Dalton et la nouvelle ère technocratique

On ne sait toujours pas trop pourquoi il a pris la poudre d’escampette, mais finalement peu importe à ce point-ci, il s’agit avant tout d’en faire un premier bilan, qui pourra être inspirant suivant ses aspirations futures.

Je suis une néo-Ontarienne qui a quasiment toujours vécu sous le régime McGuinty, c’est une place de choix pour faire ce bilan. En même temps, je vis constamment depuis une décennie avec les terribles histoires sur les horribles années Rae et Harris.

Globalement, je suis perplexe. Si je parle comme francophone, il faut bien avouer que ce fut la voie du statu quo qui a été choisie: pas de recul, pas de progrès non plus. Toujours aussi difficile de se faire servir en français dans les hôpitaux; système scolaire d’un niveau inqualifiable (ce qui équivaut à mes yeux à une forme d’assimilation institutionnalisée).

D’ailleurs, je veux m’arrêter un instant sur ce sujet parce qu’on va me dire «oui mais la maternelle pour tous c’était bien». Sans aucun doute, je viens d’un pays où les enfants commencent l’école à trois ans, la moitié à deux ans et demi. Mon argument n’est pas là. Mais rappelez-vous le scénario. Les maternelles à temps plein ont été ouvertes d’abord pour les francophones. Super avons-nous dit, c’est la preuve que McGuinty était un bon premier ministre pour nous. Mais que nenni.

Bilan: on s’est retrouvé avec plein de petits anglophones (adorables au demeurant) dans nos classes de maternelle. Du coup, nos petits francophones ont pu développer leur apprentissage de la langue de Shakespeare encore plus tôt. Bravo, très bonne idée! Ah mais non, j’ai oublié ce que nos têtes pensantes dans les conseils scolaires se sont dit: on va mettre deux petits Anglos, deux petits Francos sur des tables de quatre pour que ces derniers aident les premiers à se franciser. Qu’ils sont marrants ces conseils scolaires. Moralité: mes filles parlent anglais, et j’attends toujours les chèques de paie de mes filles pour les cours de francisation qu’elles ont donnés.

Bon je me suis un peu écartée du sujet : le paradoxe, voilà ce que je vais retenir de McGuinty. D’un côté, j’ai vu en lui un chef d’État, un homme politique (à la différence d’un politicien) le jour où il a reçu l’infâme rapport Boyd préconisant la reconnaissance de la Sharia en matière de droit de la famille. Bon, à la base, ce n’était pas brillant de demander un rapport. Mais McGuinty a été couillu ce jour-là et il a dit «hé, oh, ça va pas la tête!». C’était le signe d’un grand homme qui savait dire non à l’air du temps, aux modes (les plus absurdes) et aux justifications pernicieuses de juristes en mal de sens.

Pendant longtemps du coup, je l’ai bien aimé ce type-là… et puis, les années passant, il s’est technocratisé, il a laissé la dictature des managers s’installer. Ce fut son erreur fatale, celle que je ne peux lui pardonner. Il y a eu le fameux, ou plutôt infâme, rapport Drummond. Et cela continue aujourd’hui même, avec des petits comités secrets qui sont en train de saper 700 ans d’histoire universitaire, par exemple, parce qu’ils sont médiocres et veulent être sûrs que la médiocrité sera désormais l’étalon. La solution: vous allez payer plus et en avoir moins pour votre argent.

En éducation, on augmente les frais, on embauche des managers, on ne remplace plus les profs. On crée des postes de managers pour recruter, mais il n’y a pas de professeurs pour enseigner les cours; des managers pour «améliorer la qualité», mais il n’y a plus personne pour faire le strict minimum: s’assurer que l’enseignant puisse au moins aligner trois mots sans faute. En santé, on intègre les services. En langage courant, cela veut dire qu’on dépense des centaines de millions de dollars pour des «réseaux» en tout genre où les managers se branlent le bigorneau soit disant pour trouver des solutions visant à réduire les dépenses, au lieu d’embaucher des docteurs et des infirmières et d’ouvrir des lits d’hôpitaux.

L’ère McGuinty restera celle où la démocratie ontarienne a été remplacée par la technocratie, et si encore les technocrates n’avaient pas été des médiocres…

Notre piasse, pour un avenir meilleur (whoa-ou whoa-oh-oh!)

Je ne veux pas être de ceux qui semblent courir les pétitions. Vous les connaissez, ceux qui, semaine après semaine, vous demandent de signer un formulaire en ligne faute de quoi le monde cessera d’exister suite à une apocalypse remplie de grands fléaux, inondations, famine et autres. Bien que les pétitions en ligne soit beaucoup plus faciles à gérer que leurs homologues en papier, je ne suis pas certain qu’elles détiennent autant de poids que celles-ci.

Même si, comme le mentionnait au mois de mars Réjean Grenier, les lovefest franco-ontariens semblent circuler assez souvent sur Internet, je ne crois pas vraiment à leur utilité. Au contraire, je trouve qu’elle ressemble étrangement aux publicités web qui me promettent des millions de dollars si je réussis à tirer le petit canard en caoutchouc. Achalantes, criardes, et sans intérêt.

Mais là, on a affaire à une pétition qui a vu le jour la semaine dernière et qui vise à faire pression au gouvernement ontarien afin de réinstaurer la bourse pour étudier en français (valeur de 1500$), coupé dans la «restructuration budgétaire» de la province. Le RÉFO (Regroupement étudiant franco-ontarien), nouvellement réorganisé, a vu juste de parrainer cette cause.

Je ne vous dirai pas d’aller signer la pétition. Ça, c’est à vous de le faire (ou pas). De toute façon, le RÉFO s’occupe déjà de vous convaincre en faisant connaître certains points saillants sur la page qui héberge la pétition en ligne. Ce que je ferai, c’est féliciter le RÉFO de s’être enfin créé une présence en ligne respectable dans les réseaux sociaux. Par respectable, j’entends une présence qui n’est pas intrusive, mais qui est efficace. On n’abuse pas; on n’affiche pas le même message toutes les 15 minutes; on n’écoeure pas les gens, puis ça fait du bien. Enfin, on peut voir le RÉFO commencer à remplir son but ultime : la mobiliser (et j’ajouterais informer) les étudiants franco-ontariens envers des objectifs communs. Mais pourquoi est-ce différent? On ne fait pas appel à «la cause» comme raisonnement principal. On demande aux gens de signer la pétition en les convainquant par des arguments logiques plutôt qu’émotionnels.

C’est un bon début. Pourrions-nous suggérer au RÉFO d’élargir ses réseaux sociaux à des moyens plus publics tels Twitter et un blogue en ligne? Or, il faudrait également s’occuper de mettre à jour l’ancien site web (la dernière mise à jour date de 2009) ou de rediriger l’adresse vers le nouveau site web. Cela augmentera considérablement la vitesse à laquelle le RÉFO obtiendra des signatures pour sa pétition.

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Pour plus d’informations concernant le RÉFO. Pour vous inscrire à l’AGA du RÉFO.

N.B. À des fins de transparence, l’auteur aimerait mettre de l’avant sa participation au sein de RÉFO.

L’Ontario ou le triomphe de la paix sociale

D’un côté: 15 semaines d’ étudiants en grève, de manifestations à répétition, de vitres cassées. 14 semaines d’arrestations, de cocktails molotov et de blessés, par centaines. L’Histoire est en marche: de Gatineau à Gaspé, le Québec est en ébullition.

Puis, on traverse l’Outaouais. Le no man’s land. D’un côté le bruit, les feux d’artifices, le bal, et de l’autre: le silence. La tranquillité. La grande paix sociale. Le contraste est saisissant. Il parle fort. Et impossible de ne pas se poser la question: un pareil bouleversement serait-il possible en Ontario? Certains diront que c’est une affaire d’actualité; que c’est tout bonnement une histoire de conjoncture. Ce serait donner trop de crédit au hasard. Non, la ligne est trop bien tracée. Si bien en fait qu’on dirait un mur. Et les murs ne se bâtissent pas tout seuls. Suffit la complaisance.

L’Ontario est le plus près qu’une société puisse l’être de l’inoculation contre les bouleversements sociaux. Tout peut changer, ça va de soit. Mais pour qu’un véritable mouvement de masse se développe dans la province, il faut compter sur une véritable catastrophe. Économique surtout. Écologique probablement. Mais politique? Sociale? Non. Il faudra bien plus. L’Ontario est une merveille de paix sociale: un chef-d’œuvre de démocratie libérale. Et ça n’a rien d’une coïncidence.

Il y a quelques semaines, des étudiants de l’Université Laurentienne, à Sudbury, nous en ont donné un témoignage éloquent. Dans un acte lourd de symbole, une poignée d’entre eux ont décidé de porter le carré blanc à l’école. L’emblème de la capitulation. Ils en avaient contre l’administration qui a décidé d’augmenter de 8 à 15% les droits de scolarité de ses programmes. Et pourtant, nos pauvres étudiants sont loin de la gratuité. Ils paient déjà, en moyenne 6640$ par année pour obtenir leur diplôme. Repeat after me: 8% de 6640$, means 531$. 15%, c’est 996$. Tout le conflit étudiant au Québec repose sur une augmentation des droits de scolarité de 375$ par année, pendant 5 ans. Et en bout de ligne, cette augmentation doit porter la moyenne des droits de scolarité dans la province à 3793$ par année, par étudiant. C’est presque 3000$ de moins qu’en Ontario.

Le fait est qu’il faut remonter loin, très loin, dans l’histoire ontarienne pour y trouver quoi que ce soit qui puisse passer pour un bouleversement social majeur. Des mouvements de contestation existent mais ils sont rares. Ils sont limités. Et le plus souvent, ils sont ponctuels. La plus grande manifestation qui a eu lieu lors du G20, celle du 26 juin 2010, comptait 10 mille personnes. C’est ce que mobilise le mouvement étudiant québécois presque chaque soir depuis presque qu’un mois. (Étonnant, lorsqu’on sait que les policiers ont tout de même arrêté plus de 1000 personnes durant le sommet à Toronto, ce qui en a fait la plus grande arrestation en masse de l’histoire du pays).

Même au plus fort de la contestation contre la «révolution du bon sens» du gouvernement de Mike Harris — qui d’un coup, réduisait l’assistance sociale de 22%, gelait les places en garderie et le financement des services sociaux en général — les mouvements d’opposition n’ont pas réussi à mobiliser plus 100 mille personnes en même temps. Et pourtant, la manifestation d’appui aux syndiqués de Hamilton, en février 1996, reste la plus importante mobilisation de l’histoire de l’Ontario. À Montréal, en 2003, ils étaient cent cinquante mille à manifester par -25 degrés… contre la guerre en Irak! Au Québec, il y belle lurette que les manifestations de cent mille personnes ne font plus l’Histoire.

Mais d’où vient cette attitude, que certains qualifieront de profondément civique et d’autres de foncièrement docile? De l’histoire? De l’économie? De la culture? L’Ontario est-elle le mélange rêvé d’une saine société libérale, d’un parlementarisme britannique efficace et d’une économie de marché prospère? Ça va de soi, la réponse dépend du point de vue de l’observateur. Pour un jeune militant du parti libéral, l’Ontario est l’exemple d’une province qui va bien, qui sait «gérer ses affaires». Pour le cadre d’entreprise aussi. Le travailleur de Vale, à Sudbury, verra les choses autrement. Le chômeur, encore plus autrement. Et que dire de l’immigrant coréen qui gagne sa croûte à Toronto.

C’est d’abord cette multitude d’intérêts qui mine les mouvements sociaux de la province. Le tissu social ontarien s’amincit d’année en année. Il est désormais trop faible pour être un terreau fertile à la contestation. L’individualisme propre aux sociétés libérales combiné à un morcellement grandissant de la collectivité ontarienne forment un puissant somnifère. Les citoyens s’endorment ensemble, mais se réveillent tout seuls.

Pour plusieurs, c’est une question de culture. De mœurs. Historiquement, il n’existe pas de «culture de la contestation» en Ontario, peut-on entendre. Mais cette culture est absente chez qui? Les Presbytériens? Les ouvriers? Les Irlandais? Ou alors les Musulmans? Les femmes? Les hommes? Et pourquoi pas tient, les Franco-Ontariens? La question est lancée. De quelle «culture» parle-t-on? Qu’est-ce que la «culture ontarienne» qui n’a pas «l’habitude de la contestation»? Pour se mobiliser, il faut d’abord s’avoir à qui s’adresser. Il faut d’abord trouver qui partagent nos frustrations, et après, poser la grande question. Où a lieu la manifestation? Il faut avoir des yeux pour ceux qui nous entourent et, surtout, avoir la ferme conviction que son bonheur individuel dépend du bonheur collectif.

Un projet commun, une identité commune attachée à une cause commune, peut facilement briser les chaînes de l’habitude. Le Québec d’avant 1960 aurait facilement satisfait la définition que certains peuvent avoir d’une société «harmonieuse». Les mouvements sociaux n’avaient rien de féconds sous Duplessis. L’ordre et la loi régnaient. Les Canadiens français ont subi bien des injustices sans broncher. Mais ce respect de l’autorité n’est pas suffisant pour contenir les sautes d’humeur d’une société civile constituée, d’une collectivité qui partage une certaine idée du «bien commun». C’est pour cette raison, entre autre, qu’a pu fleurir la Révolution tranquille au Québec et même certains bouleversements sociaux avant 1960 (les crises de la conscription de 1917 et de 1944, par exemple).

Le gouvernement de Dalton McGuinty vient d’adopter l’un des budgets les plus austères depuis Mike Harris. Un budget que certains considèrent même plus radical — dans son objectif de mettre fin au déficit — que l’était celui des conservateurs en 1996. Pour une majorité d’Ontariens, ce budget veut dire moins de services pour le même prix. La fédération du travail a fait son possible pour mobiliser ne serait-ce que le milieu syndical. Le résultat? L’une des plus grandes manifestations de l’histoire récente de la province. Dix mille personnes ont marché quelques heures à Toronto.

Et puis quoi encore? Peut-on accuser une société paisible de ne pas être assez «bouleversée»? Ne doit-on pas plutôt se réjouir de cette harmonie sociale? C’est le genre de question que se pose l’Intelligentsia des grands quotidiens de la province. Margaret Wente dans le Globe and Mail parle avec mépris des étudiants qu’elle traite de «Grecs du Canada». Pour le Toronto Star, c’est le triomphe de l’anarchie… Pour ces gens, il semble d’autant plus choquant de voir les jeunes se révolter quand en Ontario tout va tellement bien! Les patrons et les travailleurs vont main dans la main, les gouvernants et les gouvernés mangent à la même table, et les fontaines de miel, et les petits oiseaux, et Imagine all the people! Living life in peace!… Mais nous doutons que ce soit le tableau qu’imaginait Lennon.

Car il faut bien l’avouer, si Jean Charest le pouvait, il échangerait sur le champ ses tributaires québécois pour des Ontariens. Sans même réfléchir. Et on imagine facilement que dans les pires cauchemars de Dalton McGuinty, l’Ontario est peuplé de Québécois! L’ordre et la paix ont fait leur preuve, reste que c’est la révolte qui nous a donné le droit de vote. Ou le salaire minimum. Ou la liberté de conscience.

Ces quelques lignes n’avaient pas pour but de peindre en noir la province d’Étienne Brulé et d’Alexander Graham Bell. L’Ontario ne doute pas de sa valeur et avec raison. Pourtant, les Ontariens sont mûrs pour une prise de conscience. Et le plus tôt sera le mieux.

En attendant, nous prenons la liberté de saluer l’exemple québécois. Et de remercier tous ces étudiants et ces étudiantes qui nous prouvent, encore une fois, que le choc des idées vaut bien mieux que la paix des cimetières.


Photo : Bettman/CORBIS, Indiana University, 1971

Les «réseaux parallèles» remis en cause

Cet article est paru le vendredi 6 avril 2012 dans le journal Le Droit. Le voici en intégrale tel qu’il est paru dans la version imprimée du journal.


Les «réseaux parallèles» remis en cause

«Le 26 juin 2030 n’était pas que la dernière journée de l’année scolaire; c’était la dernière journée d’existence des conseils scolaires francophones de l’Ontario. À partir de septembre prochain, l’éducation des Franco-Ontariens relèvera d’un nouveau réseau de commissions scolaires.»

C’est dans ce cadre futuriste que les blogueurs du webzine TaGueule.ca remettent en question l’existence de ces «deux réseaux de conseils parallèles, un catholique et un public, qui remplissent exactement le même mandat et qui ne font que diviser les francophones au lieu de les rassembler», affirme Félix Hallée-Théoret, un des éditeurs du billet paru dimanche.

L’équipe de TaGueule.ca cherchait depuis un bout de temps à lancer un débat sur la pertinence d’avoir deux réseaux d’écoles francophones «qui se battent pour recruter les mêmes élèves», déplore M. Hallée-Théoret.

La semaine dernière, le dépôt de l’ébauche budgétaire 2012 à Queen’s Park a donné au webzine les munitions nécessaires. Le gouvernement libéral de Dalton McGuinty ouvre toute grande la porte à la fusion de conseils scolaires, dans les régions où les effectifs sont en baisse. Les lois constitutionnelles de la province empêchent toutefois les fusions entre conseils catholiques et publics.

«Nos conseils francophones sont très grands, surtout dans le Nord. La distance est déjà un problème. Je ne vois franchement pas comment on pourrait faire des conseils plus grands. Tant qu’à vouloir fusionner des conseils pour économiser, pourquoi ne pas fusionner des conseils catholiques et publics ensemble», plaide M. Hallée-Théoret, joint par LeDroit à Sudbury.

Un sujet tabou

Le hic, c’est que depuis que l’ancien chef progressiste-conservateur John Tory s’est cassé les dents sur une question de financement des écoles confessionnelles, en 2007, très peu de politiciens à Queen’s Park osent aborder le sujet. Il n’y a que le Parti vert de l’Ontario qui parle ouvertement de l’abolition des conseils catholiques.

«Ce serait logique et financièrement plus responsable d’avoir un seul réseau de conseils scolaires anglophones, et un seul réseau francophone. Le système actuel est injuste à l’endroit des autres religions. Notre pays a deux langues officielles mais pas deux religions officielles», affirme au Droit le chef vert Mike Schreiner. Une fusion des conseils catholiques et publics se traduirait par une «meilleure qualité de l’enseignement», ajoute-t-il.

Ce n’est pas du tout l’avis de Carole Drouin, la directrice générale de l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques. «Nous assisterions à une diminution de la qualité de l’enseignement. Le système catholique est le plus performant dans la province. Le gouvernement devrait regarder ailleurs pour trouver des économies», rétorque-t-elle.

«Ce n’est pas une attaque contre les catholiques», précise pour sa part M. Hallée-Théoret. L’enseignement religieux aurait toujours sa place dans les écoles, selon lui, même au sein d’un système exclusivement public.

Un chevauchement unique

L’Ontario est la seule province canadienne où se chevauchent deux réseaux scolaires francophones, et deux réseaux anglophones. Le Québec est passé d’un système d’éducation confessionnel à linguistique en 1998. Il lui a suffi d’amender ses lois constitutionnelles, à la suite d’une entente bilatérale avec Ottawa.

«Ce n’est plus vrai que les francophones de l’Ontario sont nécessairement tous catholiques, comme en 1867. Le fait d’avoir deux réseaux crée des divisions entre les Franco-Ontariens de souche et les nouveaux arrivants d’autres religions au lieu de créer une meilleure intégration», affirme au Droit le politologue Alexandre Brassard, directeur de recherche au collège Glendon de l’Université York, à Toronto.

L’Ontario montré du doigt par les Nations unies

Pas une, mais deux. C’est le nombre de fois que l’Ontario s’est fait taper sur les doigts par l’Organisation des Nations unies (ONU) parce que son système d’éducation viole le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Utiliser des derniers publics pour financer un réseau d’écoles confessionnelles va à l’encontre de l’accord ratifié par 160 pays, dont le Canada. «C’est en effet discriminatoire qu’un gouvernement favorise une seule religion au détriment des autres», commente le politologue Alexandre Brassard, du collège Glendon de l’Université York.

Le poids de l’ONU n’a toutefois rien de comparable à celui du lobby catholique à Queen’s Park, selon M. Brassard. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la question des écoles confessionnelles demeure un tabou, dit-il au Droit.

La directrice générale de l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques, Carole Drouin, croit pour sa part que toute fusion administrative entrainerait de lourdes conséquences pour l’éducation de langue française. Elle note que les huit conseils catholiques et les quatre conseils publics francophones sont encore jeunes et «n’ont pas fini de s’établir». Les Franco-Ontariens ont obtenu la pleine gestion de leurs écoles en 1998, après des décennies de lutte.

Félix Hallée-Théoret, du webzine TaGueule.ca, affirme au contraire que les francophones pourraient être «des catalyseurs de changement» dans la province. «Le fruit est assez mûr pour qu’on en parle».


Photo: Archives, Le Droit