À l’aube du printemps: Mes Aïeux

C’était en 2000. Un groupe osait tripoter l’ADN québécois à même son folklore. Quelques puristes ont fait la grimace tandis que les autres applaudissaient ce vent de fraîcheur inusité et hautement théâtral. 13 ans et 650 000 albums vendus plus tard – merci à Dégénérations, chanson valant à elle seule trois années de bac en sociologie -, plus personne ne doute de la pertinence de Mes Aïeux. Et ils sont de retour…

À l’aube du printemps, vous avez les deux pieds dans la neige brune et la boue quand, soudain, vous levez les yeux au ciel pour y apercevoir une volée d’outardes. Un ballet majestueux où les oiseaux se relaient sans orgueil en tête du peloton afin de maintenir le cap et le rythme. Une image forte qui aura guidé Stéphane Archambault et sa bande dans l’écriture de ce cinquième album résolument en phase avec son époque, où l’on attend encore des leaders inspirants.

Dès l’ouverture, on nous prend à bras-le-corps : Viens-t-en incite à la mobilisation, au mouvement. Crescendo délicat, on emboîte le pas et on aura bien besoin de cet élan pour piquer à travers les chansons suivantes comme autant de nuages dans l’horizon. Le gris domine et les questions essentielles abondent: «Quelqu’un sait-il où on s’en va ?», «À l’autre bout du pont, qu’est-ce qui m’attend ?» (En ligne), «Y a-t-il un sens à ta vie ?» (Des réponses à tes questions). Le principal intéressé ne trouvera pas, même après avoir interrogé père, mère, prof, psy et curé. Pas plus de réponses du côté de La Stakose, qui tire sur tout, espérant abattre un coupable qui se trouve peut-être de l’autre côté du fusil. Et on croit trouver un peu de répit avec La berceuse, mais on constate rapidement qu’elle ne sert qu’à nous endormir tandis qu’on pille nos ressources naturelles…

Que ce soit musicalement ou par les termes abordés, Mes Aïeux s’éloigne plus que jamais des racines traditionnelles qui les ont tant inspirés. Oui, l’increvable Yâb’ vient faire son tour (Histoire de peur) et on salue une bastringue moderne et séductrice (Je danse avec toi) mais l’essentiel est ailleurs. On a affaire à un disque profondément ancré dans son époque. Si le résultat est parfois lourd dans le propos, l’humour sauve la mise encore une fois. Et il y a de beaux moments plus légers (Je danse avec toi, Au gré du vent) qui permettent de garder le cap et d’arriver à bon port (Bye bye). On termine le voyage émerveillé par la résilience légendaire des Oies sauvages (la chanson la plus réussie du disque) autant que par ce groupe qui a su demeurer unis, persuadés de la force du nombre sur l’individualisme ambiant et surtout, convaincus que «malgré les défaites, on a encore nos ailes»…

Date de sortie: 12 mars 2012


Pochette: Marianne Chevalier

Laurentie: un WTF cinématographique

Il y a une couple de semaines, je suis allé voir L’acadie! L’acadie!?! à la cinémarobothèque de l’Office National du Film à Montréal avec ma blonde. Elle ne l’avait jamais vu et il fallait, évidemment, que je lui montre ce classique.  En passant par là, j’ai pris un programme pour les Rendez-vous du cinéma québécois qui était en full swing à ce moment-là. C’est en regardant le programme que je me suis dit qu’il semblait y avoir des ben bons films. Et qui l’eut cru, il y avait un film franco-ontarien.

C’est la description du film qui m’avait convaincu. En gros, Laurentie, c’est un film qui met en scène toute l’angoisse et le malaise d’un francophone cherchant à se retrouver des repères alors qu’il est confronté à une proximité menaçante de l’autre : son voisin anglophone.

Fait que, n’ayant pas vraiment le budget ou le temps de voir plus d’un film aux RVCQ cette année, je me suis dit Fuck it, forget le film franco-ontarien, je vais aller voir Laurentie à la place. D’ailleurs, je l’avais déjà vu, La Sacrée, pis ça avait plus le goût d’une Molson réchauffée qu’une bonne bière artisanale. Je sais, je sais, c’est un premier long métrage de fiction franco-ontarien, c’est important. Well, Aurore, l’enfant martyre aussi, c’était important.

Bon, back to Laurentie. Le titre de ce film québécois est une référence à ce pays lyrique imaginé par toute une génération d’intellectuels nationalistes de droite ultramontaine. Vous savez, la clique brébeufienne et certains profs de l’Université vaticane de Montréal. Oh oui, Pierre Trudeau y adhérait, je crois que vous le connaissez. En tout cas, le but de cette bourgeoisie nationaliste : la fondation d’une république catholique française fondée sur le modèle des états franquiste, en Espagne, et fasciste, en Italie.

Les réalisateurs, Mathieu Denis et Simon Lavoie, ont choisi le titre ironiquement. Le film ne se passe pas à cette époque-là; il se déroule plutôt dans le Montréal de nos jours. Louis Després, 28 ans (incarné par Emmanuel Schwartz), y va pas très bien. Non, en fait, il va assez mal. Il est perdu. Il est un être totalement asocial et il s’apprête à perdre le nord. Il emménage dans un nouvel appartement. Son voisin est un anglophone.

Pour l’anglophone la vie est belle. Il est étudiant, il est content, populaire, bref il est tout le contraire de Louis, qui l’observe discrètement, avec une fascination perverse. Louis ne parle à personne. Il ne s’intéresse pas à la banalité de la vie que se racontent ses collègues.

Certains plans-séquences durent de cinq à dix minutes. Le temps s’étire, le vide de la vie se fait sentir. Louis va boire dans un bar avec ses amis. Il se bat avec des Anglais. Louis boit de la bière avec ses chums. En silence. Louis se paye une danse contact dans un bar de danseuses. Louis se branle au travail. Louis baise sa blonde sans romantisme et à vrai dire, sans érotisme. Louis se branle dans la salle de bain de son voisin durant un party. Sans jamais jouir. Ce film est fabriqué à partir de scènes comme ça, étirées au maximum. Une scène montre même un vieux à marchette qui se dirige lentement vers la sortie de l’église. En temps réel. La seule scène où Louis semble heureux est un retour en campagne, dans un semblant de Laurentie, mais la réalité le reprendra et le ramènera de force à Montréal. Dans certaines scènes, des extraits de textes sont projetés sur l’image, citant des poèmes de Saint-Denys Garneau, Anne Hébert, Gaston Miron, Hubert Aquin qui contrastent par leur espoir d’un pays, le désespoir des images.

La force du film est  sa construction cinématographique particulière et le culot de nous montrer des scènes crues en temps réel, ce qui se voit rarement de nos jours au cinéma. Et il faut avouer que c’est un risque qui a valu la peine.

Pour ce qui est du message politique, à part critiquer le marasme du mouvement nationaliste au Québec et le manque d’identité claire et précise au Québec, il est difficile de savoir exactement ce que les réalisateurs voulaient dire.  Après la projection de branlages sur l’écran, j’ai assisté à une séance de masturbation intellectuelle au Bistro SAQ où les réalisateurs se défendent contre un panel qui ne se reconnaît pas dans leur film. « Je n’ai aucun malaise face à mes voisins anglophones » ou « Je suis capable de vivre mes deux identités sans problème », entend-on. Je crois qu’ils sont tombés à côté de la plaque. J’avais l’impression que le panel avait pris le film pour une apologie d’Hérouxville plutôt qu’un portrait de la situation qui lui donne voix. Et le besoin de régler la question, justement pour pas que l’on repasse par Hérouxville sur le chemin de l’affirmation identitaire. Mais certaines interventions des réalisateurs m’ont laissé perplexe. Je n’avais peut-être pas bien compris; c’était peut-être moi qui étais tombé à côté de la plaque. En tout cas, le film provoque la discussion, c’est déjà ça. Et explorer la complexité de cette question au Québec est aussi essentiel à la résolution de la question identitaire chez nous, en Franco-Ontarie.

Outre la question politique, le film demeure intéressant. Je ne sais toujours pas si je l’ai « aimé ». Ce n’est peut-être pas le genre de film que l’on aime ou que l’on déteste. Néanmoins, il participe et contribue à la richesse du cinéma québécois et propose autre chose d’un point de vue esthétique. Principalement pour cette raison, il mérite d’être vu.

Sorry, I Don’t Speak French: Anti-bilingualism Protest in Cornwall Demands “Equality For All”

Welcome to the first installment of Sorry I don’t speak French, taGueule’s way of opening dialogue between what are too often known as “two solitudes”  here in Canada. We will occasionally publish articles in English (or translate some of our hottest French articles) in order to seek out opinions from the anglophone community.


“Equality For All” ?

As you may have heard, bilingualism has been the target of the media in the last few months. Whether it was the Fraser institute’s report saying that bilingualism costs 2.4 billion dollars annually to maintain in Canada, the appointment of a unilingual justice to the Supreme Court, the appointment of a unilingual auditor general by Stephen Harper’s Conservatives, the Official Languages Act is taking a beating in comments sections in Sun Media sources across the country. More recently in Cornwall, protesters have taken action against what they claim are “unfair hiring policies” at Cornwall Community Hospital.

According to protestors, the hospital’s administration is only hiring bilingual nurses and letting go staff who are not because of its designation under the Ontario French-Language Services Act (also known as La loi sur les services en français or Loi 8). South Stormont’s city council (who relies on the Cornwall hospital) also decided to withold its annual $30 000 donation to the hospital for the same reason.

So What’s The Problem Here?

The protestors and the city of Stormont are missing the point. In a city like Cornwall, where 30% of the population is francophone, isn’t the additional skill of speaking French a desireable quality for a candidate applying to a nursing position? Consider the following. A middle-aged woman is rushed to the hospital yelling: “J’ai mal au cœur, j’ai mal au coeur!” A non-fully-bilingual nurse could misinterpret the woman saying “j’ai mal au cœur” as saying she has chest pain. While this is indeed a literal translation, French-speakers know that having “mal au cœur” actually means having abdominal pains. As it turns out, the woman’s appendix bursts and she requires immediate surgery. Do we really want a disproportionate number of unilingual nurses working at this hospital? Don’t agree? Why not listen to this CBC radio interview with the Mayor of South Stormont and the chair of the Cornwall Community Hospital and decide for yourself?

What’s the deal with the hypocrisy of the protestors? Slogans like “Equality for All” or “Fairness in Full-Time Positions. Education + Experience before Language” can be read on their signs. Surely, learning French isn’t added education or anything like that. If a unilingual francophone applied for the same position, he or she obviously wouldn’t be hired in a hospital where about 70% of the patients only speak English, that would be absurd! Where does the bigot at 1:30 in this video get off with his claims that a unilingual Canada would save billions of dollars? When did the francophones from Cornwall say they wanted a separate country? Isn’t the fact that the FLSA exists a testament to the fact that francophones are proud Canadians and wish to remain so? Isn’t the fact that they want to be served in their language in their homeland demonstrating their love for their country? Buddy, we live here too!

What’s up English Canada? I know people like this are the minority, but where did they come from? I’m not blaming you, but I’m curious. More importantly, what Canada did they grow up in? It sure as hell isn’t the same one I did.

[hr]

March 8th 2012, 11:32 pm edit: For anyone wondering whether or not the bilingualism policy means that all jobs be bilingual at the hospital, here is an official statement from the hospital stating otherwise.

Photo: Des manifestants dénoncent la nouvelle politique d’embauche de l’Hôpital de Cornwall, Radio-Canada

Les Bleus de Ramville: Pas offside, juste off

Après le slapstick quétaine presque réussi qu’a été la série Météo+, TFO nous présente une deuxième télésérie nord-ontarienne.

Est-ce qu’ils auraient dû?

Les Bleus de Ramville, c’est comme une tentative de recréer Les Boys en franco-ontarien. Tous les éléments y sont pour en faire le show le plus franco-ontarien ever. Un petit village (comme Verner, Corbeil ou Smooth Rock Falls), des grands noms d’acteurs franco-ontariens (Jean Marc Dalpé, Stéphane Paquette), et le français régional dont on est si fier (mais qu’on se fait un plaisir de fou à mal imiter).

La première fois que j’ai écouté Les Bleus de Ramville, ç’a duré 5 minutes avant que je retourne à Seinfeld. J’étais mal à l’aise, honnêtement. Pour tout le bruit qu’on fait sur cette série, sur «l’industrie télévisuelle franco-ontarienne», j’étais déçu. J’ai décidé, par la suite, d’y donner une vraie chance, voir ce que donnait un épisode au complet.

Commencer par le commencement

Le générique d’ouverture de l’émission est magnifique, il faut le dire. On comprend les enjeux que l’on souhaite aborder dans cette série: la régionalité, la passion que peut inspirer le hockey semi-pro, l’intensité sur la glace même si on ne gagne pas un million par saison. Après le générique, j’étais optimiste. On présentait ici un beau pari, on piquait mon intérêt. Mais après, ouf.

Dès la première scène, on nous vend sans trop de subtilité le dialogue artificiel et le rythme malaisant de la série. J’ai du mal à me décider si c’est parce qu’on leur impose des textes mal adaptés à l’accent qu’on essaye de leur donner, ou bien si ce sont les comédiens qui sont mal dirigés dans la livraison de leurs répliques. On se dirait dans une pièce de théâtre ou dans un match d’impro, et même que certaines des répliques semblent hors contexte, par exemple lorsqu’on fait allusion au taux de chômage qui serait apparemment plus élevé à Sudbury que dans un village où l’on vient de perdre l’employeur principal… On est loin de l’accent absolument réussi de la secrétaire d’Azilda dans Météo+ (où le même problème de manque de constance des accents existait).

(Manque de) vigilance constante

Le niveau du jeu n’est pas égal chez tous les comédiens (ni même de scène en scène) et on ressent un certain laissez-faire au niveau de leur cohérence de réplique en réplique. Dans une même scène, on peut passer d’une conversation très crédible à un genre de parodie de théâtre communautaire de Moonbeam. La facilité des textes me donne envie de souffler mon gazou pour donner une punition de «ploguer le thème» comme ils disent en impro. On dit tout, on ne laisse pas la place aux nuances, et on expose au grand jour les motivations de chaque personnage.

À la télé, ça prend une intention claire au niveau du rythme, et ici, il est off, mal placé. Les répliques ne s’emboîtent pas, et on a l’impression que chaque ligne de dialogue est faite pour être seule, sans s’imbriquer dans le flow de la scène. On peut passer une bonne minute très agréable, où le jeu est au niveau et où le rythme est bon, avant de retomber dans le mondain.

L’inégalité du jeu se voit encore plus lorsqu’on a affaire aux scènes de Jean Marc Dalpé, qui rentre à merveille dans sa peau de «businessman» crasse. Sauf que lorsqu’il est avec d’autres comédiens, avec moins d’expérience ou d’aisance, on est mal à l’aise. Pour eux, pour lui, pour l’équipe de production.

Et là je n’ai même pas parlé de la musique, qui plus souvent qu’autrement vient briser l’atmosphère que l’on tente de créer. Il me semble qu’une bonne trame sonore, on ne devrait pas la remarquer. Ici, au lieu, on a l’impression de se retrouver dans un épisode de Full House ou dans un Friday Night Lights pas assez dramatique.

Le contexte de la série est bon – l’employeur principal de la ville quitte, réalité trop commune pour les Nord-Ontariens, et on tente de redonner une certaine vigueur au village par le biais de l’équipe de hockey. C’est une mise en situation qui valait bien la peine qu’on s’en inspire pour une télésérie. On est loin des moeurs «over-dramatiques» de Francoeur, de la banalité corporative de Rock et Rolland, ou du mindfuck généralisé de L’Auberge du chien noir. Mais j’ai justement l’impression que cette série qu’on m’a vendue dans le générique d’ouverture, on ne l’a pas écrite.

L’âne et la carotte

Les Bleus de Ramville, comme Météo+, est produit pour une diffusion à TFO, sans publicité, et à ce que je peux en conclure, sans ambition de rediffusion pour un profit quelconque. J’ai l’impression qu’on a établi une industrie télévisuelle dans le Nord dans le but de faire travailler les gens, peu importe la qualité du produit final. Ramville jouit d’une diffusion garantie et ne doit pas s’inquiéter des commandites, des cotes d’écoute ou des critiques dans la Presse ou à C’est juste de la TV.

Je dois quand même saluer l’initiative de TFO et de la boîte de production derrière Ramville, mais j’aimerais avoir l’impression qu’il y a une carotte qui leur pend devant le nez. Pour l’instant, après 5 épisodes, on dirait un âne paresseux dans un entrepôt de légumes.

En tant que bon Franco-Ontarien, je me dois de suivre la saison jusqu’à la fin, et j’espère que la suite pourra me faire changer d’opinion.

L’Ontarienne débarque

J’attends depuis plus d’une heure pour renouveler ma carte étudiante et le gars au comptoir me demande si j’ai une autre pièce d’identité, quelque chose de plus officiel, comme une carte émise par un ministère. Un peu confuse, je lui réponds que je ne sais ce qu’il veut de plus… «Un permis de conduire, il me semble que c’est assez officiel, non?!» Le gars regarde à nouveau ma pièce d’identité et se rend compte (enfin!) que c’est un permis ontarien. C’est aussi à ce moment qu’il m’adresse la parole en anglais. Inutile de lui demander pourquoi, je connais malheureusement déjà la réponse, qui est toujours sensiblement la même. Il va probablement m’expliquer comment le cousin de son père, qui a déménagé à Toronto dans les années 1980, s’est fait assimiler et comment, selon cette logique, il est convaincu qu’il n’y a pas réellement de francophones en Ontario. Chaque fois que j’entends ce genre de réplique, je me demande s’il s’agit d’une blague. Comment peut-on ne rien connaître au sujet du plus gros contingent de francophones habitant à l’extérieur du Québec?  Plus d’un demi-million de personnes!

J’ai grandi dans le Nord ontarien, dans une région où l’assimilation n’était pas un enjeu et où il fallait même plaider avec les élèves pour qu’ils parlent anglais. Situation rare, certes, mais qui existe néanmoins dans quelques villes ontariennes. Étonnamment, l’événement qui marque ma prise de conscience ne fut pas tellement mon arrivée en région majoritairement anglophone, mais plutôt mon déménagement dans la province voisine. Je me suis réellement identifiée comme Franco-Ontarienne, ayant des motivations politiques et culturelles distinctes, pour la première fois de ma vie en habitant au Québec; preuve que la langue n’est pas toujours un facteur d’unification.

Il faut dire que j’ai été surprise d’apprendre combien de Québécois ignorent l’existence des communautés francophones hors province. À maintes reprises, j’ai dû expliquer, même à des collègues historiens, que la présence française en Ontario date depuis longtemps et qu’il est effectivement toujours possible d’y vivre en français. Il me semblait parfois farfelu d’expliquer à des universitaires comment le reste des Canadiens français n’avaient pas soudainement cessé d’exister au moment de la Révolution tranquille, du moins, pas sur le plan démographique. J’ai vite compris que les liens de solidarité avec le Québec étaient très faibles, même si, en réalité, la frontière ontarienne se trouvait tout près, à une centaine de kilomètres.

Je suis partie au Québec pour poursuivre mes études en français. Non pas parce que c’était impossible en Ontario, mais parce que le choix de programmes dans mon domaine était limité. À peine quelques minutes après ma première rencontre avec mes collègues, j’étais vouée à être l’anglophone du groupe. Ce n’était pas à cause de mon accent, mais plutôt à cause de mon origine, qui, en quelque sorte, garantissait que je maîtrisais probablement mieux l’anglais. Si je m’exprimais relativement bien en français, c’était sûrement parce que j’avais habité près de la frontière ou encore parce que mes parents étaient Québécois. Impossible que ce soit plutôt à cause des institutions francophones que j’avais fréquentées. Non. Impossible. «Tu parles très bien français pour une anglophone!» Comment même réagir à cette remarque sans perdre son sang-froid?

Pourtant, l’existence des Franco-Ontariens ne m’avait jamais paru extraordinaire considérant le nombre de minorités linguistiques éparpillées partout dans le monde. À peine débarquée dans ma nouvelle province, je me retrouvais soudainement, malgré moi, embarquée dans une croisade cherchant à prouver et à légitimer ma francophonie auprès de mon nouvel entourage. Je passais mon temps à fournir des explications détaillées sur l’histoire du fait français en Ontario. Pire encore, je justifiais, avec des arguments irréfutables, pourquoi j’avais aussi le droit de vivre en français.

Il n’est certainement pas facile de vulgariser la situation des francophones en Ontario, mais obstinément, j’ai voulu informer mon entourage quant à la complexité de la question. À maintes reprises, j’ai pris soin d’expliquer comment la francophonie se vivait différemment en situation minoritaire. J’ai aussi expliqué à quel point les Francos-Ontariens étaient éparpillés partout en province, rendant parfois difficile le ralliement. J’essayais ultimement d’inculquer à mon entourage qu’il y avait des gens qui continuaient – par choix – de vivre en français en Ontario, malgré leur situation minoritaire. C’était malheureusement un débat perdu d’avance. À la fin, j’étais épuisée de réitérer sans cesse la même chose. La plupart du temps, on ne se gênait pas pour me rappeler que j’étais seulement un dead duck, dont toutes les luttes, passées et futures, étaient futiles.

Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie comme si c’était peut-être illogique de vouloir continuer à vivre en français en Ontario en n’ayant pas l’appui du Québec; questionnement qui ne m’était pourtant jamais venu à l’esprit auparavant. Malgré l’opposition parfois féroce de certains groupes unilingues anglophones en Ontario, parler et vivre en français avait toujours été pour moi un fait accompli. Il me semblait alors paradoxal que l’attitude défaitiste envers les francophones hors Québec soit plus forte dans la «belle province» que dans ma province d’origine. À vrai dire, je n’avais jamais rencontré un si haut niveau d’opposition à l’idée d’une francophonie pancanadienne avant mon arrivée au Québec. Alors que je me retrouvais enfin entourée de gens qui parlaient français quotidiennement, j’avais constamment du mal à m’intégrer tant à l’université qu’au petit pub du coin. Toutes les discussions revenaient sans cesse aux questions linguistiques et à la notion des deux solitudes. Originaire de l’Ontario, on considérait rarement mon opinion sérieusement; comme si, venant du Canada, j’étais automatiquement une fervente fédéraliste. Manifestement, l’absence de communication entre les groupes francophones au pays avait donné naissance à un dialogue de sourds.

C’est après plusieurs mois que j’ai enfin compris. «Tant pis, câlisse! Ce que pensent les Québécois n’est pas important!» Le refus systématique du Québec à être solidaire avec les francophones ailleurs au pays ralentit peut-être l’avancement des projets en Ontario français, mais il ne les empêche certainement pas. Si on parle encore français en Ontario aujourd’hui, c’est, à mon avis, malgré le Québec, qui préfère se donner une vitrine internationale plutôt que de tisser des liens avec le Canada.


Image: Gadaffi Duck, Inkbot Design, 2011

Le doigt d’honneur : court survol du doigt le plus long

Je me souviendrai toujours de la première fois que j’ai donné «le doigt». Je devais avoir 8 ans. J’étais dans l’autobus en route pour l’école quand un p’tit morveux dans un autre autobus m’a donné le doigt. J’ai instinctivement répliqué avec le mien à la grande surprise de la conductrice de l’autre autobus qui m’attrapa en plein acte. Ça n’a pas pris 2 minutes que notre autobus s’arrête et que Debbie, notre conductrice, chicane tout le monde au grand complet afin de savoir qui était le snoreau qui avait levé ce doigt sacré. Je n’ai jamais avoué ce geste publiquement avant aujourd’hui. Sorry Debbie.

Le majeur est un doigt, parmi tant d’autres, mais comment a-t-il eu sa si mauvaise réputation? Voilà le sujet de mon billet d’aujourd’hui.

On s’en est tous servi à un moment donné dans un élan de frustration en plein trafic ou en l’affichant en direction de quelqu’un qu’on méprise pendant qu’il avait le dos tourné.

“I wasn’t born with enough middle fingers to let you know how I feel.” — Proverbe inconnu

Récemment, c’est Adele au Brit Awards, MIA au Superbowl et Jacques Languirand lors du lancement de la programmation de Radio-Canada qui se sont laissé emporter par le majeur. Mais d’où vient-il?

Historique du doigt d’honneur

Les origines du doigt d’honneur sont un peu floues.

Une des premières utilisations connues du doigt d’honneur date de plusieurs siècles. En Grèce antique, il était connu sous le nom κατάπυγον (katapugon, de kata – κατά, « vers le bas » et pugē – πυγή, « fessier, derrière ») qui faisait référence à un geste phallique utilisé au théâtre comme insulte voulant dire un homme qui soumet à la pénétration anale. D’ailleurs, on y retrouve une référence dans la comédie Les Nuées d’Aristophane en 423 av. J-C.

Mais l’histoire qui m’allume le plus est celle de la Guerre de Cent Ans… les Français contre les Anglais.

L’amputation pendant la Guerre de Cent Ans

On est quelque temps entre 1337 et 1453. Les archers anglais adoptent le longbow sur le terrain de guerre contre les Français, ce qui leur permet d’atteindre une supériorité face à la cavalerie et aux arbalétriers français. Ça prend deux doigts pour tirer le longbow, l’index et le majeur. Les Français, pas cons, amputent le doigt du milieu des soldats anglais capturés pour qu’ils ne puissent plus tirer à l’arc s’ils s’échappent. Depuis, en réponse, les Anglais lèvent fièrement leurs majeurs en direction des troupes françaises avant une bataille dans l’idée de dire « Come and get ’em, boys! ». Et on pensait que nos chicanes entre « solitudes » étaient graves.

“The peace sign is just a trigger and a middle finger.” — Little Wayne

Du Moyen-Âge à la re-popularisation

Le doigt se fait discret au Moyen-Âge grâce à la présence de l’Église Catholique qui décourage fortement son utilisation. On le croirait mort jusqu’à ce qu’une nouvelle invention vienne mettre de l’huile sur le feu et place le majeur au sommet de sa popularité : la photographie.

Old Hoss Radbourn's Finger

En 1886, Charles « Old Hoss » Radbourn, lanceur de baseball pour les Boston Beaneaters, glisse son doigt dans une photo d’équipe. Dans un flash, le hall-of-famer lance un mouvement américain de rébellion et d’humour, bref, une attitude punk avant d’être punk. Charles Radbourn est le premier hipster.

Pendant le 20e siècle, le doigt d’honneur fait son entrée triomphante dans toutes les sphères de la société. Le doigt assume sa place dans la culture populaire et politique.

Nelson Rockefeller, vice-président des États-Unis, lève son majeur en guise réponse à des manifestants contre la guerre au Vietnam en 1976.

Autres doigts d’honneurs populaires

Le majeur, étrangement bien préservé, de Galilée peut être vu au Museo di Storia del Scienza en Italie. Le doigt du célèbre astronome a été volé du corps par Anton Francesco Gori en 1737. Gori aurait détaché ce souvenir pendant qu’il déménageait le corps. Galilée donne encore fièrement le doigt à tous ceux et celles qui douteraient de sa théorie héliocentrique.

Lors d’un passage de train à Salmon Arm en Colombie-Britannique, Pierre Elliott Trudeau n’a pas hésité un instant à donner son fameux « Trudeau Salute » à des manifestants qui lui criaient des bêtises antifrancophones en 1982. On aurait aimé avoir une photo de ça!

Une scène classique de The Matrix où M. Anderson refuse de coopérer avec Smith.

Cette photo classique de Johnny Cash a été prise par le prisonnier Jim Marshall pendant son concert à la prison San Quentin en 1970. Marshall, le photographe a dit qu’elle était “probably the most ripped off photograph in the history of the world.”

Personne ne sait vraiment quand est-ce qu’il a été tourné, mais chose certaine, c’était pendant qu’il était gouverneur du Texas et il ne savait pas que la caméra tournait. Ce clip a premièrement fait son apparition sur Salon.com en 2004.

Ce petit oiseau est loin d’être en voie d’extinction. Hissez-le fièrement, mais pas trop souvent. Limitez son usage qu’à des circonstances très précises. Le doigt d’honneur est sacré. Il ne faudrait pas l’abuser ni l’amadouer.

Quelles sont vos utilisations du doigt d’honneur préférées?

Lectures recommandées

Is giving the middle finger offensive? – NPR
101 Ways to Flip the Bird, Jason Joseph and Rick Joseph, 2007
The Field Guide to the North American Bird, Adam and Lauren Blank, 2004

Lettre à un jeune poète : Rêver au réel de Daniel Groleau Landry

Salut Daniel!

En 1929, dans Briefe an einen jungen Dichter (Lettres à un jeune poète), Rainer-Maria Rilke écrivait: «Pour aborder les oeuvres d’art, rien n’est pire que la critique.» Je t’écris donc à titre de simple lecteur qui découvre ton recueil de poèmes, Rêver au réel.

D’emblée, il est clair que tu aimes le langage et le jeu qu’il te propose (j’ai parfois l’impression que ce sont les sonorités, la musicalité du langage… qui te guident, t’entraînent, te permettent de t’abandonner à une forme d’automatisme où s’enchaînent les idées, les mots…) comme en témoigne cet extrait:

«ripostes et revirements océaniques
en vagues et tourbillons arrondis par
les frictions de fiction et scissions dans les
fissions sur les fissures en sutures sur l’azur
craquelé de morsures et morcelé de rayures
surréalistes et liquides dans les limpides
briques dans les embrasures
des rictus de la lune diurne en éclats de citernes
et les mots les mots les mots»

(page 60)

Il y a souvent une urgence dans ton écriture. Déjà en 2005, je l’ai senti quand, pour la première fois, je t’ai entendu lire quelques-uns de tes textes (embryonnaires, diras-tu) lors d’une soirée de poésie qui avait lieu au Théâtre du Nouvel-Ontario. À l’époque, tu avais 15 ans et tu osais. Puis, en 2008, quand je me suis penché sur tes textes publiés dans La Ville invisible/Site Unseen, j’ai compris que le «jeu» se précisait, que tu découvrais l’élan qui t’a mené à Rêver au réel. Au fil des années, tu m’as envoyé des ébauches, je t’ai fait part de quelques commentaires. Et un jour, tu as soumis ton manuscrit aux Éditions L’Interligne et tu as enclenché le processus éditorial. Une nouvelle discipline sans doute pour celui qui écrit si rapidement, qui aime la spontanéité de lire ses textes en public…

La voix et les vers. Là où s’entremêlent des images qui fouettent, caressent, dénoncent parfois, qu’il s’agisse du désir charnel, de cette langue («un désert de papier sablé»), du «désordre confortable», des limites qu’on ne connaît pas «avant d’atteindre l’âge adulte», de la modernité qui contient «le potentiel de sa propre déchéance», de cette sirène qui «chante la mort des naufragés»…

Puis, intervient la solitude, cette solitude intérieure qu’on arrive difficilement à calmer, cette solitude que nous sommes, cette puissance venue d’on ne sait où qui nous prend comme «le néant de la page blanche», cette amie qui nous dévore.

«la solitude est un état d’esprit la solitude est un étau
d’esprit la solitude est un étal d’esprit
la solitude est un état
la solitude est la solitude et
la solitude hait la solitude

elle est ostentatoire tels les enfants de l’encensoir

(…)

la solitude est un ami fidèle
qui ne sait pas quand retourner chez lui»

(pages 66-67)

De la déchirure aux stigmates des émotions, des «caressantes certitudes de l’amour» au désir, du rêve au réel, tu jongles avec des oppositions qui deviennent à la fois le moteur de ton écriture et un besoin:

«besoin de soulager ma douleur
avec la médecine de la poésie
besoin de coucher avec la poésie
besoin de créer
de la beauté
dans l’univers
pour oublier
l’aile fracturée
de ma colère.
pour oublier
la futilité
de nos civières.»

(page 89)

Une lecture en diagonale de Rêver au réel révèle d’abord un recueil touffu qui respecte le style et l’énergie de tes premiers vers. Cela dit, tu pousses l’aventure plus loin et une première lecture ne permet pas toujours de décortiquer les sens qui se dévoilent et se digèrent lentement.

D’aucuns parleront peut-être d’une poésie qui se veut parfois «cérébrale». Je n’aime pas les étiquettes. En tant que lecteur, je préfère me laisser bercer, prendre mon temps, «participer» au jeu offert… Et sept ans après notre première rencontre, je me réjouis de te savoir dans ce métier instable de poète, ce métier nécessaire et sans uniforme, parfois isolé et souvent exigeant qui transcende ou exprime nos soucis quotidiens, nos besoins profonds.


Daniel Groleau Landry est présentement au Salon du livre de l’Outaouais. Allez le rencontrer au stand no. 501.

Daniel Groleau Landry, Rêver au réel, Ottawa, Éditions L’Interligne, 2012, 142 pages. ISBN: 978-2-923274-87-4

Lettre ouverte : Écraser pour mieux avancer…

TaGueule existe depuis près de deux semaines déjà. Quel accomplissement! Une première visite sur le site internet impressionne. Il a fallu beaucoup d’effort, d’énergie et de consultation entre confrères et consoeurs pour arriver à un tel succès! Et cela entre francophones, convaincus ou non, de leur identité. L’important c’est qu’on se parle, qu’on se dise comme on est; que ce soit beau ou non.

Sur ce, un lecteur, une lectrice ne peut faire autrement que de remarquer le ton que prend taGueule. Bien sûr il s’agit de partager une critique, une opinion, des faits sur ce que vivent, connaissent et subissent même parfois les Franco-Ontariens. Mais il s’agit aussi et surtout de commenter ces articles. Doit-on toujours le faire de façon négative? On ne doit pas nier l’existence de problèmes flagrants dans nos communautés. Au contraire, il faut se le dire! Mais doit-on toujours employer un ton négatif pour le faire?

Il est possible de présenter les forces, les faiblesses, les manques d’intérêt, les frustrations, les défaites, les cruautés, les manques de compréhension, de justice et ainsi de suite dans un langage respectueux. Les francophones sont-ils arrivés au point où ils doivent écraser tout ce qui leur déplait pour croire qu’ils avancent et qu’ils favorisent le changement? En s’abaissant continuellement on ne se fait aucune faveur. Nous ne sommes pas une race éteinte! La preuve c’est que nous sommes là, que vous êtes là et que vous parlez.

Pour revenir à taGueule, les commentaires devraient être reliés aux articles, non? Alors, pourquoi toujours viser et accuser celui qui n’est pas d’accord avec nous et le traiter de con… au lieu de commenter l’article lu ? Nous avons tous quelque chose de beau en commun: taGueule. Alors, pourquoi ne pas se respecter entre nous et tenter de comprendre le point de vue de l’autre sans l’abaisser. Ça manque de goût et de maturité.

Il est évident que tout n’est pas rose ni positif, mais comme francophones de la race humaine, faisons-nous une faveur et tenons-nous debout, ensemble pour avancer et non reculer.

Et à ceux et celles qui croient que leur séjour dans les écoles francophones ne leur ont pas été favorables et bien vous en prouvez le contraire en faisant partie de l’équipe de taGueule! Faut pas lâcher!

En espérant avoir été directe tout en gardant mon intégrité.

 

Nicole Laforge


Depuis la réception de cette lettre, taGueule a mis en place une Politique de commentaires. Veuillez la consulter ici.

Première leçon : nature et fonction d’un mot

Comme toutes les mères le savent, il ne faudrait pas trop compter sur le système d’éducation pour que nos enfants apprennent les règles de base de la grammaire française. Nous n’en voulons pas aux enseignants, ils n’ont malheureusement pas été formés pour ça à l’école des sciences. Ce sont les bureaucrates qui pondent les programmes et les conseils scolaires, qui jadis comme l’Église, sont coupables de collaboration dans cette longue agonie de notre langue.

Nous aurions pu chialer, mais nous sommes tannées de le faire. Alors, pour une fois, parce que nous sommes résilientes, nous avons décidé de positiver et d’offrir des leçons de grammaire aux autres mamans qui n’auraient pas le temps de trouver les ressources nécessaires.

Nous ne sommes pas grammairiennes, et nous n’avons aucune prétention à l’être. Nous voulons simplement expliquer quelques bases avec nos mots à nous, et pas le jargon pédagogique incompréhensible des textes officiels. Cela repose sur nos souvenirs d’enfance, soit la méthode Grevisse, celle qui faisait que nos grands-parents arrêtaient l’école à 13 ans et savaient écrire sans faute. Tenants de la dite nouvelle grammaire aux petits arbres s’abstenir.

1ère leçon : nature et fonction d’un mot

Chaque mot a une nature et une fonction. La nature, c’est l’identité du mot, elle est quasi-immuable, c’est son marqueur génétique. Un mot peut donc être : un substantif aussi appelé un nom (chien, chat, langue), un verbe (manger, parler, être); un adverbe (hier, souvent, malheureusement); un pronom (je, nous, mes, ton); un déterminant (le, des, les); un adjectif (belle, gros, gentil). Souvent on associe plusieurs éléments comme « un gros chien », on parle alors de « groupe nominal ». De la même façon, un verbe est souvent conjugué et donc comporte plusieurs éléments comme « a été mangé », on parle alors de « groupe verbal ».

Mais chaque mot peut avoir des fonctions différentes dans une phrase : sujet, verbe, complément d’objet direct (COD), complément d’objet indirect (COI), complément circonstanciel (C.C.) (de temps, de lieu, de moyen, etc.). En règle générale, dans la langue française, on connaît la fonction d’un mot grâce à la place qu’il occupe dans la phrase (et non grâce à sa terminaison comme dans les langues à déclinaison). Les compléments circonstanciels sont des agents libres, ils peuvent se placer un peu n’importe où. Alors que la structure de base de la phrase est : sujet + verbe + COD, sauf à vouloir faire du style!

On peut trouver le sujet en posant la question « Qui? »

On peut trouver le COD en posant la question « Quoi? »

On peut trouver le COI en posant la question « A qui? »

On peut trouver les C.C. en posant les questions « Où? Quand? » etc.

Le verbe décrit l’action de la phrase.

Exemple

Le chat et la souris sont des noms mais ils peuvent être des sujets, des COD, des COI, etc.

Code couleur

[hl-yellow]En jaune[/hl-yellow], on souligne le sujet. [hl-green]En vert[/hl-green], on souligne le COD. [hl-red]En rouge[/hl-red], on souligne le verbe. [hl-blue]En bleu[/hl-blue], on souligne le COI. [hl-pink]En rose[/hl-pink], on souligne les compléments circonstanciels.

[hl-yellow]Le chat[/hl-yellow] [hl-red]voit[/hl-red] [hl-green]la souris.[/hl-green]
[hl-yellow]La souris[/hl-yellow] [hl-red]mange[/hl-red] [hl-green]du fromage.[/hl-green]
[hl-pink]Hier,[/hl-pink] [hl-yellow]la souris[/hl-yellow] [hl-red]est passée[/hl-red] [hl-pink]dans la cuisine.[/hl-pink]
[hl-pink]Demain,[/hl-pink] [hl-yellow]le chat[/hl-yellow] [hl-red]donnera[/hl-red] [hl-green]du fromage[/hl-green] [hl-blue]à la souris.[/hl-blue]

Utilité de la leçon

Il s’agit de la base de la langue. Comme la base de la division de la pensée scientifique : le biologiste étudie la nature de l’homme. Le sociologue étudie les fonctions de l’homme (est-ce qu’il est plombier, mineur ou bucheron? Mère, père, frère?). Il est impératif pour nos enfants de comprendre cette distinction afin qu’ils puissent, par la suite, bien faire leurs règles d’accord (du sujet avec le verbe, des participes passés, etc.). Mais de façon plus générale, cette distinction est utile pour comprendre la grammaire, la conjugaison et la syntaxe.

Exercices conseillés

Faites écrire des phrases à vos enfants les plus complexes possibles. Demandez-leur, avec notre code couleur, d’identifier les fonctions des mots (en les soulignant), et en dessous d’indiquer la nature du mot.

[hl-pink]Hier,[/hl-pink] [hl-yellow]les enfants[/hl-yellow] [hl-red]ont trouvé[/hl-red] [hl-green]des cadeaux[/hl-green] [hl-pink]sous le sapin.[/hl-pink]
adverbe, groupe nominal, groupe verbal, groupe nominal, groupe nominal

[hl-yellow]Ils[/hl-yellow] [hl-green]les[/hl-green] [hl-red]ont trouvés[/hl-red] [hl-pink]sous le sapin.[/hl-pink]
Pronom personnel, pronom, groupe verbal, groupe nominal

À vos crayons, et bonne chance!

Autres ressources

Vous trouverez ici des exercices que vous pouvez faire et qui seront corrigés.

Le meilleur documentaire franco-ontarien que vous n’avez jamais vu

Il y a environ deux semaines, je faisais une recherche YouTube pour le mot « franco-ontarien », dans l’espoir de trouver un vieux clip de Marie Soleil ou bien encore un vieux sketch de Volt pour mettre sur la page de taGueule en attendant le lancement imminent. Rien d’intéressant sur la première page. Deuxième page presqu’aussi plate à l’horizon.

Quand tout à coup, je tombe sur un titre qui m’intrigue. « J’ai besoin d’un nom (1978) documentaire franco-ontarien ». 6 views. Mis en ligne par « ontarois ». Son seul vidéo. Aucun commentaire. En ligne depuis une semaine.

J’ai vu des vieux documentaires sur le Québec, sur le Canada, sur l’Acadie, sur l’Ontario français, sur CANO, mais celui-ci ne me disait rien. Pourquoi j’en avais jamais entendu parler?

La mythologie franco-ontarienne

La décennie des années ’70 a une place importante dans l’histoire canadienne, québécoise, et franco-ontarienne. C’est là qu’on arrêté d’être canadiens-français, qu’on est devenu autre chose, qu’on a eu un drapeau, et qu’on attendait de voir ce qu’allaient faire nos cousins québécois, sans trop savoir ce que ça voulait dire pour nous. Mes parents, comme ceux de plusieurs gens de mon âge, ont vécu cette époque, mais je n’en connais que quelques anecdotes ici et là; la première Nuit sur l’étang, la création du drapeau franco-ontarien, une soirée passée à écouter tous les albums de Charlebois. En fait, c’était souvent des choses que j’apprenais à l’école et je demandais par la suite à mes parents leur version des faits.

Where have you been my whole life?

Mais là, j’avais devant moi un document d’une authenticité indiscutable (production de l’ONF) et d’une importance capitale. J’étais sérieusement abasourdi, en tant que franco-ontarien, étudiant en communications, et documentaire-ophile, que j’avais jamais entendu parler de ce film.

J’ai regardé le premier 5 minutes, et j’ai compris immédiatement que ce n’était pas le genre de film à regarder de façon distraite en regardant le hockey. J’ai tout de suite fait parvenir le lien à quelques autres collaborateurs de taGueule et j’ai fermé mon ordinateur, avec la ferme intention de m’enfermer dans mon sous-sol pour pouvoir me concentrer sur le film.

What the fuck?

Et j’ai été jeté à terre. Complètement. J’ai été en tabarnak toute la semaine après ça. Complètement outré. Ce film, c’est le genre de film qu’on devrait nous montrer au secondaire. Au Québec, on leur enseigne le Refus global, la Révolution tranquille, Speak White

Me semble que la moindre des choses serait de nous montrer ce film.

En gros, c’est un documentaire sur une réunion de l’ACFO à Sudbury, en 1976. Cette réunion sert de trame de fond au film, qui prend la forme d’un habile montage d’entrevues avec des intervenants parfois pertinents, parfois risibles, toujours percutants. Je veux même pas en dire plus.

Regardez le film. Pour l’amour de tout ce qui est franco-ontarien, regardez ce film. Faites-le circuler, parlez-en, n’importe quoi.

It’s when I remember who I was that I can’t remember who I am

Ce qu’on comprend en regardant ce film, c’est que les déboires actuels de l’Ontario français par rapport à l’assimilation, à la politique, et à la culture elle-même remontent à cette époque. Malgré tous les acquis de la communauté depuis 1978, les questions soulevées par le film sont toujours extrêmement pertinentes, et on n’y a pas encore trouvé de réponse. On a toujours besoin d’un nom.