Quand la santé mentale échappe à la Loi sur les services en français…

La semaine dernière (7 au 12 mai) avait lieu la Semaine de la santé mentale. Partout à la télé et à la radio, on entendait parler de nouveaux services offerts dans diverses communautés: activités, programmation, thérapie, groupes d’appui, et aide en milieu de travail ou scolaire, pour les personnes âgées, les adultes, les jeunes et les autochtones.

J’appuie toutes ces initiatives. Malheureusement on ne fait aucune mention de l’aide que l’on apporte aux femmes ainsi qu’aux francophones de Sudbury. Les services offerts aux gens de ces deux catégories laissent souvent à désirer. Par exemple, saviez-vous qu’au Centre de santé mentale (site Kirkwood), quatorze psychiatres reçoivent des patients en situation de crise ou encore en les suivant sur une base régulière? De ces quatorze médecins, quatre seulement sont des femmes, trois seulement s’expriment dans un anglais convenable, et un seul (homme) parle français. Nous avons donc une chance sur quatorze de consulter un médecin francophone. De plus, les statistiques démontrent que les femmes sont généralement plus à risque de faire des dépressions ou de souffrir de maladie mentale. Malheureusement, en cas de besoin, celles-ci seront probablement dirigées vers un médecin/homme. Ainsi, si elles sont francophones, les chances d’avoir un médecin qui soit une femme sont très petites, voire nulles si elles demandent un médecin/femme francophone.

Nous savons tous combien il est plus facile d’exprimer ses émotions dans sa langue maternelle. Et si par exemple, une femme a été abusée sexuellement, comment pourra-t-elle se confier à un médecin qui l’intimide parce qu’il est un homme et en plus parce qu’elle ne le comprend pas?

On ne peut parler des services en santé mentale sans mentionner les soins reçus dans les hôpitaux. Si vous êtes déjà allés visiter un ami ou un membre de votre famille à l’hôpital (site Kirkwood ou encore au 6e étage de Horizon Santé-Nord), vous avez sûrement remarqué que la majorité du personnel infirmier est anglophone. Il en est de même pour le personnel de soutien, les psychologues, les thérapeutes, le pasteur, etc. En plus, les informations affichées sont strictement en anglais. Heureusement, les membres de la famille peuvent s’informer en français auprès de la secrétaire. Mais en quoi cela aide-t-il au patient?

Comment un patient ou une patiente francophone en état de crise peut-il/elle se faire comprendre ou aider si tout se passe en anglais? Prenons par exemple le cas d’une femme d’une quarantaine d’année, souffrant de stress post-traumatique et de dépression depuis plusieurs années. Celle-ci arrive en ambulance parce qu’elle a voulu s’enlever la vie. Est-ce le moment pour elle de demander des services en français? En est-elle même capable? Elle est à peine consciente et on essaie de lui faire avaler une boue noire. Lorsqu’elle parvient à ouvrir les yeux tout se déroule en anglais, ce qui ne fait qu’aggraver la situation traumatique qu’elle vit. Force est de constater qu’il serait beaucoup plus rassurant pour elle si on lui parlait dans sa langue maternelle. Elle veut mourir alors si on cherche à la convaincre que ce n’est pas la solution à ses problèmes, on pourrait sans doute mieux y parvenir en lui parlant en français. Un patient atteint du cancer peut demander un interprète (même si cela est loin d’être idéal) mais lorsqu’il s’agit de santé mentale, de parler de ses émotions, d’agressions, d’anxiété, de dépression, du fait qu’il ou elle soit bipolaire ou suicidaire c’est beaucoup plus délicat et personnel.

La Loi 8 sur les services en français indique que ces services doivent être offerts dans les régions désignées. Il est clair que dans un milieu comme le nord-est de l’Ontario ceux-ci devraient déjà être établis. On ne devrait pas avoir à les demander dans nos moments les plus faibles. Les émotions se vivent d’abord dans la langue maternelle d’une personne. Ainsi lorsqu’on offre des soins en santé mentale, il importe encore plus d’offrir activement des services en français aux patients démunis et abattus. Si on a espoir que l’aide et la thérapie soient efficaces, ces gens ont besoin de se sentir compris et en confiance.

Somme toute, si on veut parler d’améliorer les services en santé mentale, il faudrait examiner de près ce qu’on offre à nos femmes et à nos francophones. Pourquoi n’embauche-t-on pas plus de psychiatres femmes et/ou francophones? L’Hôpital régional de Sudbury (aujourd’hui appelé Horizon Santé-Nord) est inclus dans l’énumération de la Loi 8. Cela dit, on ne parle pas du 6e étage (santé mentale) à Horizon Santé-Nord ni du site Kirkwood (anciennement l’Hôpital Algoma). Pourquoi avoir négligé d’inclure ces deux endroits?


Image: Maria Rubinke

Le cri de celles qu’on n’entend pas

 «Je n’ai jamais réussi à définir le féminisme. Tout ce que je sais, c’est que les gens me traitent de féministe chaque fois que mon comportement ne permet plus de me confondre avec un paillasson.»
– Rebecca West

Pour plusieurs, notre combat est archaïque, désuet, voire démodé. On nous traite de radicales, de «chialeuses professionnelles», d’enragées ou de frustrées. On nous accuse d’haïr les hommes, de vouloir «dominer le monde», d’être hystériques. Nombreux sont ceux et celles qui n’osent joindre nos rangs de peur de subir les préjugés négatifs associés à notre cause. D’autres croient que nous perdons tout simplement notre temps puisque les femmes auraient déjà atteint «l’égalité totale» au sein de la société canadienne. Somme toute, notre discours semble déranger et on aimerait bien nous faire taire.

Alors, pourquoi être féministe aujourd’hui ? Pour moi, la réponse est simple :

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[li]Parce qu’encore, en 2012, les femmes subissent de nombreuses injustices.[/li]
[li]Parce qu’elles sont toujours obligées de se battre pour le respect de leurs droits fondamentaux.[/li]
[li]Parce qu’elles représentent la moitié de l’humanité et que la société ne semble pas entendre leurs voix…[/li]
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Si vous n’êtes pas convaincu.e.s, lisez les données ci-dessous attentivement…

Au Nouveau-Brunswick, en dépit de leur éducation, leurs compétences et leur expérience de travail, les femmes gagnent toujours moins que leurs confrères masculins. En 2009, dans cette province, les femmes gagnaient en moyenne 86,8% de ce que gagnaient les hommes, un écart de 13,2%.

De plus, au Nouveau-Brunswick., le revenu moyen des femmes est de 22 875$, 67% du revenu des hommes (34 321$). Le revenu moyen des femmes autochtones est de 17 650$. La plupart des femmes qui ont un emploi travaillent à temps plein (78%) mais bien plus de femmes que d’hommes ont un emploi à temps partiel (22% contre 9,5%).

70 % des femmes occupent des postes à prédominance féminine dans les secteurs de l’enseignement, les soins infirmiers et professions du domaine de la santé, le travail de bureau ou administration, les ventes et services. Pendant longtemps, on leur a relégué ce travail, puisqu’on considérait que c’était leur rôle «instinctif» de s’occuper des personnes âgées, de gérer l’éducation des enfants et les tâches ménagères. Avec le temps, on a intériorisé cette division du travail et elle est devenue naturelle pour la société.

Mentionnons aussi qu’en raison des inégalités économiques, les femmes sont souvent les premières victimes de la pauvreté. En 2001, on comptait 32 734 familles monoparentales au Nouveau-Brunswick. Et dans 84 % des cas, le chef de famille monoparentale était une femme. En 1999 au Nouveau-Brunswick, le revenu moyen d’une famille monoparentale dirigée par une femme s’élevait à 20 484 $, comparativement à 29 358 $ si elle était dirigée par un homme. En 2007, presque une mère seule sur trois (30%) au N.-B., et une sur quatre au Canada (23%) vivaient sous le seuil de la pauvreté. Il est inacceptable que tant de femmes et d’enfants vivent dans la misère aujourd’hui…

D’autre part, il semble rester beaucoup de chemin à faire pour que les femmes aient le plein contrôle de leur corps et de leur sexualité. La preuve : le dossier de l’avortement demeure très controversé et revient souvent faire les manchettes dans la province et au pays. Les conservateurs fédéraux de Stephen Harper ont d’ailleurs encore récemment tenté d’adopter un projet de loi pour limiter ce droit fondamental, reconnu dans la Constitution canadienne. Le fait de mettre un enfant au monde ou non est une décision très délicate et personnelle, qui peut grandement affecter la vie d’une femme. Pourtant, ce sujet semble toujours être au cœur des débats publics. L’Église et les groupes pro-vie n’ont pas de gêne à dicter aux femmes ce qu’elles peuvent et ne peuvent pas faire de leur propre corps.

Pour ma part, j’attends toujours le jour où on imposera aux hommes de se faire faire des vasectomies afin de contrôler les naissances ! J’attends toujours aussi le jour où les militants pro-vie se battront pour aider les mères monoparentales qui vivent dans la pauvreté et leurs enfants déjà nés…

Il semble toujours y avoir la règle du «deux poids, deux mesures» en ce qui a trait à la sexualité des femmes. Un homme qui assume pleinement sa sexualité et qui a de nombreuses partenaires sexuelles est souvent considéré comme un héros, un gars «viril» alors qu’une femme qui adopte le même comportement se fait traiter de pute ou de salope…

Partout, dans les magazines, à la télévision, au cinéma, on continue de présenter les femmes comme des objets qui n’ont comme seul rôle de séduire et de plaire. On leur fait comprendre qu’elles n’ont pas à être intelligentes et à penser, en autant qu’elles soient belles ! Elles doivent faire énormément d’efforts pour être à la hauteur des standards de beauté et de minceur. La popularité de la chirurgie plastique et des traitements au Botox a d’ailleurs explosé au cours des dernières années. J’ai parfois l’impression que les femmes n’existent qu’à travers leur corps. On détermine leur valeur d’après leur poids. Si elles sont grosses ou moches, elles n’existent pas, n’ont pas de valeur.

Même phénomène en politique : on ne juge pas les candidates selon leurs programmes politiques, mais selon leurs vêtements et leur apparence… Vous n’avez qu’à regarder la situation chez nos voisins américains pour en témoigner… Les remarques des commentateurs républicains au sujet des femmes me font frémir… À les écouter, on se croirait au Moyen Âge !

Et comme on pouvait s’y attendre, les femmes demeurent aussi sérieusement sous-représentées dans les structures du pouvoir politique et de la prise de décision à l’échelle locale, provinciale et nationale.

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[li]À l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, seulement 13% des députés étaient des femmes en janvier 2010, le plus faible taux parmi les provinces. Au niveau national, la proportion de femmes à la Chambre des communes stagne autour d’un sur cinq depuis une quinzaine d’années. À la fin de 2009, le Canada se classait 47ième parmi 187 pays pour la proportion de femmes élues au Parlement national.[/li]
[li]Un déséquilibre grave persiste au sein de certains organismes d’intérêt aux femmes, surtout dans les domaines du développement économique, des ressources naturelles et de l’emploi.[/li]
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Cette appropriation du corps de la femme semble aussi donner libre cours à la violence. Les statistiques, bien que sous-évaluées, en disent long : près de la moitié des femmes du Nouveau-Brunswick, soit 46 %, auraient vécu au moins un incident d’abus physique ou sexuel depuis l’âge de 16 ans. Dans 84 % des accusations de harcèlement (harcèlement criminel) déposées au Nouveau-Brunswick entre le 1er avril 2000 et le 31 mars 2001, les victimes étaient des femmes (source: Service d’information juridique du Nouveau-Brunswick).

Comment est-il possible qu’en 2012, nous en soyons encore là ? Au Canada, les femmes se battent depuis plus de 60 ans pour qu’on reconnaisse leurs droits fondamentaux. Et pourtant, il semblerait que le combat soit toujours à recommencer. On entend tous les gouvernements parler de l’importance du respect des droits de l’homme et de la démocratie. Mais est-ce que les droits de l’Homme excluent ceux des femmes ? Ces dernières sont fatiguées de crier dans le désert. Combien de temps devrons-nous encore attendre pour qu’on entende notre voix ?

Je vous laisse avec quelques citations intéressantes sur le féminisme :

«Il y a des femmes sur terre depuis la création du monde, elles sont l’un des deux sexes fondateurs de notre espèce, les hommes ont 50% de sang de femme qui coule dans leurs veines; et pourtant, nous pouvons facilement voir sans sourciller tout un bulletin de nouvelles sans qu’y apparaisse un seul visage de femme. Ce sont encore des hommes qui tiennent les caméras, choisissent les plans et ce qu’on nous donne à voir.» – Hélène Pedneault

«Une moitié de l’espèce humaine est hors de l’égalité, il faut l’y faire rentrer : donner pour contrepoids au droit de l’homme le droit de la femme.» – Victor Hugo


Image: Nature Girls (Jumping Janes), Martha Rosler, 1966–72 

Oyez, Oyez braves gens, c’est la Journée internationale de la femme

Bon comme tout bon féministe, on a nos réserves par rapport à cette initiative (ça fait un peu, je te célèbre une fois l’an, mais je t’humilie, t’ignore, te violente, le reste de l’année) mais bon c’est pas ça le sujet!

Non, on a décidé d’en profiter pour rendre un petit hommage au Centre Victoria pour femmes. Si vous ne le saviez pas, le Centre Victoria (CVF) est un organisme purement francophone, qui délivre des services en français par et pour des francophones. Il existe plusieurs volets à leurs actions. Le premier consiste à aider les femmes victimes de violence en leur fournissant des conseils, de l’appui, une écoute, un accompagnement. Le deuxième volet, c’est la ligne Fem’aide (1-877-336-2433). Cette ligne téléphonique ouverte en permanence 24 heures sur 24 est là pour fournir de l’aide aux femmes victimes de violence.

Le CVF est responsable pour tout le Nord. Et puis le CVF mène plusieurs campagnes. Des campagnes de sensibilisation comme Voisin-es, ami-es et familles, parce que c’est notre problème à tous, qu’on devrait reconnaître les signes de détresse d’une femme victime de violence, pis faire quelques chose. Mais le CVF fait aussi des ateliers avec des ainées et des jeunes filles pour les sensibiliser. Cette année, en termes de sensibilisation, le CVF a même décidé d’innover en étant le partenaire officiel de La Nuit sur l’étang. Mais en plus le CVF n’agit pas qu’à Sudbury. Il a des antennes à, Elliot Lake, Sault Ste Marie et Wawa!

Pour en arriver là, le CVF, et son inamovible et héroïne directrice générale Gaétane Pharand n’ont pas chômé! En une dizaine d’années, elles sont parties d’un petit organisme sans le sou avec des bénévoles pour créer un des rares organismes délivrant des services en français par et pour les francophones avec un vrai budget et plus d’une quinzaine d’emplois permanents. La clé de leur réussite en dehors de la ténacité exceptionnelle des femmes franco-ontariennes si bien décrite par nos poètes, dramaturges et romanciers, eh bien c’est le réseautage et le lobbying. Il existe un regroupement provincial : L’AOCVF (Action Ontarienne Contre la Violence faite aux Femmes), qui a su depuis des années rassembler tous les organismes œuvrant dans ce domaine, et agir d’une seule voix, avec un front commun. À Queens Park, ils ont les pétoches quand ils les voient débarquer. Une action concertée, une seule voix se tenir ensemble contre l’adversité, ont été les raisons du succès des organismes tels que le CVF à travers l’Ontario. À n’en pas douter, le CVF est un succès, une pratique prometteuse, comme ils disent dans les ministères, dont on devrait s’inspirer pour bien d’autres affaires!

Parce que pensons-y deux minutes, des organismes délivrant des services en français par et pour des francophones, ça court pas les rues. À Sudbury, en dehors du culturel et de l’éducation, il n’y a que le Centre de santé communautaire et le Contact Interculturel Francophone de Sudbury. Mais les autres services sociaux, y sont bilingues, c’est-à-dire que si t’as de la chance que la seule travailleuse francophone soit sur son shift quand t’arrives, bah tu les as tes services, sinon tu es as pas. L’autre problème avec les services dit bilingues c’est que t’as jamais d’offre active des services en français, comme le dit Linda Cardinal. Autrement dit, t’arrives, on ne te demande pas si tu veux des services en français, pis si jamais t’es un enragé pis que tu les demandes, on te dit t’attendre qu’on trouve quelqu’un… alors c’est sûr, à force, on les demande plus! On le sait, on n’a de cesse de le répéter, ce qu’on veut, c’est des services en français par et pour des francophones, pas des services dit bilingues, c’est pas compliqué Madeleine et Dalton!

Alors en cette Journée internationale de la femme, on veut dire un grand merci au Centre Victoria pour son beau travail, et surtout son exemplarité dans les luttes pour les services en français!

PS : ce message n’est pas financé par le CVF!


Image: Wonderwoman, DC Comics