Pourquoi certains espaces sont-ils moins diversifiés que d’autres?

Ceci est une réponse à l’article Immigration: le Nouveau-Brunswick est-il xénophobe? par David Caron publié le 22 février 2012.


C’est un drôle de titre qu’a choisi de donner David Caron à son article : le Nouveau-Brunswick est-il xénophobe. Drôle, premièrement, parce qu’il annonce qu’il parlera du Nouveau-Brunswick, mais parle essentiellement de l’Acadie, comme s’il s’agissait de la même chose. Deuxièmement, parce qu’à considérer les discours officiels de la province et de l’Acadie via son organe de représentation la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, on cherche en vain la moindre trace de xénophobie. Qui donc est xénophobe si ce ne sont pas les institutions publiques, les instances de représentation ? On comprend qu’un État puisse avoir des politiques « xénophobe » et on peut attribuer le qualificatif à la population qui les a votées. Il s’en suit généralement un devoir de mémoire. Mais il n’en est rien au Nouveau-Brunswick.

Les discours semblent plutôt faire consensus quant aux bienfaits de l’immigration : on veut que les immigrants viennent. La population de la province décline et vieillie et tous voient, francophones et anglophones, dans l’immigration une bouée de sauvetage, un moyen de garder peut-être pour quelque temps encore la tête hors de l’eau. Xénophobe, donc ? Les élites ne le sont très certainement pas. Est-ce à dire que la xénophobie serait à trouver dans le cœur et l’âme même de tout un chacun ? Et comme il est question d’Acadie dans le texte de Caron, se pourrait-il que l’individu Acadien, par un trait de caractère propre, soit xénophobe, avec preuve à la charge le faible taux d’immigration dans ses villes et villages ?

Une très inégale diversité

On dresse souvent un tableau homogène des communautés francophones hors Québec qui contraste avec le multiculturalisme canadien anglophone – car force est d’admettre au passage que c’est surtout en anglais que se vit le multiculturalisme. C’est un contraste pervers parce qu’il oppose une statistique décontextualisée (un taux d’immigrant de 19 % au pays) à des expériences concrètes et à des chiffres locaux (un taux d’immigrants de 4 % à Moncton). On omet les considérables disparités régionales, la différence entre les milieux urbains et ruraux, anglophones et francophones. Mais des décennies de discours multiculturel promu par le gouvernement ont donné l’impératif noble d’être mondialisés, ouverts sur la différence, quand bien même cette différence ne serait qu’hypothétique, ont donné l’image d’un Canada-mosaïque uniforme d’un océan à l’autre à l’autre.

Trudeau disait du Canada qu’il était le lieu d’un homme nouveau :

« Je crois fermement que les Canadiens sont en train de modeler une société dénuée de tout préjugé et de toute crainte, placée sous le signe de la compréhension et de l’amour, respectueuse de la personne et de la beauté »

Pierre-Elliott Trudeau

En devenant doctrine officielle, le multiculturalisme s’est fait, dans biens des villes et villages, valeur canadienne avant de devenir réalité sociologique et citoyenne. Certaines régions attendent d’ailleurs toujours. Si le NB ne compte que 4 % d’immigrants, contre la moyenne fédérale de 19 %, c’est sans doute, donc, que les habitants de ce coin de pays sont moralement reprochables, empreints encore de préjugés que n’auraient pas les Québécois, les Ontariens, les Britanno-Colombiens, bref les autres Canadiens. Mais ces statistiques canadiennes sont un peu trompeuses. Manifestement notre mosaïque n’est pas tissée du même fil partout.

Montréal, Toronto et Vancouver s’accaparent à elles seules plus des deux tiers des immigrants. Edmonton, Calgary, Victoria, Ottawa, Winnipeg suivent. Pour ne parler que de l’immigration au Québec, la région de Montréal attire trois quarts des nouveaux arrivants et la province s’accapare plus que sa part d’immigrants francophones.

Dès lors qu’on cesse de comparer une province majoritairement rurale ne comprenant que des villes de taille moyenne à une moyenne fédérale, une tout autre perspective se présente. La population combinée des trois principaux centres urbains du NB : Moncton, St-Jean et Fredericton (soit un total de 334 501 habitants) équivalent à trois des dix-neuf arrondissements de Montréal ! Et la province en entier compte moins d’habitants qu’Ottawa !

D’ailleurs, si l’on compare la situation des villes francophones de taille équivalente au pays – elles sont toutes au Québec sauf Sudbury, et j’ajoute St. John’s par souci de comparaison régionale – on se rend rapidement compte qu’elles ne sont pas, elles non plus, des oasis de diversité. En rafale, avec les taux d’immigrants :

  • Moncton – 3,4 %
  • Sudbury – 6,6 %
  • Lévis – 1,5 %
  • Trois-Rivières – 2,2 %
  • Saguenay – 1,1 %
  • Drummondville – 3 %
  • Saint-Jérôme – 2,7
  • Et à Terre-Neuve, St. John’s – 4 %

Ça commence à faire beaucoup de xénophobes, vous ne trouvez pas ?

L’immigration n’est pas qu’une question individuelle

Ceci étant dit, imputer le faible taux d’immigration (on en parle souvent comme si c’était un travers en soi) à l’ouverture de la « population d’accueil » revient à volontariser un peu trop le processus de migration et d’intégration, et à jeter du revers de la main une littérature entière consacrée aux déterminants sociaux et institutionnels de la « rétention ».

J’essayerai de donner deux éléments de réponse pour comprendre sociologiquement la question, d’autres diront le problème, de l’immigration au Nouveau-Brunswick.

Réseaux informels et complétude institutionnelle

Premièrement, les travaux inspirés par l’École de Chicago en sociologie – je pense, au Canada à Raymond Breton – ont démontré que le parcours d’un immigrant est fortement influencé par les ressources financières, politiques et symboliques dont dispose le groupe auquel il appartient et/ou s’identifie. C’est à lui que l’on doit le concept de « complétude institutionnelle » si utile depuis 40 ans pour les minorités francophones. On parvient, grâce à ce concept, à démontrer que les associations, les médias, les réseaux qui se construisent autour de groupes ethniques ou culturels contribuent non seulement à attirer les immigrants – les Haïtiens se dirigent essentiellement à Montréal et à Miami, les Turcs en Allemagne, les Sénégalais en France, les Chinois à Vancouver – mais déterminent en partie le parcours d’intégration des individus – les Juifs hassidiques d’Outremont ou les Acadiens de Moncton étant des exemples de complétude institutionnelle accomplie qui permet de contrer l’assimilation.

Plus un groupe dispose de ressources permettant à l’individu de satisfaire l’ensemble de ses besoins – commerces, emplois, religion, médias, associations –, plus il sera en mesure d’attirer des membres et moins les individus auront tendance à sortir du groupe et à se fondre dans le « melting pot » ; bref, plus y il a complétude institutionnelle, plus il y aura attraction et persistance de la différence. Sans présence institutionnelle il y a assimilation. Et pour un ensemble de raisons, de tels réseaux ethniques et culturels existent principalement dans les grandes villes, dans les centres économiques les plus dynamiques et sont le résultat d’un long processus ou des hasards migratoires (la migration massive qu’a causée la famine en Irlande au XIXe siècle a permis la mise en place relativement rapide de réseaux Irlandais dans plusieurs villes, notamment par le biais de l’Église catholique).

Le défi d’attirer et de retenir des immigrants est donc d’autant plus grand pour ces milieux plus ruraux, plus périphériques, éloignés des grands centres et de la vie économique. Ces lieux ne sont que rarement des points d’entrée, sont le plus souvent des lieux de transit – voir à ce sujet le film de Dufault et Godbout, Pour quelques arpents de neige qui démontre à merveille la logique de l’immigration et de l’intégration dans les années 1960 : les immigrants débarquent à Halifax et prennent le train vers Montréal. Les provinces maritimes ne seront qu’un espace à franchir, et les traces de cette logique se font encore sentir aujourd’hui.
oehttp://www.onf.ca/film/Pour_quelques_arpents_de_neige_/
Les immigrants qui arrivent dans ces lieux périphériques se retrouvent plus isolés, dans une économie moins diversifiée et une population tissée de liens différents, souvent plus intriqués que celle des grandes villes, à plus forte raison quand il s’agit de groupes eux-mêmes minoritaires. Le(s) tampon(s) qui ailleurs amorti(ssent) le choc d’intégration est moins épais, et parfois carrément inexistant. La pression est mise ailleurs, elle prend souvent une tournure plus personnelle.

Or, multiculturalisme officiel oblige, nous devons tous être ouverts, même si l’ouverture ne prend pour nous qu’un sens abstrait, parce que la diversité est absente de notre quotidien. La diversité devient un genre de conte de fées, de mythe où on imagine un peu bêtement que le contact entre Soi et l’Autre devrait se faire sans heurts, dans la bonne entente et l’harmonie parce que nous sommes tous « dénués de tout préjugé et de crainte ». Comme si nous devions toujours déjà être prêts à recevoir des immigrants, un peu comme nous nous attendons à ce que les immigrants nous arrivent déjà intégrés.

Un tel discours, pour vertueux qu’il soit, ressemble drôlement au discours néolibéral utopique d’une humanité réconciliée dans le marché, unie dans la consommation, dont les différences ne sont jamais de fond, mais de style. Et le style, c’est une question de marché. Alors qu’en réalité, il faut du temps, de l’accoutumance. La rencontre de l’Autre n’est pas toujours sans heurts et sans incompréhensions – en bons francophones, notre histoire faite de luttes pour la reconnaissance et l’égalité devrait nous le rappeler !

Devenir la minorité de la minorité sur un territoire contesté

Il y a ensuite le défi supplémentaire que représente l’immigration au sein de communautés linguistiques minoritaires. Quoi qu’en dise le manifeste de taGueule – « nous ne souffrons pas du syndrome minoritaire » – la minorité est un fait sociologique, elle représente un rapport particulier à un territoire, au pouvoir, à la langue, à la sphère publique, aux médias. Si nous pouvons, individuellement, tous être émancipés, il n’empêche que notre existence collective est irrémédiablement celle d’une minorité démographique ; la francophonie canadienne hors Québec ne cessera d’être minoritaire que le jour où elle cessera d’être francophone. Point.

Le défi qui se pose dans un tel contexte, et le NB en est un bon exemple, est le suivant : deux groupes linguistiques luttent pour l’attraction d’immigrants, deux groupes cherchent à mettre sur pied des structures d’accueil – les francophones veulent des immigrants francophones et les anglophones des immigrants anglophones, chacun cherche à attirer les allophones dans son camp et Dieu sait que la compétition est démesurée quand on se bat contre l’anglais – et cette concurrence inévitable fragmente ultimement les réseaux informels si importants pour l’intégration des nouveaux arrivants.

Le cas de Moncton est marquant : l’Université de Moncton, grâce à ses efforts actifs de recrutement, est parmi les plus diversifiées au pays – 15 % de sa population vient de l’international, contre une moyenne fédérale de 8 %. D’ailleurs, la province occupe le second rang en matière d’internationalisation des universités derrière la Colombie-Britannique. C’est donc que des étrangers viennent, mais ne restent pas. N’est-ce pas là la preuve de la « xénophobie » néo-brunswickoise ?

Un début d’explication se trouve peut-être dans le fait que les efforts faits par l’U de M sont contrés, en un sens, par ceux de la Ville de Moncton. L’U de M recrute en Haïti, au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, tandis que la Ville de Moncton, elle, recrute essentiellement des immigrants investisseurs en Corée du Sud. L’espace du campus, qui demeure pour les communautés francophones l’un des chefs lieux de la diversité (à Saint-Boniface c’est le quart des étudiants qui viennent de l’international !), est sans rapport avec l’espace de la ville. Les réseaux internationaux qui se tissent d’un côté ne trouvent pas écho de l’autre. Les deux logiques sont concurrentes malgré elles, notamment parce que les francophones et les anglophones ne recrutent pas les mêmes immigrants – il suffit de faire un tour dans les universités des deux langues pour s’en rendre compte – et surtout, ils ne cultivent pas les mêmes attentes. Ils ne peuvent pas cultiver les mêmes attentes. On demande à l’immigrant francophone de participer à la vie de la communauté francophone, mais sa réalité doit transiger avec l’anglais. Cet équilibre constant n’est pas pour tout le monde, et n’est pas une réalité pour les immigrants qui font le choix de l’anglais. Il y a une asymétrie indéniable.

Et puis il y a la tentation du Québec, qui promet un contexte linguistique plus simple, une métropole multiculturelle et un fast track vers la résidence permanente. Le Nouveau-Brunswick, et en particulier l’Acadie, est en manque de moyens face à une telle concurrence.

Être… ici on le peut

Enfin, comme le souligne David Caron, la province se hisse au sommet d’un honteux palmarès, qui n’y est pas pour rien dans la situation et dont les premières victimes ne sont pas que les immigrants. Palmarès qui ne fait que rajouter à l’ironie du slogan de la province, payé au prix effarant de 1 million $  et qui a récemment été retiré, après une brève existence : « Être… ici on le peut ».

Bref, peut-être existe-t-il de la xénophobie dans la province (et j’aurais tendance à croire qu’elle est plutôt linguistique que raciale ou ethnique), mais l’hémorragie démographique à laquelle fait face la province s’expliquerait sans doute mieux par son économie chancelante, par son profond clivage intérieur entre les deux groupes linguistiques officiels, et par l’emprise de la famille Irving sur l’économie et la presse (une situation à peu près unique au sein des pays développés) qui rendent périphérique les débats publics et les choix de société, que par un défaut moral de sa population.

La province fait du sur place depuis trop longtemps, stagne dans ses divisions internes et dans son absence de vie civique significative. À moins qu’une nouvelle conscience citoyenne émerge et puisse se manifester dans des espaces publics ouverts, la province risque d’avoir autant de mal à accueillir des immigrants qu’à retenir sa population.

Mathieu Wade
Acadien, doctorant en sociologie à l’Université du Québec à Montréal


Photo: Pour quelques arpents de neige, ONF, 1962

A word to the students of collège Boréal

It’s my pleasure this morning to say a few words to the young men and women who are studying in this fine new college. I’ll say them in the language in which most of you seem more comfortable, judging from what I’ve heard in the halls and the cafeteria.

Yes sir, you see it coming and you’re right. The blame, the sermon, the self-righteous talking down. But before you tune me out, here’s something for you to hit me with. I admit that I’m in no position to blame you for something I was doing myself when I was your age. I grew up here in Sudbury, like many of you. And like most of you, English was the language I felt good with. English was the way to sound like a man without sounding like my parents or my teachers. So I spoke English to everyone, except when forced otherwise. That was the way to be myself. If I’m not mistaken, you are all speaking English right now for that same reason : to be yourselves. I remember the feeling. It’s such a strong one that you don’t feel even the least bit out of place when you walk around laughing and talking English in the halls of a French school.

Mais un jour, j’ai eu l’intuition de ce qui m’arrivait en vérité. J’étais loin de me donner ma propre personnalité, d’exercer ma liberté, d’avoir l’air confiant en parlant l’anglais. En vérité, je faisais docilement ce que la société voulait que je fasse. Je n’essayais pas d’être moi-même. J’essayais d’être comme tout le monde.

À l’époque, je faisais comme vous mes études postsecondaires. Je voyais vite venir le temps où j’allais devoir savoir qui j’étais vraiment, si je voulais trouver ma place et mon salaire. J’osais peut-être aussi rêver, un peu, de faire une différence dans mon petit coin de pays et d’aider à bâtir un monde meilleur. C’est là que j’ai commencé à voir mes parents canadiens-français d’un autre oeil. C’est là aussi que j’ai commencé à voir plus clairement l’histoire de mon peuple. La misère économique qui l’a poussé à émigrer dans le Nord ontarien. Les pressions qu’il a subies de partout pour abandonner le français. Les efforts qu’il a maintenus sans grand succès pendant cent ans pour donner à ses enfants au moins des écoles françaises, au moins ça. En fin de compte, j’ai compris d’où je venais. J’ai compris où je m’en allais. Et j’ai compris qu’en parlant tout le temps anglais, je tournais au ridicule un courage que j’étais encore loin d’avoir montré moi-même.

Students of collège Boréal, I suspect you feel uncomfortable hearing me speaking English to you so publicly, so officially, on French radio for all to hear. I’m doing it in the hope it might help you realize how out of place you sound speaking English in this building, of all places, after so many people worked so hard for so many years to make this beautiful, ultra-modern, high-tech French language college a reality, for you.

I know you can very well do without my respect or anyone else’s. After all, you are your own man, your own woman. You don’t need to be told what to think and how to behave. You’re living life on your own terms. That’s what I thought I was doing too, before I realized that I still had some growing up to do. I hope to meet some of you some day down the road. But I would have so much enjoyed meeting you now. I somehow had hoped that you would all be different than I was at your age.

Qui parle français en Ontario ? C’est triste à dire. Il y a de petits enfants, il y a des adultes, mais entre les deux, il n’y a pas de jeunesse. Celle qui fait du bruit. Celle qui fait du fun. Celle qui fait de la vie. Ça manque beaucoup. Ça pourrait être vous.


Le 3 octobre 1997. Depuis son ouverture en 1994, le collège Boréal avait occupé des locaux de fortune. Le matin de l’ouverture officielle de son nouveau campus, j’ai livré ce billet en ondes depuis le hall d’entrée, d’où CBON Bonjour diffusait une émission en direct. Un peu ironiquement, j’ai adapté ma langue et mon langage à mon public.

Ce texte fut publié dans le recueil de nouvelles De face et de billet, par Normand Renaud, aux éditions Prise de parole, 2002. Reproduit avec permission.

Quand on devient minoritaire dans sa propre école

Après avoir lu l’article « Perspective sociolinguistique sur le comportement langagier des Franco-Ontariens » de Raymond Mougeon, je me suis mis à réfléchir au problème des ayants droit dans les écoles de langue française en Ontario. Au contraire des écoles de langue anglaise de cette province qui divisent les classes en immersion et en « core French », tous les élèves des conseils scolaires de langue française sont envoyés dans les mêmes salles de classe — qu’ils soient de langue maternelle anglaise ou de langue maternelle française.

En fait, l’idée d’avoir des « ayants droit » qui ne parlent pas un mot de français dans les écoles de langue française est dérangeante en soi. Si l’école de langue française est le bastion qui espère pouvoir permettre un refuge et un endroit d’épanouissement pour les jeunes francophones de l’Ontario (malgré le fait que ce rôle imposé est déjà trop large pour une seule institution), pourquoi cherche-t-on constamment à diluer la francophonie au sein même de celle-ci? Si au moins l’école arrivait à former ses propres enfants dans la langue et culture de l’Ontario et du Canada français, il n’y aurait pas de problème. Comme ce n’est pas le cas, comment peut-on s’attendre à ce qu’elle le fasse avec les ayants droit?

« En effet, c’est en apprenant une langue de leurs parents [qui ne font pas toujours l’effort/ne ressentent pas le besoin d’immerger leurs enfants dans la langue française à la maison] ou des locuteurs natifs qui font partie de leur environnement [c’est-à-dire, leurs camarades de classe, trop souvent unilingues anglophones] immédiat que les jeunes enfants s’approprient les normes linguistiques de la communauté qu’ils deviennent ainsi eux-mêmes des locuteurs natifs de cette langue et qu’ils peuvent éventuellement à leur tour servir de modèle linguistique aux générations suivantes. »

Raymond Mougeon, Perspective sociolinguistique sur le comportement langagier des Franco-Ontariens

Comment alors, les jeunes francophones seraient-ils en mesure de retransmettre quoi que ce soit s’ils n’ont jamais eu la chance de bien acquérir la langue et sa culture associée dès le départ? De toute façon, quelle raison ces élèves auraient-ils pour vouloir l’acquérir tout court? Comme l’a expliqué Rosanna Leblanc en 1969 dans le documentaire de Michel Brault, Éloge du chiac, « parler français parce qu’on est Français, quelle résonance est-ce que ça a chez un enfant qui grandit, qui ne se fait pas de problème de philosophie sur qui il est »?

Déjà dès un jeune âge, l’enfant qui est de langue maternelle française est aliéné, et ce, dans sa propre institution. Ironiquement, c’est au sein de cette même institution qu’il sera écœuré par ses professeurs qui lui répètent « parle français », malgré le fait qu’elles et ils sont responsables pour le contexte poussant l’élève vers l’anglais.

Il ne faut pas oublier les « si vous parlez français, vous aurez des meilleures chances d’avoir un emploi! » fréquemment entendus dans les salles de classe. Comme si le fait de parler sa langue maternelle était justifiable seulement par le fait d’être mieux rémunéré qu’un voisin unilingue! Pourtant, les professeurs continueront à offrir ce raisonnement à leurs élèves parce qu’ils ne sont pas conscients de leur propre culture ou de l’histoire de leur pays. Oublient-ils comment l’union des deux Canada a été achevée? Se rendent-ils compte qu’il existe un autre monde à l’extérieur d’American Idol (laissez faire le défunt Canadian Idol), de UFC et de Jersey Shore?

Bien sûr, il y a des exceptions à la règle. Les bons professeurs existent. Ils exposent leurs élèves à ce qui formera au moins les éléments de base d’une culture générale. Si une faible proportion d’élèves décide de maintenir (au moins en partie) leur identité française, c’est en grande partie grâce aux efforts de ces trop peu nombreux enseignants intelligents et conscients. Ce n’est pas que la culture de langue anglaise est néfaste. Au contraire, la possibilité de s’immerger dans une deuxième langue enrichit sans doute la vie d’un individu. Cependant, si cet individu n’a jamais eu l’occasion de baigner dans la culture de sa première langue c’est certain qu’il la trouvera vide, plate, désuète, inutile, et en conséquence, il l’abandonnera. De toute façon, si on ne cherchait pas à attirer une clientèle anglophone, faudrait-il vanter le bilinguisme autant qu’on le fait actuellement ou pourrait-on insister sur l’excellence du français au lieu?

L’éducation de langue française en Ontario est en danger. Pas par la menace que pose l’anglais, mais par la menace que pose l’instruction par des acculturés et par la menace que pose un milieu anglophone au sein des écoles de langue française. Si on veut pouvoir continuer à vivre en français en Ontario (même si ce n’est pas dans la totalité des sphères de la vie quotidienne), il faudra d’abord former les enseignants en culture et en conscience franco-canadienne afin qu’ils soient en mesure de retransmettre celle-ci à leurs élèves. Apprendre qu’il y a des petits francophones à Shédiac au Nouveau-Brunswick, à Sherbrooke au Québec, à Winnipeg au Manitoba et ailleurs au Canada qui vivent des choses semblables à ceux de Sudbury (ou Ottawa, ou Kapuskasing, ou Hearst) en Ontario, ça peut influencer les choix et ouvrir l’esprit du jeune francophone. Également, il faudra veiller à ce que les élèves qui arrivent en maternelle soient accueillis dans un milieu qui est véritablement entièrement francophone, incluant la cour de récréation. Les conseils scolaires francophones de l’Ontario sauront-ils relever le défi?

La francophonie au Maine

Le Franco-américain? Qui est-il? Une espèce en voie de disparition dites-vous? Pourtant, il mérite tout de même qu’on s’intéresse à lui. Au 19e siècle et au début du 20e siècle, nombreux ont été ceux qui ont quitté le Québec (et par extension l’Acadie) pour la Nouvelle-Angleterre pour travailler dans les usines de textiles, notamment. En fait, de nos jours, il semblerait que près de la moitié de la population de cette région des États-Unis auraient des racines canadiennes-françaises quelconques.

Au Maine, près d’un tiers de la population déclare avoir des racines francophones et près de 7% de la population, surtout concentrée dans trois régions : le nord, le centre et le sud, parlent toujours le français à domicile. De son côté, le comté d’Aroostook compte même plusieurs communautés majoritairement francophones. Fait intéressant, car en 2014, le comté sera l’un des trois hôtes du prochain Congrès mondial acadien qui se tiendra également dans le Madawaska (Nouveau-Brunswick) et le Témiscouata (Québec).

Jason Parent est un fier francophone de cette région. Il est également président du comité organisateur du

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Maine pour cet événement. J’ai profité de cette occasion pour en savoir davantage sur cette communauté francophone méconnue. Quoique parfaitement bilingue, l’entretien suivant est en anglais pour la simple raison que M. Parent affirme avoir plus de facilité à s’exprimer en anglais à l’écrit (l’entretien a eu lieu par courriel).


Briefly, could you paint me a portrait of the present situation of the francophone population in Aroostook County (and the state of Maine).

Maine has the second highest percentage of French Americans in the U.S. Only New Hampshire has a higher percentage of French Americans. In Aroostook County (particularly the St. John Valley region of Aroostook County) many Acadians still speak French at home. See the percentage of French speaking people as cited below in some of the larger communities in the St. John Valley:

Madawaska, Maine (pop. 4,534) – 84% French-speaking

Fort Kent, Maine (pop. 4,233) – 61% French-speaking

Van Buren, Maine (pop. 2,631) – 79% French-speaking

Frenchville, Maine (pop. 1,225) – 80% French-speaking

Eagle Lake, Maine (pop. 815) – 50% French-speaking

St. Agatha, Maine (pop. 802) – 80% French-speaking

St. Francis, Maine (pop. 577) – 61% French-speaking

Grand Isle, Maine (pop. 518) – 76% French-speaking

Saint John Plantation, Maine (pop. 282) – 60% French-speaking

Hamlin, Maine (pop. 257) – 57% French-speaking

The French that is spoken in many of the homes in the St. John Valley is an old world French that is most often mixed with English in the same sentence. For example it would be uncommon for someone in the Valley to refer to a computer by its French term ordinateur – rather the person speaking would likely say the word computer in the middle of an otherwise French sentence.

How has the situation evolved over the years?

The history of a supportive climate for speaking French in Maine has swung from extreme to extreme over the generations and has somewhat settled in a lukewarm place. In the early part of the last century, Maine had the highest percentage of people registered as members of the Klu Klux Klan in the United States. Unlike in the south where the KKK was forwarding an anti-African American agenda, in Maine the KKK was positioned against the French and Catholics. In the middle part of the last century laws were passed by the state prohibiting the speaking of French in schools. If mobile casino French was heard on the playground, students in my parent »s generation were punished for speaking the language and required to write repeatedly on the chalkboard « I will not speak French at school. »

In the 1990″s a revival of sorts happened as a successful grant was written to the Federal Government Department of Education to introduce a new French Immersion Program into schools in the St. John Valley. The immediate results were mixed as not all school districts in the Valley signed on with the project. The schools (particularly those in the western part of the Valley) that didn »t take advantage of the program didn »t do so largely because the damage had already been done by nearly a century of discrimination of the French people. For some, the French Heritage was not something you ran up the flagpole – rather many families chose to hide their ancestry by anglicizing their last name. For example some Roys became Kings, Levesques became Bishops, LeBlancs became Whites, etc. Unfortunately, funding for the project ran out within the last decade. Without funding, the French immersion project is far less effective and has all but disappeared in some of the schools.

Are the younger generations still speaking it?

There is a bubble of youth in the communities that engaged in the French Immersion Program that do speak French quite well. Otherwise, you do hear French spoken by the younger generation on occasion. Much like their parents and grandparents, the French is a unique Valley Franglais.

Do they still have close connections to their heritage?

The coming of the World Acadian Congress has provided a resurgence of sorts for the Acadian Heritage in northern Maine. The youth have a very keen understanding of what it means to be Acadian. They don »t feel that speaking French is a litmus test for being Acadian. They understand that geopolitical decisions, made long before they were even imagined, have dictated the current situation with the erosion of the French language in our region.

Are the older generations still passing it down?

Yes, especially the grandparents. What is particularly heartwarming is that they are passing down the unique local French spoken here to their grandchildren. The youth hear the difference from the more formal French they are learning in school. It sparks an interesting dual learning opportunity and cross cultural experience of sorts.

How often could a visitor hear the french language in public spaces?

Everyday and at all times. It is very dominant in the St. John Valley. What one should expect to hear is that Franglais I noted — a unique blend of French and English that is seamless within the same sentence and seemingly understood by all.

Theoretically, would it be possible to live only in french in certain communities?

Yes. Some more elderly members of the community do live and speak only in French. Government and social agencies have hired personnel accordingly to interface with such citizens in the St. John Valley.

Do you believe that the World Acadian Congress will help advance the situation?

Most certainly. I have always been a believer that economic incentives are the only true motivational force. The St. John Valley has never in my lifetime had such a tremendous opportunity to realize such tremendous economic windfall on the basis of our culture and language. I spoke only French at home before I was enrolled in grade school. From that point forward English became my dominant language because the world around me dictated it be.

From my perspective, cultural and linguistic enlightenment, much like enlightenment on issues pertaining to conservation and the environment, are only realized altruistically by a few « die hards » who really believe in the cause above all else. For the rest, it is not truly embraced until it makes sense to their pocketbook or will benefit their immediate situation. When Maine added a return deposit for beverage containers, nearly the entire population separated its bottles and cans and now bring them religiously to their local redemption center. Had that not been instituted you can bet that the percentage of those recycling would be negligible today. I believe the Congres Mondial Acadien will be the bottle deposit bill for the Acadian Culture and French Language in our region. Like the bottles and cans, our culture its about to find its way to redemption!

What are some of your hopes?

My greatest hope is that we not only save and bolster our French – but renew a pride and confidence in our Brand of French. That we take this opportunity when the Acadian and French World comes to our doorstep to understand and demonstrate that we are just as good as our fellow French speakers around the world. I also hope that our participation as one of the three regions in the International territory of Acadian of the Lands and Forests brings light to the fact that not speaking French is not a disqualifier to being Acadian. There are some people that live in the Valley and other Acadians in Maine and around the United States that don »t speak

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French largely because of the hand that history has dealt them. In all that we do to bring the Acadian Congress to our region, we want for our event in 2014 to say to the World that you are not ex-communicated from the family if you don »t speak French. Our history with the dominant English speaking population in Maine and the efforts to strip us of our pride as citizens of our own state and country because we were different dictates that we understand and have learned that the stick approach is wrong and the carrot approach is much more effective.

And finally, why should one be interested in learning about the history of the francophone population in Aroostook county?

Fundamentally because it is so unique. It is a story defined by triumph over repeated tragedy. The mere fact that we exist as we do today is testament to the spirit of our people. The history of the Acadians in Maine »s St. John Valley is marked with one upheaval after another. From the deportation from Acadie and subsequent migrant people that again lost their homes in present day Fredericton to the separating of families and a people into two different countries after the Bloodless Aroostook War to the hostilities afforded French speakers in Maine in the last century – it is amazing that we are here to tell the story. Moreover, it is exciting that the center of the Acadian universe will be here in just two short years!


Lecture recommandée

Voyages: A Maine Franco-American Reader


Photo: Souper à la résidence de Monsieur J.H. Dubé, fermier de patates, Wallagrass, Maine.
Photographe: Jack Delano, Octobre 1940, National Library of Congress

Ode aux accents

Je suis québécoise et depuis peu, je travaille dans le domaine de la radio, ici, en Ontario. Mon travail exige que je fasse des efforts pour avoir un certain niveau de français. Ça va de soi, puisque ma voix et mon parler sont mes outils de travail (outils sur lesquels j’ai travaillé pendant deux ans, au collège, et sur lesquels je continuerai à travailler toute ma vie).

Depuis mon arrivée dans la province, il m’est arrivé à quelques reprises que des gens me disent être gênés lorsqu’ils parlaient avec moi parce qu’ils trouvaient qu’ils ne «parlaient pas bien français».

Amis franco-ontariens, je tiens à mettre une chose au clair avec vous, ainsi qu’avec l’ensemble des francophones et des francophiles de ce monde : arrêtez tout de suite de vous sentir mal de ne pas «bien parler français».

S’il y a bien une chose qui rend le français magnifique, c’est ses milliers d’accents provenant de partout dans le monde. Pour moi, le fait que notre langue se présente sous plusieurs formes reflète la diversité des gens qui la parlent et prouve qu’elle évolue, qu’elle s’adapte, qu’elle est vivante.

Qu’elle soit parsemée de «là, là», comme au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ou que celui qui la parle termine ses phrases avec des «de» (franco-ontariens, vous savez de quoi je parle de), ma langue, je l’aime et je la trouve belle.

Bien sûr, il y a quand même un certain code à respecter pour ce qui est de l’écrit. Je considère qu’avoir une écriture de qualité est primordial, peu importe la langue. De toute façon, écrire et parler sont deux choses bien distinctes. Je crois toutefois qu’il faut parler le français avec notre cœur, sans avoir peur d’assumer la manière dont il a été façonné par notre histoire.

Bref, que vous ayez un accent belge, québécois, franco-ontarien ou rwandais, ce n’est pas important. L’important, c’est de continuer à parler le français, à le transmettre avec toute sa complexité et sa richesse et, d’abord et avant tout, d’en être fier.

La corde

Lors des premières conciliabules à l’origine de la renaissance de taGueule, on avait proposé qu’on s’appelle La corde. Ce texte poétique fut pondu à cet effet.


la corde
parce qu’il faut
qu’on s’accorde

en dépit du fait
qu’en effet
c’est con sa corde
celle-là la sienne
malsaine

mais la nôtre
tenue toujours à l’horizon
d’une oréalité tantôt
récalcitrante

la corde au coup de foudre
trop tôt ou tard
parce qu’on n’est pas à bout
de souffle

on sait crier
avec nos crayons de soleil

le dessin d’un destin dénudé
des désuets droits aux buts
sans bornes sur lesquelles
on pourrait se pendre
au lieu de se
répandre


Photo: Corde en tête, Etienne Revault, 1991

Les grenouilles en voie de disparition dans le Nord de l’Ontario

M. David Lesbarrères, biologiste à l’Université Laurentienne, nous explique que les amphibiens sont en voie de disparition dans le Nord de l’Ontario.

« Les populations d’amphibiens font face à de nombreuses menaces dans le Nord de l’Ontario telles que la disparition des habitants, l’absence de connectivité et les MIE (les Maladies infectieuses émergentes des amphibiens) », dit-il.

En fait, la situation à Sudbury présenterait un cas extrême. Le sort des grenouilles, déjà menacées par ces facteurs externes, serait empiré par une cannibalisation de leurs effectifs. Au lieu de veiller au bien-être de leurs populations, plusieurs grenouilles plus âgées empêcheraient l’épanouissement des têtards en consommant les substances nutritives de leurs œufs avant que ceux-ci aient éclot.

Heureusement, M. Lesbarrères affirme être à la recherche d’une solution. « Ma recherche intègre ces différentes menaces pour mieux appréhender l’adaptation aux changements environnementaux de manière à améliorer notre compréhension du déclin global des populations d’amphibiens », précise-t-il.

Qui le sait? D’ici peu de temps, peut-être que le chercheur trouvera une solution permettant aux grenouilles de s’épanouir à nouveau dans le contexte laurentien, le Nord ontarien, le Canada en général, et même le monde entier.

L’ennemi parmi nous

On a beau critiquer les actions originaires de la communauté anglophone de l’Ontario, mais ce serait oublier un grand problème existant chez les jeunes Franco-Ontariens. Si ce n’est pas la réalité de toute la province, ce l’est au moins dans la région de Toronto, où cohabitent deux conseils scolaires de langue française. De l’extérieur, ces bâtisses représentent tous les exploits et les sacrifices des Canadiens français s’étant battus pour leurs droits, des Patriotes à nos jours. On s’attend alors à y retrouver des jeunes fiers de leur langue, de leur culture et de leur héritage. Malheureusement, on sait bien que les apparences sont très souvent trompeuses, comme dans ce cas. En y posant pied, on n’entend pas un seul mot de français de la part des élèves. En effet, c’est l’anglais, et même parfois l’arabe, qui y est la langue d’usage. James Whitney, le Premier Ministre de l’Ontario qui a fait passer le célèbre Règlement 17, en serait très fier.

Il est vrai qu’autrefois l’ennemi du Canadien français était l’Orangiste, mais de nos jours, il est son propre ennemi. Pourrait-on vraiment dire que tous les élèves de ces écoles dites francophones sont des Franco-Ontariens? Aucunement. Ce serait une terrible insulte envers tous ceux et celles qui ont tant fait pour les droits des Canadiens français, mais surtout des Franco-Ontariens. Tandis que certains renient leur héritage francophone, d’autres le dissimulent. Ce n’est qu’une petite minorité qui s’affirme et se dit fière. Évidemment, ce n’est pas facile pour eux, se retrouvant comme victimes dans l’institution qui se devait de les protéger. Ils se font ouvertement appelés « fags » et on les critique pour leur choix linguistique pas « cool », mais qui est, après tout, le leur.

Si un étudiant francophone voulant s’exprimer dans la langue de ses aïeuls dans une école francophone se fait demander : « Why are you speaking french? », alors comment peut-on espérer une solidarité franco-ontarienne? Si un étudiant demandant à son enseignant d’éducation physique s’il peut regarder une vidéo d’exercices en français se retrouve sur le banc dans ses équipes sportives, comment peut-on croire que ces écoles promeuvent vraiment notre culture et notre langue? Si un enseignant crie après une élève de neuvième année ayant demandé de regarder une vidéo en français et qu’elle en pleure, peut-on espérer un meilleur avenir pour notre minorité? Si, dans une école, un élève ne peut être lui-même sans être persécuté, arrêtons de dire que tout va bien et cherchons des solutions.


Photo : Archives de la ville de Toronto

Cornwall: le docteur est malade

Début février, le bon Dr Dany Tombler s’offusque de la publication d’une publicité qui vise à recruter des infirmières à l’Hôpital communautaire de Cornwall. La raison? La politique d’embauche d’infirmières bilingues dont l’hôpital s’est doté pour respecter ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français de l’Ontario.

Le bon Dr Tombler invite les bons Cornwalliens (Cornwailleux? Cornwallois?) à cesser de contribuer à la campagne de financement du méchant hôpital.

Apparemment, pour le Dr Tombler, les besoins des patients francophones de la région sont secondaires. Que voulez-vous? C’est en anglais qu’il a fait son serment d’Hippocrate.

Le canton voisin, South Stormont (SS), s’empresse de suspendre son financement annuel de 30 000 $, qui doit être versé jusqu’en 2015 pour contribuer au projet d’immobilisation de l’établissement. La mairesse suppléante Tammy Hart déclare même qu’« en ces temps d’austérité, l’abolition du ministère ontarien des Affaires francophones » devrait être envisagée.

Bon. Je n’habite pas à SS. Je n’y habiterai d’ailleurs jamais. Mais cette guéguerre doit préoccuper tous les Franco-Ontariens. On parle de sacrifier le ministère des Affaires de la minorité sur l’autel de l’économie. La communauté franco-ontarienne n’en a rien à gagner, à part peut-être la disparition de Madeleine Meilleur.

La main invisible de l’opinion publique

On parle souvent de la main invisible de l’économie, un concept à la limite du ridicule selon lequel le marché est régulé par une sorte de main fantôme. Et de nombreux économistes, pourtant peu versés dans la parapsychologie, y croient dur comme fer.

Alors permettez-moi d’inventer la main invisible de l’opinion publique franco-ontarienne. Cette main pointe actuellement vers l’hôtel de ville de SS et son majeur est bien haut dressé.

Contre-attaque

Peut-on raisonner les élus de South Stormont en utilisant des arguments constitutionnels? Peut-être, mais il apparaît plus sage d’utiliser la même arme économique qu’ils invoquent.

Voilà ma proposition: le premier blocus économique franco-ontarien.

Ainsi, je m’engage solennellement à ne plus arrêter faire le plein, manger ou dépenser le moindre sou à SS tant que le financement municipal pour l’hôpital ne sera pas rétabli, tout en préservant la politique d’embauche bilingue de l’hôpital. J’invite les Franco-Ontariens, les Québécois, les francophiles, les anglophones tolérants et tous les autres mammifères sensés à faire la même chose.

Si les élus de SS se montrent imperméables aux arguments historiques et constitutionnels, ils ne le seront pas face à des gens d’affaires aux abois.

Une fois le financement annuel de 30 000 $ rétabli, nous retournerons manger dans les fast-food de SS, qui provoqueront des indigestions. Nous nous dirigerons ensuite fièrement vers l’hôpital communautaire de Cornwall, fraîchement rénové, où nos maux de ventre seront soignés dans la langue de notre choix.

La génération franco-prime

« Franco-prime! » s’exclama l’enseignante.

« But Madame, I don’t even know how to say ‘Mega-Zord’ in French! » réponda l’enfant.

« Maintenant tu vas m’en devoir deux ».

« This sucks! I never get to go to the Franco-fête madame! » s’exprima à nouveau l’enfant.

« Bon ça y’est, tu as déjà perdu tes trois franco-primes pour la semaine, Jeffrey. »

Une scène fréquente dans les salles de classe de l’Ontario français des années 90. Visant à encourager les jeunes à parler en français en leur accordant une récompense à la fin de l’année (encan, sortie scolaire ou autre), les Franco-primes ont souvent eu l’effet inverse dans les écoles franco-ontariennes.

Étant donné le manque de succès de ce système, il a finalement été écarté au début des années 2000 en raison de la hiérarchisation (non voulu) qu’elle créait au sein des salles de classe de l’Ontario français. Toutefois, un équivalent a été créé depuis : les Étoiles du mois. Au lieu de récompenser les enfants avec des sorties scolaires ou des encans, on fait tout simplement proclamer le fait qu’un enfant parle plus souvent le français que ses camarades de classe devant l’école au complet durant une cérémonie au gymnase et on lui accorde un certificat.

Bien que l’initiative vise à souligner l’effort que fait cet enfant et faire de lui l’exemple à suivre pour ses camarades de classe, la pratique demeure problématique à plusieurs égards.

Premièrement, en créant une hiérarchisation de la langue dans les salles de classe comme les Franco-primes le faisaient jadis, les Jeffrey de l’exemple ci-dessus n’ont habituellement aucune chance de remporter un tel certificat ou d’être valorisés pour l’effort qu’ils consacrent à parler le français.

Un deuxième problème n’est pas le fait qu’on cherche à souligner le franc-parler des « étoiles du mois », c’est plutôt le fait qu’on cherche à valoriser ce qui devrait être la norme. Existe-t-il des initiatives où l’on souligne le fait qu’un élève parle mieux l’anglais que le restant de ses camarades de classe dans les écoles de langue anglaise de la province?

Finalement, il faut souligner le fait que ce genre de système n’a pas les effets voulus. Au lieu de rassembler les élèves au gymnase de l’école pour une cérémonie mensuelle, ne pourrait-on pas concevoir une activité en salle de classe où les jeunes seraient responsables de consommer de la culture francophone en salle de classe? Au lieu qu’on impose le premier disque de Gabrielle Destroismaisons (il a dix ans quand même…) durant une session formelle de formation culturelle, il serait sans doute plus sage de laisser les élèves guider la recherche culturelle. Pourquoi ne pas les envoyer faire une recherche collective dans Internet afin de trouver un nouveau disque de musique ou un film de langue française pendant 30 minutes?

On me dira que le « big bad Internet » est plein de cochonneries et que ça ne serait pas prudent de faire ainsi. Est-ce vraiment plus dangereux de faire une recherche pour de la musique émergente ou des clips d’émission de télévision que de faire une recherche sur Jacques Cartier? Ne vous inquiétez pas, ça sera sans doute moins pire que le contenu du nouveau Call of Duty que vous avez acheté à votre enfant la semaine dernière (la cote M désigne 17 ans et plus pour de très bonnes raisons…) Il semble que cela serait une utilisation plus efficace non seulement des outils disponibles aux écoles (connexion Internet, projecteurs multimédias, tableaux d’affiche) mais également du temps de préparation des enseignants. Cette solution réduirait effectivement le montant de travail qu’engendre la formation culturelle dans les écoles de langue française de l’Ontario.

Qui le sait? Peut-être que les enseignants profiteraient aussi de ces recherches…