Le “coming out” de l’homme invisible

Dans le cadre du Salon du livre du Grand Sudbury, taGueule parrainera une table ronde sur l’absence du français dans la place publique le samedi 12 mai 2012 à 15 h. Venez en discuter avec nos panélistes.


En 2009, ma famille et moi déménagions à Sudbury. Nous avons rapidement adopté la ville, qui a su nous plaire de multiples manières. On y est bien, et on arrive à s’y projeter dans l’avenir.

Parmi les choses importantes pour nous dans le choix d’une ville où habiter, il y avait la possibilité de vivre en français. Oh, pas à 100%. Non, ça, ce n’est pas mon idéal. En fait, j’aime la mixité linguistique, comme beaucoup de gens. J’aime les va-et-vient entre nos deux langues nationales. C’est tout ce que j’ai ever connu. Ça fait partie de qui je suis. J’peux pas imaginer ne pas être exposé aux idées et à l’humour de chacune des deux grandes sphères culturelles du pays. Je ne voudrais me priver ni de l’une, ni de l’autre. Non, décidément, le monolithisme linguistique, c’est très peu pour moi. Quelque chose me manquerait si je vivais, mettons, au Saguenay ou à Saskatoon.

Avec Sudbury, sur le plan linguistique, j’ai vite constaté qu’on était bien servis, ma famille et moi. C’est la ville ayant la deuxième plus grande minorité de langue française «hors Québec» en termes de proportion de la population. On peut y éduquer nos enfants en français de la maternelle jusqu’au doctorat. On y retrouve une foule d’organismes et d’institutions francophones très dynamique. Au niveau des produits culturels en français aussi, on n’est pas dans la dèche – musique, édition, théâtre, salon du livre, etc. Certes, il y a des défaillances. La librairie Grand ciel bleu, qui a fermé les portes l’an dernier, a laissé un grand vide, par exemple. En termes de cinéma, il faut se satisfaire de la portion congrue d’un festival annuel bilingue. Mais somme toute, on a tout ce qu’il faut pour que le français ait une vraie présence dans la vie quotidienne.

Sudbury est-elle donc un éden du bilinguisme et du biculturalisme, une ville où les deux cultures sociétales du pays rayonnent également? Hélas non. Il manque un morceau. Un gros morceau. Ce manque, il m’a sauté aux yeux dès mon arrivée, et il me semble tout aussi évident aujourd’hui. Il s’agit de la faible présence du français dans l’espace public. Les Franco-Ontariens d’ici ont su créer et maintenir des organisations et des institutions dynamiques et efficaces, des institutions qui sont dans bien des cas des piliers de la vie civique sudburoise. Ils ont su, aussi, obtenir des services gouvernementaux dans leur langue. Ce qu’ils ne sont pas arrivé à faire, jusque maintenant, c’est de rendre légitime l’usage de leur langue en dehors de ces institutions. Dans la rue, dans les commerces, sur les panneaux d’affichage, sur les champs de soccer des enfants même, le français se fait rare.

Pour un monctonnien transplanté, qui pourtant, forcément, a eu sa part de “I don’t speak French” balancées à la figure dans sa vie, cette réalité est frappante. Je n’ai, par exemple, pas encore vu de menus bilingues dans un restaurant de la ville. Nulle part! Cette situation est donc clairement «normale», c’est-à-dire considérée comme la norme. Pis, cette norme n’est même pas contestée pour l’instant par une poignée de restaurateurs rebelles. Autre exemple, parmi tant d’autres possibles: on ne retrouve pas de jeux pour enfants, de livres ou de cartes de souhaits de langue française dans les magasins «normaux» de la ville. Visiblement, ces choses sont considérées comme étant des produits de spécialité. Ou, peut-être même comme un produit ethnique, analogue aux légumes inconnus qu’on retrouve chez l’épicier chinois. Il faut trouver une boutique spécialisée pour en acheter. En ce qui concerne l’affichage commercial, n’en parlons même pas. Toutefois, la preuve la plus probante du quasi monopole de l’anglais dans l’espace public est de nature intangible. J’aurai du mal à vous la communiquer par écrit. Il faut la vivre. Il s’agit des diverses réactions que l’on reçoit lorsqu’on s’adresse d’abord en français à un préposé de vente dans un commerce. Mettons que, pour un étudiant en sociologie, il s’agit souvent d’une très belle illustration de ce que Pierre Bourdieu décrit avec son concept de «violence symbolique». Parfois, on a droit à un regard foudroyant, accompagné d’un silence qui semble durer une éternité. D’autres fois, on n’a droit qu’à ce silence et un regard vitreux, comme si on n’avait absolument rien dit, ou comme si on avait parlé en Mandarin, ou comme si on était… l’homme invisible. On devient tout de suite très conscients qu’on a transgressé une norme sociale. Franchement, à ces moments, il m’est arrivé de m’ennuyer des “Sorry, I don’t speak French!” de mon enfance.

Le message envoyé par tout ça – les menus, les cartes de souhait, l’accueil dans les magasins, l’affichage – est clair: ici, dans l’espace public, c’est en anglais que ça se passe. Et que ni la présence historique des francophones dans la ville, ni leur poids démographique ne saurait changer ça. Et vous savez quoi? Ça marche, la violence symbolique. Ça use. Mon comportement altéré en est une preuve. Car je dois vous le confier: aujourd’hui, la plupart du temps, je commence tout au plus avec un «Allo» relativement discret. C’est vraiment un tout petit marqueur linguistique de rien du tout, cette légère variation du “Hello”. C’est un minuscule signal, pratiquement un code secret. Bien timide, comme affirmation. J’suis loin de me considérer un héro. Mais c’est mieux que rien, je suppose.

On pourrait se dire «et alors?». Après tout, on a nos écoles et nos cercles d’amis. Puis après tout, la plupart d’entre nous pouvons très bien communiquer en anglais. Quecé ça change, donc? C’est tentant de prendre cette attitude. Qui veut passer sa vie à s’ostiner ou à se faire dénigrer dans les magasins, après tout? Et pourtant, je ne suis pas tranquille. Trop de questions demeurent. Le paysage linguistique de notre ville reflète une norme, mais est-il pour autant normal? N’y a-t-il pas un décalage important entre ce paysage et la complexité réelle de notre milieu? Ne pourrait-on pas s’attendre à autre chose? Quels effets le paysage linguistique actuel a-t-il sur les enfants de Sudbury – quelle que soit leur langue maternelle – sur leur motivation d’apprendre et d’utiliser le français? Je suis convaincu que le message qu’il envoie est le suivant : le français, ça peut être important pour certains sur le plan de l’héritage, mais c’est pas vraiment utile. On peut vivre sans lui.

Doit-on laisser tomber la question? N’y a-t-il rien à faire? Et si on œuvrait collectivement, par des petites mesures cumulatives, à changer les attitudes? Si on visait, simplement, pour commencer, à ce que ça ne soit pas une drôle d’occurrence de voir un menu ou une affiche bilingue, ou alors une publicité en français en ville? … et que ce ne soit pas weird d’entendre une chanson franco-ontarienne dans un commerce? Et si on arrivait à donner aux diplômés d’immersion, au moins, l’envie de pratiquer leur français quand ils nous servent dans les magasins? À défaut de pouvoir rendre tous les anglophones bilingues du jour au lendemain, si on visait à modifier la façon standard de dire “Sorry, I don’t speak French”, de sorte que l’accent soit placé non sur le “don’t”, mais sur le “sorry”? (Parce que, croyez-le ou non, il y a une manière gentille de dire ces mots! Une manière tellement gentille qu’on n’en veut même pas à la personne qui les itère!)

Vous conviendrez qu’on n’est pas dans l’utopie révolutionnaire ici. N’empêche que ce serait déjà une sacrée amélioration, vous ne trouvez pas?  Ce serait peut-être même assez pour faire sortir plusieurs hommes invisibles du placard (et des femmes aussi, bien entendu). Et si cela arrive, qui sait, cela pourrait déboucher sur un nouveau script des comportements linguistiques “normaux” dans tout le Nouvel-Ontario. Un script dans lequel le français prend la place qui lui revient dans l’espace public.

Vous avez des idées sur des moyens concrets d’opérer ce changement de mentalité, ou sur l’opportunité d’essayer? Venez les partager avec nous au Salon du livre, ou dans les commentaires ci-bas.

Le débat: Une démarche nécessaire trop souvent mal menée

L’arrivée des médias sociaux marque le début d’une nouvelle ère en matière de partage d’informations et d’opinions. Désormais, en seulement quelques clics, le commun des mortels peut communiquer, échanger et débattre avec des gens du monde entier sur des milliers de plateformes. Une effervescence qui me fascine et qui me dérange aussi à plusieurs niveaux parce que malheureusement, je constate que beaucoup d’internautes semblent mal interpréter ce concept. Jour après jour, j’assiste à des échanges sur des questions comme la hausse des frais de scolarité au Québec, par exemple, et j’arrive difficilement à retenir mon envie de littéralement briser des murs. Voici donc quelques exemples typiques de ce qu’on peut observer sur le web et qui nourrit mes petites poussées de violence (et d’urticaire).

Liletrer

Ce spécimen est facile à repérer pour des raisons qui sont assez évidentes. À travers chacun de ses commentaires, l’illettré tente de réinventer le monde tout en réinventant la langue française de A à Z.

Je ne dis pas qu’on devrait discréditer l’ensemble de l’argumentation de quelqu’un pour quelques petites fautes. Que celui qui n’en a jamais fait lui lance la première grammaire! Par contre, j’ai beaucoup de difficultés à accorder une quelconque crédibilité aux arguments de quelqu’un quand j’arrive à peine à les comprendre tellement c’est mal écrit.

Le daltonien

Le daltonien est celui qui voit la vie en noir et blanc. Quand il participe à un débat, c’est pour apporter le moins de nuances possibles grâce à sa vision du monde qui a été dessinée avec de très, très gros traits. Pour lui, par exemple, tous les musulmans sont des méchants terroristes qui veulent nous imposer la charia et tous les anglophones sont des «French Haters» qui ont des vomissements dès qu’ils entendent quelqu’un qui ose parler en français «in their country».

Pour votre information, la vie n’est pas un film de Walt Disney. Il n’y pas de gentils ou de méchants. Si vous avez l’intention de défendre votre opinion à grands coups de généralisations et de préjugés, abstenez-vous. Vous ne faites que démontrer que vous n’avez pas compris l’enjeu sur lequel vous vous prononcez dans toute sa complexité. Bref, vous étendez votre ignorance sur la toile.

L’agressif

Prenez garde. Si vous avez le malheur de ne pas avoir la même opinion que l’agressif, vous devenez la cible d’une série d’attaques plus mesquines et gratuites les unes que les autres. Menaces de morts, insultes basées sur l’apparence physique ou sur la nationalité, l’agressif est prêt à tout pour démontrer que ses positions valent plus que «vos cr*** d’opinions de ma***».

La liberté d’expression, c’est bien beau, mais n’oublions toutefois pas qu’un débat est une guerre d’arguments et non une guerre d’insultes. Si vous n’êtes pas en mesure de défendre vos idées sans avoir recours à des attaques personnelles, c’est qu’elles ne tiennent pas la route ou que vous n’avez pas l’intelligence nécessaire pour le faire dans le respect. Donc, peu importe l’enjeu sur lequel vous vous prononcez, entendons-nous pour dire que le respect, c’est la base. Point.

Le pseudo-intellectuel marginal

Le pseudo-intellectuel marginal est un spécimen fascinant. Son objectif est simple: briser toutes conventions. Quand il participe à un débat, il tente la plupart du temps d’être le plus controversé possible. Peu importe si ses propos n’ont aucun sens et ne font avancer la question d’aucune manière, il aime provoquer, c’est tout.

Je considère qu’il est parfaitement louable de vouloir refaire le monde. En fait, je crois même que c’est grâce à ceux qui n’ont pas eu peur d’aller contre le courant et d’ébranler les conventions que beaucoup de choses ont avancé. Il faut toutefois préciser que ces gens proposaient des idées pour améliorer ce qu’ils dénonçaient, qu’ils avaient une vision. C’est facile de dire que la société en général est merdique et que tout ce qui a été fait ne vaut rien. En contrepartie, ça l’est beaucoup moins de proposer des façons concrètes de l’améliorer et d’agir. Bref, de faire plus que provoquer pour provoquer.

Appel à tous

Que ce soit sur Facebook, Twitter ou sur n’importe quelle autre plateforme, je vous invite à essayer de rendre chacun des débats que vous menez le plus utile et constructif possible. Saisissez l’opportunité que nous offrent les réseaux sociaux de connaître les arguments de tous, qu’ils soient ceux de gens de gauche ou de droite, de riches ou de pauvres, de femmes ou d’hommes, etc. Construisez-vous une opinion éclairée et défendez-là avec pertinence, faits et nuances. Ne pensez surtout pas que je cherche à museler qui que ce soit. Au contraire, je veux que nous soyons tous en mesure d’échanger de façon civilisée et intelligente malgré nos divergences d’opinions. Selon moi, c’est le seul moyen de changer le cours des choses et d’arrêter de tourner en rond.


Publié le 25 mars 2012 sur mon blogue personnel frederies.tumblr.com.

Photo: Henri Cartier-Bresson

Les réseaux et la question identitaire

Il y a quelque temps, une amie montréalaise que je n’avais pas vue depuis longtemps me demandait si je suis encore nationaliste (québécois). Nous étions à Montréal. Comme tout bon visiteur bien éduqué j’ai essayé d’être aimable et poli. Mais j’avais beau chasser l’image de Pauline de ma tête, je n’ai pu réprimer un haussement d’épaule révélateur. L’amie semblait déçue:

– Tu avais pourtant des opinions solides dans le temps.

– Et bien, c’était il y a trente ans et puis, tu sais, aussi surprenant que cela puisse paraître, des idées il m’arrive encore d’en avoir une fois à tous les dix ans.

– Te sens-tu encore québécois?

J’ai soupiré. D’ennui. Puis l’amie a ajouté:

– Forcément, tu as voyagé, tu as vu d’autres cultures et t’es devenu un citoyen du monde.

Elle était cynique. Peu importe, j’ai l’habitude. Difficile de retourner au Québec sans me faire demander de décliner mon identité nationale. Ici, à Sudbury, on me demande parfois (pas souvent si on compare) si je comprends la culture franco-ontarienne. Je vais être franc: pas vraiment. Je ne me sentais pas vraiment biélorusse au Bélarus, ni azéri à Bakou. Mais mon amie déçue se trompait à mon sujet. Je reconnais que le processus de la globalisation est puissant mais l’identité globale ne me dit rien. Trop vaste pour ma petite vie qui se passe au sein de réseaux beaucoup plus précis. Ce ne sont pas des «communautés imaginées», comme dirait B. Anderson. B. Latour, un autre sociologue, parle de «réseaux» ou de «collectifs» où interagissent des acteurs humains et non-humains. Lorsque je pense à ma petite personne ces jours-ci, il y a trois «collectifs» qui me viennent à l’esprit. Ils s’activent tous ici, à Sudbury. Vous en faites aussi partie que vous soyez anglo ou franco, grand ou petit, noir, blanc, jaune ou rouge. C’est comme le smog, ces réseaux. C’est démocratique.

Le premier se compose de petites particules invisibles qui existent peut-être que dans ma tête d’inquiet qui se pose trop de questions. (Mon père, qui s’en posait peu, disait souvent que je me posait trop de questions). Bref, ces petites particules, réelles ou imaginaires, voyagent avec les vents et se posent au sol, généralement lorsqu’il pleut ou qu’il neige. C’est emmerdant parce qu’il pleut ou il neige souvent à Sudbury. Sans faire de bruit, ces petites vicieuses incolores et inodores se mêlent à l’eau et la nourriture. Dans le pire de mes cauchemars, elles cheminent jusque dans les corps de mes enfants. Elles sont radioactives, ces petites merdes que je ne peux pas saisir. Elles ont traversé l’océan pacifique pour se rendre jusqu’ici, à Sudbury. Si on pouvait lire leurs étiquettes, on verrait sans doute: Made in Japan. Et c’est gratuit. Une sorte de liquidation à ciel ouvert, si j’ose dire. Un bon exemple de ce que peut produire un mélange de privatisation et de science à vendre au plus offrant.

Mon immersion dans le deuxième «collectif» devrait pourtant me rassurer. Comme tous les autres gouvernements, le canadien a dit que ce n’était pas grave, qu’il ne fallait pas trop y penser à ces particules. Elles sont si petites et elles viennent de si loin, qu’ils ont dit. Les journalistes semblent avoir décidé de soutenir le gouvernement. Après nous avoir montré les même images pendant des jours et des jours, plus rien. Silence. Le film sur Fukushima est simplement terminé. Comme dans Hiroshima mon amour, tout rapport avec la réalité semble être devenu purement accidentel. Le plus difficile, c’est de ne pas l’oublier. C’est l’un des problèmes avec le silence. On oublie vite et facilement. Et les enfants de Sudbury continuent de manger et de respirer. Tout cela pourrait me rassurer. Il s’agirait de ne pas trop penser. Malheureusement, il y a l’affaire des «Robocalls». Cela me fait réfléchir. Qui est derrière Pierre Poutine? C’est la dernière histoire à la télé. Pourraient-ils nous mentir, tricher, ne pas respecter nos droits les plus fondamentaux? Vit-on encore en démocratie ici à Sudbury et là-bas à Montréal? Mais je pense beaucoup trop, sans doute. Et puis, il y aura peut-être le silence, une autre histoire et l’oubli.

Mais le principal problème pour les gens comme moi qui pensent trop, c’est que les espaces publics de réflexions critiques se font de plus en plus rares ici et maintenant. Je le sais. Je travaille dans un de ces espaces. Ici, à Sudbury. C’est une université. J’ai peur que cet espace soit en train d’être transformé en machine à produire de l’image et à ramasser du fric. Un espace de pouvoir et d’argent plutôt qu’un espace de réflexion et de délibérations rationnelles et égalitaires comme dirait le philosophe J. Habermas. Mais cela, on me dit d’y penser si je veux, mais de ne pas en parler. Cela pourrait nuire au marketing. Cela pourrait te mettre sur la liste noire, qu’on me dit aussi. D’autres m’ont dit qu’il n’y a rien à faire, que c’est la faute de la globalisation et du néolibéralisme. Ils ont peur, eux aussi.

Alors, qui suis-je? Cela dépend du «collectif» dans lequel je suis interactif. Parfois, je suis inquiet dans un réseau où s’activent, peut-être, des particules radioactives Made in Japan. Parfois, je reste bouche-bée devant des journalistes qui se taisent après en avoir parlé sans arrêt. Parfois, j’assiste, éberlué et décontenancé, au démantèlement tranquille d’un espace de réflexion au profit d’une logique se fondant uniquement sur l’image, l’argent et le pouvoir – comme si l’image, l’argent et le pouvoir pouvaient être des fins en soi. Il arrive aussi, comme en ce moment, que j’assiste à l’émergence de nouveaux espaces comme taGueule. Cela ne me donne pas vraiment d’identité hégémonique. Mais cela me rend fier d’être ici, avec vous. Cela me permet de trop penser, comme ils disent. De trop penser avec vous, ici et maintenant. Voilà qui je suis, en ce moment.


Photo: The waiting – anon, Hilarie Mais, 1986

Le pouvoir de la parole

Après quelques jours de réflexion à propos de taGueule, la maudite Québécoise que je suis a décidé de joindre les rangs de la camaraderie tagueuloise.

Par définition, un camarade se dit d’une personne avec laquelle l’on partage un ou plusieurs centres d’intérêts. Quel soulagement de rencontrer d’autres grandes gueules prêtes à rejeter le statu quo et à réfléchir à haute voix, et ce, même si nous ne sommes pas tous en accord. L’uniformité n’a non seulement jamais été source de progrès mais est une invitation au désastre nederlandsegokken online casino parce qu’insidieusement elle paralyse tout sens critique de l’homme et ce dernier devient trop facilement manipulable.

Je réalise que taGueule représente plus qu’une plate-forme pour les opinions dissidentes. En fait, je considère le webzine comme un espace public, tel que définit par Jürgen Habermas, où les individus font usage de leur raison et s’approprient la sphère publique où s’exerce une critique contre l’État.

Dans notre cas, on remarquera que plusieurs vaches sacrées de l’Ontario français passeront sous le crible et non pas seulement le politique. Tant mieux, car on en a marre de tous ces discours désuets sur l’identité franco-ontarienne.

Lettre ouverte : Écraser pour mieux avancer…

TaGueule existe depuis près de deux semaines déjà. Quel accomplissement! Une première visite sur le site internet impressionne. Il a fallu beaucoup d’effort, d’énergie et de consultation entre confrères et consoeurs pour arriver à un tel succès! Et cela entre francophones, convaincus ou non, de leur identité. L’important c’est qu’on se parle, qu’on se dise comme on est; que ce soit beau ou non.

Sur ce, un lecteur, une lectrice ne peut faire autrement que de remarquer le ton que prend taGueule. Bien sûr il s’agit de partager une critique, une opinion, des faits sur ce que vivent, connaissent et subissent même parfois les Franco-Ontariens. Mais il s’agit aussi et surtout de commenter ces articles. Doit-on toujours le faire de façon négative? On ne doit pas nier l’existence de problèmes flagrants dans nos communautés. Au contraire, il faut se le dire! Mais doit-on toujours employer un ton négatif pour le faire?

Il est possible de présenter les forces, les faiblesses, les manques d’intérêt, les frustrations, les défaites, les cruautés, les manques de compréhension, de justice et ainsi de suite dans un langage respectueux. Les francophones sont-ils arrivés au point où ils doivent écraser tout ce qui leur déplait pour croire qu’ils avancent et qu’ils favorisent le changement? En s’abaissant continuellement on ne se fait aucune faveur. Nous ne sommes pas une race éteinte! La preuve c’est que nous sommes là, que vous êtes là et que vous parlez.

Pour revenir à taGueule, les commentaires devraient être reliés aux articles, non? Alors, pourquoi toujours viser et accuser celui qui n’est pas d’accord avec nous et le traiter de con… au lieu de commenter l’article lu ? Nous avons tous quelque chose de beau en commun: taGueule. Alors, pourquoi ne pas se respecter entre nous et tenter de comprendre le point de vue de l’autre sans l’abaisser. Ça manque de goût et de maturité.

Il est évident que tout n’est pas rose ni positif, mais comme francophones de la race humaine, faisons-nous une faveur et tenons-nous debout, ensemble pour avancer et non reculer.

Et à ceux et celles qui croient que leur séjour dans les écoles francophones ne leur ont pas été favorables et bien vous en prouvez le contraire en faisant partie de l’équipe de taGueule! Faut pas lâcher!

En espérant avoir été directe tout en gardant mon intégrité.

 

Nicole Laforge


Depuis la réception de cette lettre, taGueule a mis en place une Politique de commentaires. Veuillez la consulter ici.

Il est grand le mystère de la voix

Avec un p’tit 4 heures de sommeil dans l’corps, les yeux petits comme des pois, notre ronde du chapelet médiatique de l’Ontario français a commencé à 7h20 hier matin à l’émission Le matin du Nord sur les ondes de CBON Radio-Canada dans le Nord de l’Ontario.

Claqué et pompette, on se présente en studio.  Voici ce que ça l’a donné.

Ensuite, Félix et moi on va déjeuner au Gus’s avant d’entrer chacun au boulot. Le téléphone sonne. Ah, c’est le Téléjournal Ontario maintenant. On se rencontre au bureau de Bureau au coeur de centre-ville de Sudbury pour accorder une entrevue de 40 minutes qui sera tranchée à 2 soundbites qui font 15 secondes chaque. C’est ça la game.

[button text=’ Voir le reportage au Téléjournal Ontario. Bloc 3/5 à 18:20 ‘ url=’ http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2012/CJBCT/LeTelejournalOntario201202221759.asx ‘ color=’ #000000 ‘]

 

Pendant l’entrevue, Félix et moi sortons nos mobiles à chaque chance qu’on a pour suivre le fil des discussions, qui bat déjà à plein feu sur le site. It feels good.

François Boileau, commissaire aux services en français de l’Ontario, tweet sur nous :

C’est parti. Radio-Canada Internet publie un article :

Le nouveau site Internet franco-ontarien tagueule.ca est en ligne depuis mercredi matin. Il s’agit d’un espace de libre expression, où collaborent une trentaine de rédacteurs de partout au pays, mais surtout de l’Ontario. Ces collaborateurs proviennent de tous les milieux.

Selon l’un des fondateurs, Christian Pelletier, le webzine a pour objectif de susciter la discussion.

« Nous n’avons pas de plateforme où nous pouvons vraiment nous permettre de nous critiquer, puis de dire que cet album-là, ce n’est pas bon, par exemple. Ou pourquoi ne parlons-nous pas de fusion de conseils scolaires ? Je ne dis pas que c’est la direction à prendre, mais pourquoi sommes-nous complètement en train d’éviter le sujet ? Que nous soyons d’accord ou pas, qu’on en discute », déclare-t-il.

M. Pelletier est insatisfait du niveau de débat dans la communauté franco-ontarienne.

tagueule.ca renaît sous une nouvelle forme, puisqu’avant, la plateforme était un forum de discussion.

[button text=’ Consultez l’article au complet sur Radio-Canada.ca ‘ url=’ http://www.radio-canada.ca/regions/Ontario/2012/02/22/005-webzine-franco-ontarien.shtml ‘ color=’ #000000 ‘]

Ensuite, c’est Relief. J’enfile mon sports coat pour masquer les poches sous mes yeux.

[button text=’ Voir l’entrevue à Relief à 41:20 ‘ url=’ http://relief.tv/accueil/2 ‘ color=’ #000000 ‘]

 

Ma grosse face qui placote et saccade via Skype mais je m’en sors correct malgré la fatigue qui commence à avoir le mieux de moi.

Finalement, j’entre chez nous rencontrer quelques collaborateurs autour d’un verre de vin. Jour 1 tire à sa fin, mais on nous réserve une dernière surprise.

Le Voir de Gatineau/Ottawa a ramassé la nouvelle. Guillaume Moffet signe le billet S’ouvrir la gueule qui parle autant de la relance d’aujourd’hui que des vaches sacrées qui ont été sacrifiées à l’autel de taGueule entre 2004 et 2007. En voici un extrait:

Le site taGueule.ca, qui jadis, au milieu des années 2000, a été un portail d’idées 100% franco-ontarien, renaît ces jours-ci de ses cendres. Forum de discussions sociales et culturelles, il avait dans sa mire, de façon très divertissante il va sans dire, des intouchables du paysage franco-ontarien (on se souviendra du tumulte causé par un texte qui contestait la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne ou du jour où quelques plumes critiquait la musique [sacrée] de Swing). C’était la première fois depuis des lunes qu’un discours de la marge, qui véhiculait des idées antinomiques avec le courant dit «grand public», revêtait une si grande importance et, du coup, faisait des grosses vagues polémistes et révoltées en direction des nombreuses instances qui agissent de près ou de loin auprès des populations qui s’identifient au drapeau blanc et vert.

[button text=’ Consultez l’article au complet sur Voir.ca ‘ url=’ http://voir.ca/chroniques/sur-le-fil/2012/02/22/souvrir-la-gueule/ ‘ color=’ #000000 ‘]

Ça part bien le carême. Il est grand le mystère de la voix.

taGueule est de retour, pour le meilleur et pour le pire

Pourquoi relancer taGueule après 5 ans d’absence?

Parce qu’on se pose toujours les mêmes questions et on n’a pas plus de réponses.

Parce qu’on a des choses à dénoncer, parce qu’on n’est pas à l’aise, parce qu’on est tannés de ne pas en parler.

Parce qu’on est pas seul à penser ça.

Parce qu’avoir des acquis et gagner des batailles, c’est pas une raison d’arrêter de se questionner.

Parce que personne n’a vraiment raison.

Parce qu’on a souvent l’impression que notre milieu est trop petit pour prendre la critique; ce n’est tout simplement pas vrai, ni sain.

Parce que ce n’est pas parce que c’est franco-ontarien que c’est bon. Comment veut-on que les artistes d’ici se surpassent si l’on ne dénonce pas la médiocrité?

Parce qu’on n’a jamais arrêté de vouloir de susciter le débat public.

Parce qu’on est dû pour une bonne prise de conscience.

Parce qu’on veut repolitiser la réalité franco-ontarienne.

Parce que l’Ontario français n’a pas de webzine socio-culturel. Parce que les médias traditionnels ne répondent pas complètement à nos besoins. Parce qu’au risque de sonner cliché, on veut prendre notre place.

Parce que le discours culturel est devenu trop institutionnalisé, au point de la rendre stérile, plate et quétaine.

Parce qu’on est en état de crise et personne ne sonne l’alarme.

Parce que si on n’évolue pas comme peuple, on est faits! Parce que si on ne rejette pas le statu quo qui hante présentement l’Ontario français, on devient spectateur de notre suicide collectif. Parce qu’on a faussement l’impression que tout est cool, que tout va bien.

Parce que, malgré ça, on a espoir.

Parce que nous nous retrouvons aujourd’hui devant un Internet complètement différent qu’en 2004. Parce qu’on baigne dans ces nouveaux médias chaque jour. On connait les plateformes, les habitudes, et les conventions du web, et on a l’intention d’en prendre avantage. Parce qu’on voit en cette technologie, la possibilité de changer le discours, de sortir du mode de survie et d’assumer notre vie culturelle.

Parce que c’est plus grand que nous.

taGueule.ca est notre centrale. La nouvelle formule nous permet d’avoir la collaboration d’une trentaine de blogueurs d’un peu partout en province (avec quelques un en Acadie et au Québec) qui provoquera la discussion sur une peste de sujets. De l’éducation à la politique en passant par des critiques d’albums, des nécrologies et des billets du futur, taGueule ne gardera pas sa langue dans sa poche. Aucun tabou ne sera évité et aucune vache sacrée ne sera épargnée. Nous sommes un crachoir collectif. Consultez notre manifeste.

Contrairement à la version 2007, les discussions n’auront pas lieu strictement sur un forum de discussions central (malgré que, si vous voulez, l’ancien forum est toujours en ligne). Les discussions auront lieu partout… sur taGueule, sur Facebook, sur Twitter, dans les cafés, dans les salons des profs, dans les bars, partout.

Donc, pour revenir à la question initiale. Pourquoi relancer taGueule?

Parce qu’on se le doit. Parce que, comme l’a si bien dit Stéphane Gauthier, on se doit d’avoir une discussion publique à la hauteur de la complexité de notre milieu.

taGueule est de retour, pour le meilleur et pour le pire.