Nous sommes solidaires avec les étudiants en grève

C’est aujourd’hui qu’a lieu la plus importante manifestation à date contre la hausse des frais de scolarité au Québec. taGueule en profite pour déclarer sa solidarité envers ceux qui ont décidé de défendre les choix de société du Québec.

Avec taGueule, on est assez explicite dans notre recherche d’une certaine objectivité pour la plateforme. Mais lorsqu’on se retrouve face à un mélange dangereux de répression économique, de rhétorique condescendante et de brutalité policière, on se permet de prendre position.

Les actions du gouvernement du Québec n’ont rien d’exceptionnel; elles s’inscrivent dans la réalité de notre époque, cette époque où des escrocs font tomber les banques, où on fraude des élections à coup de téléphone, et où on cherche à couper dans les dépenses publiques au nom de l’austérité. En ce sens, il est primordial que nous soyons conscients de ce qui se passe au Québec, si seulement pour dénoncer les difficultés auquel font face les étudiants qui tentent de manifester, et l’absurdité des mesures prises pour taire le mouvement.

Malgré les pressions de l’époque, les étudiants choisissent de prendre la rue pour défendre les choix de société qui leur sont chers. Et ils le payent cher.

Ils assument le fardeau que représente cette grève: leur éducation, leur réputation, et leur santé en souffrent, mais ils continuent à prendre la rue, si ce n’est que pour lutter contre l’attitude fermée, autocratique, et franchement inquiétante du gouvernement, des médias et des structures d’autorité. Ce n’est pas juste une grève, ce n’est pas juste une hausse, ce n’est pas juste du pepper spray dans la face ou un pont bloqué; c’est la légitimité de toute contestation sociale qui est en jeu.

Une solidarité avec le mouvement étudiant est une solidarité contre Harper, contre Wall Street, contre l’aliénation, contre les pressions sociales de ce monde qui rendent nécessaire la contestation et la désobéissance civile. C’est une solidarité contre le silence qu’on essaye trop souvent d’imposer à une génération contestataire. C’est une solidarité pour l’accès à l’éducation, mais aussi pour le droit de participer à la démocratie. C’est une solidarité pour dire qu’on est tannés de se laisser faire et de se laisser imposer un modèle de société par une génération déconnectée.

C’est une solidarité pour mettre fin au mythe que les problèmes québécois ne sont pas les nôtres.

“High tuition is not an economic necessity, as is easy to show, but a debt trap is a good technique of indoctrination and control. And resisting this makes good sense.”

— Noam Chomsky, 19 mars 2012

Le Québec en grève!

Nous étions 30 000, le carré rouge épinglé au cœur, à déambuler dans les rues ensoleillées de Montréal pour la manifestation familiale. Nous étions étudiants, amis, parents, professeurs, chargés de cours, élèves du secondaire, artistes et citoyens de tout genre. Nous étions 30 000 de tous les secteurs de la société québécoise à unir nos voix à celle de la cause étudiante. C’était incroyable de vivre une telle démonstration de solidarité. Nous avons pu profiter des bonnes grâces de Dame Nature. Il faisait beau, on aurait dit le printemps. Le beau mouvement qui germait sous la neige de février commençait à fleurir. Il ne reste qu’à espérer qu’il portera fruit.

Tout a commencé le 13 février avec trois associations étudiantes. Aujourd’hui, il y en a 161, représentant plus de 200 000 étudiants. Combien de temps encore le gouvernement pourra-t-il nous ignorer? Combien serons-nous avant qu’il réplique par autre chose que le gaz lacrymogène, les matraques et les grenades assourdissantes qui nous éborgnent?

Combien de temps serons-nous en grève?

Pourquoi la grève?

Parce que le droit à l’éducation est en péril. Parce que la fonction même de l’éducation supérieure est en péril. Plus concrètement, parce que le gouvernement a proposé une hausse de 325$ par année pour les cinq prochaines années, soit une hausse de 1 625$. Notons que le gouvernement avait déjà dégelé les frais en 2007. Depuis, chaque année a coûté 100$ de plus que la précédente. En dix ans, donc, les frais de scolarité passeront de 1 668$ en 2006-2007 à 3 793$ en 2016-2017. C’est plus que le double. Et on ne compte même pas les frais afférents et autres frais obligatoires, qui eux ne cessent d’augmenter depuis la nuit des temps.

Les Ontariens, qui payent les frais de scolarité les plus élevés au pays, se montreront peut-être insensibles à notre cause. Mais ils connaissent très bien la difficulté de payer leurs études alors que leurs salaires stagnent et que le coût de la vie augmente. Ils savent à quel point leurs études sont mises de côté afin de travailler de plus en plus d’heures pour pouvoir les payer. Oui, ils savent à quel point l’éducation est devenue synonyme d’endettement. Plutôt que de nous jalouser, pourquoi ne pas suivre notre exemple?

Car nous savons que si nous ne faisons rien, la situation ne va qu’empirer. Nous savons d’expérience que lorsque l’on hausse les frais de scolarité, de nombreux étudiants font face à une terrible alternative: abandonner leurs études ou se noyer davantage dans les dettes d’études. Ce n’est pas ainsi que l’on construit une société forte et solidaire, une société libre.

Toutes les études le démontrent. Même un rapport du ministère de l’Éducation constate que des milliers d’étudiants n’auront bientôt plus accès aux études. Non, le Québec ne saura être l’exception. On peut s’attendre à ce qui s’est passé en Ontario ou au Royaume-Uni lorsque l’on a haussé les frais de scolarité: une baisse des taux de fréquentation de jeunes issus des familles les plus pauvres. Une éducation de plus en plus réservée aux riches. Il n’y a aucun doute, lutter contre la hausse des frais est une question de justice sociale.

Le gouvernement Charest s’acharne à nous comparer à l’Ontario, à la Nouvelle-Écosse, aux États-Unis. Nous préférons tourner notre regard vers l’Europe. Oui, nous payons moins qu’ailleurs au Canada, mais nous payons plus que les étudiants d’une quinzaine de pays européens, dont certains offrent la gratuité scolaire, voire le salariat étudiant. Pourquoi se comparer au pire, alors qu’on pourrait se comparer au meilleur?

Le gel des frais, la réduction ou la gratuité scolaire ne sont pas des propositions impossibles. La hausse n’est pas inévitable et elle n’est pas économiquement nécessaire. Il s’agit simplement d’un choix de société, comme celui d’avoir la gratuité dans le système de soins de santé. Comme celui d’avoir la gratuité scolaire pour l’éducation primaire et secondaire. Ce n’est qu’un manque de volonté politique qui nous empêche d’accéder à la société qu’on nous avait promise il y a quarante ans. L’argent il y en a, il s’agit de savoir où le prendre et où le dépenser. Mais le gouvernement ne veut pas entendre parler de solutions. Il est plus facile de faire payer ceux qui n’ont pas d’argent que de faire payer ceux qui en ont. Le gouvernement n’est pas obligé d’adopter des mesures d’austérités antisociales, il choisit de le faire.

Oui, d’accord, mais pourquoi la grève?

Parce que ça fonctionne. C’est en fait le seul moyen efficace de faire reculer le gouvernement. En 1968, des milliers d’étudiants déclenchaient la grève pour la gratuité scolaire et l’autogestion des universités. Évidemment, ils n’ont pas eu tout ce qu’ils voulaient, mais c’est grâce à cette grève que les frais de scolarité ont été gelés. D’autres grèves ont eu lieu au cours des années 1970 et 1980 afin de maintenir le gel et d’améliorer l’accessibilité aux études. En 1996, le Parti Québécois proposait une hausse de 30% des frais de scolarité. Une grève a permis encore une fois de geler les frais. En 2005, la plus grande grève générale étudiante a eu lieu lorsque le gouvernement Charest a proposé de couper 103 millions $ du programme de bourses. Encore une fois, le gouvernement a reculé.

Les grèves fonctionnent. C’est d’ailleurs pourquoi le gouvernement refuse de nous parler, traite notre grève de boycott et nous envoie l’antiémeute dès le premier signe de rassemblement. Mais à un moment donné, la grève sera trop coûteuse pour le gouvernement. Il faudra qu’il prenne une décision, soit reculer, soit annuler la session, avec tous les problèmes bureaucratiques et sociaux que cela engendrera.

La grève, lorsqu’appuyée par un nombre suffisant d’étudiants, a toujours mené à un recul du gouvernement. Si le mouvement étudiant s’était bien mobilisé contre le dégel en 2007, il est peu probable que le gouvernement ait proposé de nouvelles hausses en 2010. Si le mouvement de grève ne réussit pas, on pourra sûrement s’attendre à de nouvelles hausses.

Tant que nous sommes solidaires, tant que nous avançons, le gouvernement sera obligé de reculer.

Lettre aux éditeurs: À qui revient la responsabilité?

Si mon enfant ne sait pas ou ne veut pas s’exprimer en français, c’est de la faute des enseignants et des enseignantes. Si nos élèves préfèrent s’exprimer en anglais, c’est à cause de nos directions et de nos conseils qui ne nous appuient pas. Si on ne veut pas parler français, c’est à cause des systèmes de valorisation comme L’étoile du mois ou les Franco-primes,… et bla bla bla! Il faut arrêter de publier des articles biaisés qui ne montrent qu’une facette du problème.

La réalité est qu’il manque certains éléments importants à notre équation. Les parents, la famille, ainsi que la communauté existent aussi. Avec le monde de l’éducation, ils jouent un rôle primordial pour que nos jeunes développent un sentiment d’appartenance face à leur langue et à leur culture.

Il est juste de dire que l’école doit inclure dans sa programmation des évènements, activités, groupes de musique, troupes de théâtre, choix de lecture, choix de musique, tournois sportifs et ainsi de suite. Et à l’école élémentaire? Il est possible d’organiser des jeux de balles, de cordes, de marelle ainsi que de développer du vocabulaire sportif et d’encourager (sans punir) qu’il soit employé dans la cour d’école. De plus, le personnel enseignant et non enseignant doivent aussi se montrer authentique dans leur façon de promouvoir leur culture. Et surtout, ils doivent s’exprimer en français dans l’école, entre collègues et devant les élèves. Malheureusement, les jeunes enseignants semblent pour la plupart négligeants de ce côté. Pourquoi? Je pense sérieusement que les conseils scolaires francophones ne se donnent pas la peine d’embaucher des enseignants convaincus ni, si on peut se permettre l’expression, « la crème de la crème ». On se contente de prendre les premiers venus avec une éducation qui laisse à désirer et, zéro ou peu d’expérience, car voyez-vous, on économise ainsi en n’ayant pas à les payer aussi cher qu’on rémunérerait un enseignant ou une enseignante ayant un certain montant d’années d’expérience. De plus il serait de mise d’affirmer que l’École des Sciences de l’éducation ne fournit pas les outils nécessaires ni la formation aux sujets qui seraient aptes à créer des éducateurs imprégnés de la culture et de la langue française (même s’ils ne sont pas eux-mêmes franco-ontariens car ceux-ci doivent aussi connaître notre culture s’ils veulent enseigner dans nos écoles). Lorsque les éducateurs ne sont pas authentiques dans leur appartenance et leur fierté franco-ontarienne, comment peuvent-ils transmettre quelque chose d’aussi important aux jeunes?

Cela dit, n’oublions pas le rôle des parents dans cette histoire. Ces derniers sont souvent les premiers à blâmer les écoles et les enseignants de ne pas relever le défi: « c’est à cause de l’école si nos enfants ne veulent pas s’exprimer en français! » Sûrement en partie. Or, si le parent ne fournit pas à son enfant l’occasion de vivre sa culture en l’accompagnant à des spectacles de musique, des pièces de théâtre, des activités communautaires et sportives dans sa langue, comment développera-t-il un sens d’appartenance et de fierté? Voudra-t-il s’exprimer en français si ses parents ne le font même pas? Le folklore, les traditions, les mets et recettes,… franco-ontariens et canadiennes-françaises occupent une grande place pour nous et si on a perdu ou oublié ces choses et bien elles se retrouvent! Et voilà le rôle de notre communauté francophone. C’est à elle que revient la responsabilité de retracer, d’organiser de telles activités et d’inviter la communauté à y participer.

Voilà! Ce n’est pas en se blâmant l’un l’autre qu’on arrivera à rendre vivante notre francophonie, mais en se responsabilisant et en travaillant ensemble! Ce n’est qu’à partir de ce moment que nos enfants auront une chance de survivre et de vivre fièrement leur langue et leur culture franco-ontarienne si riche en expériences de vie et si belle dans toutes ses saveurs.