La nouvelle guerre? Celle des riches contre les pauvres

«Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n’avons jamais été aussi prospères. C’est une guerre de classes, et c’est ma classe qui est en train de gagner.»

Warren Buffett, homme d’affaires américain, troisième homme le plus riche au monde, dont la fortune personnelle s’élève à 44 milliards de dollars (Magazine Forbes, 2012)

«La seule partie de la soi-disant richesse nationale qui entre réellement dans la possession collective des peuples modernes, c’est leur dette publique.»

Karl Marx, philosophe politique, économiste et révolutionnaire allemand

Les riches sont en train de gagner. Que ce soit dans nos villes, nos provinces, nos pays ou à l’échelle de la planète. Non seulement ils engrangent des profits monstrueux sur le dos des pauvres et des classes moyennes, mais, avec l’aide des médias (qu’ils détiennent et contrôlent en grande partie), ils nous convainquent, à force de répétions (ad nauseam) du message néolibéral, de la légitimité de cette situation. Ils dominent le monde! Ils ont des tentacules partout : dans notre eau, notre assiette, nos terres, nos forêts, nos rivières, nos écoles, nos universités, nos hôpitaux, et j’en passe. Ayant mis à leur solde les gouvernements, ils font adopter des lois et des politiques, clés en main, qui leur sont favorables et leur donnent le champ libre dans leur quête insatiable de profits. Ces derniers sont privatisés et les dettes, collectivisées. Pendant ce temps, nous constatons un recul important de nos conditions de vie, de nos acquis sociaux et de notre environnement.

Tout cela, sous l’œil indifférent du grand public. J’exagère, me direz-vous ?

Il ne faut pas se leurrer. Les riches sont en guerre. En guerre contre quiconque voudrait remettre en cause de quelque manière que ce soit les inégalités structurelles qui leur permettent de continuer à s’enrichir en toute tranquillité. Ils sont en guerre contre les fondements de nos démocraties, contre nos valeurs de solidarité, d’équité et de compassion, en guerre contre vous et moi. Ils veulent abolir nos droits collectifs, nos systèmes d’éducation et de santé, nos pensions. Le poids qu’ils exercent sur les coffres des états n’arrête pas de croître. Cela donne l’impression que nos pays ne sont plus menés par des gouvernements, mais par des banques, des compagnies minières, des grandes corporations qui leur dictent quoi faire. Et la soif de richesse de ces dernières ne semble jamais être assouvie.

Et ce qui est triste, c’est qu’elles continuent de gagner.

On entend souvent dire que les pauvres et les assistés sociaux sont des parasites qui profitent du système et vivent à la solde de l’État. On reproche aux francophones de «coûter cher» avec le bilinguisme. On considère le financement d’organismes de défense des droits des femmes comme un caprice inutile. On traite les autochtones de quémandeurs parce qu’ils exigent le respect de leurs droits et un traitement équitable avec le reste de la population. On ridiculise les membres des mouvements Occupy, qui exigent que la richesse collective soit mieux répartie, que les injustices sociales effarantes soient corrigées et que le milieu bancaire soit mieux réglementé.

Nous entendons toujours les mêmes refrains : à titre de contribuables, il faut faire «notre juste part» pour rétablir les finances publiques, nous «serrer la ceinture». Les gouvernements soutiennent que pour «arrêter de vivre au-dessus de nos moyens», il faut adopter des mesures d’austérité, «couper dans le gras», c’est-à-dire au sein des services, l’éducation et la santé. Ce «gras» inclurait aussi des dizaines de milliers d’emplois dans la fonction publique et les prestations de pension de vieillesse, qui selon les apôtres de la frugalité, grugent une partie trop importante des dépenses publiques. La solution magique à tous nos problèmes financiers serait de privatiser les services… Tout ça au nom du bien commun, bien sûr. Par ailleurs, il semblerait que nous soyons obligés d’accepter l’exploitation de ressources qui risquent de détruire notre eau et notre environnement, pour «maintenir notre qualité de vie».

Par contre, dès qu’on ose aborder l’idée d’augmenter l’imposition des plus riches, il y a une levée de boucliers de tous bords, car cela «menacerait» la stabilité économique et ferait fuir les investisseurs. Pourtant, plusieurs études ont prouvé que l’imposition progressive représente un de meilleurs moyens de réduire les inégalités et de mieux répartir la richesse.

Savez-vous qu’au N.-B., les changements à la structure des impôts initiés en 2009 donnaient une réduction d’impôt de 395 $ (2008-2012) à une personne dont le revenu annuel était de 30 000 $, alors que celle gagnant 150 000 $ en a eu une de 5 922 $ (2008-2012) ??? Ainsi, la personne ayant un revenu élevé a profité près de 15 fois plus des réductions d’impôts.

Les impôts des personnes à revenu élevé reviennent à des niveaux datant des années 1920. Cela a contribué à la concentration sans précédent de la richesse dans les mains d’un petit pourcentage de personnes, dans la province et au pays. Et bien que le gouvernement provincial a déposé son nouveau budget hier (27 mars), la tendance ne semble pas être sur le point de s’inverser…

En 2009, au Nouveau-Brunswick, la proportion du revenu total après impôt des 20 % les plus riches était de 41,9 %, alors que celle du 20 % le plus pauvre représentait 5,4 %. À l’échelle du pays, 3,8 % des foyers contrôlent plus de 67 % de la richesse financière totale.

Par ailleurs, aux États-Unis, l’effondrement du système banquier en 2008 a provoqué une crise économique mondiale, des millions de pertes d’emplois, l’explosion des taux d’endettement et de chômage, la pauvreté de millions de familles, qui se sont retrouvées à la rue. Alors qu’aux quatre coins de la planète, les pauvres et les classes moyennes n’arrivent plus à joindre les deux bouts, les employés des 25 plus grandes firmes de Wall Street ont perçu 135,5 milliards de dollars en 2010. Par exemple, les dirigeants de la banque Goldman Sachs ont augmenté leur salaire de 600 000 $ à 2 M$ de dollars. Pourtant les bénéfices de l’entreprise de 2010 sont en baisse de 38% par rapport à ceux de 2011. Ils ne sont pas seuls : 738 «dirigeants» de Citigroup ont touché plus d’un million. Le patron de la Bank of America, Brian Moynihan, qui annonce que sa rémunération sera désormais liée à la performance de sa banque, a empoché un bonus de 9,2 millions de dollars alors que sa banque a perdu 2,2 milliards de dollars. Veuillez consulter ce site pour voir la liste complète des organismes qui ont reçu du financement dans le cadre du plan de sauvetage de l’économie américaine (et les montants remboursés).

Et il y a plusieurs cas similaires au Canada, notamment au sein d’Air Canada…

Partout dans le monde, on entend que les Grecs sont des anarchistes, des paresseux corrompus qui ne veulent pas travailler. Mais on ne mentionne pas souvent que Goldman Sachs a enregistré un profit de 600 M$ avec le plan de réduction de la dette de leur pays. Que les fonctionnaires de l’État n’ont pas été payés depuis des mois et que 15 000 emplois publics ont été abolis. Que le salaire minimum a été réduit de 22 %. Que les salaires et les retraites ont été réduits. Que de nombreux services ont été privatisés et donc, que seuls les riches en profitent. Ça, on n’en entend pas souvent parler dans nos médias de masse… Et les cas sont encore plus odieux dans les pays en développement. J’en ferai l’objet d’une chronique ultérieure.

On croirait voir un retour au Gilded Age américain, une période marquée par l’enrichissement fulgurant de la classe sociale dominante composée de «barons» du milieu pétrolier, minier, bancaire et industriel, par la croissance significative des inégalités sociales et une dégradation importante du niveau de vie. Si notre monde vit une crise économique grave, si nos états sont réellement au bord de la ruine et qu’ils ne peuvent plus se permettre de payer nos services publics, il est temps que tous fassent réellement «leur part» et les riches en premier.

Il faut toutefois mentionner que nous sommes tous partiellement responsables de la victoire des riches. Nous les laissons gagner! Nous restons dans notre cynisme et notre indifférence. Nous baissons les bras, nous abandonnons parce que nous avons l’impression de ne pas compter, de ne pas pouvoir changer les choses. Nous vivons dans la peur et la résignation, la peur du chômage, de l’endettement, de la précarité, de l’isolement. Nous vivons dans la peur constante de notre gouvernement, de représailles politiques. Et malheureusement, dans une province comme la nôtre où le favoritisme politique est bien ancré, cette peur est souvent justifiée. Il est temps d’arrêter d’avoir peur. Il est temps de se tenir debout, et de rappeler aux riches que notre monde ne leur appartient pas. Assez, c’est assez. Il faut se réveiller avant qu’il ne soit trop tard.

Coup de balai dans une école ontarienne

Le 12 juin, 1997. Les nouvelles rapportaient le cas d’un enfant francophone du Sud-Ouest ontarien qui perdait l’accès à l’école française, étant donné que ses parents n’étaient pas des « ayants-droit » selon la constitution.


Si jamais il me venait la grotesque idée de m’inscrire dans une école de ballet, je ne serais pas surpris qu’on me demande, d’un air compatissant : Monsieur, avez-vous déjà dansé le ballet ? Si jamais, (le ridicule ne tuant pas), cette école m’admettait, je ne serais pas surpris non plus qu’on me place dans une classe pour étudiants ayant besoin, disons, de beaucoup d’amélioration. Pour tout dire, je comprendrais que pour mon bien, on m’envoie ailleurs, dans un endroit mieux adapté à mes besoins. Un centre pour perdre du poids, par exemple. Après tout, le ballet, ça exige un minimum de prédispositions physiques.

En revanche, si vous voulez faire admettre votre enfant dans une école française du Canada, on ne voudra pas savoir à quel point il comprend ou il parle le français. Non : on voudra savoir si vous, le parent, avez déjà compris un peu de français, il y a déjà bien longtemps, avant de vous être assimilé et d’avoir tout oublié. On voudra savoir si vous, le parent, avez déjà fréquenté une école française au moins quelque temps dans votre lointaine jeunesse. On ne vous demandera surtout pas de parler français à la maison avec votre enfant. On ne posera pas non plus la question bien trop évidente : votre enfant parle-t-il français ?

Si on vous la posait, ne vous inquiétez pas, ce serait sans conséquence. Car la section 23 de la Charte des droits et libertés du Canada est ainsi faite qu’elle ouvre grand les portes des écoles françaises à pleins d’élèves qui ne parlent pas le français. Ajoutez à cette loi-là les politiques éducationnelles qui mettent tout le monde dans la même classe sans le moindre classement et vous obtenez quoi ? Une école française qui n’est française que par accident, quand elle l’est encore. Pour achever le portrait, mettez les écoles d’immersion sous l’égide des administrations scolaires anglaises plutôt que française, de sorte que les francophones n’aient pas ce moyen de trier la clientèle.

En Ontario, vous trouverez sans peine, dans une école soi-disant française, plein d’élèves anglais qui n’entendent jamais le français ailleurs que dans la bouche de leur professeur, surtout pas dans la leur. Ils sont là parce qu’ils croient que l’école française, c’est meilleur que l’immersion. Et vous trouvez, sans plus grande peine, dans une école d’immersion soi-disant anglaise, des élèves qui vous diront en un français tout à fait assuré qu’ils sont là parce que l’immersion est meilleure pour eux, tant leur français est faible. Ils sont là pour faire de bonnes notes plus facilement, ou pire, pour fuir une école française trop peu française.

Et à travers tout ça, vous trouverez deux parents anglophones du Sud-Ouest ontarien dont l’enfant parle très bien français sans avoir accès à une école française, une école qu’il a pourtant déjà fréquentée. Ce pauvre petit doit être le seul élève au pays que la loi a banni de l’école française. En fait, il n’est qu’une victime un peu plus ironique de la confusion généralisée qui passe pour de la politique éducationnelle, dans ce pays ou bilinguisme rime trop souvent avec politicaillerie. Les intérêts politiques ont tant pris le dessus sur les vrais besoins des communautés françaises et des enfants français que les parents ne savent plus faire de choix appropriés. Et les administrations scolaires les laissent faire.

Un jour, vous verrez, la politique organisera de la même façon le monde de la danse. Vous voudrez inscrire votre fille dans une école de ballet. On vous dira : elle est bienvenue, si vous avez déjà été concierge.


Ce texte fut publié dans le recueil de nouvelles De face et de billet, par Normand Renaud, aux éditions Prise de parole, 2002. Reproduit avec permission.

Debbie Courville va-t-elle mener nos conseils scolaires ?

Le 23 janvier 1998. La création de conseils scolaires homogènes francophones en Ontario est survenue dans la foulée de la réduction du nombre de conseils scolaires dans la province. C’était un développement inespéré pour ce qui est de la maîtrise des francophones sur leurs institutions. Mais ces conseils français sauraient-ils mieux assurer la francité des écoles françaises ?


Le poète maudit Patrice Desbiens a trouvé beaucoup d’images frappantes, troublantes, gênantes et percutantes dans sa longue carrière de paratonnerre involontaire de la dérision de la condition franco-ontarienne. (Voilà une phrase pleine de rimes comme le pauvre Patrice n’en écrit jamais !) Parmi tous ses personnages plus ou moins fictifs, il y a l’inoubliable Debbie Courville, qui habite le recueil au titre trompe-l’œil Poèmes anglais. Debbie, c’est l’inconnue dont on ne connaît que le nom écrit à la main sur la page de garde d’un vieux livre d’école française vendu à un libraire d’occasion. C’est elle que l’on croise, combien d’années plus tard, en serveuse de restaurant qui vous sert en disant :

I’m French, but I don’t speak it. Do you want more coffee ?

Eh oui, quoique non francophone, Debbie est française. Elle peut le dire avec l’assurance de la personne dans son droit. Car la loi suprême du pays, la Charte des droits et libertés, lui donne ce droit quand vient le temps de choisir ou non l’école française pour ses enfants. Les conseils scolaires, eux, ont trop souvent permis que ce pouce devienne un mille.

Les recensements nous disent qu’au fil des générations, Debbie et ses semblables sont devenus la majorité franco-ontarienne. Quand pour une raison ou une autre, ils boudent les écoles d’immersion, ce n’est pas étonnant, donc, qu’ils soient parfois la majorité dans des écoles françaises, Et s’ils n’y sont pas majoritaires, ils sont peut-être encore plus puissants. Car ils bénéficient alors du souci bienveillant que l’on a pour la minorité dans la salle de classe, additionné au pouvoir qui auréole d’eux à titre de majorité dans la société.

Mes lumières en politicologie peuvent sembler discutables. Mais qui sait à quel point elles n’éclairent pas réellement plus d’un épisode de l’histoire récente de nos anciens conseils scolaires, ou plutôt de leurs sections de langue française. À plus d’une reprise et dans plus d’une ville – North Bay, Sudbury, Sault-Sainte-Marie et où encore – des « français francophones » ont réclamé dans leur ville au moins une école française vraiment française et se sont fait rabattre le caquet. On les a traités d’extrémistes, d’élitistes, de séparatistes, de racistes. Et on les a remis à leur place, au même rang que tous, comme il convient aux prétentieux. Or, au contraire de ce qu’on a dit souvent, ni la Charte canadienne des droits et des libertés, ni les politiques du ministère de l’Éducation n’empêchaient le classement des élèves vraiment francophones dans des écoles à part. La preuve, c’est que ça a été fait dans quelques villes ontariennes, même là où le nombre ne le justifiait pas.

Ne pas vouloir accommoder les « français francophones », ça découle sans doute en partie d’une logique de gestionnaires soucieux d’économies. Mais il n’y a pas que ça. En vérité, ça s’explique par la tendance de tout organisme à ravaler la minorité dans la majorité. En Ontario français, c’est Debbie Courville qui a le nombre de son bord. Son poids politique pèse fort sur la conscience des conseillers scolaires élus, après tout, pour représenter et desservir toute la population. Les enfants anglicisés de Debbie n’auront jamais de misère à trouver, eux, une école qui ne leur fasse pas sentir qu’ils sont étranges.

Jusqu’à preuve du contraire – que j’attends de tout cœur et bientôt je vous en prie – rien dans le simple fait d’avoir maintenant des conseils scolaires français ne change de tels rapports de force. En Ontario, tout au fond de la minorité française, il y a la minorité francophone. C’est la minorité dans la minorité, dont Debbie Courville fait bien ce qu’elle le veut. Voilà pourquoi, à l’aurore des nouveaux conseils scolaires homogènes français, et en parlant d’avance au nom des prochains parents qui oseront demander une école authentiquement française, je fais ce pathétique plaidoyer démocratique.

Please, Mrs Courville, you already have all the schools you need. Now can I have one real French school? Just one, please ? Come on, Debbie. Give me a break.


Ce texte fut publié dans le recueil de nouvelles De face et de billet, par Normand Renaud, aux éditions Prise de parole, 2002. Reproduit avec permission.

Première leçon : nature et fonction d’un mot

Comme toutes les mères le savent, il ne faudrait pas trop compter sur le système d’éducation pour que nos enfants apprennent les règles de base de la grammaire française. Nous n’en voulons pas aux enseignants, ils n’ont malheureusement pas été formés pour ça à l’école des sciences. Ce sont les bureaucrates qui pondent les programmes et les conseils scolaires, qui jadis comme l’Église, sont coupables de collaboration dans cette longue agonie de notre langue.

Nous aurions pu chialer, mais nous sommes tannées de le faire. Alors, pour une fois, parce que nous sommes résilientes, nous avons décidé de positiver et d’offrir des leçons de grammaire aux autres mamans qui n’auraient pas le temps de trouver les ressources nécessaires.

Nous ne sommes pas grammairiennes, et nous n’avons aucune prétention à l’être. Nous voulons simplement expliquer quelques bases avec nos mots à nous, et pas le jargon pédagogique incompréhensible des textes officiels. Cela repose sur nos souvenirs d’enfance, soit la méthode Grevisse, celle qui faisait que nos grands-parents arrêtaient l’école à 13 ans et savaient écrire sans faute. Tenants de la dite nouvelle grammaire aux petits arbres s’abstenir.

1ère leçon : nature et fonction d’un mot

Chaque mot a une nature et une fonction. La nature, c’est l’identité du mot, elle est quasi-immuable, c’est son marqueur génétique. Un mot peut donc être : un substantif aussi appelé un nom (chien, chat, langue), un verbe (manger, parler, être); un adverbe (hier, souvent, malheureusement); un pronom (je, nous, mes, ton); un déterminant (le, des, les); un adjectif (belle, gros, gentil). Souvent on associe plusieurs éléments comme « un gros chien », on parle alors de « groupe nominal ». De la même façon, un verbe est souvent conjugué et donc comporte plusieurs éléments comme « a été mangé », on parle alors de « groupe verbal ».

Mais chaque mot peut avoir des fonctions différentes dans une phrase : sujet, verbe, complément d’objet direct (COD), complément d’objet indirect (COI), complément circonstanciel (C.C.) (de temps, de lieu, de moyen, etc.). En règle générale, dans la langue française, on connaît la fonction d’un mot grâce à la place qu’il occupe dans la phrase (et non grâce à sa terminaison comme dans les langues à déclinaison). Les compléments circonstanciels sont des agents libres, ils peuvent se placer un peu n’importe où. Alors que la structure de base de la phrase est : sujet + verbe + COD, sauf à vouloir faire du style!

On peut trouver le sujet en posant la question « Qui? »

On peut trouver le COD en posant la question « Quoi? »

On peut trouver le COI en posant la question « A qui? »

On peut trouver les C.C. en posant les questions « Où? Quand? » etc.

Le verbe décrit l’action de la phrase.

Exemple

Le chat et la souris sont des noms mais ils peuvent être des sujets, des COD, des COI, etc.

Code couleur

[hl-yellow]En jaune[/hl-yellow], on souligne le sujet. [hl-green]En vert[/hl-green], on souligne le COD. [hl-red]En rouge[/hl-red], on souligne le verbe. [hl-blue]En bleu[/hl-blue], on souligne le COI. [hl-pink]En rose[/hl-pink], on souligne les compléments circonstanciels.

[hl-yellow]Le chat[/hl-yellow] [hl-red]voit[/hl-red] [hl-green]la souris.[/hl-green]
[hl-yellow]La souris[/hl-yellow] [hl-red]mange[/hl-red] [hl-green]du fromage.[/hl-green]
[hl-pink]Hier,[/hl-pink] [hl-yellow]la souris[/hl-yellow] [hl-red]est passée[/hl-red] [hl-pink]dans la cuisine.[/hl-pink]
[hl-pink]Demain,[/hl-pink] [hl-yellow]le chat[/hl-yellow] [hl-red]donnera[/hl-red] [hl-green]du fromage[/hl-green] [hl-blue]à la souris.[/hl-blue]

Utilité de la leçon

Il s’agit de la base de la langue. Comme la base de la division de la pensée scientifique : le biologiste étudie la nature de l’homme. Le sociologue étudie les fonctions de l’homme (est-ce qu’il est plombier, mineur ou bucheron? Mère, père, frère?). Il est impératif pour nos enfants de comprendre cette distinction afin qu’ils puissent, par la suite, bien faire leurs règles d’accord (du sujet avec le verbe, des participes passés, etc.). Mais de façon plus générale, cette distinction est utile pour comprendre la grammaire, la conjugaison et la syntaxe.

Exercices conseillés

Faites écrire des phrases à vos enfants les plus complexes possibles. Demandez-leur, avec notre code couleur, d’identifier les fonctions des mots (en les soulignant), et en dessous d’indiquer la nature du mot.

[hl-pink]Hier,[/hl-pink] [hl-yellow]les enfants[/hl-yellow] [hl-red]ont trouvé[/hl-red] [hl-green]des cadeaux[/hl-green] [hl-pink]sous le sapin.[/hl-pink]
adverbe, groupe nominal, groupe verbal, groupe nominal, groupe nominal

[hl-yellow]Ils[/hl-yellow] [hl-green]les[/hl-green] [hl-red]ont trouvés[/hl-red] [hl-pink]sous le sapin.[/hl-pink]
Pronom personnel, pronom, groupe verbal, groupe nominal

À vos crayons, et bonne chance!

Autres ressources

Vous trouverez ici des exercices que vous pouvez faire et qui seront corrigés.

Je ne suis pas une animatrice de la FESFO

Un beau jour d’été, il n’y a pas tellement longtemps, j’ai découvert une nouvelle facette de la francophonie ontarienne. Non, ce n’est pas celle du Notre Place, ni celle du drapeau franco-ontarien. La richesse culturelle franco-ontarienne ou canadienne-française ne se limite pas à la tire de la Sainte-Catherine, aux tartes au sucre ou aux tourtières.

Non, je ne suis pas animatrice de la FESFO et je ne vois pas le monde qu’en vert et blanc. Moi qui souhaitais tellement m’intégrer à ce monde en mouvement n’étais pas satisfaite par la francophonie qu’on m’avait présentée à l’école. Elle me contraignait dans ma volonté de me brancher à ma société. En étant tellement retournée vers elle-même, dans le but de se protéger, elle me semblait stérile et stagnante! Cette francophonie ontarienne était à mes yeux figée dans le temps et défendue par les nostalgiques du « bon vieux temps ». Ses structures et institutions, malgré qu’elles avaient l’air de m’ouvrir la porte afin que je puisse m’insérer et participer, ne voulaient pas changer leur vieille façon de faire et blâmaient le manque de progrès de la jeunesse paresseuse.  Je ne m’y reconnaissais plus.

Le blâme qu’on m’a mis sur les épaules m’a repoussée d’autant plus de la langue et de la culture plutôt que de m’attirer vers elles. Ce n’est pas de ma faute si je ne connais pas le bon mot français pour m’exprimer, ce n’est pas de ma faute si mon milieu quotidien est anglophone! On me présente la « Barbie » francophone, imperfections linguistiques non incluses, qui emploie toujours un français standard en assistant sans faute à tous les Jeux franco-ontariens au secondaire et on s’attend à ce que je suive ce bon exemple irréaliste. Elle est toujours souriante et confiante, elle a toujours eu ses services en français, elle n’a pas eu de difficultés à faire ses études en français, elle te regarde avec conviction, mais elle cache quelque chose. Derrière son bonheur éternel plastifié, il y a un vide. Ce conditionnement linguistique et culturel se traduit par une chaîne d’assemblage continu d’abandon éventuel de cette identité.

Peu importe le nombre de messages préenregistrés qu’elle récite avec toujours autant d’ardeur que la première fois qu’on me l’a présentée, je refuse d’accepter cet endoctrinement! Une bonne franco-ontarienne connait toutes les paroles du Notre Place! Une bonne franco-ontarienne travaille à éliminer les anglicismes dans son français oral! Elle ne sait pas qui elle est, ni même vraiment pourquoi elle récite ces vers. C’est peut-être pour se convaincre de sa marque, de son appartenance. Ce voile identitaire ne me représente pas; il est surréel, il est inatteignable, il est vide de sens.

C’est une commercialisation du « franco-ontarien » qui me révolte. Les jeunes se découragent devant cette distorsion de l’idéal franco-ontarien, ils sont dégoutés même. Quel manque de vie! Quel manque d’esprit et d’humanité!

J’existe, je vis, je suis le produit de mes réalités et ma langue est loin d’être parfaite. Ça ne veut pas dire que je ne suis pas consciente de mes erreurs ou que je n’essaie pas d’améliorer mon niveau de langue, mais libérez-moi de la honte de ces fautes afin que je puisse rester motivée et continuer d’apprendre. C’est décourageant d’intérioriser tout le blâme de ne pas être « au niveau » dans sa propre langue, de ne pas avoir les outils afin de s’exprimer pleinement dans celle-ci et ce, toute seule. Les découragés décrochent et les autres ne sont là que pour augmenter leurs chances d’avoir un boulot, mais ne sommes-nous pas plus qu’un avantage comparatif sur le marché du travail et quelques réminiscences canadiennes-françaises?

J’ai découvert que je n’étais pas la seule à déplorer la stagnation de la culture franco-ontarienne, qu’il y avait encore des organismes culturels qui étaient toujours pleins de vie, alimentés du happening francophone du Canada et d’ailleurs. Cette identité n’est qu’une facette de la francophonie mondiale, nous pouvons à la fois être franco-ontariens, canadiens-français et citoyens du monde.

J’ai arrêter d’écouter les albums de Swing en répétition, la seule musique francophone que je connaissais à un moment donné, car je me sentais mal d’écouter de la musique en anglais de peur de ne pas faire un « assez grand effort ».

C’est par les vers de Patrice Desbiens, de Daniel Aubin et les textes de Konflit que je baigne dans les ombres de la francophonie. Je me comprends mieux. Je peux refuser de me soumettre à cette stérilité identitaire franco-ontarienne, enfin je peux respirer!

Je peux respirer en étant consciente de la fragilité identitaire et linguistique du lys qui a grandi parmi les roses. Ça me rassure et me donne de l’espoir : j’ai le droit de simplement vivre en français et ne pas avoir à monter des barricades pour survivre en français. J’ai un point d’accès, la vraie francophonie ontarienne, organique comme elle l’est par laquelle je peux m’identifier.

J’y suis d’autant plus attachée puisqu’elle se distingue du « fais un effort » parce qu’on va te nommer « étoile du mois » si tu parles en français assez souvent dans la cour d’école. Cette nouvelle perspective de la francophonie et de ma place au sein d’elle en Ontario, au Canada et ailleurs, me parle et me représente mieux. Je la comprends, je la vis. Elle est authentique, spéciale, je veux la développer. Je suis prête à y mettre du temps, ce n’est plus un fardeau.

Je constate qu’elle évolue, qu’elle change avec le temps, qu’elle est dynamique. Elle ne me contraint plus, elle m’enrichit et mon avenir est d’autant plus coloré grâce à elle. Maintenant que je me retrouve à avoir un meilleur sens de ce qu’est cette francophonie ontarienne, je ne veux pas la perdre de vue.

Mes nombreux collègues de classe ont décroché, il y a longtemps, mais je ne peux m’empêcher de leur souhaiter la même exposition à la véritable francophonie ontarienne, de sa place dans le Canada français, dans le Canada et ailleurs.

Nous avons perdu du temps, mieux comprendre les nuances et les moments ténébreux de la vraie francophonie est primordial dans le développement d’un plus grand attachement à cette langue et à cette culture pour tout adhérent.

La génération franco-prime

« Franco-prime! » s’exclama l’enseignante.

« But Madame, I don’t even know how to say ‘Mega-Zord’ in French! » réponda l’enfant.

« Maintenant tu vas m’en devoir deux ».

« This sucks! I never get to go to the Franco-fête madame! » s’exprima à nouveau l’enfant.

« Bon ça y’est, tu as déjà perdu tes trois franco-primes pour la semaine, Jeffrey. »

Une scène fréquente dans les salles de classe de l’Ontario français des années 90. Visant à encourager les jeunes à parler en français en leur accordant une récompense à la fin de l’année (encan, sortie scolaire ou autre), les Franco-primes ont souvent eu l’effet inverse dans les écoles franco-ontariennes.

Étant donné le manque de succès de ce système, il a finalement été écarté au début des années 2000 en raison de la hiérarchisation (non voulu) qu’elle créait au sein des salles de classe de l’Ontario français. Toutefois, un équivalent a été créé depuis : les Étoiles du mois. Au lieu de récompenser les enfants avec des sorties scolaires ou des encans, on fait tout simplement proclamer le fait qu’un enfant parle plus souvent le français que ses camarades de classe devant l’école au complet durant une cérémonie au gymnase et on lui accorde un certificat.

Bien que l’initiative vise à souligner l’effort que fait cet enfant et faire de lui l’exemple à suivre pour ses camarades de classe, la pratique demeure problématique à plusieurs égards.

Premièrement, en créant une hiérarchisation de la langue dans les salles de classe comme les Franco-primes le faisaient jadis, les Jeffrey de l’exemple ci-dessus n’ont habituellement aucune chance de remporter un tel certificat ou d’être valorisés pour l’effort qu’ils consacrent à parler le français.

Un deuxième problème n’est pas le fait qu’on cherche à souligner le franc-parler des « étoiles du mois », c’est plutôt le fait qu’on cherche à valoriser ce qui devrait être la norme. Existe-t-il des initiatives où l’on souligne le fait qu’un élève parle mieux l’anglais que le restant de ses camarades de classe dans les écoles de langue anglaise de la province?

Finalement, il faut souligner le fait que ce genre de système n’a pas les effets voulus. Au lieu de rassembler les élèves au gymnase de l’école pour une cérémonie mensuelle, ne pourrait-on pas concevoir une activité en salle de classe où les jeunes seraient responsables de consommer de la culture francophone en salle de classe? Au lieu qu’on impose le premier disque de Gabrielle Destroismaisons (il a dix ans quand même…) durant une session formelle de formation culturelle, il serait sans doute plus sage de laisser les élèves guider la recherche culturelle. Pourquoi ne pas les envoyer faire une recherche collective dans Internet afin de trouver un nouveau disque de musique ou un film de langue française pendant 30 minutes?

On me dira que le « big bad Internet » est plein de cochonneries et que ça ne serait pas prudent de faire ainsi. Est-ce vraiment plus dangereux de faire une recherche pour de la musique émergente ou des clips d’émission de télévision que de faire une recherche sur Jacques Cartier? Ne vous inquiétez pas, ça sera sans doute moins pire que le contenu du nouveau Call of Duty que vous avez acheté à votre enfant la semaine dernière (la cote M désigne 17 ans et plus pour de très bonnes raisons…) Il semble que cela serait une utilisation plus efficace non seulement des outils disponibles aux écoles (connexion Internet, projecteurs multimédias, tableaux d’affiche) mais également du temps de préparation des enseignants. Cette solution réduirait effectivement le montant de travail qu’engendre la formation culturelle dans les écoles de langue française de l’Ontario.

Qui le sait? Peut-être que les enseignants profiteraient aussi de ces recherches…