Ce mot qu’on n’ose prononcer

Comme vous l’avez vécu en direct, ou appris le lendemain matin en écoutant la radio, la soirée électorale au Métropolis s’est mal terminée. Quelles sont les données factuelles dont nous disposons? Qu’un homme dans la soixantaine, anglo-québécois de son état, a tiré sur deux personnes et aurait pu continuer son jeu de massacre si son arme ne s’était pas enrayée. Il a également mis le feu. La police a par ailleurs retrouvé pas moins de cinq armes. Arrêté, l’homme a vociféré «les Anglais se réveillent».

A date, il existe une unanimité dans tous les médias établis du pays – et une telle unanimité médiatique n’est jamais un bon signe pour la démocratie – pour dire que cet homme est un fou. Les journalistes ont parfois employé le terme «attentat», on a entendu «assassinat». Mais en aucun cas, le mot «terrorisme» n’est apparu dans la bouche de nos faiseurs d’histoires bien-pensants.

C’est tout simplement hallucinant!

Déconstruisons tout d’abord le concept d’assassinat. Un assassinat est un meurtre prémédité et ciblé. Quand il vise un homme politique, on parle d’assassinat politique. Les deux personnes touchées n’ont pas été victimes d’un assassinat. De deux choses l’une, soit Richard Bain voulait faire le plus de victimes possibles, et dans ce cas-là, ce n’est pas ciblé, donc ce n’est pas un assassinat. Soit, comme certains l’avancent, il voulait effectivement assassiner Pauline Marois et était prêt à tuer tous ceux qui, sur son passage, l’empêcheraient d’atteindre sa cible. Il faudra attendre les résultats de l’enquête pour se prononcer sur ce point.

Cependant, il a mis le feu, ce qui indique clairement, qu’il voulait faire «le maximum de dégâts». On s’entendra également sur le fait que ses motivations étaient doubles. Tout d’abord, ces actes sont clairement de nature politique. Deuxièmement, il est clair qu’il voulait faire passer un message; il n’a pas fait grand-chose pour ne pas être arrêté; il a fait des déclarations aux journalistes présents pendant son arrestation.

Or, bien qu’il n’existe pas de consensus sur la définition d’un acte terroriste (j’ai recensé plus d’une centaine de définitions); il y a plusieurs caractéristiques qui reviennent dans la plupart des définitions. Premièrement, l’acte terroriste est motivé politiquement. Deuxièmement, l’acte terroriste a pour but premier de faire passer un message, de mettre un problème politique sur l’agenda; bref, c’est un outil de communication. On dit souvent que le terrorisme «c’est la propagande par les actes». Troisièmement, le terrorisme se distingue de l’assassinat politique dans la mesure où il est indiscriminé; par conséquent, il vise souvent les «civils» ou des «innocents».

Considérant tout cela, il est tout simplement ahurissant qu’aucun journaliste ou politicien n’ait osé ne serait-ce que d’utiliser le mot terroriste, ne serait-ce que de poser la question! Je vois les bonnes intentions derrière cette prise de position unanime de la classe politique dans son entier (droite, gauche, provincial, fédéral: jamais dans l’histoire du Canada on n’avait vu ça!). Il s’agit bien sûr «d’apaiser les esprits»; de ne surtout pas «mettre le feu aux poudres»; de ne pas «réactiver des vieilles haines». On le sait, c’est tout le contraire qui se produira. Dire la vérité, oser poser les vrais questions sont les seuls moyens qui permettront à notre société de sortir de ce mauvais fourbis.

Alors, je vous entends dans vos chaumières, vous vous dites, comme tous les journalistes unis dans le même combat, «mais c’est juste un cas isolé», «c’est juste un fou». Et moi de vous répondre, croyez-vous vraiment que la douzaine de tarés responsables des attentats terroristes du 11 septembre ne sont pas des «cas isolés». Le milliard de musulmans sur la planète ne se fait pas exploser toutes les cinq minutes. Quant à la folie, peut-on s’entendre sur le fait que pour devenir terroriste, il faut quand même être un peu cinglé. Le Norvégien Breivik peut bien tenir des discours rationnalisant son acte ignoble; il peut bien y avoir réfléchi, il n’empêche que ce type est fou… et un terroriste! Au sens strict du terme, quelqu’un qui sème la terreur parce qu’il est aveuglé par sa haine de l’Autre (l’Autre étant le Juif, l’Arabe, le francophone, le socialiste, bref, dans la tête du terroriste, l’ennemi à abattre car il se trouve sur son chemin dans la réalisation de son monde à lui).

Une autre question me taraude: depuis quand un attentat, puisque le mot fut employé, n’est-il par, par définition, terroriste?

La terrible et inquiétante unanimité entourant cette affaire, les mots soigneusement choisis, la théorie adoptée rapidement du fou isolé visent deux choses: empêcher le débat, museler les citoyens, et donc empêcher que l’on se pose la seule et vraie question: comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là? Comment et pourquoi dans un Canada qui se dit démocratique, un anglophone en est arrivé à ne pas accepter les résultats des élections et a décidé de transformer une arène politique et démocratique en stand de tir de foire? Comment et pourquoi est-on passé de la rivalité à la haine?

Les failles du testing provincial

Au cours des dernières semaines, les élèves de la 3e, de la 6e, de la 9e et de la 10e année ont dû se soumettre à ce qu’on appelle communément le testing provincial. Dans une brochure de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE), on explique que «les tests provinciaux de l’Ontario permettent d’évaluer, de façon objective et fidèle, dans quelle mesure les élèves acquièrent les habiletés en lecture, en écriture et en mathématiques qui sont définies dans le curriculum de l’Ontario». Il est donc bien difficile de s’opposer à un tel projet.

Même si la cause est noble, comprenons bien que les résultats des tests de l’OQRE sont aussi utilisés à des fins de recrutement. Pour l’OQRE «les tests provinciaux de l’Ontario rendent les écoles et les conseils scolaires responsables de la réussite des élèves». Chaque automne, l’OQRE dévoile les performances des écoles et des conseils scolaires en grandes pompes. Les médias font alors leur travail en identifiant publiquement les meilleures et les pires performances. Ces résultats en influencent plus d’un dans le choix d’une école pour leurs enfants. L’OQRE soutient d’ailleurs que les résultats servent d’outil de comparaison entre les conseils scolaires. Les données de l’OQRE peuvent alors être utilisées comme outil de promotion pour attirer davantage d’élèves. Il faut savoir que pour chaque élève inscrit, un conseil scolaire reçoit 10 000$ par année. Il n’y a pas que le casse-croûte du coin qui a compris que voted best burger in town”, ça rapporte. Les conseils scolaires aussi.

Le processus d’évaluation de l’OQRE est impressionnant. Les élèves ont de 3 à 4 jours pour compléter tous les cahiers d’évaluation. Ils passent toute leur journée à y répondre. Dans certaines écoles, pour améliorer les performances, on permet aux élèves de mâcher de la gomme, une pratique généralement interdite, et on leur permet 3 ou 4 récréations au lieu de 2. Nos enfants n’en sont que plus heureux, mais pourquoi n’ont-ils pas droit à de telles conditions pendant toute l’année? L’enseignement ne devrait-il pas se faire dans un environnement favorisant l’apprentissage pendant toute l’année scolaire?

Au cours des dernières années, j’ai pu observer de nombreux élèves, dont mes propres enfants, s’angoisser à l’idée de répondre aux questionnaires de l’OQRE. J’ai vu et entendu des enseignants annoncer à des élèves qu’ils risquaient de redoubler leur année s’ils échouaient le test provincial. Une absurdité! Il est clairement établi par l’OQRE que les résultats de cette évaluation ne sont pas compilés sur le bulletin final de l’élève. J’ai vu des enfants de 6e année apprendre des notions de mathématiques en catastrophe et subir de la pression pour performer à cette question pendant ladite évaluation. Des exemples comme ceux-ci, ça ne s’invente pas.

Précisons qu’il est impératif que le gouvernement et les conseils scolaires, évaluent les connaissances des élèves pour améliorer leur rendement et le système d’éducation.  Le système d’évaluation de l’OQRE a d’ailleurs été réévalué au cours des dernières années et ne se fait plus sur une base aléatoire. Maintenant, tous les élèves sont évalués à 4 reprises pendant leur cheminement scolaire. C’est rassurant. Cependant, la qualité de l’éducation en est-elle vraiment améliorée?

Au cours des 10 dernières années, j’ai enseigné au collège et à l’université où je me suis arrachée les cheveux à enseigner des règles de grammaire de base. Sur la règle de l’accord du participe passé, on m’a trop souvent répondu «J’ai jamais appris ça.» ou encore «C’est quoi la différence entre c’est et s’est madame?».  Ces étudiants qui sont assis dans mes classes ont tous réussi le Test provincial en compétences linguistiques (TPCL), une autre évaluation de l’OQRE. La réussite de ce test est obligatoire pour l’obtention du diplôme d’études secondaires. Un élève qui le réussit confirme qu’il a atteint ou dépassé la norme provinciale en compétences linguistiques. Comment explique-t-on alors que la plupart d’entre eux ne savent pas comment accorder un participe passé? Il faudrait peut-être revoir la norme.

Les intentions du ministère de l’Éducation, de l’OQRE et des conseils scolaires sont nobles, mais il faut se rendre à l’évidence. L’évaluation des connaissances de nos enfants n’est pas la meilleure route à emprunter pour améliorer leurs compétences. Il faut revoir le système à plus grande échelle ainsi que les notions qui sont enseignées et la façon dont elles sont enseignées. Pour atteindre des sommets, il faut évaluer le parcours à partir de la base.


Illustration : Target Practice, Michael Peck

Quatre Vingt

Aujourd’hui c’est… euh… genre… tsé, la journée…

4:20… C’est comme… difficile à expliquer un peu…

C’est aujourd’hui le fameux 4:20, jour culte pour les enthousiastes de cannabis de ce monde. C’est tellement devenu une référence culturelle que les écoles secondaires de la Colombie-Britannique donnent la journée de congé à leurs étudiants. Bon ok, ce n’est pas tout à fait leur intention, mais on reconnait le faux pas qui a eu lieu.

Parlons-en de ce faux pas, de cette prohibition, du “War on Drugs” de Richard Nixon qui dure depuis vraiment trop longtemps.

Al Ca-Pot

La prohibition du cannabis a beaucoup de choses en commun avec la fameuse prohibition de l’alcool du début du 20e siècle. Cette prohibition a donné lieu à un des premiers flagrants exemples de gangstérisme en Amérique. Ça vous rappelle quelque chose? Le trafic du cannabis est incontournable pour les groupes de crime organisé: le risque est présent et la demande est très haute. L’acte de vendre du cannabis est toujours illégal, donc même un petit vendeur du quartier devient, à long terme, un criminel aguerri, pour être en mesure de protéger ses intérêts, son entreprise et sa liberté. En associant le cannabis, drogue récréative répandue et populaire, au monde du crime organisé, on crée le fameux effet «gateway» si souvent utilisé à des fins de propagande anti-pot.

Dans mon temps…

Je t’arrête là. Dans ton temps, les télés étaient en noir et blanc, on n’avait pas de lave-vaisselle et une voiture consommait autant de gaz qu’on pouvait se payer. La technologie avance, et le monde du cannabis ne fait pas exception. Si l’argent stimule le progrès, la marijuana est un candidat idéal pour l’amélioration. Depuis les années de gloire des hippies, le processus de cultivation du pot bénéficie d’avances incroyables en technologies d’horticulture, sans compter qu’on en connait plus qu’avant sur ses effets et sur la chimie sous-jacente. Pour reprendre la comparaison à la prohibition de l’alcool, on peut penser à la différence entre un bain rempli de moonshine et un triple-malt sur glace. Anciennement, on fumait la plante (souvent mal entretenue) au complet, tandis qu’aujourd’hui on ne fume que la meilleure partie des meilleures plantes. Oui, c’est vrai qu’on ne peut jamais vraiment savoir si son joint contient du varsol, mais une règlementation pourrait facilement régler ce problème.

La volonté de la masse

Les effets de la futilité de la guerre aux drogues commencent à se faire ressentir : être en faveur de la règlementation du cannabis, ce n’est plus une opinion marginale. Le pot, c’est rendu mainstream, c’est rendu correct, c’est rendu plus ou moins aussi acceptable que l’alcool (mais le débat alcool vs cannabis n’est pas le mien). La proportion des gens qui ont déjà consommé du cannabis est plus haute qu’elle ne l’a jamais été. On en fait des films, des téléséries, et Snoop Dogg est une des plus grosses vedettes du monde. Il n’y a qu’une minorité des gens qui s’opposent de façon catégorique au cannabis. Malheureusement, c’est cette minorité qui est au pouvoir et qui est responsable des budgets policiers. Est-ce qu’il y a un autre tabou social où la majorité est contre le statu quo?

Est-ce qu’on peut vraiment dire que notre société a un problème de consommation de cannabis? Est-ce que la consommation répandue de cannabis pose vraiment un problème? Avec une règlementation du cannabis, on enlève un important avantage au crime organisé, on permet à des scientifiques brillants de sortir de l’ombre, et on fiscalise un important marché noir.  Le pire qui puisse arriver, c’est une hausse de profits chez Couche-Tard.

Joyeuse 4:20 tout le monde.

Vers une république canadienne?

Cette semaine on célébrait le 30e anniversaire d’un événement très important dans l’histoire canadienne; le rapatriement de la Constitution canadienne. La Constitution, ainsi que la Charte canadienne des droits et libertés qui y est attachée, ont ouvert la porte à plusieurs jugements décisifs pour les Canadiens (entre autres, l’avortement, le mariage gai et la gestion francophone des conseils scolaires). Il est étonnant de constater que malgré l’avant-gardisme de la Charte et le potentiel réformateur du rapatriement, on ait permis à deux institutions politiques de survivre telles qu’elles étaient. Je parle de la Couronne et du Sénat. Même s’il serait facile de m’attaquer à l’inutilité et le manque de représentativité du Sénat, d’autres ont déjà entrepris ce débat et ce n’est pas ce qui m’intéresse. Je m’attarderai surtout à la Couronne.

Le Canada vit sous la monarchie depuis sa colonisation, de la Nouvelle-France à aujourd’hui. Malgré l’indépendance qu’a obtenue le peuple canadien, cette monarchie continue à flotter au-dessus des têtes de nos politiciens, comme un grand symbole colonial et conservateur. Dans notre société moderne, la monarchie n’est plus qu’une simple relique du passé. Elle n’a absolument aucune utilité, sauf celle d’excuse gouvernementale pour éviter d’investir de l’argent dans le peuple. Elle demeure aussi un moyen de démontrer la prétendue supériorité du peuple anglo-saxon sur tous les autres, dont les Canadiens français, les Autochtones et les immigrants qui, plus souvent qu’autrement, ne s’identifient pas du tout à cette vieille dame britannique. Après tout, il ne faut pas oublier qu’elle dirige l’Église anglicane et qu’elle a tout simplement eu la chance de naître au bon endroit au bon moment, ce qui va à l’encontre des principes d’égalité contenus dans la Charte. Pour certains Canadiens-anglais, la Reine continue à représenter un certain attachement à leur Mère Patrie. Par contre, dans une société de plus en plus multiculturelle, l’idée même d’un monarque ne représentant qu’un seul groupe de Canadiens devient de moins en moins pertinente. Cette division nuit à l’unité du peuple canadien et l’empêche d’aller vers l’avant pour construire un Canada nouveau et uni.

L’idée d’une république canadienne n’est ni nouvelle, absurde ou impossible. Il y a 175 ans, Mackenzie et Papineau, avec leurs rebelles, patriotes et frères chasseurs tant au Haut qu’au Bas Canada, se battaient déjà pour des républiques canadiennes. Ces idées n’étaient pas les plus populaires, mais de nos jours, la majorité de la population ne voit pas l’utilité de la monarchie pour le Canada, on s’en tape simplement. Abolir notre monarchie serait très simple, mais rendus là, ce serait le système pour le remplacer qui serait fortement débattu. Celui de l’Irlande est un modèle fort intéressant. Cette république fonctionne sous un système très semblable au nôtre, sauf qu’elle fait élire son Président par suffrage universel. Ce Président n’est en réalité qu’un Gouverneur Général élu. Alors, on peut se demander d’où viennent les idées des monarchistes qui pensent que l’abolition de la monarchie ne mènerait qu’au chaos et à l’incertitude. En effet, ces idées ne sont aucunement fondées sur des principes logiques et ne servent qu’à effrayer la population, puisque l’élection d’un Chef d’État canadien ne causerait pas plus de chaos que n’importe quelle autre élection, et, serait beaucoup moins arbitraire que la simple nomination d’un Gouverneur général. En adoptant un système républicain, le Canada deviendrait plus démocratique sur papier et démontrerait vraiment l’indépendance et l’unité du Canada, ainsi que son désir d’aller de l’avant sans être enchaîné par le passé.

Le plus beau dans tout ça c’est qu’on n’aurait même pas besoin de demander aux Français d’emprunter leur guillotine. On n’a qu’à arrêter de faire semblant que ce vieux système est utile et de s’en débarrasser pour de bon. Tout comme on a poliment demandé notre constitution, on pourrait surement demander notre propre souveraineté.

Je suis tanné

Je suis tanné qu’on me parle d’assimilation.
Je suis tanné qu’on parle de l’assimilation dans les médias québécois. Le but de ces reportages n’est pas d’informer, c’est de faire peur.
Je suis tanné d’être la personnification des peurs des Québécois face à la fin possible, plausible, probable, éventuelle, inévitable et certaine du fait français en Amérique.
Je suis tanné de dire aux Québécois qu’il y a des francophones au Manitoba.
Je suis tanné de leur faire comprendre aussi que mes parents ne sont pas nés au Québec. Je suis tanné d’expliquer que nous y sommes depuis des générations et que nous n’avons ni le goût, ni le besoin de déménager au Québec pour vivre en français.

Je suis tanné d’être un animal exotique dans un pet-shop.
Je suis tanné d’être une curiosité.
Je suis tanné qu’on me dise que je suis un francophone «hors» Québec. Je ne suis pas à l’extérieur de quoi que ce soit.
Je suis tanné qu’on dise qu’il y a un million de francophones «hors» Québec. Ce n’est pas vrai : il y en a 300 millions.
Je suis tanné qu’on me demande où sont mes bottes et mon chapeau de cowboy.
Je suis tanné qu’on me demande si les nuits sont longues à Winnipeg.
Je suis tanné de Pierre Lalonde.
Je suis tanné de corriger les gens : Gabrielle Roy et Daniel Lavoie ne sont pas des Québécois.
Je suis tanné que notre culture semble souvent se résumer à ces deux figures.

Je suis tanné d’écouter les médias québécois. Je me fous éperdument de la congestion des ponts à Montréal.
Je suis tanné d’écouter la télévision québécoise. J’en ai rien à cirer des nouvelles « régionales » provenant du Québec. Une décision du conseil municipal de Victoriaville ne constitue pas, à mon sens, une nouvelle «nationale.»
Je suis tanné d’avoir seulement deux ou trois heures d’antenne à Radio-Canada qui soient produites ici.
Je suis tanné qu’à la météo de Radio-Canada, il y ait 2 cartes pour les provinces atlantiques (pourtant, il y a 4 provinces), 6 cartes pour le Québec, 2 cartes pour l’Ontario et 1 carte pour le reste (environ la moitié du pays.) Comme quoi la météo à Vancouver et Winnipeg est sensiblement la même.
Je suis tanné de ne pas me reconnaître à la télévision francophone.
Je suis tanné de ne pas m’y identifier.
Je suis tanné que nos histoires et nos visages n’y sont pas.
Je suis tanné que nous soyons réduits à des magazines culturels où nous nous «amusons» en français.
Je suis tanné de me faire passer pour un cave.

Je suis tanné que nos produits culturels ne soient pas disponibles partout au pays, y inclus au Québec.
Je suis tanné que notre littérature ne soit pas connue.
Je suis tanné de voir nos artistes s’exiler au Québec.
Je suis tanné de voir nos artistes préférer pratiquer leur art en anglais.
Je suis tanné qu’on me demande si c’est difficile de faire du théâtre en français au Manitoba. Je ne sais pas. Est-ce que c’est difficile de faire du théâtre à Montréal?

Je suis tanné de faire les choses «pour la bonne cause».
Je suis tanné de voir des spectacles de piètre qualité pour appuyer «la bonne cause». En soutenant ces derniers, nous perpétuons, normalisons et édifions la médiocrité.
Je suis tanné du manque d’esprit critique. Selon moi, une société qui évolue dans l’absence de la critique est vouée à la médiocrité.

Je suis tanné de la francophonie de souche.
Je suis tanné des «pures laines».
Je suis tanné de la xénophobie, de la ségrégation, de la discrimination et du racisme.
Je suis tanné des fascistes.
Je suis tanné de la hiérarchie de la francophonie et de l’élitisme.
Je suis tanné de l’intolérance. D’ailleurs, je ne tolère plus l’intolérance.
Je suis tanné de la fermeture d’esprit. Qui est plus ouvert d’esprit? Des parents anglophones (qui ne parlent pas un traître mot de français) qui décident d’inscrire leur enfant à une école d’immersion pour que leur enfant puisse s’épanouir sur les plans culturel et linguistique ou le francophone qui doute que ce dernier veuille seulement apprendre le français pour s’assurer d’avoir un futur emploi dans la fonction publique?
Je suis tanné du cynisme.
Je suis tanné qu’on dise qu’il y a trop d’anglais dans nos écoles. Tous les adolescents veulent faire partie de la «gang.» Ils veulent appartenir à quelque chose. Lorsque vous évoluez dans un milieu anglophone, n’est-ce pas tout à fait normal de vouloir appartenir à cette «gang»?
Je suis tanné qu’on dise qu’on naît francophone. C’est faux. Dans une situation minoritaire, nous choisissons d’être francophones. Et c’est un choix tout à fait illogique et déraisonné. Pourquoi choisissons-nous consciemment de vivre en marge de la société dans laquelle nous évoluons? C’est un choix émotif, pas du tout logique.
Je suis tanné qu’on dise qu’il y en a qui ont choisi de ne plus parler français. L’ont-ils vraiment choisi?

Je suis tanné que les étudiants de l’immersion se sentent inférieurs et qu’on dise qu’ils viennent diluer la qualité de la langue, qu’ils représentent une menace, qu’ils viendront nous contaminer, qu’ils sont un virus à éradiquer.
Je suis tanné qu’ils ne se sentent pas bienvenus.
Je suis tanné qu’ils se sentent exclus de l’espace francophone.

Je suis tanné qu’on parle des Anglais sans savoir de qui on parle. Ici, les Anglais ne sont pas tous Anglais : ils sont Ukrainiens, Polonais, Juifs, mennonites, Russes, Allemands, Irlandais, Écossais, Islandais et j’en passe.
Je suis tanné qu’on parle de la masse anglophone comme s’il s’agissait d’un monolithe.
Je suis tanné qu’on parle du Québec et de la France comme s’il s’agissait de monolithes.
Je suis tanné des monolithes.

Je suis tanné que les Québécois qui viennent s’installer ici ne se sentent pas chez eux. Idem pour les Français.
Je suis tanné qu’on ne fasse pas plus d’efforts pour intégrer les immigrants «africains.»
Je suis tanné qu’on dise immigrants «africains». L’Afrique est un grand pays (sic.) Prétendre qu’ils sont tous pareils est faux. Si vous avez des doutes, vous n’avez qu’à vous rappeler que les Européens ne sont pas tous pareils. Les Français et les Allemands ne se sont pas toujours bien entendus, à ce que je sache. Idem avec les Anglais.
Je suis tanné du «Speak White».

Je suis tanné de l’extrémisme, du militantisme, du fondamentalisme francophone.
Je suis tanné du dogmatisme, de l’intolérance et de l’intransigeance.
Je suis tanné du fanatisme et des gens qui nous exhortent à adhérer à des principes d’une doctrine dite francophone. La francophonie et la défense de celle-ci ne sont pas une religion. J’espère que nous n’avons pas remplacé les soutanes de la Grande Noirceur par des vestons cravates.
Je suis tanné des grands sorciers et des oracles qui occultent la vérité avec leurs rapports et leurs statistiques.

Je suis tanné d’avoir le sentiment que je n’en fais jamais assez, que je doive toujours en faire plus, que je doive toujours faire un effort.
Je suis tanné de la pression, du stress, et surtout du jugement des autres.

Je suis tanné du ton moralisateur chez certains francophones.
Je suis tanné des prétentieux qui pensent mieux savoir ce qui est bon ou mauvais pour moi.
Je suis tanné de me faire dire comment je devrais vivre ma vie.

Je suis tanné que le français soit tellement un «guilt trip».
Je suis tanné de me sentir coupable quand je parle anglais.
Je suis tanné de me faire dire que je parle tout croche, que je parle avec un accent, que j’utilise way too much d’anglais or que c’est pas alright de talker pis de hang-outter avec mes buds avec une beer, en franglais.
Je suis tanné qu’on me corrige constamment.
Je suis tanné de me promener avec un Bescherelle pis un Petit Robert dans ma poche arrière.
Je suis tanné de conjuguer le participe passé.

Je suis tanné qu’on me parle d’exogamie.
Je suis tanné qu’on me demande si mon épouse parle français.
Je suis tanné qu’on lui réponde en anglais même si elle comprend le français.
Je suis tanné qu’on me demande si on parle français à la maison.
Je suis tanné qu’elle se sente exclue, même dans ma propre famille.
Je suis tanné qu’on me demande si mon fils parle français. Il a deux ans. Il parle en «Bébé.»

Je suis tanné de l’ignorance.
Je suis tanné de l’arrogance.
Je suis tanné de la suffisance.

Je suis tanné d’expliquer, de revendiquer, de défendre.
Je suis tanné de me battre.

Je suis tanné de toujours être sur le point de disparaître.
Je ne suis pas un lapin.

Je suis tanné de mourir.

Pour un système scolaire sans ségrégation religieuse

En septembre 2011, je publiais ce billet sur mon blogue alors que l’Ontario était à la veille d’élire un gouvernement minoritaire libéral. Ce gouvernement vient de livrer son premier budget, lequel touche certains intérêts des Franco-Ontariens. Puisque le budget Duncan mènera à des fusions géographiques de conseils scolaires, ma réflexion sur les politiques scolaires de la province prend une pertinence nouvelle.


Pour une rentrée scolaire sans ségrégation religieuse

Si vous avez des enfants, inutile de vous rappeler que la rentrée scolaire est arrivée. Vous avez déjà englouti des sommes folles pour les fournitures scolaires et les vêtements de vos petits anges. Vous avez probablement rencontré plusieurs enseignants et réglé les nombreux détails de l’inscription.

Une tracasserie supplémentaire se présente si vous habitez l’Ontario. Votre progéniture fréquentera-t-elle une école du réseau 1) francophone publique, 2) francophone catholique, 3) anglophone publique ou 4) anglophone catholique?

Ne riez pas. Les contribuables ontariens financent bel et bien quatre systèmes scolaires distincts. Vous pouvez l’imaginer, ce morcellement pose de sérieux problèmes de gestion. Les chevauchements de ces multiples réseaux coûteraient près de 500 million de dollars par année.

Cela provoque des situations absurdes. Lorsque le nombre d’enfants décline dans une petite communauté, cela cause souvent une sous-occupation à la fois dans l’école publique et dans l’école catholique. Au lieu de regrouper tous les élèves dans une seule école commune, les conseils scolaires se voient alors forcés de fermer toutes les écoles locales. Ce sont les enfants qui en subissent les conséquences. Ils sont séparés de leurs amis de quartier et se voient imposer de longs trajets quotidiens en autobus.

Une atteinte à l’égalité et à la liberté de conscience

Je ne plaiderai pas pour un système unique. L’éducation de langue française est essentielle pour la survie de la minorité francophone. C’est un élément central du pacte fondateur canadien et le résultat de la longue lutte historique des Franco-Ontariens. En revanche, la ségrégation religieuse n’est pas indispensable. Il y a d’autres endroits que l’école pour apprendre les dix commandements. La grande majorité des parents dans la grande majorité des pays occidentaux transmettent leur foi en privé.

En fait, il y a d’importants principes qui militent pour la déconfessionalisation des écoles ontariennes. Pourquoi financer les Catholiques mais exclure les Musulmans, les Juifs ou les Protestants? La pratique est foncièrement discriminatoire. Elle attaque aussi la liberté de conscience de sept millions de non-catholiques en les forçant à subventionner les enseignements du Vatican, tout en leur empêchant d’être embauché dans ce même réseau scolaire.

La Commission des droits de l’homme de l’ONU a dénoncé cette iniquité à deux reprises, en statuant que le système scolaire ontarien viole le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Nous nous retrouvons ainsi dans le même club que la Corée du Nord, le Soudan et la Chine.

Quand les évêques s’en mêlent

Ce qui aggrave les choses, c’est que les réseaux catholiques abusent fréquemment de leurs privilèges. Ils forcent leurs enseignants à se référer à la Bible et au Catéchisme dans les cours de chimie et de biologie et ils empêchent leurs pupilles de s’exprimer librement sur la question de l’avortement.

Le plus décevant, c’est peut-être l’insensibilité des écoles catholiques à l’égard de leurs élèves gais et lesbiens. On se rappellera que le Conseil de Durham s’est battu bec et ongle pour interdire à l’un de ses étudiants d’assister au bal de fin d’étude en compagnie de son amoureux. Plus récemment, le Conseil scolaire de Halton et l’école St. Joseph de Mississauga interdisaient aux élèves gais et lesbiens de former des groupes de support. Le Conseil de Dufferin-Peele a poussé le ridicule jusqu’à censurer les images d’arc-en-ciel, jugées «trop politiques».

Pis encore, le Toronto District Catholic Board vient d’adopter une résolution qui défie l’esprit de la directive d’équité et d’inclusion du Ministère de l’éducation en stipulant que «lorsqu’il y a un conflit apparent entre les droits confessionnels et d’autres droits, le conseil favorisera la protection des droits confessionnels». C’est ainsi que des dispositions adoptées en 1867 pour protéger une minorité sont perverties pour harceler une autre minorité.

Neutralité de l’État et intégration citoyenne

Je ne veux quand même pas pointer les Catholiques du doigt. Toutes les religions ont leurs caprices. C’est le principe même d’une école à la fois publique et religieuse qui est aberrant.

L’État ne peut sanctionner un crédo particulier. Il doit surplomber les innombrables visions rivales de la vie bonne. Pour que chacun puisse vivre selon ses convictions particulières, l’État ne peut promouvoir que les grands principes nécessaires au vivre-ensemble, à la démocratie et à la liberté.  L’éducation publique ne saurait servir à l’endoctrinement sectaire.

Le système actuel nuit aussi à l’intégration des nouveaux Canadiens. La province qui accueille le plus d’immigrants est aussi celle qui sépare ses enfants le plus gravement, en multipliant les ghettos scolaires. En quoi cette ségrégation religieuse contribue-t-elle à la formation d’une citoyenneté commune?  Insensée pour la majorité anglophone, cette mesure est suicidaire pour la minorité francophone. Les Franco-Ontariens ne peuvent se permettre de diluer leurs ressources et d’éparpiller leurs enfants.

L’immobilisme des partis politiques

La saine administration, les droits de la personne, le respect des minorités et l’intégration des immigrants sont autant de bonnes raisons de mettre fin à la ségrégation religieuse. Sondage après sondage, les Ontariens confirment leur appui à cette solution. Pourtant, la question reste taboue. À quelques jours de la campagne électorale provinciale, les chefs évitent le sujet comme la peste. Scrutez les plateformes politiques à la loupe: aucun n’y fait allusion.

L’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 protège le réseau catholique, c’est bien vrai, mais rien n’empêche l’Ontario de procéder à un amendement bilatéral avec Ottawa. La procédure est légitime, simple, et a été utilisée par le Québec et par Terre-Neuve-et-Labrador. Non, les obstacles ne sont pas légaux, mais politiques. En Ontario, la question des écoles séparées a été explosive en 1985 et en 2007 et les trois grands partis favorisent maintenant le statu quo.

Le Parti Conservateur est l’allié traditionnel des groupes religieux et il ne peut heurter cette base électorale en défendant la laïcité. John Tory croyait avoir trouvé une solution équitable lors des dernières élections, en promettant de financer les écoles de toutes les religions. La proposition a provoqué un tollé qui a largement contribué à sa défaite électorale. Son successeur, Tim Hudak, a bien appris la leçon et évite scrupuleusement le sujet.

Depuis le règne de Mitchell Hepburn, les Libéraux bénéficient habituellement du vote catholique. Ils appuient donc le système actuel. L’administration McGuinty a élaboré une excellente politique d’équité et d’inclusion dans les écoles mais n’a pas osé l’imposer aux écoles récalcitrantes. Quand à Andrea Horwath, elle se montre tout aussi réticente, peut-être à cause de l’influence des syndicats d’enseignants catholiques au sein du NPD.

La ségrégation religieuse de nos enfants est onéreuse, rétrograde et inéquitable. Il est grand temps de déconfessionaliser les écoles anglophones et francophones de l’Ontario. Les politiciens tenteront à tout prix d’éviter le sujet. À nous de les interpeller pendant cette campagne électorale.


Photo : Les élèves de la classe de sixième année à l’École Duhamel (Ottawa) vers 1940.

A letter to my franglo-ontarian friends

To my English-speaking French friends,

Your names are Paquette, Lafleur, Lalonde, Belanger, Tremblay, Gauthier, Veilleux, Lemieux, Giroux. It might be hard to pronounce, or you might just pronounce it in English. Some of you may have two francophone parents, some of you only one, and some of you have never heard your parents utter a single word of French, despite their names being something like Jean-Pierre or Jacqueline.

You may have graduated from a French high school, you may have switched over to immersion, or you may have gone to an English school. Hell, you may even have a French college degree.

You may or may not know me, but you certainly know someone like me, probably with an accent aigu in their names, who actually spoke French in high school, brought French movies to watch in primary school, and likely tried to recruit you to go to some activity/concert/whatever in French, very often at the risk of social ridicule.

Some of you may have cousins like me, whom you make an extra effort to speak French to at Christmas. You may have had a childhood friend like me, who learned English from watching Power Rangers with you. You may even have dated people like me, only to feel awkward when meeting your in-laws and being forced to admit you can’t speak French very well.

I’m writing to you today as a well adjusted young man, an active member of the francophone community in Ontario. Since finishing high school, I’ve been involved with a variety of francophone organisations in the Sudbury area, and I’ve been trying, through various means, to find a way to make speaking French more normal for francophones in Ontario.

I spent 3 and a half years studying in Montreal, where – despite what alarmist politicians and die-hard hockey fans would have you believe – bilingualism is a normal, accepted, (controversial, still) every-day thing. I returned to Northern Ontario about two months ago, and got right back into my francophone involvement. I participated in the launch of this site, and my job as a college recruiter allowed me to travel throughout the North, speaking with francophone students about pursuing their education in French.

I say all of this because I want to ask you a question.

It’s a question that has been bothering me since I was little, since I understood that speaking French in the schoolyard was not the best way to make friends. I’ve wanted to ask you this question every time I hear things like “I’m French but I hate speaking it” or “French music sucks”. I’ve wanted to ask you even more since I found out that some anglophones in Montreal have more respect for the French language than many “francophones” from my hometown.

My question is this: do you even care? Do you even want to keep speaking French? Do you want people to fight for the right to have francophone nurses and doctors? Do you want people to keep taking significant financial risks by bringing  francophone artists over here? Do you want us to complain about the signage in a Caisse Populaire being in English?

Of course, faced with these kinds of questions, many of you will say that you understand the importance of the French language, that you wish you spoke it more, and that you will send your children to French school, so they won’t lose the French and so they can speak to their grandparents. 

So what’s the problem?

I want to know if you care that French schools are filled with kids who don’t really care about French. I want to know if you actually watch French TV, or press 2 for French service. I want to know if, when you go to Montreal for Spring Break or Osheaga or UFC, you speak French to your servers at the restaurant. Quite honestly, I didn’t always use French during my years in Montreal, nor do I today in Sudbury. But I do speak it regularly, in multiple contexts, and most importantly, I can appreciate the influence bilingualism has had on my identity.

I want to know if it is worth it for me and my like-minded friends to keep defending the place of French in this province, and in this country. I want to know if you’re behind us, or if you simply don’t care and are happy to get by in English without having to use French. An honest answer would, at the very least, be a weight off my back.

As francophone Ontarians, we have a double burden. Not only do we have to justify our use of the French language to our Ontarian landlords, but we have to justify our outlying presence to our Quebecker cousins, who quite often can’t take us seriously, despite being genuinely surprised and happy when they actually do meet someone from Ontario who speaks decent French. We are straddling Canada’s traditional two solitudes, and if anyone can help anglophones and francophones understand each other, it is us.

Let me be clear: I’m not blaming anyone. French is hard as fuck to learn when you have no reason to do so. Even the upper echelons of francophone decision-makers are at a loss for meaning, for purpose, and for solutions to our accelerating assimilation rates. I just want to know what you, my English-speaking Franco-Ontarian friends, think of this mess of an officially bilingual country we ended up in. I want to know if it’s still worth fighting for.


Image : Tongue by Alvaro Tapia

La nouvelle guerre? Celle des riches contre les pauvres

«Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n’avons jamais été aussi prospères. C’est une guerre de classes, et c’est ma classe qui est en train de gagner.»

Warren Buffett, homme d’affaires américain, troisième homme le plus riche au monde, dont la fortune personnelle s’élève à 44 milliards de dollars (Magazine Forbes, 2012)

«La seule partie de la soi-disant richesse nationale qui entre réellement dans la possession collective des peuples modernes, c’est leur dette publique.»

Karl Marx, philosophe politique, économiste et révolutionnaire allemand

Les riches sont en train de gagner. Que ce soit dans nos villes, nos provinces, nos pays ou à l’échelle de la planète. Non seulement ils engrangent des profits monstrueux sur le dos des pauvres et des classes moyennes, mais, avec l’aide des médias (qu’ils détiennent et contrôlent en grande partie), ils nous convainquent, à force de répétions (ad nauseam) du message néolibéral, de la légitimité de cette situation. Ils dominent le monde! Ils ont des tentacules partout : dans notre eau, notre assiette, nos terres, nos forêts, nos rivières, nos écoles, nos universités, nos hôpitaux, et j’en passe. Ayant mis à leur solde les gouvernements, ils font adopter des lois et des politiques, clés en main, qui leur sont favorables et leur donnent le champ libre dans leur quête insatiable de profits. Ces derniers sont privatisés et les dettes, collectivisées. Pendant ce temps, nous constatons un recul important de nos conditions de vie, de nos acquis sociaux et de notre environnement.

Tout cela, sous l’œil indifférent du grand public. J’exagère, me direz-vous ?

Il ne faut pas se leurrer. Les riches sont en guerre. En guerre contre quiconque voudrait remettre en cause de quelque manière que ce soit les inégalités structurelles qui leur permettent de continuer à s’enrichir en toute tranquillité. Ils sont en guerre contre les fondements de nos démocraties, contre nos valeurs de solidarité, d’équité et de compassion, en guerre contre vous et moi. Ils veulent abolir nos droits collectifs, nos systèmes d’éducation et de santé, nos pensions. Le poids qu’ils exercent sur les coffres des états n’arrête pas de croître. Cela donne l’impression que nos pays ne sont plus menés par des gouvernements, mais par des banques, des compagnies minières, des grandes corporations qui leur dictent quoi faire. Et la soif de richesse de ces dernières ne semble jamais être assouvie.

Et ce qui est triste, c’est qu’elles continuent de gagner.

On entend souvent dire que les pauvres et les assistés sociaux sont des parasites qui profitent du système et vivent à la solde de l’État. On reproche aux francophones de «coûter cher» avec le bilinguisme. On considère le financement d’organismes de défense des droits des femmes comme un caprice inutile. On traite les autochtones de quémandeurs parce qu’ils exigent le respect de leurs droits et un traitement équitable avec le reste de la population. On ridiculise les membres des mouvements Occupy, qui exigent que la richesse collective soit mieux répartie, que les injustices sociales effarantes soient corrigées et que le milieu bancaire soit mieux réglementé.

Nous entendons toujours les mêmes refrains : à titre de contribuables, il faut faire «notre juste part» pour rétablir les finances publiques, nous «serrer la ceinture». Les gouvernements soutiennent que pour «arrêter de vivre au-dessus de nos moyens», il faut adopter des mesures d’austérité, «couper dans le gras», c’est-à-dire au sein des services, l’éducation et la santé. Ce «gras» inclurait aussi des dizaines de milliers d’emplois dans la fonction publique et les prestations de pension de vieillesse, qui selon les apôtres de la frugalité, grugent une partie trop importante des dépenses publiques. La solution magique à tous nos problèmes financiers serait de privatiser les services… Tout ça au nom du bien commun, bien sûr. Par ailleurs, il semblerait que nous soyons obligés d’accepter l’exploitation de ressources qui risquent de détruire notre eau et notre environnement, pour «maintenir notre qualité de vie».

Par contre, dès qu’on ose aborder l’idée d’augmenter l’imposition des plus riches, il y a une levée de boucliers de tous bords, car cela «menacerait» la stabilité économique et ferait fuir les investisseurs. Pourtant, plusieurs études ont prouvé que l’imposition progressive représente un de meilleurs moyens de réduire les inégalités et de mieux répartir la richesse.

Savez-vous qu’au N.-B., les changements à la structure des impôts initiés en 2009 donnaient une réduction d’impôt de 395 $ (2008-2012) à une personne dont le revenu annuel était de 30 000 $, alors que celle gagnant 150 000 $ en a eu une de 5 922 $ (2008-2012) ??? Ainsi, la personne ayant un revenu élevé a profité près de 15 fois plus des réductions d’impôts.

Les impôts des personnes à revenu élevé reviennent à des niveaux datant des années 1920. Cela a contribué à la concentration sans précédent de la richesse dans les mains d’un petit pourcentage de personnes, dans la province et au pays. Et bien que le gouvernement provincial a déposé son nouveau budget hier (27 mars), la tendance ne semble pas être sur le point de s’inverser…

En 2009, au Nouveau-Brunswick, la proportion du revenu total après impôt des 20 % les plus riches était de 41,9 %, alors que celle du 20 % le plus pauvre représentait 5,4 %. À l’échelle du pays, 3,8 % des foyers contrôlent plus de 67 % de la richesse financière totale.

Par ailleurs, aux États-Unis, l’effondrement du système banquier en 2008 a provoqué une crise économique mondiale, des millions de pertes d’emplois, l’explosion des taux d’endettement et de chômage, la pauvreté de millions de familles, qui se sont retrouvées à la rue. Alors qu’aux quatre coins de la planète, les pauvres et les classes moyennes n’arrivent plus à joindre les deux bouts, les employés des 25 plus grandes firmes de Wall Street ont perçu 135,5 milliards de dollars en 2010. Par exemple, les dirigeants de la banque Goldman Sachs ont augmenté leur salaire de 600 000 $ à 2 M$ de dollars. Pourtant les bénéfices de l’entreprise de 2010 sont en baisse de 38% par rapport à ceux de 2011. Ils ne sont pas seuls : 738 «dirigeants» de Citigroup ont touché plus d’un million. Le patron de la Bank of America, Brian Moynihan, qui annonce que sa rémunération sera désormais liée à la performance de sa banque, a empoché un bonus de 9,2 millions de dollars alors que sa banque a perdu 2,2 milliards de dollars. Veuillez consulter ce site pour voir la liste complète des organismes qui ont reçu du financement dans le cadre du plan de sauvetage de l’économie américaine (et les montants remboursés).

Et il y a plusieurs cas similaires au Canada, notamment au sein d’Air Canada…

Partout dans le monde, on entend que les Grecs sont des anarchistes, des paresseux corrompus qui ne veulent pas travailler. Mais on ne mentionne pas souvent que Goldman Sachs a enregistré un profit de 600 M$ avec le plan de réduction de la dette de leur pays. Que les fonctionnaires de l’État n’ont pas été payés depuis des mois et que 15 000 emplois publics ont été abolis. Que le salaire minimum a été réduit de 22 %. Que les salaires et les retraites ont été réduits. Que de nombreux services ont été privatisés et donc, que seuls les riches en profitent. Ça, on n’en entend pas souvent parler dans nos médias de masse… Et les cas sont encore plus odieux dans les pays en développement. J’en ferai l’objet d’une chronique ultérieure.

On croirait voir un retour au Gilded Age américain, une période marquée par l’enrichissement fulgurant de la classe sociale dominante composée de «barons» du milieu pétrolier, minier, bancaire et industriel, par la croissance significative des inégalités sociales et une dégradation importante du niveau de vie. Si notre monde vit une crise économique grave, si nos états sont réellement au bord de la ruine et qu’ils ne peuvent plus se permettre de payer nos services publics, il est temps que tous fassent réellement «leur part» et les riches en premier.

Il faut toutefois mentionner que nous sommes tous partiellement responsables de la victoire des riches. Nous les laissons gagner! Nous restons dans notre cynisme et notre indifférence. Nous baissons les bras, nous abandonnons parce que nous avons l’impression de ne pas compter, de ne pas pouvoir changer les choses. Nous vivons dans la peur et la résignation, la peur du chômage, de l’endettement, de la précarité, de l’isolement. Nous vivons dans la peur constante de notre gouvernement, de représailles politiques. Et malheureusement, dans une province comme la nôtre où le favoritisme politique est bien ancré, cette peur est souvent justifiée. Il est temps d’arrêter d’avoir peur. Il est temps de se tenir debout, et de rappeler aux riches que notre monde ne leur appartient pas. Assez, c’est assez. Il faut se réveiller avant qu’il ne soit trop tard.

L’école française: une bonne école d’immersion

Je suis élève d’une école secondaire catholique du centre-sud de l’Ontario.

Ceci est mon appel à l’aide.

Au moment d’écrire cet article, je me vois entouré d’élèves et de personnels d’écoles qui semblent vouloir traverser la ligne entre une école de langue française et une école d’immersion. Dresser une ligne claire semble être notre plus grand défi aujourd’hui.

Voici, puisque pour plusieurs (moi inclus jusqu’à récemment), la différence entre une école de langue française et une école d’immersion est floue. Une école d’immersion a pour objectif de transmettre le français comme mode de communication verbale et écrite. Et, soyons honnêtes, la plupart accomplissent à merveille leur mandat. De ces écoles, plusieurs élèves en ressortent épatés par une nouvelle langue qui leur est donnée. Malheureusement, ce n’est pas le cas dans les écoles dites «de langue française»!

La problématique est la suivante: des huit écoles secondaires de mon conseil scolaire, il y en a une seule qui peut se dire forte culturellement. J’envie les élèves qui y étudient. Une sur huit? 12,5%? Pitoyable. Il se peut bien que celle-là soit la seule à pouvoir mériter le titre d’école de langue française.

Revenons aux définitions. Une école de langue française a pour mandat de transmettre la culture francophone, en particulier au secondaire, puisqu’arrivé là, le français devrait être une méthode de communication maîtrisée par les élèves. Nous savons bien que ce n’est pas le cas, du moins pas dans le centre-sud, mais on crée certainement une belle image. L’enseignant dans une école d’immersion donne 100% de son temps payé à transmettre le savoir (donc le matériel du curriculum) aux élèves. L’enseignant d’une école de langue française est sensé donner 50% de son temps afin de remettre aux élèves le même savoir. L’autre 50% est la fameuse ligne, celle qui différencie les francophones des anglophones qui ont eu la chance d’apprendre la langue de Molière: c’est la transmission de la culture.

Et elle ne s’effectue pas.

Quand les membres du personnel, enseignant et non, parlent entre eux dans une autre langue que le français, et pire, qu’ils parlent aux élèves de la même façon, comment est-ce qu’une école peut oser s’appeler une école de langue française? Les élèves s’en foutent, les enseignants s’en foutent, la direction s’en fout, tout le monde s’en fout!

Cependant, cela n’est pas pour dire que personne n’ose contrer le système plutôt que de le respecter. Il y a en effet certains enseignants qui constatent cette réalité et la jugent inacceptable. Il y a des étudiants, comme moi-même, qui font face à cette adversité et se relèvent à chaque fois que quelqu’un nous demande «Why are you speaking French at school?», mais nous sommes dans la minorité. En effet, en 2009, seulement 31% des élèves du secondaire de mon conseil ont rapporté qu’ils parlaient souvent en français à l’école. Nous avons complètement perdu notre sens d’appartenance à l’école. Différents des autres uniquement par la langue dans laquelle nous choisissons de nous exprimer, nous sommes maintenant des rejets sociaux. Il nous arrive souvent de penser à changer d’école, afin de finalement trouver un espace francophone sécuritaire, où nous ne recevrons plus de menaces, plus de «Go back to Québec!» Mais on comprend que notre avenir consistera en une bataille pour une école de laquelle je graduerai l’an prochain, pour une école qui s’en fout, pour une école qui ne cesse de nous pousser à terre.

Mais on se lève, et on se lèvera encore et encore, afin de ne jamais laisser notre chère culture tomber. Mais nous avons besoin d’aide. Le sud est trop souvent négligé par la FESFO, qui se dit la voix des jeunes Franco-Ontariens. Une ruée vers la francophonie se réalisera bientôt: il s’agit simplement de montrer aux élèves et aux enseignants à quel point la culture tombe dans une catégorie marquée «indispensable».

Je ne prétends pas être parfait. Je parle en anglais à l’école, et même si je le fais moins qu’en français, oui, je le fais. Mais je l’accepte. D’autres, non. Je ne serai jamais parfait, ni moi, ni mes compatriotes. Dans ce milieu, ce serait littéralement impossible. Et l’impossible, on ne l’atteindra jamais, mais il nous sert de lanterne.

Pourquoi je ne suis pas à La Nuit sur l’étang

Pour ma génération, La Nuit sur l’étang c’est un show rock parmi tant d’autres. C’est un show rock auquel on associe une certaine mythologie, puisqu’on nous dit que ça a déjà été autre chose qu’un simple show.

Ça a déjà été une soirée de party, un rassemblement, une célébration de l’art, de la musique, de la poésie, du théâtre. Me semble que c’était une façon de se faire notre propre Nuit de la poésie. Me semble que c’est censé représenter «la folie collective d’un peuple en party», non?

J’ai souvent ressenti un devoir, ou une obligation personnelle d’aller à La Nuit. Pas nécessairement pour les artistes, qui souvent ne m’intéressaient pas, mais pour avoir l’impression de participer à quelque chose. J’y allais, soit comme bénévole, soit comme consommateur, et j’étais souvent déçu. Pas nécessairement par les artistes, qui malgré leur anonymat relatif et/ou leur manque de compréhension du contexte donnaient des bonnes performances, mais par le manque de party, le manque de dynamisme, la banalité de la chose.

J’y allais, principalement (malheureusement) pour démontrer que les jeunes participaient encore à la culture franco-ontarienne.

Il y a quelques années que je ne suis pas allé à La Nuit sur l’étang. Ce n’est pas entièrement de ma faute, je n’habitais plus à Sudbury. Bien sûr, j’aurais pu faire la route et revenir voir ma famille pour une fin de semaine, mais tant qu’à faire 8 heures de route, je pouvais voir d’aussi bons, sinon de meilleurs shows à Montréal. D’après ce que m’ont raconté mes amis sudburois lors de mon exil, je n’ai pas manqué grand-chose. J’ai manqué quelques shows rock.

Revenu maintenant dans mon cratère, dans mon étang, dans mon talus de bleuets, je ne ressens plus ce besoin d’aller à La Nuit sur l’étang. Je ne ressens plus ce besoin de prouver que les jeunes s’impliquent; on l’a prouvé avec taGueule, on l’a prouvé avec des shows de Malajube, de Dumas, des Vulgaires Machins, on continue de le prouver et en ce sens, je ne suis plus aussi inquiet que je l’ai déjà été sur la place des jeunes dans la communauté. Mais à travers tout ça, notre folie collective ne passe plus que par La Nuit sur l’étang.

En cette 39ième Nuit sur l’étang, j’ai autre chose à faire. J’ai déjà vu en spectacle la plupart des artistes invités, et je n’ai pas envie de voir un show rock parmi tant d’autres.