Printemps érable 101

Cela fait déjà quelques mois que taGueule est en ligne. Cela fait un certain temps qu’on réfléchit à notre société sur plusieurs niveaux. On critique et on applaudit les institutions, les artistes, les politiciens, le organismes, etc. aux niveaux local, provincial et fédéral, toujours (dans la mesure du possible) en tentant de faire des liens avec l’Ontario français.

Également, vous avez sans doute remarqué que notre rythme de production a ralenti. On prend plus de temps à travailler nos idées, à réfléchir (pour ne pas gueuler dans le vide) et à peaufiner nos textes. On commence à comprendre les rouages de notre nouvelle bebelle, puis jusqu’à présent, ça roule en titi.

En même temps, si notre rythme de production a ralenti, c’est qu’on s’est branché sur le conflit social qui se passe au Québec depuis le mois de février. En créant taGueule, un des objectifs qu’on voulait atteindre était de ne jamais sombrer dans le nombrilisme. C’est à dire, s’il y’avait un évenement important qui se passait dans le monde qui n’était pas une question profondément franco-ontarienne, on voulait en parler malgré tout. De toute façon, une grande partie de nos collaborateurs sont étudiants, professeurs ou de jeunes professionnels récemment diplômés. Cette crise sociale (qui a vu ses débuts en tant que crise étudiante) nous intéresse. Impossible pour nous de continuer à se mettre le doigt dans ce qui semble être des petits paper-cuts franco-ontariens lorsqu’on les compare aux hémorragies de problèmes de nos voisins. Non seulement qu’une grande partie de ce que réclament les Québécois en ce moment s’applique également aux Franco-ontariens, mais elle s’applique aussi au monde occidental en général.

Depuis l’adoption de la loi 78 par l’Assemblée nationale du Québec le 18 mai, les manifestations quotidiennes se terminent de façon de plus en plus brutale. Les arrestations de masse, les plaintes d’agression sexuelle, des coups de matraque aux journalistes, la poivre de cayenne en pleine face, de la casse par des agitateurs (qui ne représentent pas la grande majorité des manifestants) mais et aussi par la police sont devenus des activités quotidiennes. Ce conflit n’est plus qu’une question étudiante, ce n’est plus qu’une question de droits de scolarité. Au contraire, c’est une question sociale, une critique d’une société néolibérale corrompue dans son ensemble.

Je pourrais m’étendre davantage sur le sujet, mais ceux que je voudrais convaincre me prendraient pour un petit socialiste de la go-gauche, et ceux qui m’écouteraient ont déjà entendu cette histoire. Ce que je voudrais faire au lieu, c’est de vous offrir un guide; une marche à suivre qui servirait à comprendre ce qui se passe au Québec (et qui commence à s’étendre partout au Canada). Les sources que je vous offre sont nécessairement subjectives (comme n’importe quelle source que vous lirez à n’importe quel sujet). Cela dit, elles vous offrent une vitrine sur ce qui se passe réellement en ce moment, chose que les médias traditionnels ont malheureusement très peu faite. À mon avis, cela vous permettra de formuler votre propre opinion en utilisant votre pensée critique.

Le petit guide du printemps érable 101

Par où commencer?

Twitter

Twitter. Vous savez, le médium de communication archaïque, à 140 caractères? Celui que vous n’avez jamais pris la peine de maîtriser? Eh bien oui, une grande partie de l’information relayée au sujet du conflit est transmise par Twitter en raison de sa simplicité. C’est que même sans un téléphone intelligent, Twitter vous permet de faire des mises à jour et à vous informer sur ce qui se passe autour du monde, instantanément. Je vous offre un guide complet sur l’utilisation de Twitter, ainsi qu’un guide de recherche pour suivre le conflit.

1) Suivez des utilisateurs intéressants et engagés. En voici quelques-uns: @GNadeauDubois (porte-parole de la CLASSE), @ASSEsolidarite (twitter officiel de la CLASSE), @ThomasGerbet (journaliste de Radio-Canada qui tweet souvent en direct des manifs avec des photos), @JoseeLegault (chroniqueuse politique au voir.ca), @SPVM (service de police de la ville de Montréal), @FEUQ (Fédération étudiante universitaire du Québec), @FECQ (Fédération étudiante collégiale du Québec).

2) Faites des recherches dans Twitter pour les #hashtags: #manifencours (pour les manifestations en cours), #casserolesencours (pour les casseroles en cours à partir de 20h à chaque soir), #ggi (acronyme pour la «Grève générale illimitée» qui a lieu en ce moment), #loi78 (pour suivre ce qui se passe par rapport à la loi et ses répercussions), #PrintempsErable (un joli jeu de mots sur le «printemps arabe» de 2011), #MapleSpread (to spread the Maple to our anglophone friends in the rest of Canada).

Livestream

CUTV (Concordia University TV) couvre les manifestations de Montréal en direct depuis le début. Étant la presse étudiante de l’Université Concordia, ils se font souvent prendre pour des manifestants (et traités ainsi; heureusement sur caméra). Ce qui est génial, c’est qu’on voit le conflit se dérouler devant nos yeux, en direct. Même si on ignore le journalisme qui est parfois médiocre et tout sauf neutre (être en ondes toute une soirée de temps, souvent de 14 h à 1 h du matin, et ce, depuis le début du conflit, c’est taxant), on voit immédiatement que ce conflit transcende la question des frais. Dès que le soleil tombe, les manifestants pacifiques font face à la police, souvent de façon assez brusque.

Pour écouter les manifestations en direct, vous n’avez qu’à cliquer sur l’écran en haut à gauche de cette page.

YouTube

Ici, vous pourrez vous rattraper sur tout ce que vous avez manqué. Je vous suggère quelques clips qui vous permettront de voir des exemples des abus dont je parlais tantôt. Bien que la plupart de ces clips semblent pencher du côté des manifestants, il faut se poser les questions suivantes:

Est-ce que parler à un policier mérite qu’on se fasse poivrer? Je croyais qu’il était dangereux de se servir de poivre de cayenne de façon aussi grossière

Est-ce que de barrer la route à un policier souhaitant décoller en voiture mérite qu’on se fasse lutter?

Est-ce que le fait de se faire lancer une chaise à partir d’une terrasse justifie le fait de lancer des gaz lacrymogènes à tous les clients qui s’y trouvent ET de leur relancer la chaise?

Qu’est-ce qui justifie le fait de donner de coups de matraque à des gens déjà par terre ou à une foule qui se disperse déjà?

En tout cas, si ce que vous aurez appris sur ces méthodes n’est pas assez pour vous convaincre qu’il y a quelque chose de profondément mal avec ce conflit, dites-vous qu’en Ontario, on paie déjà le double, voire le triple de ce que paient les étudiants qui ont déclenché cette crise. Dites-vous que selon les normes provinciales, les frais des étudiants augmenteront jusqu’à 5% l’an prochain. Dans une institution ontarienne relativement peu dispendieuse comme l’Université Laurentienne (±5900$ par année en 2011-2012) cela équivaut à environ 270$. On n’est franchement pas loin l’augmentation annuelle de 325$ à laquelle faisaient face les étudiants québécois n’est-ce pas? Je ne demande pas pourquoi les étudiants de l’Ontario n’ont pas encore agi de façon importante. Le discours des différences culturelles, budgétaires, etc., je l’ai déjà entendu. Ce que je me pose comme question, c’est plutôt pourquoi, même si l’accessibilité à l’éducation en Ontario est en pire état qu’au Québec, on se contente de ces réponses au lieu d’agir? Les Québécois ont entendu une grande partie de ces réponses-là aussi, ça ne les a pas empêchés, eux.

Si vous habitez la région de Sudbury, je vous invite à une première manifestation le 1er juin à 16 h, non seulement pour démontrer notre solidarité envers les étudiants québécois, mais également pour montrer à nos politiciens qu’on peut se mobiliser, que le même genre de conflit arrivera sous peu en Ontario s’ils n’agissent pas. Si non, je vous invite à vous informer sur ce qui se passe dans votre région et de commenter ci-bas. Si vous ne trouvez rien, c’est peut-être que vous êtes celui qui doit amorcer ce réveil de conscience…


Illustration : Mimi

Le débat: Une démarche nécessaire trop souvent mal menée

L’arrivée des médias sociaux marque le début d’une nouvelle ère en matière de partage d’informations et d’opinions. Désormais, en seulement quelques clics, le commun des mortels peut communiquer, échanger et débattre avec des gens du monde entier sur des milliers de plateformes. Une effervescence qui me fascine et qui me dérange aussi à plusieurs niveaux parce que malheureusement, je constate que beaucoup d’internautes semblent mal interpréter ce concept. Jour après jour, j’assiste à des échanges sur des questions comme la hausse des frais de scolarité au Québec, par exemple, et j’arrive difficilement à retenir mon envie de littéralement briser des murs. Voici donc quelques exemples typiques de ce qu’on peut observer sur le web et qui nourrit mes petites poussées de violence (et d’urticaire).

Liletrer

Ce spécimen est facile à repérer pour des raisons qui sont assez évidentes. À travers chacun de ses commentaires, l’illettré tente de réinventer le monde tout en réinventant la langue française de A à Z.

Je ne dis pas qu’on devrait discréditer l’ensemble de l’argumentation de quelqu’un pour quelques petites fautes. Que celui qui n’en a jamais fait lui lance la première grammaire! Par contre, j’ai beaucoup de difficultés à accorder une quelconque crédibilité aux arguments de quelqu’un quand j’arrive à peine à les comprendre tellement c’est mal écrit.

Le daltonien

Le daltonien est celui qui voit la vie en noir et blanc. Quand il participe à un débat, c’est pour apporter le moins de nuances possibles grâce à sa vision du monde qui a été dessinée avec de très, très gros traits. Pour lui, par exemple, tous les musulmans sont des méchants terroristes qui veulent nous imposer la charia et tous les anglophones sont des «French Haters» qui ont des vomissements dès qu’ils entendent quelqu’un qui ose parler en français «in their country».

Pour votre information, la vie n’est pas un film de Walt Disney. Il n’y pas de gentils ou de méchants. Si vous avez l’intention de défendre votre opinion à grands coups de généralisations et de préjugés, abstenez-vous. Vous ne faites que démontrer que vous n’avez pas compris l’enjeu sur lequel vous vous prononcez dans toute sa complexité. Bref, vous étendez votre ignorance sur la toile.

L’agressif

Prenez garde. Si vous avez le malheur de ne pas avoir la même opinion que l’agressif, vous devenez la cible d’une série d’attaques plus mesquines et gratuites les unes que les autres. Menaces de morts, insultes basées sur l’apparence physique ou sur la nationalité, l’agressif est prêt à tout pour démontrer que ses positions valent plus que «vos cr*** d’opinions de ma***».

La liberté d’expression, c’est bien beau, mais n’oublions toutefois pas qu’un débat est une guerre d’arguments et non une guerre d’insultes. Si vous n’êtes pas en mesure de défendre vos idées sans avoir recours à des attaques personnelles, c’est qu’elles ne tiennent pas la route ou que vous n’avez pas l’intelligence nécessaire pour le faire dans le respect. Donc, peu importe l’enjeu sur lequel vous vous prononcez, entendons-nous pour dire que le respect, c’est la base. Point.

Le pseudo-intellectuel marginal

Le pseudo-intellectuel marginal est un spécimen fascinant. Son objectif est simple: briser toutes conventions. Quand il participe à un débat, il tente la plupart du temps d’être le plus controversé possible. Peu importe si ses propos n’ont aucun sens et ne font avancer la question d’aucune manière, il aime provoquer, c’est tout.

Je considère qu’il est parfaitement louable de vouloir refaire le monde. En fait, je crois même que c’est grâce à ceux qui n’ont pas eu peur d’aller contre le courant et d’ébranler les conventions que beaucoup de choses ont avancé. Il faut toutefois préciser que ces gens proposaient des idées pour améliorer ce qu’ils dénonçaient, qu’ils avaient une vision. C’est facile de dire que la société en général est merdique et que tout ce qui a été fait ne vaut rien. En contrepartie, ça l’est beaucoup moins de proposer des façons concrètes de l’améliorer et d’agir. Bref, de faire plus que provoquer pour provoquer.

Appel à tous

Que ce soit sur Facebook, Twitter ou sur n’importe quelle autre plateforme, je vous invite à essayer de rendre chacun des débats que vous menez le plus utile et constructif possible. Saisissez l’opportunité que nous offrent les réseaux sociaux de connaître les arguments de tous, qu’ils soient ceux de gens de gauche ou de droite, de riches ou de pauvres, de femmes ou d’hommes, etc. Construisez-vous une opinion éclairée et défendez-là avec pertinence, faits et nuances. Ne pensez surtout pas que je cherche à museler qui que ce soit. Au contraire, je veux que nous soyons tous en mesure d’échanger de façon civilisée et intelligente malgré nos divergences d’opinions. Selon moi, c’est le seul moyen de changer le cours des choses et d’arrêter de tourner en rond.


Publié le 25 mars 2012 sur mon blogue personnel frederies.tumblr.com.

Photo: Henri Cartier-Bresson