d’une publicité qui vise à recruter des infirmières à l’Hôpital communautaire de Cornwall. La raison? La politique d’embauche d’infirmières bilingues dont l’hôpital s’est doté pour respecter ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français de l’Ontario.

Le bon Dr Tombler invite les bons Cornwalliens (Cornwailleux? Cornwallois?) à cesser de contribuer à la campagne de financement du méchant hôpital.

Apparemment, pour le Dr Tombler, les besoins des patients francophones de la région sont secondaires. Que voulez-vous? C’est en anglais qu’il a fait son serment d’Hippocrate.

Le canton voisin, South Stormont (SS), s’empresse de suspendre son financement annuel de 30 000 $, qui doit être versé jusqu’en 2015 pour contribuer au projet d’immobilisation de l’établissement. La mairesse suppléante Tammy Hart déclare même qu’« en ces temps d’austérité, l’abolition du ministère ontarien des Affaires francophones » devrait être envisagée.

Bon. Je n’habite pas à SS. Je n’y habiterai d’ailleurs jamais. Mais cette guéguerre doit préoccuper tous les Franco-Ontariens. On parle de sacrifier le ministère des Affaires de la minorité sur l’autel de l’économie. La communauté franco-ontarienne n’en a rien à gagner, à part peut-être la disparition de Madeleine Meilleur.

La main invisible de l’opinion publique

On parle souvent de la main invisible de l’économie, un concept à la limite du ridicule selon lequel le marché est régulé par une sorte de main fantôme. Et de nombreux économistes, pourtant peu versés dans la parapsychologie, y croient dur comme fer.

Alors permettez-moi d’inventer la main invisible de l’opinion publique franco-ontarienne. Cette main pointe actuellement vers l’hôtel de ville de SS et son majeur est bien haut dressé.

Contre-attaque

Peut-on raisonner les élus de South Stormont en utilisant des arguments constitutionnels? Peut-être, mais il apparaît plus sage d’utiliser la même arme économique qu’ils invoquent.

Voilà ma proposition: le premier blocus économique franco-ontarien.

Ainsi, je m’engage solennellement à ne plus arrêter faire le plein, manger ou dépenser le moindre sou à SS tant que le financement municipal pour l’hôpital ne sera pas rétabli, tout en préservant la politique d’embauche bilingue de l’hôpital. J’invite les Franco-Ontariens, les Québécois, les francophiles, les anglophones tolérants et tous les autres mammifères sensés à faire la même chose.

Si les élus de SS se montrent imperméables aux arguments historiques et constitutionnels, ils ne le seront pas face à des gens d’affaires aux abois.

Une fois le financement annuel de 30 000 $ rétabli, nous retournerons manger dans les fast-food de SS, qui provoqueront des indigestions. Nous nous dirigerons ensuite fièrement vers l’hôpital communautaire de Cornwall, fraîchement rénové, où nos maux de ventre seront soignés dans la langue de notre choix.

Freedom Frogs

Freedom Frogs

Ça fait presque dix ans depuis que j’ai rédigé Freedom Frogs. Il paraît ici dans sa version intégrale, avec néologismes maladroits qui côtoient des anglicismes que j’ignorais. Je ne l’ai jamais vraiment modifié. À l’époque, j’étais en plein milieu de ma formation universitaire dans le presque défunt programme en Arts d’expression de l’Université Laurentienne.

Comme mon école secondaire, le Collège Notre Dame, ne s’impliquait pas du tout aux activités de la FESFO, ma conception de l’identité franco-ontarienne fut plutôt formée par les assemblées générales annuelles dans les gymnases d’école où nous chantions le Notre Place de Paul Demers à l’aide de paroles projetées sur transparents. Et, jusqu’à ce qu’on me parle de la génération CANO dans le contexte de mes cours de théâtre à l’UL, c’est tout ce que je savais des franco-ontariens. On parlait en français, on habitait l’Ontario, et on avait un drapeau.

Et je trouvais ça tellement poche. Voici donc ce à quoi ressemblait la franco-ontarienneté du point de vue d’un jeune homme qui commençait tout juste à la connaître.

GRENOUILLE!

…amphibien
symbolicon du franco-ontarien

à la fois capable de survivre
dans l’eau
sur terre

« une pluie de grenouilles »

à la fois capable de survivre
en français
en anglais

mais il a besoin
des deux

***

Il est symbole de l’évolution
de personnalités multiples

capable de faire des sauts
Immenses

produit de la terre
et de la mer
de notre mère
la terre

***

Il n’accepte pas de se faire
encadrer

Il est nomade par nature
et chante
chante
chante
chante

comme une grenouille
sautillante et bandée
je chante l’Univers

***

Je n’accepte
pas la dualité
que mes parents
m’ont inculqués

Good and Evil
French and English

***

parler en
français
c’est comme
revisiter la
tyrannie de
l’Église oppressive

… parle en français
… dit tes prières

***

rouge vert
stop and go
frog in a blender

***

comme Kermit
It’s not easy being green
en amour avec
la grosse cochonne
superstar

en amour avec
la grosse cochonne
capitaliste

***

il l’hait tellement
leur union nous
semble innaturelle

***

Miss Piggy
you fucking capitalist piglet
I hate your fucking
posing
preening

tu me fais crier
!!!

je change le poste
quand je te vois
et je manque le drumbeat
solo
tribal
animal

d’Animal!
Animal!
Animal!

***

Its not easy being green…
HULK SMASH PUNY HUMANS

***

Freedom Frogs

patates frites
freedom fries
patates frites
freedom fries
patates frites

Freedom Fries
(this is your brain
on America)

***

patates
de la fiction
frites de la
friction
de la passivité
du Couch Potato

monsieur patate
peut changer son visage
monsieur patate
peut changer son lang(u)age

***

monsieur patate
et les
potato kids
se prostituent
sont devenus
des prostitués

le sac à patates
déchiré
troué
ne sert plus
aux courses
de mon enfance
staccato

***

Freedom Frogs Sold Here

on m’a
vendu
ma liberté
on m’a
libéré
du Potatohead
américain
anglo-saxon

on m’a tranché
la gueule
me coupant
la langue

je me souviens

***

je suis l’enfant
de Kermit le franco-frog
et de Miss Piggy
la cochonne
capitaliste
hollywoodienne

elle l’aimait
il était Vert
comme l’argent

***

(les Muppets
sont un produit
des années 80
l’argent était
verte
nous vendait
une nature
l’Interac
n’était qu’un
concept
spermatoco-informationnel)

***

trop de grenouilles
bondissent
comme des moutons
saute-mouton
par dessus le
précipice
d’un Principe

allez vous-en
je vous salut

***

parle en français
parle en français
parle en français

tu crains
et tu te plains
ta crainte
deviens une plainte
deviens terreur
deviens terrorisme

shut the fuck up
fuck off and

evolve

***************************************

j’avale les moustiques
qui survolent vos têtes de cochon

***

ok sure
pas de problème
si les french fries
deviennent freedom fries

no problem

nous les french frogs
devenons the freedom frogs

nous les amphibiens
qui respirent la vie
entre deux mondes

les grenouilles de la liberté

***

la grenouille est au freedom frog
ce que le tétard est
à la grenouille

***

petit tétard
qui ose
pousser des jambes
pour sauter
pour grimper

pour quitter
la soupe primordiale

***

il a le front
il a le courage
il ose d’être amphibien
de devenir un mutant
d’explorer deux univers
en même temps

***

are you a french frog
or a freedom frog

es-tu tétard
es-tu grenouille

***

j’avale les moustiques
qui survolent vos têtes de cochon

***

comme une peste sur l’Égypte
les grenouilles sont guerrières

green grenades go
pull the pin on freedom frogs

***

grenouille crucifiée
freedom frog assassiné

offrande au multivers
multilingue et polyglotte

offrande aux dieux
extra-terrestres et amphibiens
qui voyagent l’étang
de notre inconscient
collectif

sur des objets flottants
des nénuphars
non identifiés

je suis un freedom frog
anthropomorphique
à la recherche d’un rêve
d’un songe
d’une vision
qui m’échappe
comme un maringouin
comme un moustique
mystique

***

grenouille de la liberté
hibernenvoloppée
dans la belle bouette
de la marée
morte

au fond du marais
monosyllabique
de ma langue maternelle

***

le franco geek se cache-cache
des crapauds
qui font de moi la caricature
d’une grenouille
peureuse

se précipitant
comme une précipitation amphibienne
mes frog legs
se feront frire
saveur d’un souvenir
qui ne vient que de temps en temps
freedom frog style

***

on se libère des mains
de notre capteur
suivant la lueur d’un feu de camp
les braises nous embrassent
font siffler le sang
les rêves s’évaporent

***

un cauchemar crapaud
s’évaporêve

un crapaud qui creuse
le cauchemarais de l’hivernationalité
se requestionne l’hiver

la saison des songes

***

au lieu d’enfiler tuque mitaines
raquettes bas de laine
j’oublie mes mots
vice et versa versant
des larmes

faisant le deuil de la dichotomie
freedom franglaise

***

pourquoi parler parce que
ta langue est sclérosée
comme des plaques d’immatriculation
mes mots se répètent comme
des répliques

je me souviens
yours to discover
je me souviens
yours to discover

yours to remember
je me découvre
je ne découvre

rien que mots moumounes
rien que maux de tête
rien que le vide
d’un marais maternel
stagnant

***

hisse et hausse ton drapeau
une fois par année
la nuit sur l’étang
comme la messe de Noël

les enfants ont hâte de partir

***

j’avale les moustiques
qui survolent vos têtes de cochon

***

j’ai l’âme amphibienne
ici dans le nord
une nuit sell out sur l’étang
n’assouvit plus
la soif du premier marais

je chante pour les touristes
qui visitent le musée de
notre culture de
notre culte

sur l’étang de l’espace-temps
les moments nénuphars
sont nombreux

nous permettent
de visionner notre parcours
comme un jeu
de connect the dots

ils nous demandent de saluer
le drapeau franco-ontarien
comme on se prosternerait
devant un crucifix

***

j’avale les moustiques
qui survolent vos têtes
de cochon

***

le croassement de la création
fait résonner les barreaux
de notre prison invisible

culture de musée

invisible mais écrasante
invisiblement omniprésente

freedom frogs on display
tonight

do not feed the animals

ne donnez pas à manger
à boire de l’espoir
ne donne pas à croire
aux enfants bâtards

aux amphibiens potentiels

don’t put me in a cage
don’t keep me from the water
bye bye l’étang
l’océan m’attend

je ne serai ni traître
ni ton ambassadeur

bye bye l’étang
l’océan m’attend


Image : GO FU par Michael Dumontier et Neil Farber

Ceci est un cri d’alarme.

Ce qui était supposé être une discussion sur l’implication de la jeunesse franco-ontarienne a vite viré en cri d’alarme de la génération d’aujourd’hui lors d’une table ronde à l’émission Boréal Express à CBON Radio-Canada le 26 janvier dernier.

De l’institutionnalisation de la culture au point de la rendre stérile, à la campagne « Start en français » du CSCNO qui encourage une dangereuse tendance vers la transformation de nos écoles françaises en écoles d’immersions, en passant par le tabou de la fusion des conseils scolaires pour éviter notre suicide collectif, Michel Laforge, Serge Dupuis et Christian Pelletier n’ont pas mâchés leurs mots!

[button text=’ Écoutez la table ronde ‘ url=’ http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2012/CBON/BorealExpress201201261612.asx ‘ color=’ #000000 ‘]

En terminant, voici une citation d’Antoine Paplauskas Ramunas dans Le Droit en 1971 qui résume bien la crise d’aujourd’hui.

« La jeunesse va toujours ressentir et rejeter un style de la vie et un système instructionnel qui, à ses yeux, semblent être trop mécanisés, dépersonnalisés, déshumanisés, unidimensionnels. Un jour, la situation de l’enseignement mécanisé et surmécanisé peut devenir explosive et même tout à fait incontrôlable, si la nécessité, l’importance, le rôle professionnel, le talent et la préparation appropriée de l’éducateur seraient oubliés ou négligés. »

— Antoine Paplauskas Ramunas, L’éducateur en 1970-2000, Le Droit, le 8 mars 1971


Image : Étudiants de Londres pendant une simulation d’attaque aérienne, 20 juillet 1940