Deshonoris causa

Monsieur le recteur Robert Haché,

Nous sommes au printemps 2002. L’Université Laurentienne m’annonce vouloir me conférer un doctorat honoris causa.

Je me rends à Sudbury avec ma fille. Marielle a onze ans. C’est une aventure. Sa première fois dans le Nord.

Je me souviens d’un ciel bleu ensoleillé. Je me souviens d’un auditorium rempli des jeunes visages des frais diplômés qui rayonnent, des visages moins jeunes mais tout aussi rayonnants des fiers parents et grands-parents.

Je me souviens de Denise Truax et de Denis St-Jules et de plusieurs autres ami.e.s qui me félicitent. Et se peut-il que Gaétan Gervais (un des papas du drapeau vert et blanc) ait été là lui tou?

Je me souviens surtout et, ô si bien, du beau grand sourire de feu Robert Dickson. Marielle et moi, nous avons partagé avec lui un repas ce soir-là sur la rue Patterson dans la salle à manger qui se retrouve au-dessus de la roche enceinte de poésie au sous-sol. Et Marielle nous regarde drôlement quand Robert et moi nous tentons de lui expliquer l’image de Patrice Desbiens.

Ce jour-là, je suis fier et je rayonne parce que ça fait toujours chaud au cœur d’être reconnu par ses pairs, sa communauté, son monde. Ok. Oui surtout devant sa fille de onze ans.

Et je m’en souviendrai encore longtemps.

Mais cette Université Laurentienne là n’est plus. POUF! Disparue.

Et la Laurentian University wouldn’t know me from a hole in the wall.

La Laurentienne avait ses lacunes mais les Robert Dickson et les Gaétan Gervais (et combien d’autres collègues) y enseignaient. Et c’est au cours de leurs carrières à la Laurentienne qu’ils / elles ont écrit et créé et pensé et milité et ils / elles ont changé notre monde.

Depuis ce lundi, ils n’ont plus leur place sur le campus, leurs programmes et départements ont été éliminés, même leurs héritiers ont été renvoyés de façon sommaire.

Par vous.

Pis ça c’est triste. Et fâchant. Surtout triste. Mais fâchant en crisse aussi.

Monsieur Haché, je vous écris aujourd’hui parce que si je chéris le souvenir de mon passage à Sudbury au printemps 2002 et ce ‘honoris causa’ de la Laurentienne d’antan, vos actions récentes me heurtent profondément. Leurs violences m’horripilent. Et je redoute leurs conséquences.

Et vous osiez citer CANO et Dickson en vous vantant d’être ‘un flambeau de la francophonie ontarienne’ alors que vous vous prépariez à vous placer sous la loi sur les arrangements avec les créanciers????

Monsieur Haché, vous et vos semblables prédécesseurs auront à répondre de vos gestes.

‘Notre communauté’ vous regarde et vous juge.

Pour ma part, après avoir écouté certains parmi ceux et celles qui ont été licenciés me raconter leur journée du lundi, je me vois mal conserver un lien avec une institution qui renie les bons coups de son passé, qui tourne le dos sur le rôle qu’elle aurait pu jouer dans l’avenir, et qui agit aussi mal avec mes ami.e.s.

En guise de solidarité avec tous les profs et étudiants qui ont tellement perdu ce lundi, je renonce donc (avec regret) aux titres et privilèges attachés au doctorat honoris causa qui m’a été décerné en 2002.

La résistance ne fait que commencer.

En appelant à la levée du bâillon (légal mais illégitime) imposé par le juge responsable de la restructuration de la Laurentian University et à la tenue d’une enquête fouillée pour déterminer les véritables causes du fiasco financier qui a provoqué cette crise.

Jean Marc Dalpé


Photo: La Presse

Cher Robert

Le programme de théâtre de l’Université Laurentienne était malgré les 69 programmes qui sont passée sous la hache lundi dernier.

Miriam Cusson, enseignante au programme, a écrit le texte suivant et l’a présentée sur les ondes de Radio-Canada aujourd’hui.

Voici son cri du cœur brute et en intégrale.

Cher Robert

Ça fait longtemps depuis que je t’ai écrit
Tant de choses à dire
Tant de choses à faire
À refaire
Si tu voyais le monde aujourd’hui
Le grand trou noir aujourd’hui
Tu tomberais sur le cul

Je veux te laisser reposer en paix
J’ai essayé de passer à autre chose
Mais aujourd’hui
Je reviens au début
Au commencement

Je revis les derniers vingt ans
Gaudreau
Madeleine
Hélène
Gervais
Allaire
Cameron
John
Alain
Tout me revient
Comme un coup d’éclair
Comme un coup de pied au ventre
Je revois les funérailles
Les manifestations 
Les standing ovations
Je revis
Les deuils
Et la liste d’aujourd’hui
Trop longue pour que je tienne le coup

Je revis
Les victoires aussi
Le temps où on s’organisait
Sur un bout de table au Poet’s Pantry
on rêvait à l’avenir
on criait devant le Sénat

Nos numéros d’étudiant
On disait qu’on allait prendre notre place
Toute notre place
Sans demander la permission

Je digère
Les pertes
Trop nombreuses

Pour un instant
Je sens
que nous allons perdre le Nord

Soudainement
Je suis au sous-sol de la rue Patterson
La maison jaune soleil avec la porte bleue
Au-dessus de la Grosse roche noire enceinte de Sainte Poésie
Qui a aujourd’hui la bouche bée
Devant la faucheuse
Qui l’a fait explosée

Je pense à quand on a fait
l’inventaire de tes livres
À ton cours où j’ai compris
Que je venais du Nord esti’

Je manque d’éloquence
Je pense seulement aux références
Aux chansons
Que tu nous as joué au 7e
Dubeau qui chante
Nous sommes arrivés bâtir pays
Mais qu’est-ce qu’il nous en reste aujourd’hui
Bref
Ici
dans le Nord
Ici au Nord de notre vie
Je pense à
Aymar
et Paiement
et Paquette
À Moi mes amis

Aujourd’hui je sais que mon pays
Compte
Jules Joël Sylvie Isabelle
Nico Stéphane
Christian Lise
Véronique
Yves Michel France
Et tant d’autres

Je pense
Aux cigarettes secrètes
Qu’on a pas fumé dans ton bureau
ou dans l’auditorium Alphonse Raymond
ou au 228
Je pense
Aux chin chin cérémonieux de mousseux
Qu’on a pas pris
Dans la shoppe
Après chaque show

Je pense au moment où j’ai rencontré Daniel Aubin
Sur ce grand escalier de béton où on a proclamé qu’on ne croyait pas en Dieu
Je pense à Rocky au bord du lac
Et aux 20 ans qui suivront

Je suis
hors de moi-même
on a fauché mon champ
on a brûlé ma maison
Je suis sans abris
Dans ce cratère noir
Qui noircit
De minute en minute

Il fait frette Robert
C’est un drôle d’hiver
Même si c’est en principe
C’est le printemps
La saison du renouveau
Watch. Out.
Just. You. Wait.

Y’a des petites pousses partout
Et comme tu les trouverais belles
Ces Chloé ces Alex
Ces Darquise et Raphaël
Ces Patrick, Jessica et Émilie
Ces Éric Joël Isaac Micheal
Ces Simon et ces Gabrielle
Et ces Lauryn Andrea
Maxime Mauricio
Et Maël
Si tu les voyais aller
Tu
Comme moi aurais
Du mal à comprendre
Parce qu’esti
Eux aussi
Y viennent du Nord esti

Tu aurais adoré Marie-Pierre
Antoine
Dillon

La liste des aberrations est longue Robert
Je sens pour l’instant
pour un moment
nous ne pouvons pas perdre le Nord
C’est impensable

Tu rirais
À gorge déployée
Tu nous
Convoquerais
Tu nous
Offrirai un verre de blanc
Ou de scotch
Et du saumon fumé

Dans ta cour arrière
On braillerait toutte comme des Madeleines
On crierait à l’injustice
En entendant les bombes
En attendait les bombes

Et après quelques bons coups
On se retrousserait les manches
As usual
Et on se laverait les mains
On se mettrait un masque
On s’embrasserait
Longtemps
Fort
Ça vaudrait le risque

Si tu voyais le monde aujourd’hui
Je cherche le chemin
Mais pour l’instant je suis déboussolée
(Je cherche mes vieux gants de boxes
Emboîtés depuis des années
Esti
Esti rien n’est gagné)

Nous têtus souterrains solidaires
Nous de bois et de terre
Nous le cœur à l’envers
Abandonnés dans les fonds d’un shaft de mine
On gueule
On crie
En français
Mais on nous dit
Ta gueule
I’m sorry we don’t speak French ICI

Et on cogne sur les parois de roc
Pendant que la mort
Rôde
Elle est toujours là
En coulisses
En attendant son cue

La cage ne remonte pas
Y faudra s’agripper au roc
Et se rehausser vers la lumière
Encore une fois
On s’est fait shafté Robert

Je suis collée à mon écran
Sidebar
On vient de hisser le drapeau franco-ontarien
À l’ASSEMBLÉ LÉGISLATIVE DE L’ONTARIO
Too little too late

Le lendemain du carnage
Les nuages gris planent toujours
Recouvrent le grand ciel bleu par ici
Il faut faire attention où on met les pieds
Pour éviter les flaques de sang
Là où la hache a tombé

Attaque brutale
Contre les sages-femmes
Les Premiers Peuples
Les Franco-Ontariennes et Ontariens
Les étudiantes et étudiants immigrants de pays francophones

On a essayé de nous trancher la gueule
De nous couper la langue
Ils oublient qu’on s’en souvient
This will be yours to discover

Ils nous ont sous-estimés Robert
Don’t they fucking know who we are
Nous sommes les enfants de ceux et celles qui ont
bûchés, haulés, piochés
Dans les champs de souffre
De souffrance
Dans les catacombes souterraines
Don’t you know who we are
We are the daughters and sons of Strikeville
Les enfants de Grèveville

J’ai en stock
De la broche
Assez pour attacher des milliers tuques
Pour traverser le cratère en funambule
To the moon and back

Vous nous avez
Encore une fois
Sous-estimé
L’histoire se répète
Et pète
Plus haut que le trou
Ouais
Vous nous avez
Sous-estimés
Again

Vous avez brûlés nos ponts
Et notre appartenance
Violés notre pays
Brûlés nos récoltes

Mais attention
Cette fois-ci
Nous avons collectionné des graines pour la prochaine semence
Just. You. Wait.

Mes chers
Mes confrères
Ma troupe
Mes complices

Serge Aurélie Joël et Compagnie
Denise Marie-Pierre Stéphane et Denis
Les petites pousses
Les récoltes mûres
Et tous ceux et celles qui ne sont pas sûres

J’ai de la broche en stock
Et des tuques par milliers
Il faut danser sur les tombes de ceux qui nous ont fauché

Dance like your life depended on it
Because it does

Sortez vos raquettes pour danser
Raquetique tow
Raquetique tow tow

Miriam Cusson

Écouter Miriam Cusson sur les ondes de Radio-Canada

cratérissage

______ le cratère s’intensifie – c’est vrai qu’on sait faire la fête et nos fiertés parmi les fissures plus ou moins tranquilles depuis un petit bout d’histoire, mais quand elles s’élargissent – comme ça – à force de niaiseries catastrophiques – on a beau enfiler nos raquettes pour multiplier l’étendue de nos steppettes – le gouffre s’impose et le cratérissage résultant sait bien écorcher même le plus fort des boucliers

______ quoi si nos bras se lassent – quoi si nos voix ne se croisent plus entre deux mises en abîme des questions plus grandes que nature – qui nous sommes et que faire de nos petites miettes de planète – comment les nommer ces miettes avant qu’elles ne soient aspirées par cette absence de lumière dont l’appétit ne sait distinguer le fruit de ses racines – la nuit de ses étoiles – l’étang de ses quenouilles

______ comment semer à nouveau les roseaux et les nénuphars en marge d’un décor dont on se sauve encore – on s’entend-tu qu’on laisse faire la grogne et les chuchotements en coulisses – grand déploiement par ici – que le ciel soit grand bleu, maigrichon ou crisse de gros trou noir ‘stie – grand déploiement par et pour ici maintenant au plus sacrant merci bonsoir câlisse – sacrament – c’est pas aujourd’hui qu’on se gênera de sortir nos gros mots parce que c’est vrai que tout – que tout – que tout est fucké

un poète

Le suicide de l’Ontario français

La Franco-Ontarie est mourante. S’il y a une place où nous pouvons attester cela sans crainte, c’est bel et bien ici. Mais la mort du peuple franco-ontarien ne sera ni la faute du monolithe anglophone ni des orangistes, ni même de (soupir) l’assimilation. Non, la mort de l’Ontario français aura pour cause que celle-ci s’est tranquillement et progressivement asphyxiée. Et donc, comme pour tout bon suicide, une note de la victime s »impose. Je propose la suivante.


Aux gens des Pays-d’en-Haut, de l’Ontario français:

Excusez-moi!

Excusez-moi de ne pouvoir résister à l’apathie générale qui entoure mon existence!

Excusez-moi de ne plus pouvoir me battre contre cette apathie!

Combattants de l »avenir, excusez-moi! Vous direz sans doute que mon apathie envers votre cause est inacceptable.

Tous les Lajoies, Desloges, des Ormeaux, Brûlés…, excusez-moi! Mon abandon trahit vos efforts.

Quand j »affirme que les deux seules variantes de la langue française que j’accepte comme «normales» sont celles de l’Est et du Nord ontarien, excusez-moi!

Je demande au peuple des «régions» de m »excuser, celui qui, en souffrant, m’a vu prêter toute mon attention aux communautés fortes, telles que Sudbury et Ottawa!

Excusez-moi d’avoir divisé un groupe déjà minoritaire en deux systèmes: l »un catholique, l »autre public!

Excusez-moi d’avoir été trop conservateur en ce qui concerne la online casino religion!

Les francophones qui ne sont pas «pur laine», ceux et celles que j’ai tant aliénés et marginalisés, excusez-moi!

Excusez ma xénophobie!

Excusez-moi d’avoir créé une société tellement exclusive que des jeunes portant des noms comme Giroux, Leblanc, Veilleux et Desrochers se sentent rejetés par celle-ci!

Jeunes francophiles et étudiant/e/s en immersion, excusez-moi! Je vous ai ignorés car je vous voyais comme francophones de deuxième classe.

Excusez-moi d’avoir corrompu notre jeunesse avec ces pensées!

Enfants de familles exogames, excusez-moi! Je n’ai pas su vous encadrer afin que vous puissiez vivre en français, maintenant et plus tard.

Excusez-moi pour un système d’éducation qui ne fait rien pour retenir une jeunesse déjà susceptible d »adopter la culture de la majorité!

Excusez-moi chers francophones assimilés et acculturés, vous que j’ai osé utiliser comme boogeyman pour nos jeunes! Vous n’êtes pas un boogeyman, vous êtes ma raison d’exister.

Excusez-moi d’avoir transmis l »idée que l’assimilation est un choix!

Excusez-moi d’avoir participé à cette assimilation en oubliant de m’occuper de ceux qui se font assimiler!

Excusez-moi d’avoir gardé le silence en voyant tout cela se dérouler sous mes yeux!

Excusez-moi! Mea-culpa!

L’Ontario français

La Saint-Jean, vous souvenez-vous?

Le 24 juin se déroulera la 179e édition des festivités de la Saint-Jean à Montréal ou, devrait-on maintenant dire, de la Fête nationale du Québec à Montréal.

Il faut se rappeler que la Saint-Jean est la fête nationale seulement depuis que le gouvernement souverainiste du Parti québécois l’a déclarée ainsi en 1977. Il faut se rappeler, aussi, que c’est en 1834 que la fête de la Saint-Jean a pris son envol. À l’époque, les Canadiens français voulaient se doter d’une fête afin de faire comme leurs confrères irlandais, qui venaient d’inaugurer le défilé de la Saint-Patrick. Les Canadiens français de partout au Canada ont célébré cette fête pendant 143 années avant que le Québec ne la prenne en otage et oublie ses réelles racines.

Fait cocasse, c’est le 24 juin 1834 qu’est chanté pour la première fois l’Ô Canada! mon pays, mes amours, lors de la fondation officielle de la Société Saint-Jean-Baptiste, évènement qui rassemblait francophones et anglophones.

En 2013, le grand party, animé par Guy A Lepage, aura pour thème «Le Québec en nous, d’hier à demain» …  «D’hier»…parlons-nous ici de 1834 ou 1977? Les Québécois ont-ils vraiment oublié leurs véritables racines?

Grâce à l’ONF, retournons en 1959 afin de témoigner d’un «hier» non enseigné dans l’histoire récente de cette fête presque bicentenaire.

oehttp://www.onf.ca/film/jour_de_juin

Bonne Saint-Jean à tous les Canadiens français et bonne Fête nationale aux Québécois!

Appel à la mobilisation!

Le temps est venu pour que la communauté franco-ontarienne se mobilise à nouveau pour revendiquer son droit à une université de langue française en Ontario. Quand je parle de mobilisation, je ne parle pas juste d’une mobilisation étudiante, mais d’un véritable mouvement communautaire franco-ontarien. Une université autonome, créée et gérée par et pour les francophones, c’est une question de société essentielle à notre avenir collectif. Nous avons les nombres. Nous avons les compétences. Il ne manque qu’un signal clair et concerté des Franco-Ontariens que nous la voulons vraiment cette université.

Après avoir fait mon bac au sein d’une université bilingue, après avoir voyagé dans plusieurs villes de la province et avoir rencontré des étudiants d’un peu partout, après avoir animé de multiples consultations et événements en tant que coprésidente du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), pour moi le constat est clair : les institutions bilingues ne répondent pas aux besoins et aux aspirations de plusieurs étudiants francophones de cette province.

Fois après fois, j’ai entendu des témoignages du type :

«Ce n’est pas possible de terminer mon programme en français» ;
«Mon cours en français a été annulé» ;
«On m’a vendu un programme en français, mais j’ai reçu un programme bilingue» ;
«Mon programme n’est pas offert en français» ;
«La vie culturelle en français sur mon campus est limitée» ;
«La minorisation des francophones dans les instances décisionnelles de mon campus est visible» ;
«Je ne me sens pas 100 % à l’aise sur mon campus».

Nous méritons et avons droit à mieux que ça !

Si je me suis impliquée au sein du RÉFO, c’est parce que ces limites à nos choix, cette obligation de tolérer des programmes et services réduits alors que notre communauté fait face aux ravages de l’assimilation et de l’acculturation, ça ne me tente plus de l’accepter. Je crois que la question de la mise sur pied d’une université de langue française, gérée par et pour les francophones, doit devenir notre projet d’avenir, notre prochaine «Guerre des épingles», notre prochaine lutte pour les collèges, notre prochain Montfort. L’avenir de notre communauté en dépend. Le temps n’est plus à se demander si nous avons besoin de notre propre université, mais bien comment y arriver !

(Si les justifications derrière le besoin d’une université de langue française vous intéressent, je vous invite à visiter le site web du RÉFO.)

Maintenant, comment y arriver ? Comment rallier la communauté ? Comment demander au gouvernement de renverser l’injustice historique qui nous prive d’avoir accès à une université autonome comme l’ont les Acadiens, les Franco-Manitobains, les Anglo-Québecois ? On y a pensé longtemps (et on continue à y réfléchir).

Pour stimuler cette réflexion et mobiliser la communauté envers ce projet, le RÉFO lancera d’ici quelques semaines les États généraux sur le postsecondaire en Ontario français, c’est à dire un large processus de réflexion communautaire, qui se poursuivra jusqu’à l’hiver prochain. Ces États généraux rassembleront tou.te.s les actrices et les acteurs intéressé.e.s par la question : jeunes et aîné.e.s, étudiants et professeurs, parents et enseignants. Nous pourrons ensemble déterminer les besoins que nous devons adresser ensemble pour la prochaine décennie et des étapes à franchir pour faire de l’Université franco-ontarienne une réalité.

Et les institutions bilingues dans tout ça ? Je les invite à embarquer dans le projet, il faut joindre nos forces. Depuis des décennies, nous avons essayé le modèle bilingue et il est irréfutable qu’il comporte des failles. Mais cela n’est pas une raison de tout jeter à la poubelle. Nous avons plusieurs professeurs de qualité, des facultés francophones, des instituts et des chaires de recherche, des associations étudiantes… Sans compter tous les membres de l’administration que j’ai eu la chance de rencontrer et qui ont le cœur à la bonne place. Il y a une expérience et une expertise importante dans ces institutions : à nous de les utiliser intelligemment.

Chers lecteur et lectrices, l’Université de l’Ontario français est un projet essentiel pour notre avenir collectif. Je vous invite toutes et tous à participer activement à la discussion. À sortir de vos zones de confort et à revendiquer vos droits ! Pour les sceptiques et les cyniques, on veut aussi vous entendre. Rien n’a jamais été gagné en gardant le silence. C’est important de ne pas perdre le momentum. Assurons-nous que cette fois-ci soit la bonne !

Nous possédons déjà une gouvernance autonome au sein de nos conseils scolaires et nos deux collèges francophones. L’Université franco-ontarienne est la dernière brique dans notre pyramide éducative. C’est une étape nécessaire à l’épanouissement, à la pérennité et au rayonnement de la communauté franco-ontarienne dans le temps et dans l’espace.


taGueule a originalement publié ce texte avec une préface signé par son comité d’édition qui aurait pu être perçu comme une action pour discréditer les propos ci-haut. Ce n’était pas du tout son intention, et pour cette raison, nous avons effacé la préface maladroite. taGueule n’est pas parfaite.

600 000 raisons de se poser des questions

Ça fait depuis le début des temps (oui, vraiment) qu’on s’obstine à savoir combien il y a de francophones en Ontario. Dans nos cours d’histoire au secondaire, on a entendu tous les chiffres possibles entre 375 000 et 650 000 tout en sachant très bien qu’il y’avait une différence entre un Franco-Ontarien et un Ontarien francophone . Voilà que le malaise s’installe. Ça fait plus d’un an que ce texte est dans notre collimateur. Maintenant que d’autres commencent à s’intéresser à la question, on a jugé qu’il était temps de le publier et d’ouvrir la discussion. Let’s talk. 


Est-ce qu’il y a vraiment 600 000 Franco-Ontariens? 600 000 francophones en Ontario? 600 000 locuteurs de la langue française sur le territoire de la province de l’Ontario? Do 600 000 people actually give a fuck about the French language in Ontario?

Est-ce qu’on ne serait pas mieux de se dire 300 000 et se concentrer sur ceux-là? Est-ce qu’on devrait arrêter de dépenser notre énergie, nos resources et nos subventions gouvernementales sur les ayant-droits sans espoir, sur les anglophones opportunistes, et sur les franglo-Ontariens apathiques?

Est-ce qu’on ne serait pas mieux de se dire 150 000 et se concentrer que sur les gens qui ne vivent qu’en français, qui intériorisent leurs réalités en français, et qui n’ont rien à redouter de l’assimilation?

Est-ce qu’on est capable de trouver 75 000 Ontariens francophones avec la même réalité?


Est-ce que le bilinguisme officiel fonctionne? Est-ce qu’on force les anglophones à apprendre le français? Did you go to french school? Do you still speak french?

Est-ce que je vous frustre? Est-ce que j’ai le droit de poser ces questions là? Est-ce que je suis un franco-traître? Est-ce qu’on se souvient?

Est-ce que la Patente est dans la salle?


Est-ce qu’on devrait être plus honnêtes dans nos revendications? Est-ce qu’on devrait dire aux anglophones qu’on est capables de parler anglais, pour pouvoir leur faire comprendre qu’on veut plutôt parler français, au lieu de leur donner l’impression qu’on se plaint pour rien? Est-ce qu’on devrait leur dire qu’on n’a pas nécessairement les réponses? Est-ce qu’on devrait essayer de leur expliquer pourquoi l’assimilation nous fait peur, au lieu de s’entêter à poursuivre un dialogue de sourds? Est-ce que c’est en se battant contre des contraventions ou en poursuivant Air Canada ou en invoquant nos droits constitutionnels qu’on va réussir à se partir une vraie conversation? Entre qui devrait avoir lieu cette conversation?

Est-ce que c’est légal de vendre des faux drapeaux franco-ontariens? Est-ce qu’il y a une limite à la grosseur du drapeau? Do we deserve a flag? Do we need a flag?

Est-ce qu’on devrait s’allier aux Autochtones, aux Tamouls, aux Ukrainiens pour la reconnaissance d’une certaine diversité canadienne? Est-ce qu’on devrait se battre pour notre spécificité? Quelle spécificité? Est-ce qu’on devrait continuer nos combats identitaires internes, futiles et déjà perdus?  Est-ce qu’on devrait essayer de parler aux Québécois, en espérant qu’ils nous écoutent pour une fois?

Pourquoi, 30 ans plus tard, nos cadavres sont-ils encores chauds? Est-ce que les canards sont encore morts?

Est-ce qu’on est vraiment un peuple fondateur? Est-ce que Trudeau avait raison? Est-ce que Durham a réussi? Est-ce qu’on a un pays?

Est-ce qu’on est bien, dans le fond? Est-ce qu’on revendique pour rien? Can we prove an angryphone wrong?


Est-ce qu’on choisit mal nos luttes? Est-ce qu’on a une lutte? Est-ce qu’on s’est fait lutter?

Est-ce qu’on devrait tous déménager dans la même région? Est-ce qu’on devrait multiplier les contacts et les rencontres? Est-ce qu’on devrait se battre pour une autoroute entre Lafontaine et North Bay? Un TGV entre Ottawa, Toronto, et  Sudbury? Est-ce qu’on est capables de réunir assez de gens pour effectuer des vrais changements? Est-ce qu’on est capables, en tant que communauté, de prendre à cœur des causes qui ne touchent pas que la langue? Est-ce qu’on devrait?

Est-ce qu’on fête la Saint-Jean-Baptiste? Est-ce qu’on fête la fête du Canada? Est-ce qu’on fête le 4 juillet?


Quand on dit «nous», de qui on parle? Quand ils disent « they », de qui ils parlent? Quand on dit « we », est-ce que c’est « on »?

Est-ce que le verre est à moitié vide? À moitié plein? Est-ce qu’on a assez d’eau? Est-ce que le verre est trop grand?

Est-ce que j’écris pour rien? Est-ce que vous allez tout simplement vous dire «ah ok» et fermer cette page sans laisser de commentaires? Est-ce que vous savez qui a gagné la game hier soir?

Est-ce qu’il y aura encore des gens pour poser ces questions dans 30 ans?

 

 

Je l’sais pas.

Faut qu’ça bouge encore… ‘stie!

Depuis l’annonce de la programmation partielle de la 40ème Nuit sur l’étang, je sens comme un malaise. Le premier malaise vient des petits ragots, des critiques feutrées. Le deuxième malaise vient du manque d’enthousiasme, ou pour être plus juste, du je-m’en-foutisme caractérisé de la communauté par rapport à cet anniversaire. Je sais que certains ont leurs doutes, leurs ras-le-bol de cette «grande messe» où on serait sommé de dire «Amen» au drapeau vert et blanc, fleurdelisé et fleurtrillé, leurs envies de meurtre, leurs rancœurs et autres mesquineries. Ce qui me choque c’est que personne ne semble voir que cet anniversaire – et son succès – dépasse, de très loin, nos petits égos.

En disant cela, je ne tombe pas dans le discours narratif mythifié ou nostalgique d’une grande époque perdue. Bien au contraire, je crois que nous avons devant nous, en face de nous, en nous, la première génération de jeunes Franco-Ontariens aussi brillants que la gang de CANO.  Est-ce que les Patricia Cano, David Poulin, Cindy Doire, Tricia Foster de ce temps ont quoi que ce soit à envier à un Robert Paquette? Un Christian Pelletier qui se démène comme un fou dans la communauté, l’homme invisible visible qui brasse les cages, les idées, et surtout réalise de beaux projets (We Live Up Here) n’a rien à envier à un Gaston Tremblay. Nos jeunes poètes, Daniel Aubin, Sonia Lamontagne, Daniel Groleau-Landry, Guylaine Tousignant, n’ont rien à envier à ceux qui sont devenus – bien plus tard – des monstres sacrés, les Dalpé, Dickson et Desbiens. Ce que font Mélissa Rockburn et Miriam Cusson avec les Productions Roches Brulées, et la prestation extraordinaire de France Huot sur les planches vaut largement les débuts sur scène d’un André Paiement. Pourquoi nier l’évidence? D’où vient cette espèce de déni, voire de dénigrement, on se croirait en présence de clones de Kafka.

Est-il nécessaire de rappeler que si la gang de CANO a autant marqué son époque, c’est parce que tout était à faire, tout était à construire, alors qu’aujourd’hui il s’agit de pérenniser nos institutions, défi bien plus difficile à relever? Faut-il rappeler que le contexte culturel était fort plus accueillant à la création, en plein milieu du mouvement de la contre-culture américaine, alors qu’aujourd’hui nous devons faire face à un mouvement d’anti-culture? Est-il nécessaire de souligner que la gang de CANO n’aurait pu exister sans quelques jésuites allumés alors qu’aujourd’hui les universités sont devenues des boites à fric où les pseudo-compétences professionnelles priment, et de loin, sur les savoirs et la culture? Faut-il rappeler que bien sûr à l’époque le monde participait en masse parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire que d’aller au seul parté en ville, alors qu’aujourd’hui le monde est vautré dans son fauteuil devant un écran?

Est-ce que personne ne se rend compte que certains Anglos, que les ministères, que les traitres, coincés le pied dans le cadre de la porte, n’attendent qu’une chose : qu’on se plante, et si possible de façon monumentale? Nous n’avons jamais été à un moment aussi important de notre histoire. Si nous ne pouvons réussir au moment même où nos artistes brillent, alors la messe est dite. Et dans 40 ans, il n’y aura pas de 80ème anniversaire. Moi j’ai fait le choix de rester à Sudbury; j’ai fait le choix de me définir Franco-Ontarienne, pas seulement par souvenir pour Robert, pas seulement parce que je tripe à lire Jean Marc; parce que je crois en vous et que vous êtes une belle gang; parce que je veux que mes filles dans 40 ans, elles soient sur scène à déclamer du Daniel Aubin, à performer un «freedom frogs have survived» ou à chanter du Patricia Cano.

Vivre en français – le 11 janvier 1971

On a trouvé ceci, et on trouve que 40 ans plus tard, on est encore en train parler des mêmes maudits enjeux. Quand l »auteur parle de télévision, pensons plutôt à Internet. Quand il parle de Canadiens-français catholiques, pensons aux Franco-ontariens «pure-laine». Quand il parle de sauver la «race», pensez à nous qui essayons de «sauver la culture» en l’institutionnalisant.  Quand vous voyez 1971, pensez à 2013. Ensuite, pensez à 2051. Nous, dans 40 ans, on aimerait bien ça pouvoir dire qu »on a progressé. 


Vivre en français

Le Voyageur, le 11 janvier 1971

Le passé n »a rien de particulièrement impressionnant pour les jeunes d »aujourd »hui, eux que la télévision, entre autres, a formé à l »actuel et au raisonnablement possible, eux à qui la télévision offre de faire valoir immédiatement leurs idées ou réalisations pour autant que celles-ci s »insèrent naturellement dans un contexte à la fois utile et humanitaire.

Et, pour ces mêmes jeunes, l »enseignement à outrance, l »enseignement «coûte que coûte» de divers principes d »où brille par son absence toute connotation actuelle, n »a pas plus de valeur ou de signification qu »un éléphant dans un bol de soupe.

Ça, ce sont des comportements observables, qui ne sont pas sujets à discussion. Devant eux, on adopte deux attitudes : bien on regarde, on cherche, et l »on comprend ou alors on fait l »autruche et, forcément on ne comprend rien à rien.

Pour la jeunesse franco-ontarienne, ces problèmes d »incompréhension – déjà lourds à assumer – se doublent d »un autre, non moins lourd à supporter : celui des instruments naturels de communication et de la langue en particulier.

Pour un jeune Franco-Ontarien, parler français ça veut souvent dire faire un effort. Probablement que si la chose était possible, il trouverait plus aisé de parler «mathématique». En tout cas, il lui est plus naturel de parler en anglais. Et comment oserait-on lui reprocher ce comportement qu »il tient de la nature même de son environnement? Communiquer, comme on s »en doute bien, c »est essentiel. Et probablement que le jeune Franco-Ontarien trouve plus de bonheur à mal communiquer en anglais [certaines choses changent, quand même!] qu »à ne pas réussir à communiquer du tout en français!

De bonnes âmes de patriotisme tout imbues, tentent malgré tout de sauver la «race», ignorantes toutefois des données élémentaires capables de stimuler véritablement le désir chez ces jeunes de tout d »abord, vouloir vivre en français, et, ensuite, de faire les efforts nécessaires pour normaliser une situation que l »histoire a laissé se détériorer.

Encore en 1971, on fait appel à «la fierté d »être un Canadien catholique d »expression française». Puis sans faire ni un ni deux, on se gargarise à pleine gorge des nobles motifs qui devraient assurer la naissance et l »explosion de cette fierté : «notre passé: nos aïeux et leur oeuvre; notre survivance; nous-mêmes et nos qualités; notre mission et la Providence»!

Et voilà qu »on se surprend ensuite à ne pas comprendre cette jeunesse qui online casino nederlandsegokken s »entête à ne pas vouloir être fière! Quelle ingratitude, en effet! «Nous portons bien haut le flambeau et l »idéal de la race, et voilà que cette jeunesse pour qui nous le faisons nous trahit, ajoutant à cela l »arrogance d »un sourire narquois qui pourrait nous faire croire que ce que nous disons ou faisons relève de l’imbécillité pure».

De l »imbécilité, assurément non. Mais l »intransigeance de la jeunesse face à ses propres valeurs, fait que trop souvent elle crée l »intolérance face à celles de ceux qui l »ont précédée.

Et l »on peut se demander à ce point-ci, qui doit faire l »effort de comprendre qui. La réponse semble évidente.

Véritable effort de compréhension, voilà sûrement l »essentiel. Compréhension de la jeunesse elle-même, compréhension surtout du contexte qui la forme et dans lequel elle doit vivre. Compréhension, entre autres, d »un fait capital : les valeurs et les instruments traditionnels, à plusieurs niveaux et particulièrement à celui de la langue pour les Franco-Ontariens, n »ont plus d »impact – si toutefois ils en ont jamais eu!

Les valeurs du passé? Non. Ce sont les valeurs du temps actuel, de l »Action actuelle qu »il faut faire ressortir. Et, quand c »est nécessaire, favoriser cette action actuelle, animer le dynamisme de cette jeunesse.

Il n »y a vraiment plus qu »une fierté que cette jeunesse-là peut acquérir, et c »est la fierté d »elle-même, de ses propres actes : c »est la marque de notre temps. Le reste devient accessoire et s »acquiert au gré des besoins, des gestes, des réflexions.

– Hubert Potin, éditeur en chef du journal Le Voyageur, 1971


Dans la vie, il y a des choses qui ne changent jamais.

J’veux pu worryer mon brain avec ça…

Aujourd’hui, je vous parle de la «controverse» qui a eu lieu entourant le texte de Christian Rioux dans le Devoir. Vous l’avez déjà lu, celui où il s’empresse de traiter le chiac d’une «sous-langue d’êtres handicapés en voie d’assimilation». Bon. On est peut-être arrivés un peu en retard à la game, mais fuck it.

Pourquoi prenons-nous le temps de revenir sur un débat essentiellement clos (Rioux est dans les patates, c’est lui qui n’a pas compris)? Parce qu’on se sent obligé de le faire et parce que le français au Canada a d’autres chats à fouetter que celui-là. Rendu en 2012, on penserait qu’on serait rendu à un point où ce genre de texte ne paraîtrait jamais dans un des plus grands journaux du pays.

Peu importe, je ne suis pas sociolinguiste. Je suis un gars de Sudbury (d’Azilda!) qui a grandi avec une mère originaire de l’Abitibi (mais installée avec sa famille depuis l’âge de 5 ans à Sudbury… ses parents n’ayant toujours pas maîtrisé l’anglais) et un père originaire de Sudbury (d’Azilda!).

Si Rioux parle des Acadiens en tant qu’êtres handicapés, c’est qu’il considère le chiac comme étant une crutch. Mais comprend-il la réalité de l’Acadie? Comprend-il que dans le cas de certains Acadiens, ne pas parler le chiac chez soi, c’est l’équivalent d’un anglophone du Nouveau-Brunswick qui adopterait un accent britannique juste parce qu’il trouve son dialecte régional «inaccessible» pour les anglophones de l’Alberta?

Transposons-nous en Ontario français, plus spécifiquement à Sudbury (je me limite à Sudbury parce que je ne veux pas faire des généralisations grossières au sujet de régions qui me sont moins familières. Même Sudbury n’est pas monolithique à cet égard) où le français de la rue est essentiellement composé d’une majorité de mots français, (mais aussi de mots anglais) parfois familiers et détenant un mélange de syntaxe anglaise et française. Si un mot veut escaper en anglais par exemple, on ne se gêne pas de le dire pis de switcher back au français tusuite après. Nous, ces mots-là, on ne les voit pas en italiques dans nos têtes! On me prendra peut-être pour un clown, mais c’est comme ça que je parle avec ma famille, c’est comme ça que je parle avec ma blonde et c’est comme ça que je suis au naturel. Ça ne m’empêche pas de parler un français standard quand il le faut, ni d’écrire avec un niveau de langue digne d’être lu.

La réalité de nos milieux, minoritaires ou pas, fait en sorte qu’on fait des emprunts linguistiques, et ce, tant à Shédiac, qu’à Moncton, qu’à Chelmsford, qu’à Saint-Boniface et même qu’à Montréal ou à Québec. On s’en crisse pas mal, puis on se sent très bien dans notre peau.

Et ça va de même en anglais. Mise en situation : Je suis étudiant à la maîtrise en histoire à l’Université Laurentienne. Les étudiants du cycle supérieur partagent un bureau. Certains parmi eux étudient en français (2) et certains étudient en anglais (6). Quand je parle à mes collègues anglophones (du moins ceux qui ne comprennent pas le français, parce que certains d’entre-eux le comprennent et le parlent effectivement) je ne me gêne pas d’aller piger un mot en français s’il véhicule mieux l’idée que j’ai en tête. Parfois je dois l’expliquer, mais la plupart du temps, ils comprennent la nuance entre les deux mots. Tout le monde dort moins niaiseux en conséquence. Peut-être est-ce une réalité propre à mon milieu, mais le monde académique semble avoir tendance à emprunter aisément des mots comme l’establishment ou le globalism alors que des termes «équivalents» existent également en français. On ne se gêne pas non plus de citer des phrases entières dans des langues étrangères par crainte de déformer les idées de l’auteur initial au moment de la traduction!

Dans le texte de Joseph Edgar, publié le 5 novembre, il nous dit «Le chiac, c’est pas le français universel ». Mais là, le franglais de Sudbury, le joual de Rouyn, la langue de la rue de Montréal puis le làlàlage du Saguenay non plus.

Suivez-moi.

«Et si on veut participer à un monde francophone et se faire comprendre dans ce monde francophone, on pourrait peut-être songer à être un peu plus humble et faire un effort pour mieux se faire comprendre». Ici, je suis d’accord! Mais peut-on laisser de la place aux deux? Est-ce vraiment si inconcevable de maintenir son dialecte régional (dans une forme correcte… c’est-à-dire en évitant les calques et en conjuguant ses verbes correctement, etc.) tout en apprenant la «bonne façon» de dire quelque chose? Est-ce mal de continuer à rouler son R au moment d’une présentation si le vocabulaire et la syntaxe sont corrects?

Suis-je le seul à voir quelque chose de beau dans les régionalismes? Suis-je le seul à trouver ça cute d’entendre le «so-sisse» des Abitibiens ou bien le R roulé de Sturgeon Falls? Est-ce vraiment inconcevable de dire «ah vous dites « vidéo » au féminin? À Sudbury on le dit généralement au masculin» alors que ce ne soit pas nécessairement le cas dans le restant du monde?

On pourrait-ti arrêter de worryer nos brains avec ça pis juste vivre en paix?