Franco-Ontarien inc. est mort

Depuis son décès, on entend plein de louanges au sujet de Paul Desmarais, un Franco-Ontarien devenu un des hommes les plus puissants de la planète. Je trouve qu’il est temps qu’on tire les choses au clair.

Premièrement, je n’ai rien contre les gens d’affaires. Je trouve qu’encourager nos commerces locaux qui vendent des bons produits, respectent l’environnement, embauchent des gens d’ici et leur offre des bonnes conditions de travail est super bon pour l’économie et pour créer un esprit de solidarité dans une communauté.

Cependant, quand j’entends dire que Paul Desmarais a été le premier à découvrir le potentiel économique de la Chine, j’ai un problème. Même avec les meilleures intentions au monde, il a exploité une main-d’œuvre à bon marché pour offrir des produits à prix réduit chez nous et ailleurs dans le monde, ce qui vient pratiquement tuer nos commerces locaux qui ne peuvent faire concurrence.

Deuxièmement, quand je vois le nom «Desmarais» sur un édifice de l’Université d’Ottawa, je n’éprouve aucune fierté. Au contraire, ça me fait peur! À mon avis, cela démontre que l’université place les intérêts de grandes entreprises privées avant ceux du public, et surtout ceux des étudiants. Si M. Desmarais voulait vraiment venir en aide aux étudiants, il aurait accepté de payer plus d’impôts pour que nos gouvernements puissent financer adéquatement l’éducation supérieure et la rende accessible à toutes et à tous, pas seulement ceux et celles dont les parents ont suffisamment d’argent ou qui répondent à des critères spécifiques leur permettant d’obtenir des bourses.

Je reconnais que Paul Desmarais est un pionnier, qu’il est un des premiers hommes d’affaires canadiens-français à faire fortune alors que le marché était contrôlé par une élite anglophone. Pour ça, il avait du «guts» et s’ il a pu inspirer d’autres jeunes francophones à se lancer en affaires, tant mieux. Cela étant dit, ce n’est pas aux dirigeants de grandes entreprises de déterminer ce qui est bon ou mauvais pour la population. Ils ont les moyens d’acheter une tonne de journaux (comme M. Desmarais a acheté Le Droit, La Presse et plusieurs autres journaux au Québec) pour imposer leurs idées au peuple, mais leurs opinions ne sont pas plus importantes ou valables que n’importe quel autre citoyen/ne. C’est pour cette raison qu’on a des élections et qu’on choisit nos représentant/e/s. Et si ces personnes sont incapables de défendre nos intérêts, si elles plient l’échine devant des gens comme Paul Desmarais, je pense qu’on devrait tout simplement les «sacrer dehors»!

Quatre ans de plus…

Four more years…

Barack Obama a remporté les élections. Grand bien lui fasse. Mais qu’est-ce le peuple américain, lui, a gagné? Et, nous, de l’autre côté de la frontière, en quoi devons-nous applaudir la victoire démocrate?

Je suis fasciné par l’intérêt toujours indéfectible et presqu’obsessionnel  de certaines personnes pour les élections aux États-Unis. Lorsqu’ils sont américains, passe encore, mais ici, au Canada, ça me dépasse. Il y a quatre ans, je dois l’avouer, je me suis laissé prendre au jeu. Personne ne m’accusera de manquer de transparence: j’avoue ici et maintenant que j’étais moi-même un fan de cette grande et onéreuse manifestation de la democracy.

Non, ce qui me sidère, c’est de voir tant de gens s’investir autant dans ces élections après quatre ans d’administration Obama.  Comprenez-moi bien: je préfère de loin Barack Obama à Mitt Romney. Le démocrate est certainement supérieur à son vis-à-vis républicain, humainement et professionnellement. J’inviterais Barack Obama à venir prendre une bière chez moi demain matin, mais certainement pas Mitt Romney. Il n’empêche que mon respect pour l’homme ne me fera pas oublier le bilan des années qu’il a passé au pouvoir. Le président Obama n’a pas livré la marchandise. Il ne l’a pas livré malgré lui, peut-être, mais il ne l’a pas livré quand même.

Le président Obama, je le pense, a fait tout ce qu’un politicien modéré et respectueux de l’establishment peut faire pour changer les choses. Ses bonnes intentions n’ont pas suffit, et personne n’obtient la note passage pour ses efforts. La plus grande réalisation de l’homme a été de prouver que le système politique américain est arrivé au bout de son chemin. Au bout de sa durée de vie utile. Barack Obama a démontré qu’un véritable changement aux États-Unis, et même que tout progrès dans ce pays, demeure impossible sans une refonte radicale de l’appareil gouvernemental.

Voilà pourquoi je suis toujours franchement étonné, et je ne suis pas le seul, de voir que tant de gens qui persistent à croire que voter Barack Obama puisse avoir des conséquences autres que marginales sur la vie du commun des mortels.  Ralph Nader, activiste bien connu (et 5 fois candidat indépendant aux élections présidentielles), a passé sa vie à tenter de le faire comprendre à ses compatriotes. Leur système est caduque. Point à la ligne. «La seule différence entre les démocrates et les républicains» a-t-il dit très justement, «c’est la rapidité avec laquelle leurs genoux touchent le sol lorsque le monde des affaires frappe à leur porte.»

Oui, Barack a fait beaucoup mieux que George W. Bush mais qui aurait fait pire? Oui, il a dirigé le pays pendant l’une des pires crises économiques de son histoire, mais d’autres présidents l’ont fait et ont mis en place des mesures au moins aussi progressistes pour améliorer les choses. Oui, Barack Obama n’a pas lancé le pays dans une autre expédition guerrière coûteuse et meurtrière, mais nous pourrions dire à peu près la même chose de Bill Clinton ou de Ronald Reagan.

Rappelons quelques faits trop souvent occultés par le camp de l’espoir. Quelques exemples pêle-mêle.  Commençons par la politique internationale: en 4 ans au pouvoir, non seulement Barack Obama n’a pas réussi à fermer comme il l’avait promis le centre de détention de Guantanamo Bay, mais il a même donné un second souffle à la prison en signant l’année dernière le National Defense Authorization Act. Guerre en Irak: les troupes américaines ont été retirées, vrai, mais seulement en 2011. La guerre s’est donc terminée ni plus ni moins rapidement que si les Républicains avaient été au pouvoir. Doit-on rappeler aussi que les États-Unis sont toujours en Afghanistan, comme le Canada de Stephen Harper d’ailleurs.

Digne de mention pour un président récipiendaire d’un prix nobel de la paix: Barack Obama a ordonné à ses forces spéciales d’assassiner Oussama Ben-Laden au mépris de la souveraineté pakistanaise, et de répandre ses cendres dans l’Océan indien pour que sa tombe ne devienne pas un point de ralliement pour les terroristes. Qu’aurait fait George W. Bush? La même chose. Ah, et j’oubliais: les dépenses militaires sous Obama demeurent plus élevées qu’elles ne l’étaient durant la Guerre froide et la Guerre du Vietnam.

Politique interne, maintenant. Parlons du fameux Obamacare, le symbole par excellence de la lutte du président pour les plus humbles.  Je l’admets d’emblée et tout à fait franchement: c’est sans doute la plus grande réalisation de Barack Obama. Mais est-ce assez pour lui donner le bon Dieu sans confession? Le Patient Protection and Afordable Care Act de 2010 a certainement permis à près de 30 millions d’Américains d’obtenir une couverture médicale, mais il n’en laisse pas moins 25 millions dans l’oubli. La formule demeure entre les mains du secteur privé -et donc toujours sujet à une dynamique de profit-, et oblige la majorité de ses bénéficiaires à payer une cotisation drôlement plus salée que la controversée taxe santé québécoise.

Mentionnons aussi que la protection est minimale: dans certains cas, elle ne couvre pas même la moitié des frais encourus par le patient. Et que dire du fait que Barack Obama ait signé un décret qui garantit que la réforme ne changera rien aux restrictions fédérales sur l’utilisation de fonds pour les avortements. Quand même, c’est mieux que rien direz-vous. Vous avez raison. J’ajouterai par contre que tout est une question de mesure. Obamacare est certainement un bon coup, il n’empêche que nous sommes encore loin de la réforme historique.  Lyndon Johnson, que d’aucuns ne qualifient de porte étendard du progrès, avait permis la mise en place de mesures beaucoup plus radicales en terme de santé dans le cadre de sa guerre contre la pauvreté. Il avait alors créé à la fois le Medicare et Medicaid.

Et que dire du plan de relance économique? 831 milliards de dollars consacrés à plusieurs mesures visant relancer l’économie, dont la plus importante sera… l’allégement du fardeau fiscal des individus et des compagnies. Un plan démocrate qui valait bien un plan républicain. Par ailleurs le président Obama a lui-même prolongé les exemptions d’impôt imaginées par l’administration Bush, pourtant jugées par plusieurs comme l’un des plus importants facteurs d’inégalité au pays. Il a bien tenté de mettre en place le Buffet Rule, après la surprenante sortie du milliardaire Warren Buffet contre le traitement de faveur offert aux plus riches, mais en vain. Il a été incapable d’imposer un niveau d’imposition minimal de 30% aux contribuables gagnant plus de 1 million de dollars par année. C’est la faute de la majorité républicaine à la Chambre? Oui, mais c’est bien ce que je disais: politicien bien intentionné et respectueux des règles -mêmes pipées en faveur des puissants-, Barack Obama a démontré mieux que personne les limites fondamentales du système politique américain.

Hope hangs on, «l’espoir s’accroche» pouvait-on dans certains journaux au lendemain des élections. Peut-être, mais l’espoir a un prix. Et il est aussi élevé pour les Républicains que pour les Démocrates. Même qu’en bout de ligne, «l’espoir» Obama aura coûté plus cher à faire avaler aux Américains que celui de Romney. Le New York Times estime à 852 millions de dollars les dépenses électorales du camp présidentiel, contre 752 millions pour celui du challenger. En plus d’être franchement dégoûtants, ces chiffres nous rappellent encore une fois à quel système nous avons à faire. Les supporters d’Obama, qui ont la fâcheuse habitude des déclarations à l’emporte pièce du style «Romney est le candidat des riches», devront tempérer leur enthousiasme.

La politique est l’art du possible. Pour beaucoup, aux États-Unis comme ailleurs, c’est ce qu’a compris Barack Obama. Qu’il faut être raisonnable et faire ce que l’on peut. Sans doute, mais c’est aussi ce que disent les cyniques. Et à ce compte là, on finira par se féliciter d’être immobile.

Les autres l’emmerdent: ils coûtent trop cher

Depuis le printemps québécois qui perdure, il se manifeste bruyamment. On l’entend aussi fort que ces étudiants et les autres frappeurs de casserole. À coups de tweets et de petites phrases dans les courriers des lecteurs, il remplit l’espace public en devenir de ses mots afin de préserver le vide qu’il adore par-dessus tout.

Si je me souviens bien, j’ai lu quelque part qu’il nous vient des États-Unis. De la Californie, je crois. Je pense qu’il vient de bien plus loin. Au fond, son origine importe peu car, grâce à la démocratie qui l’exaspère,  il s’est propagé comme la peste sur le pauvre monde. Mais on ne peut pas vraiment le comprendre sans connaître sa nature profonde. C’est qu’il est d’abord et avant tout réactionnaire, ce créateur de trous noirs. Dire qu’il est réactionnaire est plus qu’une insulte; c’est un fait sociologique et historique. (J’utile des grands mots d’intellectuels comme «réactionnaire», «sociologique» et «historique» car cela aussi, ça le fait suer. Il transpire facilement, notre réactionnaire. Et sa présence fantomatique se fait sentir à des kilomètres à la ronde. Une odeur suffocante; une odeur qui pompe l’air plus qu’elle ne la pollue.)

Réactionnaire, donc, car il est né contre la modernité – celle du progrès, de la solidarité et de l’égalité. Il déteste notamment la solidarité. Il n’y a que des individus selon lui. Pas d’association, encore moins d’interdépendance. C’est qu’il conjugue seulement au «Je», le payeur de taxe. Il sait bien qu’il n’est pas seul au monde. Et c’est bien cela le problème. Sa nature d’animal social l’irrite au plus haut point. C’est que les autres, tous les autres, coûtent trop cher. Il rêve sans relâche d’être plus riche, mais il ne veut pas payer – comme il dit – pour les pauvres que ses fantasmes de richesse ne peuvent que créer. N’essayez pas de lui expliquer que l’enrichi doit être préservé de sa propre cupidité s’il veut garder ses biens si jalousement accumulés. Il se fout royalement des autres. Il se fiche de savoir si Keynes avait raison après la grande dépression des années 1930. Il ne veut rien savoir des bulles spéculatives. Il ne craint pas les révolutions. Il n’a aucune conscience historique et il n’en veut pas. Pour lui, la vie est simple: les autres coûtent. C’est tout. L’idée de congédier des employés et de couper à la hache et jusqu’à l’os l’excite au plus haut point. C’est un adepte de la «rationalisation des dépenses» (jamais les siennes, toujours celles des autres). Mais il a horreur des plaintes des malades qu’il cherche à soigner à coup de saignées. La voix des autres lui donne le goût du sang. Il veut du flic. Beaucoup de flics et encore plus de matraques, de gaz et de bras ou de bars cassés. Il veut une saignée qui se fasse dans l’ordre – un ordre des choses plutôt qu’une Cité des hommes et des femmes. Un ordre où il faut redresser à coup de barre de fer et de réformes «nécessaires» et donc indiscutables. Il fait davantage dans l’exigence que dans la délibération, le payeur de taxe. Lorsque son ordre des choses se fait attendre, lorsque les autres refusent d’être des investissements ou de la matière recyclable (ou jetable), le bruit des bottes le rassure, voire le fait jouir. Les bottes, les matraques et les prisons ne coûtent jamais trop chers pour le payeur de taxe.

En ce printemps québécois tumultueux, un printemps qui devient un été, le payeur de taxe a dit tout haut qu’il veut bien faire des enfants, mais à condition qu’ils ne lui coûtent rien. Qu’ils se démerdent, qu’ils investissent dans LEUR avenir. Bref, qu’ils dégagent au plus sacrant afin que le payeur de taxe et son épouse puissent enfin jouir de tout leur argent. (À moins que l’époux ou l’épouse devienne aussi trop dispendieux…) On peut bien lui rétorquer que sa progéniture pourrait également se définir comme des payeurs de taxe, mais aussi comme des payeurs de corruption, de hauts salaires injustifiables et d’égoïsme destructeur. On devrait lui dire que son manque total d’intelligence sociale nous coûte trop cher, à nous qui sommes d’abord et avant tout citoyens et citoyennes; à nous qui avons assez de maturité pour reconnaître que le monde ne tourne pas autour de nos désirs de consommation; à nous qui pourrions mieux vivre ensemble s’il finissait par grandir et finalement dépasser le stade égocentrique d’un enfant de deux ans. Est-ce aller trop loin que de lui suggérer de finalement dépasser la phase anale? Bah! Je veux bien lui laisser ses petits plaisirs clandestins à condition qu’il arrête de nous faire ch…

C’est cela le pire des dangers que nous fait courir le payeur de taxe. Il risque de tous nous entraîner dans son sillon – un mélange de phrases faciles et vulgaires, alimentées d’émotions menaçantes. C’est qu’il devient difficile à endurer le payeur de taxe. L’hiver risque d’être chaud s’il n’accepte pas d’être citoyen(ne).


Image : Hubris, Artact Qc

Sous respirateur artificiel

Ça commence par de petits gestes insignifiants. Une usine ferme ses portes. On ne peut quand même pas forcer une entreprise à demeurer ouverte si elle se dit au bord du gouffre. Tant que les bâtiments seront debout, on lui permet de garder ses droits de coupe. Puis au fil du temps, on négocie la conservation du droit de coupe, même si on démolit les bâtiments. Le bois ainsi coupé ira alimenter les usines de pâtes et papier au Québec. Puis, forte de ces négociations, l’entreprise s’attaque à une autre usine du coin. Du bois d’œuvre, cette fois.

Le gouvernement ne fait rien, ne bouge pas. Il ne cherche pas de solutions avec les citoyens, pour les citoyens. Il ne décourage pas les entreprises d’aller s’établir aussi loin dans le nord, mais ne fait rien pour les encourager non plus. On se dit: «Qui donc serait assez épais pour s’en aller là-bas volontairement? Tout coûte cher, en région éloignée. Les services sont limités. L’essence, le transport… On n’en parle même pas.» On pourrait offrir des crédits d’impôts aux entreprises. On pourrait le faire, mais le gouvernement ne le fera pas. Ben non, voyons!  Avec tous les profits générés par l’entreprise privée, on n’est quand même pas pour leur faire des cadeaux en plus! Résultat: les entreprises quittent la région, et ne sont pas remplacées.

Il y a donc régulièrement perte nette d’emplois, dans le nord ontarien. Les citoyens, ceux en âge de travailler, chercheront ailleurs. Certains réussiront à se trouver du travail dans la région. Parce que des emplois dans les mines, il y en a. Ce sont des emplois dans les villages qui manquent quand les forestières quittent. Les employés des minières prennent l’avion aux frais de leur nouvel employeur aux deux semaines. Ça coûte moins cher pour l’employeur, et ça apporte un  peu de stabilité aux familles qui demeurent dans leurs villages. Mais pour plusieurs, ces pertes d’emplois dans leurs villages se traduisent par un déracinement. Ils s’en vont là où se trouve le travail, avec leurs petites familles. Le gouvernement ne fait rien pour les retenir chez-eux. On ne peut quand même pas empêcher la mobilité des gens. Résultat: la moitié de la population quitte la région.

Puis, baisse du nombre d’enfants oblige, on élimine des postes d’enseignants dans les écoles, on regroupe les jeunes dans des classes multi-niveaux comme dans les écoles de rangs. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus assez d’enfants pour garder une école ouverte. Quand ce jour arrivera, ils devront faire une heure de route en autobus pour aller en classe. Quand ce jour arrivera, les quelques familles restantes déménageront sûrement plus près de l’école. À moins qu’elles ne doivent déménager avant pour se trouver du travail ailleurs. Dans le sud. Résultat: il ne restera alors que des retraités dans les villages.

Ce sera ensuite au tour de l’hôpital local d’être menacé. Et s’il est fermé, non seulement n’y aura-t-il plus d’hôpital, mais la clinique médicale qui y est rattachée sera elle aussi fermée. Plus de médecin dans un village où la population est vieillissante. Par la force des choses.  Par manque de compassion. Par manque de vision.

Smooth Rock Falls, à l’image d’une bonne partie du nord-est ontarien, est sous respirateur artificiel. D’autres villes, autrefois vivantes, vibrantes, sont menacées. La plupart comptent une majorité de francophones. Qu’arrivera-t-il quand les écoles, les hôpitaux seront fermés? Qu’arrivera-t-il quand la dernière usine forestière fermera ses portes? Quand la population trop peu nombreuse forcera la fermeture du Collège Boréal, de l’Université de Hearst Qu’arrivera-t-il à tous ces francophones quand ils seront obligés de se relocaliser ailleurs, dans un milieu qui n’est pas le leur, et où les services en français ne seront peut-être pas assurés?

Le gouvernement ontarien a annoncé en mars dernier son intention de vendre la Ontario Northland, la compagnie ferroviaire qui assure le service de transport dans le nord de l’Ontario, sous prétexte qu’elle n’est pas rentable. Quelle entreprise privée accepterait d’acheter et d’opérer une compagnie de transport non rentable? Aussi bien dire que les gens du nord devront se passer du service de train.

Il me semble que c’est la raison d’être des services publics: s’assurer que tous les citoyens aient un minimum de services, même s’ils ne sont pas rentables, parce que l’entreprise privée n’y est pas intéressée. Mais ce ne sera pas si grave. Après tout, ce ne sera qu’un service public de moins, pour une poignée de Français et d’Autochtones dans une région éloignée où les gens du sud n’ont jamais mis les pieds.

Il y a une volonté politique de fermer le nord de l’Ontario qui me désole.  Alors qu’au Québec, le gouvernement de Jean Charest tente de revitaliser le nord de sa province, l’Ontario diminue les services offerts à sa population éloignée dans le but de fermer boutique. Zone non-rentable. D’ici quelques décennies tout au plus, le nord s’arrêtera à Sudbury. À moins que la population locale ne se soulève devant ce qui ressemble à une tentative déguisée d’assimilation.

Gaétan Maudit nous vole les mots de la bouche

Des fois, une situation est tellement complexe qu’on pense qu’on ne pourra jamais en comprendre l’ampleur.

Mais des fois on tombe sur Gaétan et il nous livre tout ça, ben tight.

Il l’a tout dit, mais j’ai l’impression qu’on n’a pas fini d’en parler.

Les luttes étudiantes au Québec : 1956-2012

Certes, le Code du travail du Québec ne s’applique pas aux étudiantes et aux étudiants en grève et, en ce sens, ils ne peuvent pas être considérés comme des salariés. Pourtant, comme les 20 000 professeures et professeurs de cégeps, les 45 000 employées et employés de la fonction publique ou les 90 000 enseignantes et enseignants des commissions scolaires, pour ne nommer que ceux-là, les étudiantes et les étudiants constituent une catégorie sociale dont les conditions de vie sont largement tributaires des relations, souvent conflictuelles, qu’elle entretient avec l’État québécois.

Depuis la prise en charge de l’Éducation par l’État au début des années 1960, celui-ci en est venu à jouer un rôle déterminant dans le mode de vie des étudiantes et étudiants de l’enseignement supérieur. Les transferts en nature (le financement des frais de scolarité) et en espèces (le programme d’aide financière aux études) sont, en effet, au cœur de la structuration de la réalité financière quotidienne d’un nombre important d’étudiantes et d’étudiants, comme en témoignent les statistiques et les revendications du mouvement étudiant au cours des cinquante dernières années.

À l’automne 2010, il y avait 180 436 étudiantes et étudiants inscrits dans les collèges et 275 472 dans les universités au Québec. Les dépenses globales de l’État par étudiant s’élevaient à 12 756 $ au collégial et à 29 242 $ à l’université1. En 2009-2010, l’aide totale accordée aux étudiantes et aux étudiants en vertu du programme d’aide financière aux études s’élevait à 876,7 millions $. 21,3 % des étudiantes et des étudiants du réseau collégial et 38,9 % de celles et ceux du réseau universitaire bénéficiaient d’une aide. Au total, près de 142 000 étudiantes et étudiants ont bénéficié du programme de prêts et bourses2.

Mais, et c’est ici que ça compte, ces transferts en nature et en espèces occupent, depuis le début des années 1960, une place centrale dans la structure du revenu des étudiantes et des étudiants. En effet, en moyenne, entre le début des années 1960 et le début des années 2000, le quart du revenu disponible des étudiantes et des étudiants provient de l’aide financière aux études. Ce qui en fait, après les revenus tirés d’un travail rémunéré, la deuxième source de revenus en importance3.

Il n’est donc pas surprenant de constater que les luttes étudiantes, surtout depuis la réforme du programme de prêts et bourses en 1966 sous le gouvernement de l’Union nationale, tournent presque essentiellement autour du gel des frais de scolarité et de la bonification du programme d’aide financière aux études.

Le mouvement étudiant québécois déclenche dix grèves générales entre 1956 et 2012. Et si les organisations étudiantes à l’origine de ces mobilisations se sont succédé au cours de cette période, leurs revendications sont demeurées les mêmes. Ainsi, le mouvement étudiant revendique l’abolition ou le gel des frais de scolarité (1958, 1968, 1974, 1978, 1986, 1990, 1996 et 2012). La bonification du programme des prêts et bourses est aussi au cœur des luttes étudiantes au cours de cette période. Le mouvement étudiant réclame entre autres l’instauration d’un présalaire (1956, 1978), la diminution du montant des prêts au profit d’une augmentation de celui des bourses (1968, 1974, 1978, 1988 et 2005), l’abolition de la contribution parentale et de celle de la conjointe ou du conjoint (1974 et 1978) et, de façon générale, la fin de l’endettement étudiant.

À travers leurs moyens d’action, leurs modes d’organisation et leurs revendications, les étudiantes et les étudiants ne visent pas seulement une accessibilité plus grande aux études supérieures et un élargissement des droits sociaux qui sont rattachés à leur statut, mais surtout une contestation des normes régissant leur existence au cours de cet instant précis de leur vie, car, et on l’a vu, les transferts de l’État en enseignement supérieur jouent un rôle déterminant sur le mode de vie d’un nombre significatif d’étudiantes et d’étudiants. Par conséquent, lorsque l’État décide de modifier unilatéralement le financement de l’éducation supérieure, par un dégel des frais de scolarité ou par une modification du programme d’aide financière aux études, il affecte profondément les façons de vivre, comme se loger, se vêtir et se nourrir, des étudiantes et des étudiants.

Somme toute, tout comme les autres groupes sociaux qui négocient leurs conditions de vie avec l’État, les étudiantes et les étudiants forment une catégorie sociale qui défend ses intérêts face à un État qui, trop souvent, définit seul les contours de leurs conditions de vie.


Quelques jalons historiques : 1956-2012

Octobre 1956

1 000 étudiantes et étudiants marchent sur le Parlement à Québec. Elles et ils revendiquent l’abolition des frais de scolarité et du système de prêt étudiant, l’institution d’un présalaire étudiant et, plus largement et à plus long terme, la gratuité scolaire à tous les niveaux d’enseignement.

Mars 1958

Environ 21 000 étudiantes et étudiants universitaires sont en grève générale illimitée pour dénoncer le gouvernement de Maurice Duplessis qui refuse de négocier. Parallèlement, une étudiante (Francine Laurendeau) et deux étudiants (Jean-Pierre Goyer et Bruno Meloche) occupent les bureaux du premier ministre.

oehttp://www.onf.ca/film/histoire_des_trois

Septembre 1961

Adoption par l’Association générale des étudiants de l’Université de Montréal (AGEUM) de la charte de l’étudiant universitaire. Il s’agit d’une adaptation québécoise de la Charte de Grenoble du mouvement étudiant français. Selon certains, c’est la naissance du syndicalisme étudiant.

13 mai 1964

Création du ministère de l’Éducation à la suite des travaux de la commission Parent.

Novembre 1964

Fondation, au Centre social de l’Université de Montréal, de l’Union générale des étudiants du Québec (UGEQ). La nouvelle organisation revendique l’abolition des frais de scolarité, la reconnaissance des étudiantes et des étudiants comme de jeunes travailleurs intellectuels ayant droit à un salaire, la cogestion et la création de nouvelles institutions publiques.

Octobre 1968

Le 12 octobre, une quinzaine de cégeps, certaines facultés et certains départements universitaires sont en grève générale illimitée pour réclamer une meilleure planification de l’accessibilité au marché du travail, la gratuité scolaire, la création d’une deuxième université de langue française à Montréal, la bonification du programme des prêts et bourses, la cogestion et l’abolition de la politique des présences obligatoires au cégep.

Le 21 octobre, 10 000 étudiantes et étudiants participent à une manifestation à Montréal. Celle-ci est suivie d’une nouvelle vague de grèves et d’occupations en novembre. Des lock-out sont décrétés aux cégeps Édouard-Montpetit, de Chicoutimi et de Jonquière.

À la suite de cette mobilisation, les frais de scolarité sont gelés jusqu’en 1990.

Mars à septembre 1969

Dissolution de l’UGEQ, de l’AGEUM et de l’Association des étudiants de l’Université Laval (UGEL). Certains leaders du mouvement étudiant d’octobre 1968 considèrent, malgré les gains, que cette mobilisation fut un échec.

Automne 1974

Un premier mouvement de grève s’amorce le 9 octobre aux cégeps de Rosemont, de Joliette, de Rouyn-Noranda, de Saint-Hyacinthe et de Saint-Jean pour réclamer le retrait des tests d’aptitude aux études universitaires (TAEU). Le gouvernement du Québec retire les TAEU.

En novembre, une nouvelle mobilisation voit le jour au cégep de Rimouski afin d’abolir les frais de scolarité et d’améliorer le système des prêts et bourses (suppression de la contribution parentale et de celle du conjoint, diminution de la contribution de l’étudiante et de l’étudiant et diminution du montant maximum du prêt de 700 $ à 500 $). Le mouvement de grève gagne rapidement du terrain et une trentaine de cégeps y adhèrent, en plus de certaines écoles secondaires et des départements universitaires. Environ 100 000 étudiantes et étudiants sont alors en grève.

Dans la semaine du 9 au 14 décembre, la police antiémeute intervient dans plusieurs cégeps, à la demande des administrations locales qui tentent de briser la grève par le recours au lock-out.

22 mars 1975

Fondation de l’Association générale des étudiantes et étudiants du Québec (ANEEQ) à l’Université Laval.

Automne 1978

En abandonnant ses promesses électorales en matière d’éducation (gratuité scolaire à tous les niveaux et instauration d’un présalaire pour les étudiantes et les étudiants), le gouvernement péquiste mobilise les troupes étudiantes.

Le 7 novembre 1978, les étudiantes et les étudiants du cégep de Rimouski votent pour la grève générale illimitée. Elles et ils sont suivis quelques jours plus tard par celles et ceux de Chicoutimi et de La Pocatière. Le 23 novembre, on compte une trentaine d’établissements impliqués dans le mouvement. Le même jour, une manifestation de 1 500 personnes, qui se tient devant les bureaux du ministère de l’Éducation à Montréal, se transforme en occupation improvisée.

Les étudiantes et les étudiants de l’UQAM rejoignent le mouvement. C’est la première fois qu’une université est complètement fermée en raison de cet exercice du droit de grève. Plusieurs départements des sciences humaines des universités de Montréal et de Laval décident aussi de joindre le mouvement.

Au total, plus de 100 000 étudiantes et étudiants des collèges et des universités sont en grève générale. Elles et ils réclament l’abolition des frais de scolarité, l’abolition de la contribution parentale et de celle du conjoint, l’abolition de l’endettement étudiant, la diminution de la contribution étudiante et, à moyen terme, la gratuité scolaire intégrale.

Automne 1986

Le 7 octobre 1986, les étudiantes et les étudiants du Vieux-Montréal amorcent un mouvement de grève et revendiquent le maintien du gel des frais de scolarité jusqu’à la fin du mandat du gouvernement Bourassa, le retrait des frais afférents à l’université et une réforme du programme d’aide financière aux études.

Le mouvement regroupe environ 25 associations, dont une seule universitaire, l’Association générale des étudiants de l’Université du Québec à Montréal (AGEUQAM). Plusieurs départements de l’Université de Sherbrooke votent pour la grève, mais les autres composantes ne suivent pas, ce qui empêche le débrayage.

Le 22 octobre 1986, le gouvernement s’engage à maintenir le gel des frais jusqu’en 1989, mettant fin au mouvement.

Automne 1988

Le 26 octobre, plus de 100 000 cégépiennes et cégépiens amorcent une grève de trois jours dans 23 des 44 établissements du Québec pour réclamer une amélioration du régime des prêts et bourses. Cinq autres établissements se joignent par la suite au mouvement.

Le 29 octobre, l’Association nationale des étudiants et étudiants du Québec (ANEEQ) se prononce en faveur du déclenchement d’une grève générale illimitée. Le mouvement s’enclenche avec le ralliement d’une vingtaine d’associations étudiantes, mais certaines, collégiales, s’y opposent.

Le mouvement décline et l’ANEEQ met fin à la grève le 13 novembre. Les cours reprennent dans les cégeps, mais la grève déclenchée le 2 novembre par les 12 000 étudiantes et étudiants des sciences humaines, arts et lettres de l’UQAM se poursuit pendant trois jours.

1990

L’Association nationale des étudiantes et des étudiants du Québec (ANEEQ) et la nouvelle Fédération des étudiantes et étudiants du Québec (FEEQ, qui deviendra plus tard la FEUQ) lancent un mouvement pour s’opposer au dégel des frais de scolarité (les frais universitaires, qui sont de 540 $ – gelés depuis 20 ans – devaient passer à 890 $ l’année suivante, puis à 1240 $ l’année d’après).

Même si la majorité des associations étudiantes n’ont pas obtenu le mandat de grève, les étudiantes et les étudiants en sciences humaines et en arts et lettres de l’UQAM débrayent le 13 mars. Ils sont suivis le lendemain par les étudiantes et les étudiants du Cégep de Rimouski et de l’Université du Québec à Rimouski, ainsi que par celles et ceux des cégeps de Saint-Laurent, de Joliette et de Rosemont.

Plusieurs manifestations, parfois accompagnées d’arrestations, marquent les journées de protestation. Au plus fort de la mobilisation, seulement une douzaine de cégeps et trois universités (l’UQAM, l’UQAR et l’Université de Montréal) étaient en grève. Le mouvement perd de son importance et ne réussit pas à faire fléchir le gouvernement.

1993

Dissolution de l’ANEEQ.

Automne 1996

Les étudiantes et les étudiants du cégep Maisonneuve déclenchent une grève générale, le 23 octobre, pour protester, notamment, contre la possibilité que le gouvernement péquiste hausse les frais de scolarité à l’université et augmente les frais afférents au cégep.

Les cégeps du Vieux-Montréal et Marie-Victorin emboîtent le pas. La Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) décident, le 31 octobre, de se joindre au mouvement, qui s’étendra alors à plusieurs établissements.

Le 8 novembre, 23 cégeps sont en grève, soit plus de 60 000 étudiantes et étudiants sur un total de 165 000. Les étudiantes et les étudiants de McGill, de l’Université de Montréal, de Concordia et de l’UQAM rejoignent le mouvement.

La ministre de l’Éducation, Pauline Marois, annonce, dix jours plus tard, le gel des frais de scolarité à l’université et le maintien du plafond des frais afférents au cégep. Le mouvement prend fin le 25 novembre après une vingtaine de jours de grève.

Hiver 2001

Fondation de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) au cégep de Valleyfield.

Hiver 2005

Six cégeps et une douzaine d’associations étudiantes universitaires entrent en grève générale illimitée le 21 février afin de protester contre la conversion de 103 millions $ de bourses en prêts. Environ 185 000 étudiantes et étudiants sont en grève au plus fort de la mobilisation.

La FEUQ et la FECQ en arrivent finalement, après près de 6 semaines de grève, à une entente de principe avec le ministère de l’Éducation, qui consiste à réinvestir 482 millions de dollars de prêts en bourse, pour les cinq prochaines années. Le retour des 103 millions de dollars est promis pour 2006. La FEUQ invite alors ses membres à accepter l’offre pour mettre fin à la grève tandis que la FECQ qualifie l’offre de suffisamment intéressante. La Coalition de l’association pour une solidarité syndicale étudiante élargie (CASSÉÉ), qui a été exclue des négociations avec le gouvernement, invite ses membres à rejeter l’offre de principe et à continuer les moyens de pression.

Sur les 185 000 étudiantes et étudiants ayant participé au mouvement de grève générale illimitée, 110 000 votent contre l’entente, alors que 75 000 l’acceptent. La majorité des associations membres de la FECQ et de la FEUQ entérine toutefois l’entente de principe, d’où l’arrêt rapide de leurs moyens de pression, alors que bon nombre d’associations membres de la CASSÉÉ poursuivent la grève jusqu’au 14 avril.

Hiver et Printemps 2012

Le 13 février, des associations étudiantes lancent un mouvement de grève pour contrer la décision du gouvernement du Québec d’augmenter annuellement de 325 $ les droits de scolarité dans les universités, et ce, pendant cinq ans.

La grève est déclenchée le 13 février 2012 par l’Association des chercheuses et chercheurs étudiants en sociologie de l’Université Laval et le Mouvement des étudiantes et des étudiants en service social de l’Université Laval. Ils sont suivis dès le lendemain par les facultés des sciences humaines, de science politique, de droit et d’arts de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Le 16 février, le Cégep du Vieux-Montréal est le premier à rentrer en grève suivi, le 20 février, par d’autres cégeps qui viennent grossir les rangs des grévistes, qui se chiffrent à ce moment à plus de 30 000. Le 27 février, de nombreuses associations se joignent au mouvement. Il y a plus de 65 000 étudiantes et étudiants en grève. Le 5 mars 2012, le mouvement regroupe environ 123 300 étudiantes et étudiants en grève générale illimitée et plus de 9 500 étudiants ont ce mandat en poche. Le nombre d’étudiantes et d’étudiants en grève atteint son sommet le 22 mars : 309 000 étudiantes et étudiants sont en grève. Cependant, plusieurs de celles-ci et ceux-ci sont en grève limitée en raison de la manifestation nationale du 22 mars, qui mobilise plus de 200 000 personnes.

La grève étudiante est principalement coordonnée par la Coalition large de l’ASSÉ (CLASSE), par la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et par la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ).

En dépit de cette mobilisation historique – la plus imposante et la plus longue – la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Line Beauchamp, refuse de négocier avec les organisations étudiantes et nie le processus démocratique à l’œuvre dans les différentes assemblées générales. Le 17 avril 2012, plus de 170 000 étudiantes et étudiants sont toujours en grève.

Au cours de la semaine du 23 avril, il y a eu des discussions entre les leaders étudiants et les délégués gouvernementaux pour abaisser les tensions. Invoquant des incidents lors d’une manifestation le 24 avril à Montréal, la Ministre Beauchamp exclut la CLASSE des pourparlers. En réaction, les leaders de la FEUQ et de la FECQ ont suspendu les discussions avec le gouvernement. Cela a créé une réaction de frustration et une série de 3 manifestations nocturnes se sont déroulées le 24, 25 et 26 avril. La manifestation du 24 avril a été marquée par d’autres actes de vandalisme, commis par un petit groupe des Blacks Bloc, et des arrestations. Néanmoins, les marches se sont déroulées pour la plupart dans le calme.

Le vendredi 27 avril à 11 heures, Jean Charest convoque les médias en conférence de presse pour divulguer l’offre faite aux étudiantes et étudiants. La proposition comprend l’étalement des hausses sur 7 ans, mais aussi son indexation, et un élargissement de l’accès aux prêts étudiants. Cette offre, perçue par la majorité des étudiantes et es étudiants comme une insulte, entraîne une 4e manifestation nocturne consécutive. Le lendemain soir, pour leur 5e manifestation nocturne d’affilée à Montréal, les participantes et participants voient à désormais désapprouver quiconque voudrait s’adonner à la casse. Le 30 avril, une septième manifestation nocturne consécutive a lieu sous le thème d’un «carnaval nocturne» : les participantes et participants sont déguisés et pacifiques. Une autre a également lieu le même jour : la «manifestation lumino-silencieuse», qui se déroule en silence. Pour un neuvième soir de suite à Montréal, le 2 mai, la marche se déroule dans la calme, les manifestantes et manifestants se dirigent vers la résidence privée du premier ministre, où ils font un sit-in, plusieurs déguisés richement, en guise de dérision. Leur principal slogan : «Manif chaque soir, jusqu’à la victoire». Ce jour-là, le ministre des Finances déclarait compter sur les élections plutôt que sur des discussions, afin de régler le conflit, toute négociation étant impossible, selon lui. Le 3 mai, une dixième manifestation nocturne a lieu, certaines manifestantes et manifestants sont déguisés en zombies, d’autres sont presque nus, plusieurs se rendent jusqu’à la résidence du maire de Montréal, qui voudrait leur interdire le port de masques. En date du 14 mai, ces manifestations continuent de se dérouler chaque soir, le compte est donc de 21 manifestations nocturnes.

En raison des manifestations quotidiennes à Montréal, le PLQ décide de déplacer à Victoriaville son Conseil général qui s’ouvre le vendredi 4 mai 2012 à 19 h.

Peu avant l’ouverture du Conseil, le gouvernement Charest décide de convoquer, à Québec, les représentants des quatre groupes d’associations d’étudiantes et d’étudiants, les chefs des centrales syndicales, les recteurs d’université et de la Fédération des cégeps, avec le négociateur en chef du gouvernement ainsi que les ministres Line Beauchamp et Michelle Courchesne, pour conclure une entente de principe visant un retour à la normale. Les représentantes et représentants entament des pourparlers en fin d’après-midi.

Au même moment, à Victoriaville, plusieurs dizaines d’autobus remplis de manifestantes et manifestants se rendent sur place, à environ un à deux kilomètres du palais des congrès. Elles et ils marchent jusqu’à ce lieu où se tenait le Conseil et, moins d’une heure après le début des manifestations, il y a des affrontements entre des manifestantes et manifestants et l’escouade anti-émeute de la Sûreté du Québec. Les négociations à Québec sont alors brièvement interrompues pour permettre aux leaders étudiants de lancer un appel au calme, avec diffusion immédiate jusque sur les réseaux sociaux.

Les affrontements font plusieurs blessés, incluant 3 policiers. Deux manifestants blessés reposent dans un état critique à l’hôpital, dont un étudiant qui perd l’usage d’un œil.

Quelques jours plus tard, deux partis d’opposition, Québec solidaire et le Parti québécois réclament, en vain, la tenue d’une enquête publique indépendante sur le comportement policier lors de la manifestation de Victoriaville. Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, leur réplique de s’en remettre au commissaire à la déontologie policière.

Le samedi 5 mai, après 22 heures consécutives de négociation, les représentantes et représentants des différents groupes en viennent à une entente de principe, qui stipule que la hausse des «droits de scolarité» s’applique, mais que si des coupures dans les «droits afférents» (frais institutionnels obligatoires) ont lieu, cela pourrait laisser inchangé le total de la facture à payer par les étudiantes et étudiants. À cette fin, l’entente prévoit la création d’un Conseil provisoire des universités (CPU) pour étudier la possibilité de revoir les dépenses universitaires avant 2013. Cette entente est plutôt perçue par les leaders étudiants non pas comme une entente officielle, mais comme une «feuille de route» à soumettre au vote libre des différentes associations étudiantes, de sorte que la grève générale illimitée demeure jusqu’à nouvel ordre. Mais, le parti au pouvoir se fait aussitôt triomphaliste, proclamant que, par l’entente obtenue, le «Québec maintient intégralement les hausses» et le premier ministre, Jean Charest, tient les étudiantes et les étudiants responsables de la durée du conflit. Plusieurs étudiantes et étudiants sur les réseaux sociaux disent que l’entente de principe est une «arnaque» et une «grossièreté». Tous les signes laissent donc croire que l’«offre» sera rejetée par les étudiants. L’impasse est confirmée en moins d’une semaine : les assemblées de chacune des quatre associations rejettent la proposition et la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, se dit prête à ajouter des précisions à l’entente, mais «veut éviter que les gestes qu’elle pose soient perçus comme un «recul» par l’opinion publique», ajoutant (en maintenant sa demande monétaire) que «personne n’a à abandonner ses revendications pour autant».

Au milieu de l’après-midi du lundi 14 mai 2012, à la 14e semaine de grève étudiante, la ministre de l’Éducation et vice-première ministre du Québec annonce sa démission de la vie politique. De son propre aveu, elle espère que cette décision «servira d’électrochoc» en vue de régler le conflit étudiant. Pourtant, dans la matinée, elle avait tenue une conférence téléphonique avec les leaders et porte-parole des quatre groupes d’associations étudiantes, sans faire référence à cette possible éventualité.

Afin de mettre fin au conflit qui oppose le mouvement étudiant au gouvernement du Québec, ce dernier décide de déposer une Loi spéciale (Loi 78) qui, selon la plupart des acteurs de la société québécoise,  limite les libertés civiles, menace la démocratie et qui, de surcroît, bâillonne les enseignantes et les enseignants des cégeps. Il est on ne peut plus clair, depuis le dépôt du projet de loi spéciale le 17 mai dernier, que le premier ministre du Québec, Jean Charest, n’est ni le premier ministre de la Jeunesse ni celui de la négociation, mais bien celui de la répression tous azimuts.

Références

1. MELS, Indicateurs de l’éducation – édition 2011, MELS, secteur des politiques, de la recherche et des statistiques, p. 23.

2. Ibid., p. 46.

3. Voir : J. Brazeau, Les résultats d’une enquête auprès des étudiants dans les universités de langue française du Québec, Montréal, Département de sociologie de l’Université de Montréal, 1962 ; Robert Ayotte, Budget de l’étudiant des niveaux collégial et universitaire, Québec, Ministère de l’Éducation, direction générale de la planification, 1970 ; Bureau de la statistique du Québec, Enquête sur le mode de vie des étudiants du post-secondaire, Québec, BSQ, 1986; Fédération universitaire du Québec, Étude sur les sources et les modes de financement des étudiants de premier cycle, Québec, FEUQ, 2010.

Mario Beauchemin, La centralité de l’État providence dans le mode de vie des étudiantes et étudiants universitaires au Québec : 1950-1985, Québec, Université Laval, 1991, 139 p.

Benoît Lacoursière, «Brève histoire du mouvement étudiant», Revue Ultimatum, 2005-2006.

Radio-Canada : Les grèves étudiantes au Québec : quelques jalons

Wikipédia : Grève étudiante québecoise de 2005

Wikipédia : Grève étudiante québecois de 2012


Image: Francine Laurendeau, Jean-Pierre Goyer et Bruno Meloche occupent les bureaux du premier ministre

L’important, c’est pas la chute, c’est l’atterrissage…

Je fais partie de ce qu’on appelle en France, la «génération chômage», aussi appelée «génération Mitterrand» ou encore «génération SIDA». Choisissez! En réalité, toutes ces appellations font ressortir un même mot, une même réalité, LA CRISE. Cela fait donc 30 ans que j’entends dire que nous sommes en crise. Pourtant, tout bon prof d’économie vous dira que par principe, une crise c’est un moment, cela ne peut s’inscrire dans la durée. Mais bref, peu importe, trois décennies que les Français se pensent en crise; crise économique, crise politique, crise sociale. En fait une vraie crise existentielle. Les Trente Glorieuses disparues, De Gaulle mort, les taches indélébiles de la guerre d’Algérie et de la collaboration ont fait sombrer les rêves de la France éternelle, de la France «phare du monde». La France révolutionnaire est morte.

Hier, les Français étaient appelés aux urnes pour le premier tour des élections présidentielles. Jamais la brochette de candidats n’avait été si pitoyable entre un président sortant haï comme jamais, un candidat socialiste surnommé à juste titre «Flamby», une Marine-Bellatrix Le Pen qui n’a rien à envier à son facho de père, un populiste de gauche et une kyrielle de petits candidats sans atout majeur. Dans ces conditions, les commentateurs patentés nous annonçaient un taux d’abstention record. Et patatras, première erreur, le taux de participation est en réalité très honorable, presque 80% (de quoi fait rougir les Canadiens!). C’est la seule bonne nouvelle de cette élection. Oui, les Français sont encore citoyens. Oui, les Français croient encore qu’aller voter reste un des meilleurs moyens de s’exprimer (avec les grèves et les manifestations, on s’entend!). Le peuple français s’est levé pour s’exprimer, alors que les candidats tout au long de cette première campagne ont bafoué la France avec des discours honteux, sans parler des vrais problèmes, en faisant de la surenchère, en allant à la pêche aux voix avec des sujets aussi aberrants que la viande halal!

Mais cette élection restera dans les pages de l’histoire comme un moment noir de notre histoire. Bellatrix a recueilli 17,90% des voix, soit le plus haut score jamais réalisé par l’extrême droite en France. Mais comme d’habitude, les politicards ont fait l’autruche hier soir sur les plateaux de télévision. On s’accusait de mensonges, on se congratulait de soi-disant bons scores. Bref, personne ne parlait du vrai séisme de cette élection: le score des fascistes. Personne ne relevait que la seule raison pour laquelle les fascistes n’étaient pas au deuxième tour était que l’extrême gauche et le centre ont quasiment disparu du paysage politique. De trois partis trotskystes, seuls deux étaient présents et ils ne cumulent pas plus de 2% au lieu de leur 10% habituels. Vous allez me dire que ce n’est pas forcément une mauvaise chose, c’est en fait une anomalie française qui vient d’être corrigée. Il n’en reste pas moins qu’une fois encore, le Front National est le premier parti ouvrier de France. La gauche, la vraie gauche, pas celle de Flamby, va mal. Comme dans les années 1930, les ouvriers, le petit peuple, croit que le salut peut venir du fascisme. Il y a de quoi être inquiet. Tout porte à penser que le FN va changer de nom, pour s’installer dans le paysage politique comme force de droite respectable. Voilà comment le fascisme rampant avance à peine masqué, se normalise, peut espérer prendre le pouvoir par les urnes. Et nul doute qu’ils trouveront chez les Sarkozystes, des Dolores Ombrage, pour collaborer dans la chasse à l’étranger, aux Sangs de bourbe, accusés de tous les maux de la société.

Dans 15 jours, le 6 mai, le deuxième tour verra s’affronter l’excité du bocal Sarkozy et le Flamby hollandais. Comme disait le grand Coluche, «ce n’est pas l’embarras du choix, c’est que l’embarras». Aucun n’a l’envergure pour sortir la France de sa torpeur. Non pas que la France manque de personnel politique compétent; à gauche, il y avait DSK, il y a un Manuel Valls, même une Martine Aubry a du ressort; à droite, il y a un Alain Juppé, sans aucun doute le plus intelligent d’entre tous. Mais voilà, on n’aime pas les politiciens trop intelligents, avec des principes, on les aime populistes ou moroses. Remarquez, on aime les politiciens qui sont à notre image, on a les politiciens qu’on mérite. C’est une nouvelle campagne qui commence, 15 jours d’une campagne qui s’annonce sale. Contrairement à ce que disent les sondeurs (qui se sont lamentablement planté pour le premier tour et feraient donc mieux de se taire), les résultats le 6 mai seront très serrés. La gauche Flamby est arrivée en tête, mais elle a peu de réserves de voix. Puis il faut reconnaître que Sarkozy est une bête politique, il va le manger tout cru lors du débat le Flamby, qui est tout sauf un grand orateur, et qui est complètement dépourvu de charisme. Un Flamby c’est 95% de pudding au gout de vanille artificielle dégueulasse, et tout en dessous, un 5% de caramel tout aussi artificiel. Même pas sûr qu’on y arrive au caramel. Pourtant faudrait nous aider, nous donner un petit peu le gout de voter Flamby parce que vraiment on ne veut pas se retaper un cinq ans de Sarko!

Quel que soit le résultat, l’important, ce sera l’atterrissage en juin, avec les élections législatives. Si les Français ont encore un sens politique, ils voteront de sorte à ce que la France soit en cohabitation pour cinq ans (un président et une assemblée politique de couleur politique différente). Cela permettra de réaliser l’union nationale nécessaire pour nous sortir du marasme.

Flaherty à l’ONF : « Silence, on coupe! »

Les récentes compressions entreprises dans le budget Flaherty en avril 2012 constituent pour les francophones hors Québec une menace on ne peut plus importante contre l’avenir de ces communautés. Avec le risque de perdre l’une de nos institutions cinématographiques les plus importantes à l’ouest de l’Outaouais, il est important d’apporter la perspective d’une cinéaste sur ce budget fédéral.

L’État des lieux

Qu’en est-il des compressions qui concernent la production cinématographique chez les francophones? Le budget fédéral 2012 annonce, d’une part, des compressions de l’ordre de 191 millions de dollars à Patrimoine canadien. De son côté, le ministère a choisi de répartir ces compressions dans ses institutions à charge. De cette somme, c’est la Société Radio-Canada/CBC qui se voit grande perdante, avec 115 millions de dollars en compressions budgétaires. Du côté de Téléfilm Canada — le plus important bailleur de fonds canadien en matière de création cinématographique (La Sacrée en a profité, tout comme la majorité des longs-métrages québécois) —, l’enveloppe est coupée de 0,6 million de dollars. À l’Office national du film (ONF) du Canada, les compressions sont de l’ordre de 6,7 millions de dollars. Par conséquent, nos institutions et bailleurs de fonds ont la dure tâche de «couper dans le gras» (voire : la moelle) afin d’atteindre les objectifs prescrits par le ministre des Finances Jim Flaherty et de Pat Can. Le résultat? Élimination de 73 postes à l’ONF.

L’impact immédiat

De prime à bord, il faut comprendre la structure de l’ONF en français. Il existe une maison-mère à Montréal ainsi que deux studios régionaux : Acadie, et Ontario et Ouest. Il importe aussi à rappeler aux lecteurs qu’il existait, jusque dans les années soixante-dix, un Studio Ouest et Studio Ontarois, mais que la valse des compressions a forcé leur fusion.

Du côté du Studio Ontario et Ouest, ce sont deux postes clés qui sont éliminés avec les compressions. Compte tenu du fait qu’il n’y a que trois personnes travaillant au Studio, et que ces derniers ont la lourde charge d’administrer les projets de l’ONF à l’échelle de l’Ontario, de l’Ouest ainsi que du Grand Nord, toute coupe ayant pour objet d’éliminer des postes au bureau de Toronto ou dans le dessein de fusionner (encore une fois!) le Studio Ontario et Ouest avec le Studio Acadie est, pour le moins que l’on puisse dire, inquiétant.

Avec ces compressions, il ne resterait qu’une seule personne sur place en Ontario. Bien que, techniquement, cela réfute les allégations d’une fermeture du Studio, nul besoin d’un bac en gestion pour comprendre qu’un local vide avec une seule personne pour répondre à des téléphones indique, au final, que le Studio prendra la forme d’une coquille vide. Sans productrice sur les lieux, on est en droit de se questionner à savoir si le programme Tremplin existera toujours. D’ailleurs, comment espérer mettre sur pied les projets en partenariats avec la communauté — comme c’était le cas avec TonDoc et ses nombreux partenaires, dont Santé Canada, l’AFO, la FESFO et d’autres — sans productrice au bureau de Toronto?

Nous et notre avenir artistique

Au final, ce qu’il faut comprendre, c’est que ce sont nous, les jeunes, et les générations futures qui sont au point de perdre une importante institution, et c’est nous qui devrions nous indigner le plus. Quel autre producteur appuie de nouveaux réalisateurs avec leurs premières œuvres en région tout en leur payant un salaire adéquat? Quel autre producteur peut garantir une visibilité et une mise en marché pancanadien, et même international, de nos histoires?

Le Studio Ontario et Ouest offre aux nouveaux cinéastes une opportunité de prendre la parole, car souvent, vivant dans la francophonie minoritaire, nous avons de la difficulté à se faire entendre. Voilà le sort qui nous guette à demeurer complaisant face à cette situation budgétaire.


Recommandations de documentaires du programme Tremplin

Voici une liste de mes documentaires préférés du programme Tremplin. Le programme Tremplin permet aux réalisateurs d’une première ou seconde œuvre de mener à terme leur projet de documentaire. Il est important de noter que ces films auraient pu être réalisés par n’importe qui d’entre nous

Mon père, le roi

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Marie-France Guerrette, Alberta, 2010, 26 min 4 s.

Ce court métrage documentaire capte les souvenirs du fils et de l’ex-épouse d’un homme désormais devenu «roi» d’une secte religieuse. Avec la cinéaste, ils prennent la route pour visiter celui qui les a abandonnés 45 ans plus tôt.

360 degrés

oehttp://www.onf.ca/selections/concours-tremplin-les-laureats/visionnez/360_degres/

Caroline Monnet, Manitoba, 2008, 18 min 3 s.

Sébastien Aubin vit dans un loft à Winnipeg et occupe un emploi de graphiste. C’est aussi un Cri francophone de la nation d’Opaskwayak, au Manitoba. Parallèlement à sa vie professionnelle, il poursuit une quête spirituelle et identitaire. Son désir de transcender le concret l’a amené à apprendre la médecine traditionnelle autochtone.

Pour ne pas perdre le Nord

oehttp://www.onf.ca/selections/concours-tremplin-les-laureats/visionnez/pour_ne_pas_perdre_le_nord/

Sarah McNair-Landry, Nunavut, 2009, 21 min 32 s.

Malgré de grandioses paysages qui semblent encore vierges, le Nunavut n’échappe pas aux maux du reste de la planète. À Iqualuit, on compte deux dépotoirs remplis au-delà de leur capacité et la municipalité n’a aucun plan pour remédier au problème. Certains citoyens inquiets ont décidé d’agir.


Photo: Archives de l’ONF, 1940-1949

Ode à la cenne noire

Oh petit disque d’acier, de nickel et de cuivre,
Comme il est triste de savoir qu’on te délivre…
Certes! Tu alourdis mes poches en torieux
Tout en sonnant comme un carillon qui attire les quêteux…
J’entends ton tintement lorsque tu tombes par terre
Et mon regard te suit sous le comptoir où tu erres;
Oh! Combien de fois t’ai-je négligé
Alors que je te laissais simplement tomber!
Pourtant tu es mon brave et fidèle petit compagnon d’antan,
Avec toi je me croyais riche lorsque j’étais enfant.
Combien de fois t’ai-je cherché
Au fond de ma tirelire, sous le tapis de l’entrée,
Dans le tiroir à débarras et sous les coussins,
Afin d’en avoir assez m’acheter un cossin!
À l’université, au bac, je t’amassais,
Afin de payer une pizza que je voulais.
Dans mes disputes les plus tenaces,
Tu étais médiateur avec ton pile et ta face.
Oui, mon petit sous, mon centime, ma cenne,
Je réalise à quel point je t’aime!
Maintenant que la société a décidé de ton sort,
Je te fais part ici de mes remords.
À ta santé ce soir j’irai défendre ma raison,
Car comme le dit la chanson:
C’est avec des cennes qu’on se fait des piastre,
C’est avec des piastre qu’on se saoul la face!


Photo: Big Penny, Canadian Centennial Numismatic Parc, Sudbury, Ontario, 1967