À l’aube du printemps: Mes Aïeux

C’était en 2000. Un groupe osait tripoter l’ADN québécois à même son folklore. Quelques puristes ont fait la grimace tandis que les autres applaudissaient ce vent de fraîcheur inusité et hautement théâtral. 13 ans et 650 000 albums vendus plus tard – merci à Dégénérations, chanson valant à elle seule trois années de bac en sociologie -, plus personne ne doute de la pertinence de Mes Aïeux. Et ils sont de retour…

À l’aube du printemps, vous avez les deux pieds dans la neige brune et la boue quand, soudain, vous levez les yeux au ciel pour y apercevoir une volée d’outardes. Un ballet majestueux où les oiseaux se relaient sans orgueil en tête du peloton afin de maintenir le cap et le rythme. Une image forte qui aura guidé Stéphane Archambault et sa bande dans l’écriture de ce cinquième album résolument en phase avec son époque, où l’on attend encore des leaders inspirants.

Dès l’ouverture, on nous prend à bras-le-corps : Viens-t-en incite à la mobilisation, au mouvement. Crescendo délicat, on emboîte le pas et on aura bien besoin de cet élan pour piquer à travers les chansons suivantes comme autant de nuages dans l’horizon. Le gris domine et les questions essentielles abondent: «Quelqu’un sait-il où on s’en va ?», «À l’autre bout du pont, qu’est-ce qui m’attend ?» (En ligne), «Y a-t-il un sens à ta vie ?» (Des réponses à tes questions). Le principal intéressé ne trouvera pas, même après avoir interrogé père, mère, prof, psy et curé. Pas plus de réponses du côté de La Stakose, qui tire sur tout, espérant abattre un coupable qui se trouve peut-être de l’autre côté du fusil. Et on croit trouver un peu de répit avec La berceuse, mais on constate rapidement qu’elle ne sert qu’à nous endormir tandis qu’on pille nos ressources naturelles…

Que ce soit musicalement ou par les termes abordés, Mes Aïeux s’éloigne plus que jamais des racines traditionnelles qui les ont tant inspirés. Oui, l’increvable Yâb’ vient faire son tour (Histoire de peur) et on salue une bastringue moderne et séductrice (Je danse avec toi) mais l’essentiel est ailleurs. On a affaire à un disque profondément ancré dans son époque. Si le résultat est parfois lourd dans le propos, l’humour sauve la mise encore une fois. Et il y a de beaux moments plus légers (Je danse avec toi, Au gré du vent) qui permettent de garder le cap et d’arriver à bon port (Bye bye). On termine le voyage émerveillé par la résilience légendaire des Oies sauvages (la chanson la plus réussie du disque) autant que par ce groupe qui a su demeurer unis, persuadés de la force du nombre sur l’individualisme ambiant et surtout, convaincus que «malgré les défaites, on a encore nos ailes»…

Date de sortie: 12 mars 2012


Pochette: Marianne Chevalier

Laurentie: un WTF cinématographique

Il y a une couple de semaines, je suis allé voir L’acadie! L’acadie!?! à la cinémarobothèque de l’Office National du Film à Montréal avec ma blonde. Elle ne l’avait jamais vu et il fallait, évidemment, que je lui montre ce classique.  En passant par là, j’ai pris un programme pour les Rendez-vous du cinéma québécois qui était en full swing à ce moment-là. C’est en regardant le programme que je me suis dit qu’il semblait y avoir des ben bons films. Et qui l’eut cru, il y avait un film franco-ontarien.

C’est la description du film qui m’avait convaincu. En gros, Laurentie, c’est un film qui met en scène toute l’angoisse et le malaise d’un francophone cherchant à se retrouver des repères alors qu’il est confronté à une proximité menaçante de l’autre : son voisin anglophone.

Fait que, n’ayant pas vraiment le budget ou le temps de voir plus d’un film aux RVCQ cette année, je me suis dit Fuck it, forget le film franco-ontarien, je vais aller voir Laurentie à la place. D’ailleurs, je l’avais déjà vu, La Sacrée, pis ça avait plus le goût d’une Molson réchauffée qu’une bonne bière artisanale. Je sais, je sais, c’est un premier long métrage de fiction franco-ontarien, c’est important. Well, Aurore, l’enfant martyre aussi, c’était important.

Bon, back to Laurentie. Le titre de ce film québécois est une référence à ce pays lyrique imaginé par toute une génération d’intellectuels nationalistes de droite ultramontaine. Vous savez, la clique brébeufienne et certains profs de l’Université vaticane de Montréal. Oh oui, Pierre Trudeau y adhérait, je crois que vous le connaissez. En tout cas, le but de cette bourgeoisie nationaliste : la fondation d’une république catholique française fondée sur le modèle des états franquiste, en Espagne, et fasciste, en Italie.

Les réalisateurs, Mathieu Denis et Simon Lavoie, ont choisi le titre ironiquement. Le film ne se passe pas à cette époque-là; il se déroule plutôt dans le Montréal de nos jours. Louis Després, 28 ans (incarné par Emmanuel Schwartz), y va pas très bien. Non, en fait, il va assez mal. Il est perdu. Il est un être totalement asocial et il s’apprête à perdre le nord. Il emménage dans un nouvel appartement. Son voisin est un anglophone.

Pour l’anglophone la vie est belle. Il est étudiant, il est content, populaire, bref il est tout le contraire de Louis, qui l’observe discrètement, avec une fascination perverse. Louis ne parle à personne. Il ne s’intéresse pas à la banalité de la vie que se racontent ses collègues.

Certains plans-séquences durent de cinq à dix minutes. Le temps s’étire, le vide de la vie se fait sentir. Louis va boire dans un bar avec ses amis. Il se bat avec des Anglais. Louis boit de la bière avec ses chums. En silence. Louis se paye une danse contact dans un bar de danseuses. Louis se branle au travail. Louis baise sa blonde sans romantisme et à vrai dire, sans érotisme. Louis se branle dans la salle de bain de son voisin durant un party. Sans jamais jouir. Ce film est fabriqué à partir de scènes comme ça, étirées au maximum. Une scène montre même un vieux à marchette qui se dirige lentement vers la sortie de l’église. En temps réel. La seule scène où Louis semble heureux est un retour en campagne, dans un semblant de Laurentie, mais la réalité le reprendra et le ramènera de force à Montréal. Dans certaines scènes, des extraits de textes sont projetés sur l’image, citant des poèmes de Saint-Denys Garneau, Anne Hébert, Gaston Miron, Hubert Aquin qui contrastent par leur espoir d’un pays, le désespoir des images.

La force du film est  sa construction cinématographique particulière et le culot de nous montrer des scènes crues en temps réel, ce qui se voit rarement de nos jours au cinéma. Et il faut avouer que c’est un risque qui a valu la peine.

Pour ce qui est du message politique, à part critiquer le marasme du mouvement nationaliste au Québec et le manque d’identité claire et précise au Québec, il est difficile de savoir exactement ce que les réalisateurs voulaient dire.  Après la projection de branlages sur l’écran, j’ai assisté à une séance de masturbation intellectuelle au Bistro SAQ où les réalisateurs se défendent contre un panel qui ne se reconnaît pas dans leur film. « Je n’ai aucun malaise face à mes voisins anglophones » ou « Je suis capable de vivre mes deux identités sans problème », entend-on. Je crois qu’ils sont tombés à côté de la plaque. J’avais l’impression que le panel avait pris le film pour une apologie d’Hérouxville plutôt qu’un portrait de la situation qui lui donne voix. Et le besoin de régler la question, justement pour pas que l’on repasse par Hérouxville sur le chemin de l’affirmation identitaire. Mais certaines interventions des réalisateurs m’ont laissé perplexe. Je n’avais peut-être pas bien compris; c’était peut-être moi qui étais tombé à côté de la plaque. En tout cas, le film provoque la discussion, c’est déjà ça. Et explorer la complexité de cette question au Québec est aussi essentiel à la résolution de la question identitaire chez nous, en Franco-Ontarie.

Outre la question politique, le film demeure intéressant. Je ne sais toujours pas si je l’ai « aimé ». Ce n’est peut-être pas le genre de film que l’on aime ou que l’on déteste. Néanmoins, il participe et contribue à la richesse du cinéma québécois et propose autre chose d’un point de vue esthétique. Principalement pour cette raison, il mérite d’être vu.

Oyez, Oyez braves gens, c’est la Journée internationale de la femme

Bon comme tout bon féministe, on a nos réserves par rapport à cette initiative (ça fait un peu, je te célèbre une fois l’an, mais je t’humilie, t’ignore, te violente, le reste de l’année) mais bon c’est pas ça le sujet!

Non, on a décidé d’en profiter pour rendre un petit hommage au Centre Victoria pour femmes. Si vous ne le saviez pas, le Centre Victoria (CVF) est un organisme purement francophone, qui délivre des services en français par et pour des francophones. Il existe plusieurs volets à leurs actions. Le premier consiste à aider les femmes victimes de violence en leur fournissant des conseils, de l’appui, une écoute, un accompagnement. Le deuxième volet, c’est la ligne Fem’aide (1-877-336-2433). Cette ligne téléphonique ouverte en permanence 24 heures sur 24 est là pour fournir de l’aide aux femmes victimes de violence.

Le CVF est responsable pour tout le Nord. Et puis le CVF mène plusieurs campagnes. Des campagnes de sensibilisation comme Voisin-es, ami-es et familles, parce que c’est notre problème à tous, qu’on devrait reconnaître les signes de détresse d’une femme victime de violence, pis faire quelques chose. Mais le CVF fait aussi des ateliers avec des ainées et des jeunes filles pour les sensibiliser. Cette année, en termes de sensibilisation, le CVF a même décidé d’innover en étant le partenaire officiel de La Nuit sur l’étang. Mais en plus le CVF n’agit pas qu’à Sudbury. Il a des antennes à, Elliot Lake, Sault Ste Marie et Wawa!

Pour en arriver là, le CVF, et son inamovible et héroïne directrice générale Gaétane Pharand n’ont pas chômé! En une dizaine d’années, elles sont parties d’un petit organisme sans le sou avec des bénévoles pour créer un des rares organismes délivrant des services en français par et pour les francophones avec un vrai budget et plus d’une quinzaine d’emplois permanents. La clé de leur réussite en dehors de la ténacité exceptionnelle des femmes franco-ontariennes si bien décrite par nos poètes, dramaturges et romanciers, eh bien c’est le réseautage et le lobbying. Il existe un regroupement provincial : L’AOCVF (Action Ontarienne Contre la Violence faite aux Femmes), qui a su depuis des années rassembler tous les organismes œuvrant dans ce domaine, et agir d’une seule voix, avec un front commun. À Queens Park, ils ont les pétoches quand ils les voient débarquer. Une action concertée, une seule voix se tenir ensemble contre l’adversité, ont été les raisons du succès des organismes tels que le CVF à travers l’Ontario. À n’en pas douter, le CVF est un succès, une pratique prometteuse, comme ils disent dans les ministères, dont on devrait s’inspirer pour bien d’autres affaires!

Parce que pensons-y deux minutes, des organismes délivrant des services en français par et pour des francophones, ça court pas les rues. À Sudbury, en dehors du culturel et de l’éducation, il n’y a que le Centre de santé communautaire et le Contact Interculturel Francophone de Sudbury. Mais les autres services sociaux, y sont bilingues, c’est-à-dire que si t’as de la chance que la seule travailleuse francophone soit sur son shift quand t’arrives, bah tu les as tes services, sinon tu es as pas. L’autre problème avec les services dit bilingues c’est que t’as jamais d’offre active des services en français, comme le dit Linda Cardinal. Autrement dit, t’arrives, on ne te demande pas si tu veux des services en français, pis si jamais t’es un enragé pis que tu les demandes, on te dit t’attendre qu’on trouve quelqu’un… alors c’est sûr, à force, on les demande plus! On le sait, on n’a de cesse de le répéter, ce qu’on veut, c’est des services en français par et pour des francophones, pas des services dit bilingues, c’est pas compliqué Madeleine et Dalton!

Alors en cette Journée internationale de la femme, on veut dire un grand merci au Centre Victoria pour son beau travail, et surtout son exemplarité dans les luttes pour les services en français!

PS : ce message n’est pas financé par le CVF!


Image: Wonderwoman, DC Comics

Les Bleus de Ramville: Pas offside, juste off

Après le slapstick quétaine presque réussi qu’a été la série Météo+, TFO nous présente une deuxième télésérie nord-ontarienne.

Est-ce qu’ils auraient dû?

Les Bleus de Ramville, c’est comme une tentative de recréer Les Boys en franco-ontarien. Tous les éléments y sont pour en faire le show le plus franco-ontarien ever. Un petit village (comme Verner, Corbeil ou Smooth Rock Falls), des grands noms d’acteurs franco-ontariens (Jean Marc Dalpé, Stéphane Paquette), et le français régional dont on est si fier (mais qu’on se fait un plaisir de fou à mal imiter).

La première fois que j’ai écouté Les Bleus de Ramville, ç’a duré 5 minutes avant que je retourne à Seinfeld. J’étais mal à l’aise, honnêtement. Pour tout le bruit qu’on fait sur cette série, sur «l’industrie télévisuelle franco-ontarienne», j’étais déçu. J’ai décidé, par la suite, d’y donner une vraie chance, voir ce que donnait un épisode au complet.

Commencer par le commencement

Le générique d’ouverture de l’émission est magnifique, il faut le dire. On comprend les enjeux que l’on souhaite aborder dans cette série: la régionalité, la passion que peut inspirer le hockey semi-pro, l’intensité sur la glace même si on ne gagne pas un million par saison. Après le générique, j’étais optimiste. On présentait ici un beau pari, on piquait mon intérêt. Mais après, ouf.

Dès la première scène, on nous vend sans trop de subtilité le dialogue artificiel et le rythme malaisant de la série. J’ai du mal à me décider si c’est parce qu’on leur impose des textes mal adaptés à l’accent qu’on essaye de leur donner, ou bien si ce sont les comédiens qui sont mal dirigés dans la livraison de leurs répliques. On se dirait dans une pièce de théâtre ou dans un match d’impro, et même que certaines des répliques semblent hors contexte, par exemple lorsqu’on fait allusion au taux de chômage qui serait apparemment plus élevé à Sudbury que dans un village où l’on vient de perdre l’employeur principal… On est loin de l’accent absolument réussi de la secrétaire d’Azilda dans Météo+ (où le même problème de manque de constance des accents existait).

(Manque de) vigilance constante

Le niveau du jeu n’est pas égal chez tous les comédiens (ni même de scène en scène) et on ressent un certain laissez-faire au niveau de leur cohérence de réplique en réplique. Dans une même scène, on peut passer d’une conversation très crédible à un genre de parodie de théâtre communautaire de Moonbeam. La facilité des textes me donne envie de souffler mon gazou pour donner une punition de «ploguer le thème» comme ils disent en impro. On dit tout, on ne laisse pas la place aux nuances, et on expose au grand jour les motivations de chaque personnage.

À la télé, ça prend une intention claire au niveau du rythme, et ici, il est off, mal placé. Les répliques ne s’emboîtent pas, et on a l’impression que chaque ligne de dialogue est faite pour être seule, sans s’imbriquer dans le flow de la scène. On peut passer une bonne minute très agréable, où le jeu est au niveau et où le rythme est bon, avant de retomber dans le mondain.

L’inégalité du jeu se voit encore plus lorsqu’on a affaire aux scènes de Jean Marc Dalpé, qui rentre à merveille dans sa peau de «businessman» crasse. Sauf que lorsqu’il est avec d’autres comédiens, avec moins d’expérience ou d’aisance, on est mal à l’aise. Pour eux, pour lui, pour l’équipe de production.

Et là je n’ai même pas parlé de la musique, qui plus souvent qu’autrement vient briser l’atmosphère que l’on tente de créer. Il me semble qu’une bonne trame sonore, on ne devrait pas la remarquer. Ici, au lieu, on a l’impression de se retrouver dans un épisode de Full House ou dans un Friday Night Lights pas assez dramatique.

Le contexte de la série est bon – l’employeur principal de la ville quitte, réalité trop commune pour les Nord-Ontariens, et on tente de redonner une certaine vigueur au village par le biais de l’équipe de hockey. C’est une mise en situation qui valait bien la peine qu’on s’en inspire pour une télésérie. On est loin des moeurs «over-dramatiques» de Francoeur, de la banalité corporative de Rock et Rolland, ou du mindfuck généralisé de L’Auberge du chien noir. Mais j’ai justement l’impression que cette série qu’on m’a vendue dans le générique d’ouverture, on ne l’a pas écrite.

L’âne et la carotte

Les Bleus de Ramville, comme Météo+, est produit pour une diffusion à TFO, sans publicité, et à ce que je peux en conclure, sans ambition de rediffusion pour un profit quelconque. J’ai l’impression qu’on a établi une industrie télévisuelle dans le Nord dans le but de faire travailler les gens, peu importe la qualité du produit final. Ramville jouit d’une diffusion garantie et ne doit pas s’inquiéter des commandites, des cotes d’écoute ou des critiques dans la Presse ou à C’est juste de la TV.

Je dois quand même saluer l’initiative de TFO et de la boîte de production derrière Ramville, mais j’aimerais avoir l’impression qu’il y a une carotte qui leur pend devant le nez. Pour l’instant, après 5 épisodes, on dirait un âne paresseux dans un entrepôt de légumes.

En tant que bon Franco-Ontarien, je me dois de suivre la saison jusqu’à la fin, et j’espère que la suite pourra me faire changer d’opinion.

Le doigt d’honneur : court survol du doigt le plus long

Je me souviendrai toujours de la première fois que j’ai donné «le doigt». Je devais avoir 8 ans. J’étais dans l’autobus en route pour l’école quand un p’tit morveux dans un autre autobus m’a donné le doigt. J’ai instinctivement répliqué avec le mien à la grande surprise de la conductrice de l’autre autobus qui m’attrapa en plein acte. Ça n’a pas pris 2 minutes que notre autobus s’arrête et que Debbie, notre conductrice, chicane tout le monde au grand complet afin de savoir qui était le snoreau qui avait levé ce doigt sacré. Je n’ai jamais avoué ce geste publiquement avant aujourd’hui. Sorry Debbie.

Le majeur est un doigt, parmi tant d’autres, mais comment a-t-il eu sa si mauvaise réputation? Voilà le sujet de mon billet d’aujourd’hui.

On s’en est tous servi à un moment donné dans un élan de frustration en plein trafic ou en l’affichant en direction de quelqu’un qu’on méprise pendant qu’il avait le dos tourné.

“I wasn’t born with enough middle fingers to let you know how I feel.” — Proverbe inconnu

Récemment, c’est Adele au Brit Awards, MIA au Superbowl et Jacques Languirand lors du lancement de la programmation de Radio-Canada qui se sont laissé emporter par le majeur. Mais d’où vient-il?

Historique du doigt d’honneur

Les origines du doigt d’honneur sont un peu floues.

Une des premières utilisations connues du doigt d’honneur date de plusieurs siècles. En Grèce antique, il était connu sous le nom κατάπυγον (katapugon, de kata – κατά, « vers le bas » et pugē – πυγή, « fessier, derrière ») qui faisait référence à un geste phallique utilisé au théâtre comme insulte voulant dire un homme qui soumet à la pénétration anale. D’ailleurs, on y retrouve une référence dans la comédie Les Nuées d’Aristophane en 423 av. J-C.

Mais l’histoire qui m’allume le plus est celle de la Guerre de Cent Ans… les Français contre les Anglais.

L’amputation pendant la Guerre de Cent Ans

On est quelque temps entre 1337 et 1453. Les archers anglais adoptent le longbow sur le terrain de guerre contre les Français, ce qui leur permet d’atteindre une supériorité face à la cavalerie et aux arbalétriers français. Ça prend deux doigts pour tirer le longbow, l’index et le majeur. Les Français, pas cons, amputent le doigt du milieu des soldats anglais capturés pour qu’ils ne puissent plus tirer à l’arc s’ils s’échappent. Depuis, en réponse, les Anglais lèvent fièrement leurs majeurs en direction des troupes françaises avant une bataille dans l’idée de dire « Come and get ’em, boys! ». Et on pensait que nos chicanes entre « solitudes » étaient graves.

“The peace sign is just a trigger and a middle finger.” — Little Wayne

Du Moyen-Âge à la re-popularisation

Le doigt se fait discret au Moyen-Âge grâce à la présence de l’Église Catholique qui décourage fortement son utilisation. On le croirait mort jusqu’à ce qu’une nouvelle invention vienne mettre de l’huile sur le feu et place le majeur au sommet de sa popularité : la photographie.

Old Hoss Radbourn's Finger

En 1886, Charles « Old Hoss » Radbourn, lanceur de baseball pour les Boston Beaneaters, glisse son doigt dans une photo d’équipe. Dans un flash, le hall-of-famer lance un mouvement américain de rébellion et d’humour, bref, une attitude punk avant d’être punk. Charles Radbourn est le premier hipster.

Pendant le 20e siècle, le doigt d’honneur fait son entrée triomphante dans toutes les sphères de la société. Le doigt assume sa place dans la culture populaire et politique.

Nelson Rockefeller, vice-président des États-Unis, lève son majeur en guise réponse à des manifestants contre la guerre au Vietnam en 1976.

Autres doigts d’honneurs populaires

Le majeur, étrangement bien préservé, de Galilée peut être vu au Museo di Storia del Scienza en Italie. Le doigt du célèbre astronome a été volé du corps par Anton Francesco Gori en 1737. Gori aurait détaché ce souvenir pendant qu’il déménageait le corps. Galilée donne encore fièrement le doigt à tous ceux et celles qui douteraient de sa théorie héliocentrique.

Lors d’un passage de train à Salmon Arm en Colombie-Britannique, Pierre Elliott Trudeau n’a pas hésité un instant à donner son fameux « Trudeau Salute » à des manifestants qui lui criaient des bêtises antifrancophones en 1982. On aurait aimé avoir une photo de ça!

Une scène classique de The Matrix où M. Anderson refuse de coopérer avec Smith.

Cette photo classique de Johnny Cash a été prise par le prisonnier Jim Marshall pendant son concert à la prison San Quentin en 1970. Marshall, le photographe a dit qu’elle était “probably the most ripped off photograph in the history of the world.”

Personne ne sait vraiment quand est-ce qu’il a été tourné, mais chose certaine, c’était pendant qu’il était gouverneur du Texas et il ne savait pas que la caméra tournait. Ce clip a premièrement fait son apparition sur Salon.com en 2004.

Ce petit oiseau est loin d’être en voie d’extinction. Hissez-le fièrement, mais pas trop souvent. Limitez son usage qu’à des circonstances très précises. Le doigt d’honneur est sacré. Il ne faudrait pas l’abuser ni l’amadouer.

Quelles sont vos utilisations du doigt d’honneur préférées?

Lectures recommandées

Is giving the middle finger offensive? – NPR
101 Ways to Flip the Bird, Jason Joseph and Rick Joseph, 2007
The Field Guide to the North American Bird, Adam and Lauren Blank, 2004

Maudite Française, devenue franco-ontarienne

Je m’en reviens du concert donné par Patricia Cano, notre chanteuse franco-ontarienne nationale. Je suis en train de braver les 50 cm de marde blanche d’hier et les -30 degrés d’aujourd’hui. Il fait frette en hostie. Je trouve mon courage en me rappelant les derniers Dalpé et Germain que je viens de relire pour un article dit scientifique. Je pense à ces trappeurs, ces chasseurs, ces bûcherons, ces Franco-Ontariens habitant leurs espaces faits de frette, d’hiver, de maudite marde blanche. Ça me donne du courage, pis je pense à mes chums à Minsk, il faisait frette aussi là-bas; pis je pense à Chalamov, au goulag et pis à Ravensbrück, à Simone Veil et à Geneviève Anthonioz – de Gaulle; il faisait frette aussi là-bas. Pis, à un moment l’alcool baisse, pis je me dis « allons Aurélie, t’es pas une ZEK, t’es pas dans les camps, c’est pas si pire », bah non crisse c’est pas si pire, je suis à Sudbury, y fait frette, mais je ne suis pas en mode survie, mais ça m’aide de penser à eux pour braver le froid et la marde blanche.

Fuckées pas mal comme références, bah c’est ça, t’es une maudite Française devenue franco-ontarienne. Les références sont toutes mêlées. Pis là je pense à ma conversation avec Carlos Bernardo, le guitariste brésilien le plus sudburois qui soit, qui m’annonce drette là qu’il vient de déménager à Paris avec sa nouvelle blonde. Moi je pense à mon ex-chum qui m’a amenée icitte dans le frette, pis qu’est maintenant avec une Brésilienne. Je me dis : « crisse, y’aurait un roman à écrire ». Pis ma petite voix intérieure me rappelle « bah, mais tu sais pas écrire ». C’est vrai, alors y’en aura pas de roman. Mais bon, sur le chemin, face au vent, je pensais (c’est une maladie, je peux pas m’en empêcher). Je me disais que tout ça, à c’te soir, c’était bien révélateur des Franco-Ontariens, et que c’était pour ça que je me dis Franco-Ontarienne depuis un bout’. C’est que tout le monde y peut l’être franco-ontarien. Patricia, Carlos, pis moi. Pis en même temps, on vit pas dans notre petit monde icitte dans le Nord, non. Patricia, elle se partage entre icitte, pis le Brésil, pis le Pérou; Carlos, entre icitte, pis le Brésil, pis la France. Pis moi itou. Pis ma fille qui un jour du haut de ses 6 ans à un Anglo qui lui demandait « mais tu es quoi toi? » Elle lui avait répondu drette là « bah, je suis franco-ontarienne parce que je suis née dans le Sault, pis québécoise par mon père, pis française par ma mère ». Maintenant, elle peut dire qu’elle est un peu brésilienne itou parce que son demi-frère est brésilien. Pis en plus la maman du petit, la Brésilienne, elle est aussi italienne, Enwoye donc : Franco-Ontarienne, Québécoise, Française, Brésilienne, pis Italienne. Les appartenances, c’est comme la salade de fruits, plus y’en a, meilleur c’est.

Alors, voilà c’est tout! C’était beau à ce soir de voir que Patricia avait rassemblé plein de monde au Little Montreal pour récolter de l’argent pour les familles de ces pauvres victimes de travailleurs temporaires péruviens. À ce soir, y avait des franco, des anglo, des hispano, peu importe, on était là pour se souvenir. Et pis c’est drôle, mais Stef Paquette a chanté quelques tounes, dont une sur les mineurs. C’était la première fois que je l’entendais. J’ai pas pu m’empêcher d’avoir des larmes. Pis Patricia aussi elle a chanté une chanson sud-américaine sur un Manuel mort au champ de mines. Pis je me suis demandée pourquoi ça venait me chercher. Moi, je suis tourangelle et bordelaise, on fait pas dans les mines, on fait dans le vin. Mais finalement, ça venait me chercher parce que les mines, comme Franco-Ontarienne, maintenant ça fait partie de mon héritage, pis aussi parce qu’au final c’est des travailleurs, qui travaillent la terre, en dessous ou au-dessus, on s’en fiche. C’est des gens qui donnent leur vie à travailler la terre. Et quelque part, notre identité elle est là. En dessous ou au-dessus de la terre.

Pis vous savez quoi? Y avait Marcel Aymar dans la salle. Quand je l’ai vu rentrer, j’ai pas pu m’empêcher de dire « y’a l’homme invisible ». Pis, à la fin du concert, j’ai dit à mon ami, « eh, regarde y’a Marcel Aymar, la première fois que je l’ai vu, je lui ai demandé un autographe ». Pis là, mon ami, québécois de son état, y’a souri. Alors, en maudit, j’ai été lui parlé à Marcel. J’lui ai montré la vidéo que j’avais faite avec mon téléphone du concert de CANO à Sturgeon en juin passé. Juste, genre lui dire que j’étais une vraie fan. Bon c’était quétaine. Mais je m’suis dit « vous, vous pouvez pas comprendre. Vous avez grandi avec CANO. Mais moi c’est là que tout a commencé ». Anyway, pendant tout le concert, j’ai rêvé que Patricia invite sur scène Marcel, pis qu’ils fassent En plein hiver. Ça c’est pas fait, mais chu sûre que j’vais en rêver cette nuit!

Lettre à un jeune poète : Rêver au réel de Daniel Groleau Landry

Salut Daniel!

En 1929, dans Briefe an einen jungen Dichter (Lettres à un jeune poète), Rainer-Maria Rilke écrivait: «Pour aborder les oeuvres d’art, rien n’est pire que la critique.» Je t’écris donc à titre de simple lecteur qui découvre ton recueil de poèmes, Rêver au réel.

D’emblée, il est clair que tu aimes le langage et le jeu qu’il te propose (j’ai parfois l’impression que ce sont les sonorités, la musicalité du langage… qui te guident, t’entraînent, te permettent de t’abandonner à une forme d’automatisme où s’enchaînent les idées, les mots…) comme en témoigne cet extrait:

«ripostes et revirements océaniques
en vagues et tourbillons arrondis par
les frictions de fiction et scissions dans les
fissions sur les fissures en sutures sur l’azur
craquelé de morsures et morcelé de rayures
surréalistes et liquides dans les limpides
briques dans les embrasures
des rictus de la lune diurne en éclats de citernes
et les mots les mots les mots»

(page 60)

Il y a souvent une urgence dans ton écriture. Déjà en 2005, je l’ai senti quand, pour la première fois, je t’ai entendu lire quelques-uns de tes textes (embryonnaires, diras-tu) lors d’une soirée de poésie qui avait lieu au Théâtre du Nouvel-Ontario. À l’époque, tu avais 15 ans et tu osais. Puis, en 2008, quand je me suis penché sur tes textes publiés dans La Ville invisible/Site Unseen, j’ai compris que le «jeu» se précisait, que tu découvrais l’élan qui t’a mené à Rêver au réel. Au fil des années, tu m’as envoyé des ébauches, je t’ai fait part de quelques commentaires. Et un jour, tu as soumis ton manuscrit aux Éditions L’Interligne et tu as enclenché le processus éditorial. Une nouvelle discipline sans doute pour celui qui écrit si rapidement, qui aime la spontanéité de lire ses textes en public…

La voix et les vers. Là où s’entremêlent des images qui fouettent, caressent, dénoncent parfois, qu’il s’agisse du désir charnel, de cette langue («un désert de papier sablé»), du «désordre confortable», des limites qu’on ne connaît pas «avant d’atteindre l’âge adulte», de la modernité qui contient «le potentiel de sa propre déchéance», de cette sirène qui «chante la mort des naufragés»…

Puis, intervient la solitude, cette solitude intérieure qu’on arrive difficilement à calmer, cette solitude que nous sommes, cette puissance venue d’on ne sait où qui nous prend comme «le néant de la page blanche», cette amie qui nous dévore.

«la solitude est un état d’esprit la solitude est un étau
d’esprit la solitude est un étal d’esprit
la solitude est un état
la solitude est la solitude et
la solitude hait la solitude

elle est ostentatoire tels les enfants de l’encensoir

(…)

la solitude est un ami fidèle
qui ne sait pas quand retourner chez lui»

(pages 66-67)

De la déchirure aux stigmates des émotions, des «caressantes certitudes de l’amour» au désir, du rêve au réel, tu jongles avec des oppositions qui deviennent à la fois le moteur de ton écriture et un besoin:

«besoin de soulager ma douleur
avec la médecine de la poésie
besoin de coucher avec la poésie
besoin de créer
de la beauté
dans l’univers
pour oublier
l’aile fracturée
de ma colère.
pour oublier
la futilité
de nos civières.»

(page 89)

Une lecture en diagonale de Rêver au réel révèle d’abord un recueil touffu qui respecte le style et l’énergie de tes premiers vers. Cela dit, tu pousses l’aventure plus loin et une première lecture ne permet pas toujours de décortiquer les sens qui se dévoilent et se digèrent lentement.

D’aucuns parleront peut-être d’une poésie qui se veut parfois «cérébrale». Je n’aime pas les étiquettes. En tant que lecteur, je préfère me laisser bercer, prendre mon temps, «participer» au jeu offert… Et sept ans après notre première rencontre, je me réjouis de te savoir dans ce métier instable de poète, ce métier nécessaire et sans uniforme, parfois isolé et souvent exigeant qui transcende ou exprime nos soucis quotidiens, nos besoins profonds.


Daniel Groleau Landry est présentement au Salon du livre de l’Outaouais. Allez le rencontrer au stand no. 501.

Daniel Groleau Landry, Rêver au réel, Ottawa, Éditions L’Interligne, 2012, 142 pages. ISBN: 978-2-923274-87-4

Trou Story : Un gros trou démocratique

Il y a un vieux proverbe cri qui dit « Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson pêché, alors vous découvrirez que l’argent ne se mange pas. ». Voilà la citation à laquelle j’ai pensé après avoir vu le documentaire « Trou Story » de l’auteur-compositeur-interprète Richard Desjardins et du réalisateur Robert Monderie. Le duo nous avait offert « L’erreur boréale », qui portait sur l’industrie forestière, en 1999. Dans ce film coup-de-poing, l’équipe Desjardins-Monderie nous présente un portrait de l’histoire de l’industrie minière au Canada et au Québec. Ils jettent la lumière sur cette dernière à l’aide d’archives, de statistiques et de témoignages. Ils accusent les entreprises minières de récolter des profits exorbitants sans le moindre souci pour l’environnement, les travailleurs ou les populations affectées.

Le film nous emmène d’abord dans un voyage dans le temps guidé par des photos et des films du peuplement du Nord-Est ontarien et de l’Abitibi. On se penche sur la formation des mines de Sudbury (cuivre et nickel), Cobalt (argent) et Timmins (or) en Ontario, pour terminer avec celle de Rouyn-Noranda (cuivre et or) au Québec.

On constate que depuis leurs débuts, les mines constituent un grand moteur du capitalisme. Elles ont mené à la création d’empires et ont permis à un grand nombre d’industriels d’accumuler des fortunes immenses. On a notamment exhumé à Timmins, en Ontario, sept fois plus d’or que dans toute l’histoire du Klondike, une quantité équivalant aujourd’hui à 100 milliards de dollars.

Pendant des années, les mines ont pillé les ressources de la terre et pollué avec une impunité quasi-totale. Selon les réalisateurs, « La région entre Rouyn-Noranda et Val-d’Or est « l’une des plus importantes poubelles d’Amérique du Nord». Les vues aériennes de rivières et lacs pollués par les résidus sont sans équivoque. Pour ceux qui habitent autour des mines, on ne sait rien des conséquences sur la santé des métaux lourds. Au Canada, les normes de contamination n’ont pas été revues depuis 30 ans ».

Des conditions de travail effroyables

Par ailleurs, les entreprises minières ont exploité leurs travailleurs. Au début du siècle, la plupart des employés des mines étaient des immigrants venus d’Europe. Ils avaient des conditions de travail effroyables et couraient de grands risques. Ils travaillaient 10 heures par jour, six jours et demi par semaine, dans le fond des mines pour des salaires de misère. À cette époque, l’espérance de vie d’un mineur était de 46 ans.

Les risques pour la santé de la population étaient et demeurent énormes dans les régions minières. Pendant très longtemps, l’industrie a refusé de reconnaître le lien existant entre l’exposition à la pollution et le développement de maladies chez les mineurs. Plusieurs d’entre eux sont morts très jeunes sans jamais recevoir de dédommagement. Encore aujourd’hui, on recense un taux de plomb anormalement élevé dans le sang des résidents du quartier Notre-Dame, voisin de l’ancienne fonderie Horn, à Rouyn-Noranda. Les maladies respiratoires et les cancers y sont aussi monnaie courante.

À Malartic, dans le nord du Québec, des centaines de résidants ont été délogés de gré ou de force pour faire place à une gigantesque mine d’or à ciel ouvert. On va y extraire 55 000 tonnes de minerai du sol par jour. Et les habitants qui restent ne seront pas dédommagés pour leurs maisons et les risques à leur santé causés par le bruit et la pollution. « On peut rien dire, on sait rien », lance un habitant du secteur, inquiet comme ses voisins de voir apparaitre dans le paysage un trou gros comme 20 fois celui de la mine d’Asbestos. « La tour Eiffel va faire dans le trou, et on verra même pas le top… », illustre un autre citoyen.

Les mineurs ont lutté pendant 60 ans pour se syndicaliser et continuent à se battre aujourd’hui pour faire reconnaître leurs droits. Le film l’illustre bien avec l’exemple de la mine de Vale Inco à Sudbury. Les 3 500 travailleurs de cette mine ont fait la grève pendant un an, de juillet 2009 à juillet 2010, car l’entreprise refusait de renouveler leur convention collective s’ils n’acceptaient pas une détérioration importante de leurs conditions de travail. Malgré un bénéfice de 13,2 milliards de dollars américains réalisé en 2009, Vale insistait pour obtenir la mise en place d’un régime de retraite à deux vitesses, une réduction considérable de la prime de nickel et une détérioration importante des droits d’ancienneté, tout en engageant du personnel de remplacement pour continuer la production.

Des « bons citoyens corporatifs »

Alors qu’elles se vantent d’être des « bons citoyens corporatifs » et d’investir de façon importante au sein des communautés, les compagnies minières paient des impôts dérisoires. Les profits sont privatisés mais les dettes sont collectivisées.

Par exemple, à Sudbury, les mines ne paient pas pour les réservoirs d’eau, ni pour l’entretien des routes empruntées par les camions pour se rendre à la mine, qui restent à la charge des municipalités. De plus, très souvent, elles laissent aux gouvernements le fardeau de la décontamination des sites abandonnés. L’ancien maire de Sudbury, John Rodriguez, affirme qu’il a toujours dû « mendier » pour pouvoir financer les services publics. On compte actuellement 345 sites dits orphelins au Québec, dont la décontamination devrait coûter 264 millions $ au trésor public. Seulement pour la mine « Manitou » en Abitibi- Témiscamingue, il coûtera 50 millions $ pour décontaminer et réhabiliter le site abandonné par la compagnie. Si l’imposition est insupportable pour les compagnies minières, la charité leur semble tout à fait acceptable.

Partout dans le monde, lorsqu’une compagnie veut exploiter une mine, elle est tenue de payer des redevances pour compenser les habitants. Au Québec, le régime actuel prévoit que les minières versent 12 % de redevances sur les profits qu’elles réalisent. Si cela peut, à première vue, paraitre équitable, la réalité est tout autre. En avril 2009, un rapport du Vérificateur général du Québec a révélé que de 2002 à 2008, les compagnies minières ont extrait du sol québécois des métaux pour une valeur de 17 milliards de dollars. Quatorze d’entre elles n’ont versé aucune redevance, et les autres n’ont remis au trésor public que 259 millions de dollars, soit deux fois moins que ce qu’il en a coûté au gouvernement en infrastructures, en crédits d’impôt et en allégements fiscaux de toutes sortes.

Et si les gouvernements refusent d’accorder aux compagnies les privilèges qu’elles demandent, ces dernières vont tout simplement ailleurs ou pratiquent le chantage à l’emploi. Dans le cadre de la mondialisation et d’une économie libéralisée, elles peuvent facilement « délocaliser » leurs usines dans des pays moins regardants en termes de droits de l’homme, de droits sociaux ou de préservation de l’environnement, en exportant les minerais vers des sites de raffinage. Par exemple, les mines canadiennes vendent de plus en plus de minerai brut à la Chine, qui leur renvoie transformé, au double de sa valeur.

Pour Richard Desjardins, le constat est simple : « Pour nous, c’est une très mauvaise business, les mines. Dans certains pays comme la Norvège, l’État va toucher jusqu’à 50% des profits miniers. On est loin du compte, ici. »

Les Claims

Autre aberration soulignée par les réalisateurs : les « claims ». Dans le Québec d’aujourd’hui, pour acquérir un droit de propriété sur la ressource minière, une compagnie n’a qu’à placer un claim – réclamation – sur un territoire déterminé où elle croit pouvoir trouver de l’or, de l’argent, du fer, du zinc, du titane, du cuivre, des diamants ou autres métaux. Le claim équivaut à dire: « Je réclame le droit exclusif d’exploiter et de m’approprier la substance minérale que recèle ce terrain ».

Cette réclamation s’adresse au gouvernement, propriétaire en titre, au nom de la collectivité, de tout le sous-sol québécois. Automatiquement, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) acquiesce. La compagnie se trouve ainsi en possession d’un droit minier. Par la suite, elle obtient facilement du MRNF un bail minier ou une concession minière. Une compagnie peut placer un claim aussi bien sur les terres publiques que sur un terrain privé. Un propriétaire ne peut s’opposer à l’intrusion sur son terrain d’un individu ou d’une entreprise en possession d’un droit minier.

En autres mots, toute entreprise détentrice d’un claim peut faire tout ce qu’elle veut sur ses terres sans rendre de comptes. La partie la plus habitée de l’Abitibi est sous claim. Soulignons que même si la propriété privée est érigée en valeur cardinale en Amérique du Nord, le sol et ses ressources restent un bien éminemment collectif au même titre que l’eau ou l’atmosphère, par exemple.

Collusion entre l’industrie minière et les gouvernements

Desjardins et Monderie accusent les gouvernements canadien, ontarien et québécois de complaisance et de complicité dans le saccage de nos ressources naturelles. Des gouvernements qui, selon les cinéastes, ont bradé sans sourciller nos richesses collectives en délivrant à bas prix « des permis de polluer ». Selon les réalisateurs, même le premier ministre canadien Wilfrid Laurier (1896-1911) aurait touché un pot-de-vin pour avoir favorisé l’exploitation minière. « Ça fait partie de l’histoire du Canada, ça. Il y a parfois une proximité troublante. Le premier ministre (Laurier) qui touche un chèque de 5000 piasses, c’en est une illustration assez flagrante! »

Réaction de l’industrie

Comme on aurait pu s’y attendre, l’industrie n’a pas très bien accueilli le film pamphlétaire de MM. Desjardins et Monderie. La porte-parole d’une entreprise minière les accuse d’avoir une vision passéiste. Elle reconnaît que dans le passé, les mines ont eu leurs torts, mais soutient que les choses se sont grandement améliorées depuis. Robert Monderie avance que les entreprises minières ont le devoir d’agir de façon responsable : « Aujourd’hui, les nouvelles mines ne peuvent plus déverser leurs résidus dans le lac, mais elles ne sont pas responsables des méfaits passés: tout ces résidus qui restent dans les nappes phréatiques, dont l’arsenic au fond du lac Témiscamingue, j’aimerais ça que les industries minières prennent la responsabilité dans la décontamination pour le milliard de dommages déjà causés. Le ministère des Ressources naturelles paie à leur place et leur collusion là comme ailleurs est inacceptable. »

Appel à la nationalisation de l’industrie

Desjardins et Monderie lancent un appel en faveur de la nationalisation de l’industrie minière. À tout le moins, pour eux, il est urgent de revoir la Loi sur les mines pour mettre fin aux « méthodes issues du Far West » et au « vandalisme corporatif ». Les effets de l’exploitation minière sur la population et sur l’environnement sont dévastateurs et souvent, irréversibles. En bout de ligne, il faut se demander si cela en vaut la peine, lorsqu’on compare les profits versés aux collectivités avec les coûts totaux sur les plans environnemental et humain… La dernière phrase du film fait figure de devise : « Il est à peu près temps d’être maîtres chez nous. »

Ville de la semaine sur URBANIA : Sudbury

En cette journée bissextile, je suis fier de vous annoncer que j’ai écris la chronique de la ville de la semaine pour le magazine URBANIA.

C’est la première Ville de la semaine à plus que quelques minutes de la belle province. J’aurais bien aimé dire que c’était la première hors-Québec mais Ottawa m’a devancé.

Selon moi, c’est un beau signe de bonne volonté, des deux bords de la rivière des Outaouais/Lac Témiscaminque, que de publier un texte de même. En plus, les gens de Sudbury ont une réduction sur l’abonnement à Urbania cette semaine! YEEE BOIIIEE!

Je vous suggère fortement de faire le tour un peu sur le site, selon moi le meilleur magazine/blogue/plateforme de diffusion francophone du Canada/Québec. Vous y lirez des textes de [name-drop d’une personnalité inconnue en Ontario] ou encore de [hipster montréalais quelconque] ainsi que des textes percutants sur [cause dont on a aucune connaissance hors-Québec, mais qu’on devrait] et [artistes intéressants qui gagneraient à être connus en Ontario]. En plus, ils sont drôles, pis c’est tout en français! Wow!


Photo: Sébastien Perth

La quête de racines

« On l’a tous lu, mais en a-t-on retenu quelque chose? » C’est la question que posait récemment un internaute au sujet du roman La quête d’Alexandre de Hélène Brodeur. Plus de 30 ans après ma lecture, je relève le défi. Sans relecture, alors soyez indulgents.

J’ai lu ce livre dès sa publication puisque je suis un abonné à Prise de parole et que j’achète tous leurs livres. Si vous aimez la littérature, vous devriez faire de même. Mais je m’égare.

Bon, qu’est-ce qui me revient? D’abord que c’est l’histoire d’un gars, Alexandre, qui quitte son patelin québécois pour aller retrouver son frère parti quelques années auparavant dans le nord de l’Ontario. Il me semble que ça se passe dans les années entre les deux guerres mondiales. Alexandre aboutit dans un petit village dont le nom m’échappe mais qui est calqué sur Val Gagné.

Alexandre finit par retrouver son frère mais les deux hommes n’ont plus grand’ chose en commun et le frère retourne au Québec. Alexandre, lui, reste au village parce que, ben oui, il est en amour. Je ne me souviens plus du nom de la belle et je crois même que l’idylle finit en queue de poisson. Mais bon, l’important c’est qu’Alexandre reste dans le nord de l’Ontario où il fera sa vie.

Hélène Brodeur a écrit deux autres romans qui sont la suite de La quête d’Alexandre. Dans ces livres on suit la vie d’Alexandre qui fait des affaires, qui devient membre de l’Ordre de Jacques Cartier, la Patente et qui finit même par faire de la politique. Voila pour le « pitch » comme disait Ardisson.

Ça c’est plus ou moins l’histoire. Enfin, ce dont je me souviens. Mais ce qui me revient encore plus fort c’est que c’est bien écrit, que c’est un divertissement, un « page-turner ». Mais c’est surtout un livre qui raconte l’histoire de la colonisation du nord de l’Ontario par des parlant français.

On y vit le grand feu qui a détruit plusieurs villes et villages du nord au début du XXe siècle. On suit les Canadiens français du nord alors qu’il vivent la dépression, la guerre et la reconstruction. On apprend les batailles qu’ils ont dû livrer pour obtenir leurs droits en tant que francophones. On comprend leur affiliation à leur paroisse, leur école, leur village. Et on voit comment ils ont trouvé des alliés chez certains anglophones.

Voila donc ce que j’ai retenu. Mon souvenir est un peu flou, bien sûr, ça fait plus de trente ans. Mais le « bottom line » est que c’est un roman intéressant qui nous fait mieux comprendre d’où nous venons.