La fusion des conseils scolaires devient finalement réalité

Grand Sudbury – Les élèves de la région de Sudbury avaient beaucoup à célébrer hier.

Le 26 juin 2030 n’était pas que la dernière journée de l’année scolaire; c’était la dernière journée d’existence des conseils scolaires francophones de l’Ontario. À partir de septembre prochain, l’éducation des Franco-Ontariens relèvera d’un nouveau réseau de commissions scolaires. Cette union surprenante entre les conseils scolaires catholique et publique existants est le résultat d’une grève générale en 2027 de tous les élèves, parents, professeurs, et personnel de soutien des écoles de la région qui réclamaient une réforme de l’éducation franco-ontarienne.

Cette unification, qui semblait impossible il y a seulement quatre ans, est maintenant un fait, et les chantiers de construction s’activent dans tous les coins de la ville. Des modifications seront apportées à 10 écoles primaires de la région du Grand Sudbury, afin d’accommoder environ le double du nombre d’élèves par école. Tous les postes d’enseignants seront maintenus, et la nouvelle commission s’est également engagé à créer 20 nouveaux postes par an pour les 5 prochaines années afin d’accommoder cet influx d’élèves. Le nombre d’écoles primaires francophones de la région passera de 26 à 10, sans toutefois changer le nombre d’élèves par classe.

Pour les écoles secondaires, c’est une réduction plus importante; deux seules écoles desserviront la région du Grand Sudbury, soit une au centre-ville de Sudbury et l’autre à Blezard Valley qui desservira la Vallée.

Premières pelletées de terre aux É.s. Robert-Dickson et É.s. J.-G.-Chuck-Labelle

La nouvelle école secondaire à multiple pavillons dans le Moulin à Fleur portera le nom du poète Robert Dickson. L’ancien Collège Notre-Dame servira de pavillon des sciences et des mathématiques. Le pavillon Sacré-Coeur sera rénové (la dernière fois, c’était lors de la fondation de l’École secondaire du Sacré-Coeur en 2003) et on en triplera la capacité. L’École secondaire Macdonald-Cartier, autre lieu imaginé de la nouvelle école, sera rénovée et deviendra une tour de bureau abritant la nouvelle commission scolaire et aura également un théâtre à l’étage principal.

La nouvelle école à Blezard Valley portera le nom de Jean Guy «Chuck» Labelle, musicien d’Azilda et récipiendaire de l’Oscar pour la meilleure chanson dans le dernier film de la réalisatrice Suri Cruise. Labelle est décédé l’an dernier lors d’un tragique accident de tondeuse à gazon.

Selon un porte-parole au nom da la nouvelle commission scolaire, cette densité d’étudiants permettra de faire baisser les taux d’assimilation.

«Ça va vraiment faire baisser les taux d’assimilation. On est toute ben ben content.»

– Marie-Noëlle Dubé-Rivard-Deschampain-Turcotte

Le Ministre de l’Éducation a aussi confirmé plus tôt cette semaine l’intégration des écoles d’immersion dans le système francophone tel que demandé par les grévistes. Cette intégration facilitera le transfert d’élèves maitrisant mal le français vers le système d’immersion . Le même principe s’appliquera également dans l’autre direction, et le système d’immersion servira à intégrer les francophiles dans la communauté francophone.

La nouvelle commission scolaire, toujours sans nom, a jusqu’en septembre 2032 pour compléter le processus d’amalgamation des écoles publiques et catholiques entamé en 2028.

Ce phénomène, qu’on appelle maintenant le printemps franco-ontarien, était caractérisé par une série de grèves et de pressions de la part des francophones qui demandaient des reformes sur la place des francophones dans la société ontarienne. Le gouvernement a cédé lorsqu’un mouvement anglophone parallèle s’est joint aux pressions des francophones pour une réforme en éducation. Ce qui semblait ridicule il y a seulement 4 ans, devient aujourd’hui une réalité.


Photo: Des éleves d’écoles élémentaires célèbrent leure victoire hier dans le stationnement du Home Dépot.

La Nuit sur l’étang 2012 : vision asséchée

À l’époque des têtards

Originalement conçue comme étant une prise de parole pour la communauté franco-ontarienne de l’Université Laurentienne, de Sudbury, voire du Nouvel-Ontario, et en étant le premier lieu de diffusion d’une nouvelle vague d’artistes, La Nuit sur l’étang a déjà été beaucoup plus qu’un simple show rock. C’est pour souligner la clôture du congrès Franco-parole de 1973 (qui avait comme but d’étudier l’état du fait français à l’Université Laurentienne) que ce happening multidisciplinaire où tous y trouvaient quelque chose d’intéressant, a vu le jour… euh, la nuit, pour la première fois.

Cela dit, les temps ont changé. La Nuit d’autrefois n’existe plus. Si on parlait autrefois de ce show annuel comme étant «la folie collective d’un peuple en party», dernièrement on pouvait en parler comme étant «le n’importe quoi individuel d’une petite gang qui n’avait aucune idée ce que voulait le peuple».

Comme l’a dit notre collègue Félix Acheté dans son billet intitulé Pourquoi je ne suis pas à La Nuit sur l’étang, l’évènement est maintenant «un show rock auquel on associe une certaine mythologie, puisqu’on nous dit que ça a déjà été autre chose qu’un simple show». Pis ça finit pas mal là. Or, le nom qu’on y accordait à l’origine s’avérait peut-être plus prophétique qu’on le croyait : dans le fond, un étang, c’est une petite étendue d’eau stagnante. Faudrait-il peut-être voir à retourner à quelque chose de plus qu’un simple show rock?

Retour précaire à l’excellence?

Malgré tout, La Nuit semble quand même vouloir se positionner pour redevenir l’évènement pour lequel elle détient sa renommée. Soulignons quelques points forts et quelques points faibles de l’édition 2012.

Un bar dans la salle? Merci. Y’était temps. Au fil des années, le bar a toujours été un problème. Que ce soit au Collège Boréal, où on divisait la salle en deux (un côté bar, un côté non), à l’École secondaire Macdonald-Cartier (bar dans la cafétéria, spectacle dans le gymnase), ou bien à l’auditorium Fraser (bar dans une salle sur un autre étage entièrement), on ne pouvait pas jadis prendre un verre en écoutant le spectacle. Le choix de déménager le spectacle au Grand Salon de l’Université Laurentienne a au moins permis que les spectateurs puissent prendre une bonne bière en écoutant ce qu’ils ont payé 35 $ pour voir, même si la qualité du son en a souffert.

Malgré ce bon flash, il est resté un grand problème : on ne pouvait pas se commander une bière en français à La Nuit cette année. Ayant lieu à l’Université Laurentienne, La Nuit a dû faire affaire avec Aramark, le service de traiteur qui détient le monopole sur la vente de bouffe et de boisson sur campus. Heureusement, il devrait être facile de rectifier la situation en exigeant des serveurs francophones.

Le même problème était également vrai du côté des gardes de sécurité. Lorsqu’on fait sortir une foule d’au-delà de 300 francophones, n’est-il pas réaliste qu’on engage également des gardes de sécurité qui vont dialoguer avec la foule dans sa langue?

Disons-le. Le calibre des musiciens était élevé, et le choix des artistes était plus cohérent. Ça faisait du bien voir des musiciens franco-ontariens embarquer sur scène. Cela dit, ça faisait bizarre de voir le Jeudi Soir, un groupe composé uniquement de jeunes hommes, monter sur scène après l’ouverture du show par Cindy Doire. Y’ aurait-il eu une façon plus organique d’intégrer ces gars au tout?

Si on pouvait compter au moins 300 spectateurs, il restait, malgré tout, un grand espace vide du côté gauche et à l’avant de la salle. Ça faisait bizarre de voir les trois quarts des spectateurs assis à la droite de la salle, tandis que le côté gauche et le devant étaient vides. C’est presque comme si on ne s’était pas vraiment donné la peine de réfléchir à la disposition de la salle. Disons-le, il est difficile pour La Nuit (ou n’importe quel autre évènement de langue française) d’attirer plus de 300 spectateurs à Sudbury sans faire une campagne de promotion exorbitante. Voilà pourquoi il est doublement important d’accorder une attention particulière à la disposition de la salle. Peut-on suggérer qu’on place moins de chaises et qu’on le fasse de façon à ne pas diviser la salle l’année prochaine?

Du côté des décors, on dira que l’intérieur de la salle était bien décoré. On n’a pas vu d’usages abusifs du drapeau franco-ontarien et les diviseurs de salle étaient recouverts d’affiches de La Nuit. Par contre, à l’entrée de la salle, les décors étaient beaucoup moins bien réfléchis. On y retrouvait plusieurs cut-outs de femmes peinturées de façons éclectiques. L’image d’une femme enceinte avec une pancarte en dessous disant «femme heureuse» aurait franchement pu être mieux réfléchie…

Malgré qu’on ait mentionné sur scène le fait que les décors avaient été fabriqués par le Centre Victoria pour femmes, cela n’était pas indiqué à l’entrée. Peut-être qu’en soulignant ceci aux spectateurs, ces derniers auraient mieux apprécié ce que les décors devaient représenter.

Une Nuit blanche multidisciplinaire pour 2013?

Si le «festival» a cessé d’être «la folie collective d’un peuple en party» au cours des dernières années, l’édition de 2012 était néanmoins une nette amélioration sur celle de 2011.

On a appris que l’année prochaine, La Nuit espère nous livrer un «nouveau» concept pour son quarantième anniversaire, soit celui d’une «Nuit blanche» où on pourra participer à une foire des différents médiums. En fait, on parle plutôt d’un retour à La Nuit des années 70 : multidisciplinaire, plus libre et plus longue. Bref, c’est prometteur, mais seulement si le CA s’assure de mieux définir la vision de la soirée plus précisément. L’édition de 2012 avait comme thème, «les femmes», mais rien de plus. Pourquoi fallait-il souligner les femmes en 2012? Attention, nous ne remettons pas en question la validité de ce choix, mais plutôt la logique du CA en l’adoptant.

À l’automne 2011, La Nuit a tenu son «visionning» (ce qui semblait être un genre d’AGA ouvert à la communauté) afin d’obtenir des commentaires et des suggestions pour s’améliorer. Malgré les quelques heures de discussion, on n’a pas pu déterminer si La Nuit devait être un évènement «toast cheeze whiz» ou «baguette camembert» pour reprendre les mots des participants. C’est à dire, on ne pouvait pas décider si on devait orienter le spectacle vers un public «plus raffiné» ou vers un public de «average joes». L’édition 2012 semble vouloir être «baguette camembert», mais elle ne réussit pas à dépasser le contexte «toast cheeze whiz» pour les raisons qu’on souligne dans ce texte. On est entre les deux mondes. Si on cherche réellement à être le juste milieu, pourquoi ne pas miser sur ceci dans la promotion de l’évènement? De cette façon, on cesse de plaire moyennement à plein de monde et on plait beaucoup à la majorité.

Il faudra donc nous expliquer tout au long de la préparation du quarantième, pourquoi la Nuit blanche est pertinente. On espère entendre plus que «parce qu’on veut un méchant party» comme raison. Les méchants partys, y’en a à longueur d’année à Sudbury.

Si on veut fêter toute la Nuit, tant mieux… mais faisons-le comme du monde. On vous laisse avec quelques suggestions de plus pour l’an prochain : notamment, il faudra penser à offrir de la bouffe (s.v.p. arrangez-vous pour ne pas servir que de la pizza pep and cheese, on est en 2012 et les végétariens existent), un service de navette ou de taxi pour rapporter les gens à la maison (d’ailleurs, pourquoi n’y pense-t-on pas déjà? La conduite en état d’ivresse est déjà un gros problème. Le Regroupement des gens d’affaires francophones du district de Sudbury le fait lors de ses évènements, pourquoi pas la Nuit?), donner de plus longues pauses entre les prestations (désolé, on a de la misère à faire quoi que ce soit pendant plus de 2 heures sans arrêter), et laisser les pros faire leur job (des poètes pour lire de la poésie sur scène, par exemple).  Autrement, La Nuit risque d’être affligée à nouveau par la médiocrité qui l’a paralysée pendant aussi longtemps.


Photo: little goose, dry swamp, par Mele Avery

Le Canada sans le sou

Ça y est! La pièce de un cent disparaîtra progressivement du paysage canadien à compter de l’automne prochain. Le ministre des Finances, Jim Flaherty, l’a annoncé jeudi en déposant son plus récent budget, précisant que cette décision permettra aux contribuables canadiens d’économiser 11 millions de dollars par année. Au dire du ministre, chaque pièce coûte 1,6¢ à produire, ce qui la rend obsolète.

Comme plusieurs de mes concitoyens, il fut un temps où j’avais une tirelire. C’est là que je déposais ces petits trésors qui, grâce à un peu de patience devenaient des dollars (ou je les dépensais au dépanneur du coin en m’offrant des friandises à un sou). Aujourd’hui, comme bon nombre de gens, je ne sais plus très bien quoi en faire. J’ai un pot qui déborde de ces pièces devenues quasi inutiles et je n’ai plus la patience que j’avais.

Le Canada n’est pas le premier pays à éliminer la pièce de un cent. Des pays comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont laissé tomber le cent il y a quelques années.

Une cenne. Cette petite pièce qui semble venir de nulle part et se multiplier à notre insu, encombrant nos tiroirs, nos sacs à mains, nos portemonnaies; qui nous laisse avec des trous dans nos poches ou qui fait retentir la sécheuse comme s’il s’agissait d’une arme de destruction… Et n’oublions pas l’aspect psychologique des sous noirs qui nous donnent parfois l’impression d’économiser sur tel ou tel produit. 9,99$ au lieu de 10$. Avouez que ce n’est pas du tout la même chose. Non, pour le meilleur et pour le pire, la pièce mal-aimée fait partie de notre quotidien, de l’inconscient collectif et de nos habitudes de consommateurs.

Certains aiment encore cette petite pièce. Les historiens, par exemple. Rappelons qu’au début du 19e siècle, les colonies britanniques d’Amérique du Nord, tout en faisant largement usage de pièces étrangères, avaient un système monétaire fondé sur la livre, le shilling et le penny. Vers 1850, toutefois, l’accroissement des échanges commerciaux avec les États-Unis et le grand nombre de pièces américaines et hispano-américaines en circulation dans ces colonies les amènent à se tourner vers un système monétaire décimal basé sur le dollar, le cent ou centième de dollar… La première des colonies qui parvient à adopter une loi en ce sens est le Canada, et la première pièce portant l’inscription «Canada» remonte à 1858, c’est-à-dire neuf ans avant la Confédération. Depuis, c’est toute la monarchie britannique — la reine Victoria, le roi Edward VII, le roi George VI et la reine Elizabeth II — qui y a passé. Oui, notre cent a toujours été très british.

Aujourd’hui, on dit que le cent ne vaut plus grand-chose. Mais attention! Avant de balancer vos sous noirs dans les fontaines de Rome ou de passer l’aspirateur entre les coussins de votre divan, il serait peut-être bon de vérifier les dates…, de consulter des spécialistes. D’abord, la valeur d’une pièce de monnaie abandonnée par son gouvernement et son peuple ne peut qu’augmenter. Et les collectionneurs le savent très bien. Puis, il y a la perle rare. Il y a deux ans, à une foire regroupant des numismates de partout au Canada, j’ai découvert une pièce d’un cent produite en 1905. Croyez-le ou non, il y avait foule autour de cette petite pièce sous verre (non, on ne touche pas!) dont on estimait la valeur à 2 000$. Et maintenant? Qui sait combien elle vaut!

Quoi qu’il en soit, la pièce de un cent ne sera plus frappée au Canada. Elle a cédé à l’inflation et à l’indifférence de la majorité qui l’accablaient depuis plusieurs années. Paix à son âme et… God Save the Queen!

P.-S.: Les dons en espèces à l’intention du Receveur général sont acceptés en tout temps.


Photo: Steve Farmer, 1,000,000 Pennies, installation de Gerald Ferguson

Naissance de l’université de Sudbury : une minorité remise à sa petite place

Le 5 septembre 1997. L’Université de Sudbury profitait de la rentrée universitaire pour souligner le 40e anniversaire de sa fondation. CBON diffusait ce matin-là une émission en direct du salon Canisius. J’y ai lu ce billet en ondes et devant public. 


Il y a ceux qui font l’histoire et ceux qui la subissent ; il y a ceux qui l’écrivent et ceux la lisent. Dernièrement, j’ai lu l’histoire des débuts de l’université de Sudbury et j’ai bien vu qui l’a subie. Le bel édifice où nous sommes ce matin m’a l’air maintenant d’un monument à la mémoire de notre impuissance politique de minoritaires. Car entre l’université dont on a rêvé et celle qu’on a eue, il y a quarante ans, il y a de grosses différences.

L’histoire raconte que dans les années cinquante, les jésuites se préparaient à ouvrir à Sudbury une université catholique et française. Celle-ci devait venir agrandir l’œuvre traditionnelle du collège classique du Sacré-Cœur, en place depuis 1913. Or, des comités d’autres églises protestantes et d’autres villes nord-ontariennes, qui étaient loin d’avoir un passé éducationnel aussi solide, ont réclamé l’égalité. Voilà tout ce qu’il fallait pour brouiller l’eau politique et noyer le poisson.

Cependant, les francophones avaient encore dans leur jeu une très bonne carte. En fait, c’était une bonne charte, celle du collège du Sacré-Cœur. Dans cette charte, il y avait une clause qui lui donnait le droit de créer au besoin une université. L’histoire raconte qu’un jour, en 1955, une délégation de Sudbury – le père Alphonse Raymond, Gaston Vincent et d’autres – sont allés à Toronto mettre leur charte sous le nez du ministre de l’Éducation.

Voilà donc l’action qui explique qu’en 1957, et pour trois ans, l’université de Sudbury a existé indépendamment de toute autre institution… et malheureusement, de toute subvention. C’est là que le gouvernement tenait la bonne carte ! Pour emporter la main, il a fait jouer sa fameuse balance politique, qui n’est pas toujours celle de la justice. Dans un plateau, on a mis les cinquante années d’expérience du collège du Sacré-Cœur, l’existence de l’université de Sudbury comme un fait accompli et les centaines de milliers de dollars de dons déjà faits pour une université française. Dans l’autre plateau, on a mis les autres groupes sans pareille préparation, qui ont pourtant pesé tout aussi lourd. Toronto a ainsi eu la partie facile : Non, on ne donnera pas de subvention à une université catholique, car il faudrait alors en donner aux autres. Et avant qu’on puisse revenir lui parler d’une université française laïque, le gouvernement a balancé sous le nez de tout le monde un gros chèque à l’ordre de tous ceux qui voudraient s’unir.

Tout d’un coup, une page de l’histoire a vite tourné. De nouveaux négociateurs jésuites, aux noms Belcourt et Bouvier, se sont fermement convertis. Ils ont soutenu que la plupart des Canadiens-Français voulaient en fait la cohabitation bilingue, que ceux qui avaient tant oeuvré pour une université sous gouverne française avaient mal visé, que l’université de Sudbury devait se fondre docilement dans l’université Laurentienne bilingue.

La suite est bien connue. Les anglophones ont mis la loi du nombre de leur bord. Les programmes français ont piétiné, les programmes anglais se sont multipliés. Dans l’université qu’ils avaient créée, les Canadiens-Français ont été avalés. Voilà donc l’histoire d’une minorité ambitieuse remise à sa petite place. Mais dans cette histoire d’échec politique, un passage détonne : celui où par la force d’un vieux document légal, on a eu, pour un moment, une université française.

Quarante ans plus tard, la gestion de l’éducation française entre français est un droit acquis en Ontario. Nos écoles secondaires sont françaises, nos conseils scolaires sont français. Au postsecondaire, nos collèges comme le Boréal sont français. Seules nos universités restent bilingues, comme des fossiles vivants. Dans ce contexte, l’université de Sudbury pourrait-elle poser de nouveau son grand geste d’hier ? Dans ses tiroirs, nous dit l’histoire, elle a une deuxième charte qui n’a jamais servi. C’est la charte d’un certain collège Lalemant qui n’a jamais existé. Cette charte pourrait-elle servir à accélérer l’histoire ? Pourrait-elle servir à fonder l’université de l’Ontario français ? Et si une charte n’est pas le bon moyen, comme en 1955, l’Université de Sudbury pourrait-elle prendre le leadership autrement ? Voilà de bonnes questions posées au mauvais endroit. Car il y a 40 ans, on a déjà enterré un rêve d’université française, ici même, sous les pierres de l’université de Sudbury. Son fantôme ne semble pas hanter les lieux.

Les historiens disent que l’histoire a tendance à se répéter, surtout quand on l’a oubliée. Aujourd’hui, je vous l’ai rappelée.


Ce texte fut publié dans le recueil de nouvelles De face et de billet, par Normand Renaud, aux éditions Prise de parole, 2002. Reproduit avec permission.

Leçon 3: les participes passés

Bon ça y est, vous trouviez les canes drôles, quétaines, intéressantes, un peu gauches, pas toujours claires, sexy (on extrapole un peu, mais après tout, taGueule est sensé être sexy alors on a le droit de le prendre à notre compte!), mais là on a peur. On se dit qu’attaquer les participes passés à la troisième leçon, la glace va casser sous nos petites pattes et pis on va couler drette-là! Mais c’est le printemps, prenons des risques, c’est la saison des amours!

Vous allez voir, ce n’est pas si compliqué si vous avez bien suivi les deux premières leçons.

Nous avons deux auxiliaires en français : ÊTRE et AVOIR. Des fois ce sont des verbes, des fois ce sont des auxiliaires (des aides grammaticales si vous voulez). Vous savez certainement que la langue française a plusieurs temps de verbes: présent, futur, imparfait, plus-que-parfait, passé composé et autres. Eh bien pour les temps composés, on a besoin d’un auxiliaire et d’un participe passé. Le participe passé c’est une forme verbale que chaque verbe a (le participe passé de «manger» est «mangé»; celui de «partir» est «parti», celui de «vouloir» est «voulu», etc.).

1er problème : Faut-il utiliser ÊTRE ou AVOIR?

La règle est assez simple: on utilise AVOIR presque tout le temps. On utilise ÊTRE avec les verbes d’état (devenir, naître, mourir) et les verbes de mouvement (aller, partir, venir, descendre, monter, revenir, parvenir, repartir) et TOMBER. Là faut pas qu’on s’énerve, mais vous comprenez que le verbe «tomber» indique un mouvement, alors il faut utiliser l’auxiliaire ÊTRE. Répétez et écrivez la phrase suivante 100 fois: «Je ne dirai plus jamais: ‘J’ai tombé’ mais ‘je suis tombé’». S’il vous plaît, pour la santé mentale des canes, plus jamais!

2ème problème : J’ai rien compris.

De quoi parlent-elles? Comment on fait ça? Pas de panique! Ça aussi c’est simple. Un temps composé est composé d’un AUXILIAIRE et d’un PARTICIPE PASSÉ. Prenons l’exemple du passé composé qu’on utilise très souvent:

J’ai mangé. (AVOIR au présent plus PARTICIPE PASSÉ de manger)

Tu es allé. (ÊTRE AU PRÉSENT plus PARTICIPE PASSÉ de aller – verbe de mouvement)

Il a parlé de chansons.

Elle est tombée sur les roches.

Nous sommes revenus du cinéma.

Vous avez fait un gâteau.

Ils sont partis à la pêche.

Elles ont mis leurs mitaines.

3ème problème : Ça se complique.

Bon là, on l’avoue ça se complique un tout petit peu: Comment ça s’accorde ces affaires là? Bougez pas ce n’est pas difficile, c’est juste qu’on ne vous l’a pas appris.

1ère règle:

Quand l’auxiliaire est ÊTRE, le participe passé s’accorde TOUJOURS en genre et en nombre avec le SUJET.

Ma mère est partie.

Mon père est parti.

Mes parents sont partis.

Mes sœurs sont parties.

Il est revenu.

Elle est tombée.

Ils sont sortis.

Elles sont descendues.

2ème règle:

Quand l’auxiliaire est AVOIR, le participe passé ne s’accorde JAMAIS, SAUF… (attendez la 3ème règle). Vous voyez dans les exemples suivants que le participe passé ne change pas, peu importe le sujet ou le COD, ou autre chose. Ça ne bouge pas!

Elle a mangé du cochon.

Il a fait un dessin.

Ils ont écrit une lettre.

Nous avons chanté au petit matin.

Elles ont récité un poème.

3ème règle:

SAUF… avec l’auxiliaire AVOIR, QUAND LE COD EST PLACÉ AVANT SON VERBE, LE PARTICIPE PASSÉ S’ACCORDE EN GENRE ET EN NOMBRE AVEC LE COD. (Il n’y a rien d’autre à faire que d’apprendre cette phrase comme vous avez appris le Notre Père, ça paraît futile mais ça sert dans la vie! … et en plus c’est moins long!)

Les fleurs qu’elle a cueillies sont bleues.

(Le participe passé «cueilli» s’accorde au féminin pluriel parce qu’il s’accorde avec les fleurs qui sont le COD du verbe «cueillir»… Elle a cueilli quoi? Les fleurs!).

Les bonbons! Il les a mangés!

(Le participe passé «mangé» s’accorde au masculin pluriel parce qu’il s’accorde avec les bonbons qui sont le COD du verbe «manger». Il a mangé quoi? Les bonbons!).

J’ai lu les livres que tu m’as prêtés.

(Très intéressante comme phrase: «lu» ne s’accorde pas parce que son COD (les livres) est placé APRÈS; en revanche, «prêté» s’accorde parce que son COD (les livres) est placé AVANT). Un autre exemple pour la route:

Elle a pris toutes les affaires qu’il lui avait données.

4ème règle :

Vous avez tout compris. Nous aussi. Tout le monde est content. Mais voyons, cela ne peut pas être aussi simple… et bien oui et non, avouez que c’est simple (si vous savez trouver un COD, voir leçon 1), mais des fois ça se complique un petit peu, juste des fois.

Avec le pronom EN (voir leçon 2) :

Vous vous rappelez peut-être que dans la leçon 2, nous avons appris que dans certains cas, on remplace le COD par le pronom EN. Eh bien, quand EN est placé avec le verbe, LE COD NE S’ACCORDE JAMAIS. C’est simple! Exemples:

J’ai mangé des bonbons.              (COD après le verbe, pas d’accord)

J’en ai mangé.                              (COD avant le verbe mais remplacé par EN, pas d’accord)

Les bonbons, je les ai mangés!    (COD placé avant, accord)

Certains verbes de mouvement peuvent être accompagnés d’un COD. Dans ce cas, on utilise AVOIR.

Elle est descendue dans la cuisine.

MAIS :

Elle a descendu son chandail pour le mettre à sécher.

Ils sont sortis prendre une marche.

MAIS :

Ils ont sorti les poubelles.

Les verbes pronominaux :

Avouons que nous rentrons dans un terrain glissant. Nous ne sommes pas certaines de tout comprendre. Ce qui est sûr c’est qu’avec un verbe pronominal (se + verbe comme se laver, se lever, se doucher), on utilise toujours l’auxiliaire ÊTRE. Le problème est l’accord. Si le verbe pronominal est réfléchi (le sujet fait l’action sur lui-même comme «se doucher», c’est toi que tu douches!), ou réciproque (on fait l’action en gang comme «se réconcilier»), alors on accorde en genre et en nombre avec le sujet.

Verbes réfléchis ou réciproques qui s’accordent

Elle s’est lavée.

Elles se sont couchées.

Ils se sont levés.

Nous nous sommes douchés.

Ils se sont réconciliés.

Elles se sont embrassées.

Verbes pronominaux suivis d’un infinitif : PAS D’ACCORD.

Elle s’est fait manger toute crue.

Elles se sont laissé aller à leur guise.

Pour les participes passés avec un infinitif, il faut toujours se poser la question du COD. Mais là on botte en touche, c’est compliqué: on vous donne le lien suivant si ça vous amuse.

Nous, on va se coucher parce qu’on a un boulot et des mômes à nourrir et amuser demain, mais si vous avez compris les trois premières règles, nous seront heureuses en maudit!

La nouvelle guerre? Celle des riches contre les pauvres

«Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n’avons jamais été aussi prospères. C’est une guerre de classes, et c’est ma classe qui est en train de gagner.»

Warren Buffett, homme d’affaires américain, troisième homme le plus riche au monde, dont la fortune personnelle s’élève à 44 milliards de dollars (Magazine Forbes, 2012)

«La seule partie de la soi-disant richesse nationale qui entre réellement dans la possession collective des peuples modernes, c’est leur dette publique.»

Karl Marx, philosophe politique, économiste et révolutionnaire allemand

Les riches sont en train de gagner. Que ce soit dans nos villes, nos provinces, nos pays ou à l’échelle de la planète. Non seulement ils engrangent des profits monstrueux sur le dos des pauvres et des classes moyennes, mais, avec l’aide des médias (qu’ils détiennent et contrôlent en grande partie), ils nous convainquent, à force de répétions (ad nauseam) du message néolibéral, de la légitimité de cette situation. Ils dominent le monde! Ils ont des tentacules partout : dans notre eau, notre assiette, nos terres, nos forêts, nos rivières, nos écoles, nos universités, nos hôpitaux, et j’en passe. Ayant mis à leur solde les gouvernements, ils font adopter des lois et des politiques, clés en main, qui leur sont favorables et leur donnent le champ libre dans leur quête insatiable de profits. Ces derniers sont privatisés et les dettes, collectivisées. Pendant ce temps, nous constatons un recul important de nos conditions de vie, de nos acquis sociaux et de notre environnement.

Tout cela, sous l’œil indifférent du grand public. J’exagère, me direz-vous ?

Il ne faut pas se leurrer. Les riches sont en guerre. En guerre contre quiconque voudrait remettre en cause de quelque manière que ce soit les inégalités structurelles qui leur permettent de continuer à s’enrichir en toute tranquillité. Ils sont en guerre contre les fondements de nos démocraties, contre nos valeurs de solidarité, d’équité et de compassion, en guerre contre vous et moi. Ils veulent abolir nos droits collectifs, nos systèmes d’éducation et de santé, nos pensions. Le poids qu’ils exercent sur les coffres des états n’arrête pas de croître. Cela donne l’impression que nos pays ne sont plus menés par des gouvernements, mais par des banques, des compagnies minières, des grandes corporations qui leur dictent quoi faire. Et la soif de richesse de ces dernières ne semble jamais être assouvie.

Et ce qui est triste, c’est qu’elles continuent de gagner.

On entend souvent dire que les pauvres et les assistés sociaux sont des parasites qui profitent du système et vivent à la solde de l’État. On reproche aux francophones de «coûter cher» avec le bilinguisme. On considère le financement d’organismes de défense des droits des femmes comme un caprice inutile. On traite les autochtones de quémandeurs parce qu’ils exigent le respect de leurs droits et un traitement équitable avec le reste de la population. On ridiculise les membres des mouvements Occupy, qui exigent que la richesse collective soit mieux répartie, que les injustices sociales effarantes soient corrigées et que le milieu bancaire soit mieux réglementé.

Nous entendons toujours les mêmes refrains : à titre de contribuables, il faut faire «notre juste part» pour rétablir les finances publiques, nous «serrer la ceinture». Les gouvernements soutiennent que pour «arrêter de vivre au-dessus de nos moyens», il faut adopter des mesures d’austérité, «couper dans le gras», c’est-à-dire au sein des services, l’éducation et la santé. Ce «gras» inclurait aussi des dizaines de milliers d’emplois dans la fonction publique et les prestations de pension de vieillesse, qui selon les apôtres de la frugalité, grugent une partie trop importante des dépenses publiques. La solution magique à tous nos problèmes financiers serait de privatiser les services… Tout ça au nom du bien commun, bien sûr. Par ailleurs, il semblerait que nous soyons obligés d’accepter l’exploitation de ressources qui risquent de détruire notre eau et notre environnement, pour «maintenir notre qualité de vie».

Par contre, dès qu’on ose aborder l’idée d’augmenter l’imposition des plus riches, il y a une levée de boucliers de tous bords, car cela «menacerait» la stabilité économique et ferait fuir les investisseurs. Pourtant, plusieurs études ont prouvé que l’imposition progressive représente un de meilleurs moyens de réduire les inégalités et de mieux répartir la richesse.

Savez-vous qu’au N.-B., les changements à la structure des impôts initiés en 2009 donnaient une réduction d’impôt de 395 $ (2008-2012) à une personne dont le revenu annuel était de 30 000 $, alors que celle gagnant 150 000 $ en a eu une de 5 922 $ (2008-2012) ??? Ainsi, la personne ayant un revenu élevé a profité près de 15 fois plus des réductions d’impôts.

Les impôts des personnes à revenu élevé reviennent à des niveaux datant des années 1920. Cela a contribué à la concentration sans précédent de la richesse dans les mains d’un petit pourcentage de personnes, dans la province et au pays. Et bien que le gouvernement provincial a déposé son nouveau budget hier (27 mars), la tendance ne semble pas être sur le point de s’inverser…

En 2009, au Nouveau-Brunswick, la proportion du revenu total après impôt des 20 % les plus riches était de 41,9 %, alors que celle du 20 % le plus pauvre représentait 5,4 %. À l’échelle du pays, 3,8 % des foyers contrôlent plus de 67 % de la richesse financière totale.

Par ailleurs, aux États-Unis, l’effondrement du système banquier en 2008 a provoqué une crise économique mondiale, des millions de pertes d’emplois, l’explosion des taux d’endettement et de chômage, la pauvreté de millions de familles, qui se sont retrouvées à la rue. Alors qu’aux quatre coins de la planète, les pauvres et les classes moyennes n’arrivent plus à joindre les deux bouts, les employés des 25 plus grandes firmes de Wall Street ont perçu 135,5 milliards de dollars en 2010. Par exemple, les dirigeants de la banque Goldman Sachs ont augmenté leur salaire de 600 000 $ à 2 M$ de dollars. Pourtant les bénéfices de l’entreprise de 2010 sont en baisse de 38% par rapport à ceux de 2011. Ils ne sont pas seuls : 738 «dirigeants» de Citigroup ont touché plus d’un million. Le patron de la Bank of America, Brian Moynihan, qui annonce que sa rémunération sera désormais liée à la performance de sa banque, a empoché un bonus de 9,2 millions de dollars alors que sa banque a perdu 2,2 milliards de dollars. Veuillez consulter ce site pour voir la liste complète des organismes qui ont reçu du financement dans le cadre du plan de sauvetage de l’économie américaine (et les montants remboursés).

Et il y a plusieurs cas similaires au Canada, notamment au sein d’Air Canada…

Partout dans le monde, on entend que les Grecs sont des anarchistes, des paresseux corrompus qui ne veulent pas travailler. Mais on ne mentionne pas souvent que Goldman Sachs a enregistré un profit de 600 M$ avec le plan de réduction de la dette de leur pays. Que les fonctionnaires de l’État n’ont pas été payés depuis des mois et que 15 000 emplois publics ont été abolis. Que le salaire minimum a été réduit de 22 %. Que les salaires et les retraites ont été réduits. Que de nombreux services ont été privatisés et donc, que seuls les riches en profitent. Ça, on n’en entend pas souvent parler dans nos médias de masse… Et les cas sont encore plus odieux dans les pays en développement. J’en ferai l’objet d’une chronique ultérieure.

On croirait voir un retour au Gilded Age américain, une période marquée par l’enrichissement fulgurant de la classe sociale dominante composée de «barons» du milieu pétrolier, minier, bancaire et industriel, par la croissance significative des inégalités sociales et une dégradation importante du niveau de vie. Si notre monde vit une crise économique grave, si nos états sont réellement au bord de la ruine et qu’ils ne peuvent plus se permettre de payer nos services publics, il est temps que tous fassent réellement «leur part» et les riches en premier.

Il faut toutefois mentionner que nous sommes tous partiellement responsables de la victoire des riches. Nous les laissons gagner! Nous restons dans notre cynisme et notre indifférence. Nous baissons les bras, nous abandonnons parce que nous avons l’impression de ne pas compter, de ne pas pouvoir changer les choses. Nous vivons dans la peur et la résignation, la peur du chômage, de l’endettement, de la précarité, de l’isolement. Nous vivons dans la peur constante de notre gouvernement, de représailles politiques. Et malheureusement, dans une province comme la nôtre où le favoritisme politique est bien ancré, cette peur est souvent justifiée. Il est temps d’arrêter d’avoir peur. Il est temps de se tenir debout, et de rappeler aux riches que notre monde ne leur appartient pas. Assez, c’est assez. Il faut se réveiller avant qu’il ne soit trop tard.

Le débat: Une démarche nécessaire trop souvent mal menée

L’arrivée des médias sociaux marque le début d’une nouvelle ère en matière de partage d’informations et d’opinions. Désormais, en seulement quelques clics, le commun des mortels peut communiquer, échanger et débattre avec des gens du monde entier sur des milliers de plateformes. Une effervescence qui me fascine et qui me dérange aussi à plusieurs niveaux parce que malheureusement, je constate que beaucoup d’internautes semblent mal interpréter ce concept. Jour après jour, j’assiste à des échanges sur des questions comme la hausse des frais de scolarité au Québec, par exemple, et j’arrive difficilement à retenir mon envie de littéralement briser des murs. Voici donc quelques exemples typiques de ce qu’on peut observer sur le web et qui nourrit mes petites poussées de violence (et d’urticaire).

Liletrer

Ce spécimen est facile à repérer pour des raisons qui sont assez évidentes. À travers chacun de ses commentaires, l’illettré tente de réinventer le monde tout en réinventant la langue française de A à Z.

Je ne dis pas qu’on devrait discréditer l’ensemble de l’argumentation de quelqu’un pour quelques petites fautes. Que celui qui n’en a jamais fait lui lance la première grammaire! Par contre, j’ai beaucoup de difficultés à accorder une quelconque crédibilité aux arguments de quelqu’un quand j’arrive à peine à les comprendre tellement c’est mal écrit.

Le daltonien

Le daltonien est celui qui voit la vie en noir et blanc. Quand il participe à un débat, c’est pour apporter le moins de nuances possibles grâce à sa vision du monde qui a été dessinée avec de très, très gros traits. Pour lui, par exemple, tous les musulmans sont des méchants terroristes qui veulent nous imposer la charia et tous les anglophones sont des «French Haters» qui ont des vomissements dès qu’ils entendent quelqu’un qui ose parler en français «in their country».

Pour votre information, la vie n’est pas un film de Walt Disney. Il n’y pas de gentils ou de méchants. Si vous avez l’intention de défendre votre opinion à grands coups de généralisations et de préjugés, abstenez-vous. Vous ne faites que démontrer que vous n’avez pas compris l’enjeu sur lequel vous vous prononcez dans toute sa complexité. Bref, vous étendez votre ignorance sur la toile.

L’agressif

Prenez garde. Si vous avez le malheur de ne pas avoir la même opinion que l’agressif, vous devenez la cible d’une série d’attaques plus mesquines et gratuites les unes que les autres. Menaces de morts, insultes basées sur l’apparence physique ou sur la nationalité, l’agressif est prêt à tout pour démontrer que ses positions valent plus que «vos cr*** d’opinions de ma***».

La liberté d’expression, c’est bien beau, mais n’oublions toutefois pas qu’un débat est une guerre d’arguments et non une guerre d’insultes. Si vous n’êtes pas en mesure de défendre vos idées sans avoir recours à des attaques personnelles, c’est qu’elles ne tiennent pas la route ou que vous n’avez pas l’intelligence nécessaire pour le faire dans le respect. Donc, peu importe l’enjeu sur lequel vous vous prononcez, entendons-nous pour dire que le respect, c’est la base. Point.

Le pseudo-intellectuel marginal

Le pseudo-intellectuel marginal est un spécimen fascinant. Son objectif est simple: briser toutes conventions. Quand il participe à un débat, il tente la plupart du temps d’être le plus controversé possible. Peu importe si ses propos n’ont aucun sens et ne font avancer la question d’aucune manière, il aime provoquer, c’est tout.

Je considère qu’il est parfaitement louable de vouloir refaire le monde. En fait, je crois même que c’est grâce à ceux qui n’ont pas eu peur d’aller contre le courant et d’ébranler les conventions que beaucoup de choses ont avancé. Il faut toutefois préciser que ces gens proposaient des idées pour améliorer ce qu’ils dénonçaient, qu’ils avaient une vision. C’est facile de dire que la société en général est merdique et que tout ce qui a été fait ne vaut rien. En contrepartie, ça l’est beaucoup moins de proposer des façons concrètes de l’améliorer et d’agir. Bref, de faire plus que provoquer pour provoquer.

Appel à tous

Que ce soit sur Facebook, Twitter ou sur n’importe quelle autre plateforme, je vous invite à essayer de rendre chacun des débats que vous menez le plus utile et constructif possible. Saisissez l’opportunité que nous offrent les réseaux sociaux de connaître les arguments de tous, qu’ils soient ceux de gens de gauche ou de droite, de riches ou de pauvres, de femmes ou d’hommes, etc. Construisez-vous une opinion éclairée et défendez-là avec pertinence, faits et nuances. Ne pensez surtout pas que je cherche à museler qui que ce soit. Au contraire, je veux que nous soyons tous en mesure d’échanger de façon civilisée et intelligente malgré nos divergences d’opinions. Selon moi, c’est le seul moyen de changer le cours des choses et d’arrêter de tourner en rond.


Publié le 25 mars 2012 sur mon blogue personnel frederies.tumblr.com.

Photo: Henri Cartier-Bresson

Lettre à une jeune poète: Ariane Bessette, Avant l’oubli

Salut Ariane,

Puisque des curieux d’un peu partout liront peut-être cette missive, soulignons que je ne te connais pas, que je ne t’ai jamais rencontrée. Et c’est tant mieux! Non pas parce que je n’aimerais pas te rencontrer un jour, mais plutôt parce que je n’ai pas à tenir compte (ou à tenter de m’éloigner) du vécu de l’auteure que tu es, de tes petites manies (nous en avons tous), de tes valeurs, de tes goûts, de tes influences, de tes lectures préférées… Somme toute, je n’ai que ton recueil, tes textes, cette matière première de l’inconscient qui me parvient en ce début de printemps.

Lorsque j’ai reçu Avant l’oubli, la sobriété de la couverture m’a d’abord frappé. Puis, j’ai appris qu’il s’agissait d’un premier recueil et j’ai feuilleté maladroitement, comme je le fais souvent (chacun ses petites manies), à la recherche de quelques perles, quelques images qui sautent aux yeux et qui incitent à poursuivre.

Après un survol initial, j’ai plongé, relisant lentement ces poèmes à la fois tendres et crus où progressivement se dessine un univers qui à la fois unit et divise une fille et sa mère. Ici, pas de solutions faciles puisque la mère vit ses dernières heures. Ici, nous nous retrouvons devant l’épreuve d’aimer, l’instinct ressenti au plus petit moment, les balbutiements d’une quête où le passé et le présent s’entremêlent, entre le noir et le blanc.

Ton recueil s’ouvre sur une phrase de Pascal de Duve qui, à mon avis, donne le ton, situe le lecteur, prépare le dialogue à venir: «Peut-être la mort aura-t-elle le dernier mot, mais l’amour aura eu le plus beau».

Puis, tu enchaînes, découpant les vers (des vers brefs et nerveux à souhait où je sens parfois une certaine retenue — inévitable, diront certains), des vers où la juxtaposition du silence et des «phrases incomplètes» participe à la précarité que tu installes dès le premier poème.

Je conserve la durée
le silence
les phrases incomplètes
leur arrêt menaçant
fragile
pose blanche inerte du visage

(page 11)

En cours de lecture, m’est revenue cette phrase de Rainer-Maria Rilke: «En une seule pensée créatrice revivent mille nuits d’amour oubliées». Un petit rapprochement et déjà, j’étais plus près de cette œuvre de mémoire à laquelle tu me conviais («ma mémoire à l’encre faible», oubliant «le temps qui reste», inscrivant l’autre «dans la marge de tout après-midi/passé près des pommiers/à humer leur parfum»).

Des textes courts, certains hachurés presque, des clins d’oeil qui illuminent la nécessité de sentir. Autant de fragments où les images se succèdent («lumière blonde déversée sur les lattes de bois», «frêle bourdonnement/pénombres installées/au creux du regard», «la chambre épuise ta beauté»), déposant lentement, avec douceur, les pièces de ton casse-tête mnémonique.

Progressivement, des états de tension ou de paralysie surgissent entre le souvenir et l’attente, se précisent, se mêlent à qui nous sommes, comme si le lecteur ou la lectrice t’accompagnait le moment de la chute venu.

L’écorce qui recouvre l’intime
érosion amoureuse
lentement
retourne à la terre

(page 29)

Un recueil d’une belle sensibilité, «comme une lenteur/greffée à la peau», celle qui donne raison aux sentiments et au développement naturel de cette grisaille intérieure qui conduit, avec humilité et patience, à un autre état de connaissance.

Sentir qu’il n’y a eu entre nous
qu’une longue conversation
toujours la même:
en retrouver la source

(page 31)

J’ai lu. J’ai relu. Et tes questions sont devenues les miennes jusqu’à la toute fin où d’une part «le jour se libère», où d’autre part:

Tu demeures
pour moi
une douce et subtile
illusion:
un fantôme
qui ne quitte jamais la chambre

(page 68)

Vivre pleinement l’instant, les «pépiements (…) sonores et vivants (…) le silence traversé par un moineau». Et peut-être en les vivant, entrer un jour dans les réponses. Je te le souhaite!


Ariane Bessette, Avant l’oubli, Ottawa, Les Éditions David, 2011, 74 pages.

ISBN 978-2-89597-199-3

L’école française: une bonne école d’immersion

Je suis élève d’une école secondaire catholique du centre-sud de l’Ontario.

Ceci est mon appel à l’aide.

Au moment d’écrire cet article, je me vois entouré d’élèves et de personnels d’écoles qui semblent vouloir traverser la ligne entre une école de langue française et une école d’immersion. Dresser une ligne claire semble être notre plus grand défi aujourd’hui.

Voici, puisque pour plusieurs (moi inclus jusqu’à récemment), la différence entre une école de langue française et une école d’immersion est floue. Une école d’immersion a pour objectif de transmettre le français comme mode de communication verbale et écrite. Et, soyons honnêtes, la plupart accomplissent à merveille leur mandat. De ces écoles, plusieurs élèves en ressortent épatés par une nouvelle langue qui leur est donnée. Malheureusement, ce n’est pas le cas dans les écoles dites «de langue française»!

La problématique est la suivante: des huit écoles secondaires de mon conseil scolaire, il y en a une seule qui peut se dire forte culturellement. J’envie les élèves qui y étudient. Une sur huit? 12,5%? Pitoyable. Il se peut bien que celle-là soit la seule à pouvoir mériter le titre d’école de langue française.

Revenons aux définitions. Une école de langue française a pour mandat de transmettre la culture francophone, en particulier au secondaire, puisqu’arrivé là, le français devrait être une méthode de communication maîtrisée par les élèves. Nous savons bien que ce n’est pas le cas, du moins pas dans le centre-sud, mais on crée certainement une belle image. L’enseignant dans une école d’immersion donne 100% de son temps payé à transmettre le savoir (donc le matériel du curriculum) aux élèves. L’enseignant d’une école de langue française est sensé donner 50% de son temps afin de remettre aux élèves le même savoir. L’autre 50% est la fameuse ligne, celle qui différencie les francophones des anglophones qui ont eu la chance d’apprendre la langue de Molière: c’est la transmission de la culture.

Et elle ne s’effectue pas.

Quand les membres du personnel, enseignant et non, parlent entre eux dans une autre langue que le français, et pire, qu’ils parlent aux élèves de la même façon, comment est-ce qu’une école peut oser s’appeler une école de langue française? Les élèves s’en foutent, les enseignants s’en foutent, la direction s’en fout, tout le monde s’en fout!

Cependant, cela n’est pas pour dire que personne n’ose contrer le système plutôt que de le respecter. Il y a en effet certains enseignants qui constatent cette réalité et la jugent inacceptable. Il y a des étudiants, comme moi-même, qui font face à cette adversité et se relèvent à chaque fois que quelqu’un nous demande «Why are you speaking French at school?», mais nous sommes dans la minorité. En effet, en 2009, seulement 31% des élèves du secondaire de mon conseil ont rapporté qu’ils parlaient souvent en français à l’école. Nous avons complètement perdu notre sens d’appartenance à l’école. Différents des autres uniquement par la langue dans laquelle nous choisissons de nous exprimer, nous sommes maintenant des rejets sociaux. Il nous arrive souvent de penser à changer d’école, afin de finalement trouver un espace francophone sécuritaire, où nous ne recevrons plus de menaces, plus de «Go back to Québec!» Mais on comprend que notre avenir consistera en une bataille pour une école de laquelle je graduerai l’an prochain, pour une école qui s’en fout, pour une école qui ne cesse de nous pousser à terre.

Mais on se lève, et on se lèvera encore et encore, afin de ne jamais laisser notre chère culture tomber. Mais nous avons besoin d’aide. Le sud est trop souvent négligé par la FESFO, qui se dit la voix des jeunes Franco-Ontariens. Une ruée vers la francophonie se réalisera bientôt: il s’agit simplement de montrer aux élèves et aux enseignants à quel point la culture tombe dans une catégorie marquée «indispensable».

Je ne prétends pas être parfait. Je parle en anglais à l’école, et même si je le fais moins qu’en français, oui, je le fais. Mais je l’accepte. D’autres, non. Je ne serai jamais parfait, ni moi, ni mes compatriotes. Dans ce milieu, ce serait littéralement impossible. Et l’impossible, on ne l’atteindra jamais, mais il nous sert de lanterne.

Dans une galaxie près de chez vous…

AVEC PAS D’CASQUE
Astronomie
Grosse Boîte

Au lieu de simplement rafistoler le folk joliment déglingué de ses deux premiers albums, dont l’excellent Dans la nature jusqu’au cou en 2009, le groupe montréalais Avec pas d’casque a choisi d’ajouter des sonorités plus atmosphériques, voire cosmiques. Défoncer le toit de la shed plutôt que bêtement la repeindre. Du coup, on en voit mieux les étoiles.

Ces étoiles, on les doit à l’arrivée du trompettiste baryton Mathieu Charbonneau (Torngat, The Luyas) et de Mark Lawson (Arcade Fire, etc.) à la console. Ils ont su planter un décor nocturne qui convient parfaitement aux textes du cinéaste Stéphane Lafleur (Continental, un film sans fusil, En terrain connus, le montage de Monsieur Lazhar), toujours aussi étonnant avec sa poésie de bout de ficelle, ces images gossées à même un quotidien à la fois tendre et désarmant :

Ton corps trempé dans la paillette
Ma tête de boule miroir
T’es un gala à toi toute seule
Je garde le vestiaire
(Les oiseaux faussent aussi)

Nous ferons des concours de lumière
De blessures en ordre croissant
Tu voudras que je préfère
J’haïrai évidemment
Mais je veillerai le feu avec toi

Veiller le feu

Qu’il s’agisse d’Apprivoiser les avions, de Veiller le feu ou de La journée qui s’en vient est flambant neuve, les mots et les images nous traversent le corps pour nous laisser émerveillés, mais aussi curieusement apaisés, preuve que le groupe a su dépasser la simple enfilade de métaphores chocs au profit d’un univers somptueux, cohérent. Alors qu’on écoutait les précédents albums d’Avec pas d’casque à la recherche de la jolie phrase à épingler sur son frigo, Astronomie nous invite plutôt à nous étendre au sol, les yeux plantés au ciel. Jamais l’idée d’accorder des «étoiles» à un disque n’aura été plus appropriée.