Deshonoris causa

Monsieur le recteur Robert Haché,

Nous sommes au printemps 2002. L’Université Laurentienne m’annonce vouloir me conférer un doctorat honoris causa.

Je me rends à Sudbury avec ma fille. Marielle a onze ans. C’est une aventure. Sa première fois dans le Nord.

Je me souviens d’un ciel bleu ensoleillé. Je me souviens d’un auditorium rempli des jeunes visages des frais diplômés qui rayonnent, des visages moins jeunes mais tout aussi rayonnants des fiers parents et grands-parents.

Je me souviens de Denise Truax et de Denis St-Jules et de plusieurs autres ami.e.s qui me félicitent. Et se peut-il que Gaétan Gervais (un des papas du drapeau vert et blanc) ait été là lui tou?

Je me souviens surtout et, ô si bien, du beau grand sourire de feu Robert Dickson. Marielle et moi, nous avons partagé avec lui un repas ce soir-là sur la rue Patterson dans la salle à manger qui se retrouve au-dessus de la roche enceinte de poésie au sous-sol. Et Marielle nous regarde drôlement quand Robert et moi nous tentons de lui expliquer l’image de Patrice Desbiens.

Ce jour-là, je suis fier et je rayonne parce que ça fait toujours chaud au cœur d’être reconnu par ses pairs, sa communauté, son monde. Ok. Oui surtout devant sa fille de onze ans.

Et je m’en souviendrai encore longtemps.

Mais cette Université Laurentienne là n’est plus. POUF! Disparue.

Et la Laurentian University wouldn’t know me from a hole in the wall.

La Laurentienne avait ses lacunes mais les Robert Dickson et les Gaétan Gervais (et combien d’autres collègues) y enseignaient. Et c’est au cours de leurs carrières à la Laurentienne qu’ils / elles ont écrit et créé et pensé et milité et ils / elles ont changé notre monde.

Depuis ce lundi, ils n’ont plus leur place sur le campus, leurs programmes et départements ont été éliminés, même leurs héritiers ont été renvoyés de façon sommaire.

Par vous.

Pis ça c’est triste. Et fâchant. Surtout triste. Mais fâchant en crisse aussi.

Monsieur Haché, je vous écris aujourd’hui parce que si je chéris le souvenir de mon passage à Sudbury au printemps 2002 et ce ‘honoris causa’ de la Laurentienne d’antan, vos actions récentes me heurtent profondément. Leurs violences m’horripilent. Et je redoute leurs conséquences.

Et vous osiez citer CANO et Dickson en vous vantant d’être ‘un flambeau de la francophonie ontarienne’ alors que vous vous prépariez à vous placer sous la loi sur les arrangements avec les créanciers????

Monsieur Haché, vous et vos semblables prédécesseurs auront à répondre de vos gestes.

‘Notre communauté’ vous regarde et vous juge.

Pour ma part, après avoir écouté certains parmi ceux et celles qui ont été licenciés me raconter leur journée du lundi, je me vois mal conserver un lien avec une institution qui renie les bons coups de son passé, qui tourne le dos sur le rôle qu’elle aurait pu jouer dans l’avenir, et qui agit aussi mal avec mes ami.e.s.

En guise de solidarité avec tous les profs et étudiants qui ont tellement perdu ce lundi, je renonce donc (avec regret) aux titres et privilèges attachés au doctorat honoris causa qui m’a été décerné en 2002.

La résistance ne fait que commencer.

En appelant à la levée du bâillon (légal mais illégitime) imposé par le juge responsable de la restructuration de la Laurentian University et à la tenue d’une enquête fouillée pour déterminer les véritables causes du fiasco financier qui a provoqué cette crise.

Jean Marc Dalpé


Photo: La Presse

Appel à la mobilisation!

Le temps est venu pour que la communauté franco-ontarienne se mobilise à nouveau pour revendiquer son droit à une université de langue française en Ontario. Quand je parle de mobilisation, je ne parle pas juste d’une mobilisation étudiante, mais d’un véritable mouvement communautaire franco-ontarien. Une université autonome, créée et gérée par et pour les francophones, c’est une question de société essentielle à notre avenir collectif. Nous avons les nombres. Nous avons les compétences. Il ne manque qu’un signal clair et concerté des Franco-Ontariens que nous la voulons vraiment cette université.

Après avoir fait mon bac au sein d’une université bilingue, après avoir voyagé dans plusieurs villes de la province et avoir rencontré des étudiants d’un peu partout, après avoir animé de multiples consultations et événements en tant que coprésidente du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), pour moi le constat est clair : les institutions bilingues ne répondent pas aux besoins et aux aspirations de plusieurs étudiants francophones de cette province.

Fois après fois, j’ai entendu des témoignages du type :

«Ce n’est pas possible de terminer mon programme en français» ;
«Mon cours en français a été annulé» ;
«On m’a vendu un programme en français, mais j’ai reçu un programme bilingue» ;
«Mon programme n’est pas offert en français» ;
«La vie culturelle en français sur mon campus est limitée» ;
«La minorisation des francophones dans les instances décisionnelles de mon campus est visible» ;
«Je ne me sens pas 100 % à l’aise sur mon campus».

Nous méritons et avons droit à mieux que ça !

Si je me suis impliquée au sein du RÉFO, c’est parce que ces limites à nos choix, cette obligation de tolérer des programmes et services réduits alors que notre communauté fait face aux ravages de l’assimilation et de l’acculturation, ça ne me tente plus de l’accepter. Je crois que la question de la mise sur pied d’une université de langue française, gérée par et pour les francophones, doit devenir notre projet d’avenir, notre prochaine «Guerre des épingles», notre prochaine lutte pour les collèges, notre prochain Montfort. L’avenir de notre communauté en dépend. Le temps n’est plus à se demander si nous avons besoin de notre propre université, mais bien comment y arriver !

(Si les justifications derrière le besoin d’une université de langue française vous intéressent, je vous invite à visiter le site web du RÉFO.)

Maintenant, comment y arriver ? Comment rallier la communauté ? Comment demander au gouvernement de renverser l’injustice historique qui nous prive d’avoir accès à une université autonome comme l’ont les Acadiens, les Franco-Manitobains, les Anglo-Québecois ? On y a pensé longtemps (et on continue à y réfléchir).

Pour stimuler cette réflexion et mobiliser la communauté envers ce projet, le RÉFO lancera d’ici quelques semaines les États généraux sur le postsecondaire en Ontario français, c’est à dire un large processus de réflexion communautaire, qui se poursuivra jusqu’à l’hiver prochain. Ces États généraux rassembleront tou.te.s les actrices et les acteurs intéressé.e.s par la question : jeunes et aîné.e.s, étudiants et professeurs, parents et enseignants. Nous pourrons ensemble déterminer les besoins que nous devons adresser ensemble pour la prochaine décennie et des étapes à franchir pour faire de l’Université franco-ontarienne une réalité.

Et les institutions bilingues dans tout ça ? Je les invite à embarquer dans le projet, il faut joindre nos forces. Depuis des décennies, nous avons essayé le modèle bilingue et il est irréfutable qu’il comporte des failles. Mais cela n’est pas une raison de tout jeter à la poubelle. Nous avons plusieurs professeurs de qualité, des facultés francophones, des instituts et des chaires de recherche, des associations étudiantes… Sans compter tous les membres de l’administration que j’ai eu la chance de rencontrer et qui ont le cœur à la bonne place. Il y a une expérience et une expertise importante dans ces institutions : à nous de les utiliser intelligemment.

Chers lecteur et lectrices, l’Université de l’Ontario français est un projet essentiel pour notre avenir collectif. Je vous invite toutes et tous à participer activement à la discussion. À sortir de vos zones de confort et à revendiquer vos droits ! Pour les sceptiques et les cyniques, on veut aussi vous entendre. Rien n’a jamais été gagné en gardant le silence. C’est important de ne pas perdre le momentum. Assurons-nous que cette fois-ci soit la bonne !

Nous possédons déjà une gouvernance autonome au sein de nos conseils scolaires et nos deux collèges francophones. L’Université franco-ontarienne est la dernière brique dans notre pyramide éducative. C’est une étape nécessaire à l’épanouissement, à la pérennité et au rayonnement de la communauté franco-ontarienne dans le temps et dans l’espace.


taGueule a originalement publié ce texte avec une préface signé par son comité d’édition qui aurait pu être perçu comme une action pour discréditer les propos ci-haut. Ce n’était pas du tout son intention, et pour cette raison, nous avons effacé la préface maladroite. taGueule n’est pas parfaite.

Lettre ouverte : Écraser pour mieux avancer…

TaGueule existe depuis près de deux semaines déjà. Quel accomplissement! Une première visite sur le site internet impressionne. Il a fallu beaucoup d’effort, d’énergie et de consultation entre confrères et consoeurs pour arriver à un tel succès! Et cela entre francophones, convaincus ou non, de leur identité. L’important c’est qu’on se parle, qu’on se dise comme on est; que ce soit beau ou non.

Sur ce, un lecteur, une lectrice ne peut faire autrement que de remarquer le ton que prend taGueule. Bien sûr il s’agit de partager une critique, une opinion, des faits sur ce que vivent, connaissent et subissent même parfois les Franco-Ontariens. Mais il s’agit aussi et surtout de commenter ces articles. Doit-on toujours le faire de façon négative? On ne doit pas nier l’existence de problèmes flagrants dans nos communautés. Au contraire, il faut se le dire! Mais doit-on toujours employer un ton négatif pour le faire?

Il est possible de présenter les forces, les faiblesses, les manques d’intérêt, les frustrations, les défaites, les cruautés, les manques de compréhension, de justice et ainsi de suite dans un langage respectueux. Les francophones sont-ils arrivés au point où ils doivent écraser tout ce qui leur déplait pour croire qu’ils avancent et qu’ils favorisent le changement? En s’abaissant continuellement on ne se fait aucune faveur. Nous ne sommes pas une race éteinte! La preuve c’est que nous sommes là, que vous êtes là et que vous parlez.

Pour revenir à taGueule, les commentaires devraient être reliés aux articles, non? Alors, pourquoi toujours viser et accuser celui qui n’est pas d’accord avec nous et le traiter de con… au lieu de commenter l’article lu ? Nous avons tous quelque chose de beau en commun: taGueule. Alors, pourquoi ne pas se respecter entre nous et tenter de comprendre le point de vue de l’autre sans l’abaisser. Ça manque de goût et de maturité.

Il est évident que tout n’est pas rose ni positif, mais comme francophones de la race humaine, faisons-nous une faveur et tenons-nous debout, ensemble pour avancer et non reculer.

Et à ceux et celles qui croient que leur séjour dans les écoles francophones ne leur ont pas été favorables et bien vous en prouvez le contraire en faisant partie de l’équipe de taGueule! Faut pas lâcher!

En espérant avoir été directe tout en gardant mon intégrité.

 

Nicole Laforge


Depuis la réception de cette lettre, taGueule a mis en place une Politique de commentaires. Veuillez la consulter ici.

Lettre aux éditeurs: À qui revient la responsabilité?

Si mon enfant ne sait pas ou ne veut pas s’exprimer en français, c’est de la faute des enseignants et des enseignantes. Si nos élèves préfèrent s’exprimer en anglais, c’est à cause de nos directions et de nos conseils qui ne nous appuient pas. Si on ne veut pas parler français, c’est à cause des systèmes de valorisation comme L’étoile du mois ou les Franco-primes,… et bla bla bla! Il faut arrêter de publier des articles biaisés qui ne montrent qu’une facette du problème.

La réalité est qu’il manque certains éléments importants à notre équation. Les parents, la famille, ainsi que la communauté existent aussi. Avec le monde de l’éducation, ils jouent un rôle primordial pour que nos jeunes développent un sentiment d’appartenance face à leur langue et à leur culture.

Il est juste de dire que l’école doit inclure dans sa programmation des évènements, activités, groupes de musique, troupes de théâtre, choix de lecture, choix de musique, tournois sportifs et ainsi de suite. Et à l’école élémentaire? Il est possible d’organiser des jeux de balles, de cordes, de marelle ainsi que de développer du vocabulaire sportif et d’encourager (sans punir) qu’il soit employé dans la cour d’école. De plus, le personnel enseignant et non enseignant doivent aussi se montrer authentique dans leur façon de promouvoir leur culture. Et surtout, ils doivent s’exprimer en français dans l’école, entre collègues et devant les élèves. Malheureusement, les jeunes enseignants semblent pour la plupart négligeants de ce côté. Pourquoi? Je pense sérieusement que les conseils scolaires francophones ne se donnent pas la peine d’embaucher des enseignants convaincus ni, si on peut se permettre l’expression, « la crème de la crème ». On se contente de prendre les premiers venus avec une éducation qui laisse à désirer et, zéro ou peu d’expérience, car voyez-vous, on économise ainsi en n’ayant pas à les payer aussi cher qu’on rémunérerait un enseignant ou une enseignante ayant un certain montant d’années d’expérience. De plus il serait de mise d’affirmer que l’École des Sciences de l’éducation ne fournit pas les outils nécessaires ni la formation aux sujets qui seraient aptes à créer des éducateurs imprégnés de la culture et de la langue française (même s’ils ne sont pas eux-mêmes franco-ontariens car ceux-ci doivent aussi connaître notre culture s’ils veulent enseigner dans nos écoles). Lorsque les éducateurs ne sont pas authentiques dans leur appartenance et leur fierté franco-ontarienne, comment peuvent-ils transmettre quelque chose d’aussi important aux jeunes?

Cela dit, n’oublions pas le rôle des parents dans cette histoire. Ces derniers sont souvent les premiers à blâmer les écoles et les enseignants de ne pas relever le défi: « c’est à cause de l’école si nos enfants ne veulent pas s’exprimer en français! » Sûrement en partie. Or, si le parent ne fournit pas à son enfant l’occasion de vivre sa culture en l’accompagnant à des spectacles de musique, des pièces de théâtre, des activités communautaires et sportives dans sa langue, comment développera-t-il un sens d’appartenance et de fierté? Voudra-t-il s’exprimer en français si ses parents ne le font même pas? Le folklore, les traditions, les mets et recettes,… franco-ontariens et canadiennes-françaises occupent une grande place pour nous et si on a perdu ou oublié ces choses et bien elles se retrouvent! Et voilà le rôle de notre communauté francophone. C’est à elle que revient la responsabilité de retracer, d’organiser de telles activités et d’inviter la communauté à y participer.

Voilà! Ce n’est pas en se blâmant l’un l’autre qu’on arrivera à rendre vivante notre francophonie, mais en se responsabilisant et en travaillant ensemble! Ce n’est qu’à partir de ce moment que nos enfants auront une chance de survivre et de vivre fièrement leur langue et leur culture franco-ontarienne si riche en expériences de vie et si belle dans toutes ses saveurs.