Sorry, I Don’t Speak French: Anti-bilingualism Protest in Cornwall Demands “Equality For All”

Welcome to the first installment of Sorry I don’t speak French, taGueule’s way of opening dialogue between what are too often known as “two solitudes”  here in Canada. We will occasionally publish articles in English (or translate some of our hottest French articles) in order to seek out opinions from the anglophone community.


“Equality For All” ?

As you may have heard, bilingualism has been the target of the media in the last few months. Whether it was the Fraser institute’s report saying that bilingualism costs 2.4 billion dollars annually to maintain in Canada, the appointment of a unilingual justice to the Supreme Court, the appointment of a unilingual auditor general by Stephen Harper’s Conservatives, the Official Languages Act is taking a beating in comments sections in Sun Media sources across the country. More recently in Cornwall, protesters have taken action against what they claim are “unfair hiring policies” at Cornwall Community Hospital.

According to protestors, the hospital’s administration is only hiring bilingual nurses and letting go staff who are not because of its designation under the Ontario French-Language Services Act (also known as La loi sur les services en français or Loi 8). South Stormont’s city council (who relies on the Cornwall hospital) also decided to withold its annual $30 000 donation to the hospital for the same reason.

So What’s The Problem Here?

The protestors and the city of Stormont are missing the point. In a city like Cornwall, where 30% of the population is francophone, isn’t the additional skill of speaking French a desireable quality for a candidate applying to a nursing position? Consider the following. A middle-aged woman is rushed to the hospital yelling: “J’ai mal au cœur, j’ai mal au coeur!” A non-fully-bilingual nurse could misinterpret the woman saying “j’ai mal au cœur” as saying she has chest pain. While this is indeed a literal translation, French-speakers know that having “mal au cœur” actually means having abdominal pains. As it turns out, the woman’s appendix bursts and she requires immediate surgery. Do we really want a disproportionate number of unilingual nurses working at this hospital? Don’t agree? Why not listen to this CBC radio interview with the Mayor of South Stormont and the chair of the Cornwall Community Hospital and decide for yourself?

What’s the deal with the hypocrisy of the protestors? Slogans like “Equality for All” or “Fairness in Full-Time Positions. Education + Experience before Language” can be read on their signs. Surely, learning French isn’t added education or anything like that. If a unilingual francophone applied for the same position, he or she obviously wouldn’t be hired in a hospital where about 70% of the patients only speak English, that would be absurd! Where does the bigot at 1:30 in this video get off with his claims that a unilingual Canada would save billions of dollars? When did the francophones from Cornwall say they wanted a separate country? Isn’t the fact that the FLSA exists a testament to the fact that francophones are proud Canadians and wish to remain so? Isn’t the fact that they want to be served in their language in their homeland demonstrating their love for their country? Buddy, we live here too!

What’s up English Canada? I know people like this are the minority, but where did they come from? I’m not blaming you, but I’m curious. More importantly, what Canada did they grow up in? It sure as hell isn’t the same one I did.

[hr]

March 8th 2012, 11:32 pm edit: For anyone wondering whether or not the bilingualism policy means that all jobs be bilingual at the hospital, here is an official statement from the hospital stating otherwise.

Photo: Des manifestants dénoncent la nouvelle politique d’embauche de l’Hôpital de Cornwall, Radio-Canada

L’Ontarienne débarque

J’attends depuis plus d’une heure pour renouveler ma carte étudiante et le gars au comptoir me demande si j’ai une autre pièce d’identité, quelque chose de plus officiel, comme une carte émise par un ministère. Un peu confuse, je lui réponds que je ne sais ce qu’il veut de plus… «Un permis de conduire, il me semble que c’est assez officiel, non?!» Le gars regarde à nouveau ma pièce d’identité et se rend compte (enfin!) que c’est un permis ontarien. C’est aussi à ce moment qu’il m’adresse la parole en anglais. Inutile de lui demander pourquoi, je connais malheureusement déjà la réponse, qui est toujours sensiblement la même. Il va probablement m’expliquer comment le cousin de son père, qui a déménagé à Toronto dans les années 1980, s’est fait assimiler et comment, selon cette logique, il est convaincu qu’il n’y a pas réellement de francophones en Ontario. Chaque fois que j’entends ce genre de réplique, je me demande s’il s’agit d’une blague. Comment peut-on ne rien connaître au sujet du plus gros contingent de francophones habitant à l’extérieur du Québec?  Plus d’un demi-million de personnes!

J’ai grandi dans le Nord ontarien, dans une région où l’assimilation n’était pas un enjeu et où il fallait même plaider avec les élèves pour qu’ils parlent anglais. Situation rare, certes, mais qui existe néanmoins dans quelques villes ontariennes. Étonnamment, l’événement qui marque ma prise de conscience ne fut pas tellement mon arrivée en région majoritairement anglophone, mais plutôt mon déménagement dans la province voisine. Je me suis réellement identifiée comme Franco-Ontarienne, ayant des motivations politiques et culturelles distinctes, pour la première fois de ma vie en habitant au Québec; preuve que la langue n’est pas toujours un facteur d’unification.

Il faut dire que j’ai été surprise d’apprendre combien de Québécois ignorent l’existence des communautés francophones hors province. À maintes reprises, j’ai dû expliquer, même à des collègues historiens, que la présence française en Ontario date depuis longtemps et qu’il est effectivement toujours possible d’y vivre en français. Il me semblait parfois farfelu d’expliquer à des universitaires comment le reste des Canadiens français n’avaient pas soudainement cessé d’exister au moment de la Révolution tranquille, du moins, pas sur le plan démographique. J’ai vite compris que les liens de solidarité avec le Québec étaient très faibles, même si, en réalité, la frontière ontarienne se trouvait tout près, à une centaine de kilomètres.

Je suis partie au Québec pour poursuivre mes études en français. Non pas parce que c’était impossible en Ontario, mais parce que le choix de programmes dans mon domaine était limité. À peine quelques minutes après ma première rencontre avec mes collègues, j’étais vouée à être l’anglophone du groupe. Ce n’était pas à cause de mon accent, mais plutôt à cause de mon origine, qui, en quelque sorte, garantissait que je maîtrisais probablement mieux l’anglais. Si je m’exprimais relativement bien en français, c’était sûrement parce que j’avais habité près de la frontière ou encore parce que mes parents étaient Québécois. Impossible que ce soit plutôt à cause des institutions francophones que j’avais fréquentées. Non. Impossible. «Tu parles très bien français pour une anglophone!» Comment même réagir à cette remarque sans perdre son sang-froid?

Pourtant, l’existence des Franco-Ontariens ne m’avait jamais paru extraordinaire considérant le nombre de minorités linguistiques éparpillées partout dans le monde. À peine débarquée dans ma nouvelle province, je me retrouvais soudainement, malgré moi, embarquée dans une croisade cherchant à prouver et à légitimer ma francophonie auprès de mon nouvel entourage. Je passais mon temps à fournir des explications détaillées sur l’histoire du fait français en Ontario. Pire encore, je justifiais, avec des arguments irréfutables, pourquoi j’avais aussi le droit de vivre en français.

Il n’est certainement pas facile de vulgariser la situation des francophones en Ontario, mais obstinément, j’ai voulu informer mon entourage quant à la complexité de la question. À maintes reprises, j’ai pris soin d’expliquer comment la francophonie se vivait différemment en situation minoritaire. J’ai aussi expliqué à quel point les Francos-Ontariens étaient éparpillés partout en province, rendant parfois difficile le ralliement. J’essayais ultimement d’inculquer à mon entourage qu’il y avait des gens qui continuaient – par choix – de vivre en français en Ontario, malgré leur situation minoritaire. C’était malheureusement un débat perdu d’avance. À la fin, j’étais épuisée de réitérer sans cesse la même chose. La plupart du temps, on ne se gênait pas pour me rappeler que j’étais seulement un dead duck, dont toutes les luttes, passées et futures, étaient futiles.

Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie comme si c’était peut-être illogique de vouloir continuer à vivre en français en Ontario en n’ayant pas l’appui du Québec; questionnement qui ne m’était pourtant jamais venu à l’esprit auparavant. Malgré l’opposition parfois féroce de certains groupes unilingues anglophones en Ontario, parler et vivre en français avait toujours été pour moi un fait accompli. Il me semblait alors paradoxal que l’attitude défaitiste envers les francophones hors Québec soit plus forte dans la «belle province» que dans ma province d’origine. À vrai dire, je n’avais jamais rencontré un si haut niveau d’opposition à l’idée d’une francophonie pancanadienne avant mon arrivée au Québec. Alors que je me retrouvais enfin entourée de gens qui parlaient français quotidiennement, j’avais constamment du mal à m’intégrer tant à l’université qu’au petit pub du coin. Toutes les discussions revenaient sans cesse aux questions linguistiques et à la notion des deux solitudes. Originaire de l’Ontario, on considérait rarement mon opinion sérieusement; comme si, venant du Canada, j’étais automatiquement une fervente fédéraliste. Manifestement, l’absence de communication entre les groupes francophones au pays avait donné naissance à un dialogue de sourds.

C’est après plusieurs mois que j’ai enfin compris. «Tant pis, câlisse! Ce que pensent les Québécois n’est pas important!» Le refus systématique du Québec à être solidaire avec les francophones ailleurs au pays ralentit peut-être l’avancement des projets en Ontario français, mais il ne les empêche certainement pas. Si on parle encore français en Ontario aujourd’hui, c’est, à mon avis, malgré le Québec, qui préfère se donner une vitrine internationale plutôt que de tisser des liens avec le Canada.


Image: Gadaffi Duck, Inkbot Design, 2011

Trou Story : Un gros trou démocratique

Il y a un vieux proverbe cri qui dit « Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson pêché, alors vous découvrirez que l’argent ne se mange pas. ». Voilà la citation à laquelle j’ai pensé après avoir vu le documentaire « Trou Story » de l’auteur-compositeur-interprète Richard Desjardins et du réalisateur Robert Monderie. Le duo nous avait offert « L’erreur boréale », qui portait sur l’industrie forestière, en 1999. Dans ce film coup-de-poing, l’équipe Desjardins-Monderie nous présente un portrait de l’histoire de l’industrie minière au Canada et au Québec. Ils jettent la lumière sur cette dernière à l’aide d’archives, de statistiques et de témoignages. Ils accusent les entreprises minières de récolter des profits exorbitants sans le moindre souci pour l’environnement, les travailleurs ou les populations affectées.

Le film nous emmène d’abord dans un voyage dans le temps guidé par des photos et des films du peuplement du Nord-Est ontarien et de l’Abitibi. On se penche sur la formation des mines de Sudbury (cuivre et nickel), Cobalt (argent) et Timmins (or) en Ontario, pour terminer avec celle de Rouyn-Noranda (cuivre et or) au Québec.

On constate que depuis leurs débuts, les mines constituent un grand moteur du capitalisme. Elles ont mené à la création d’empires et ont permis à un grand nombre d’industriels d’accumuler des fortunes immenses. On a notamment exhumé à Timmins, en Ontario, sept fois plus d’or que dans toute l’histoire du Klondike, une quantité équivalant aujourd’hui à 100 milliards de dollars.

Pendant des années, les mines ont pillé les ressources de la terre et pollué avec une impunité quasi-totale. Selon les réalisateurs, « La région entre Rouyn-Noranda et Val-d’Or est « l’une des plus importantes poubelles d’Amérique du Nord». Les vues aériennes de rivières et lacs pollués par les résidus sont sans équivoque. Pour ceux qui habitent autour des mines, on ne sait rien des conséquences sur la santé des métaux lourds. Au Canada, les normes de contamination n’ont pas été revues depuis 30 ans ».

Des conditions de travail effroyables

Par ailleurs, les entreprises minières ont exploité leurs travailleurs. Au début du siècle, la plupart des employés des mines étaient des immigrants venus d’Europe. Ils avaient des conditions de travail effroyables et couraient de grands risques. Ils travaillaient 10 heures par jour, six jours et demi par semaine, dans le fond des mines pour des salaires de misère. À cette époque, l’espérance de vie d’un mineur était de 46 ans.

Les risques pour la santé de la population étaient et demeurent énormes dans les régions minières. Pendant très longtemps, l’industrie a refusé de reconnaître le lien existant entre l’exposition à la pollution et le développement de maladies chez les mineurs. Plusieurs d’entre eux sont morts très jeunes sans jamais recevoir de dédommagement. Encore aujourd’hui, on recense un taux de plomb anormalement élevé dans le sang des résidents du quartier Notre-Dame, voisin de l’ancienne fonderie Horn, à Rouyn-Noranda. Les maladies respiratoires et les cancers y sont aussi monnaie courante.

À Malartic, dans le nord du Québec, des centaines de résidants ont été délogés de gré ou de force pour faire place à une gigantesque mine d’or à ciel ouvert. On va y extraire 55 000 tonnes de minerai du sol par jour. Et les habitants qui restent ne seront pas dédommagés pour leurs maisons et les risques à leur santé causés par le bruit et la pollution. « On peut rien dire, on sait rien », lance un habitant du secteur, inquiet comme ses voisins de voir apparaitre dans le paysage un trou gros comme 20 fois celui de la mine d’Asbestos. « La tour Eiffel va faire dans le trou, et on verra même pas le top… », illustre un autre citoyen.

Les mineurs ont lutté pendant 60 ans pour se syndicaliser et continuent à se battre aujourd’hui pour faire reconnaître leurs droits. Le film l’illustre bien avec l’exemple de la mine de Vale Inco à Sudbury. Les 3 500 travailleurs de cette mine ont fait la grève pendant un an, de juillet 2009 à juillet 2010, car l’entreprise refusait de renouveler leur convention collective s’ils n’acceptaient pas une détérioration importante de leurs conditions de travail. Malgré un bénéfice de 13,2 milliards de dollars américains réalisé en 2009, Vale insistait pour obtenir la mise en place d’un régime de retraite à deux vitesses, une réduction considérable de la prime de nickel et une détérioration importante des droits d’ancienneté, tout en engageant du personnel de remplacement pour continuer la production.

Des « bons citoyens corporatifs »

Alors qu’elles se vantent d’être des « bons citoyens corporatifs » et d’investir de façon importante au sein des communautés, les compagnies minières paient des impôts dérisoires. Les profits sont privatisés mais les dettes sont collectivisées.

Par exemple, à Sudbury, les mines ne paient pas pour les réservoirs d’eau, ni pour l’entretien des routes empruntées par les camions pour se rendre à la mine, qui restent à la charge des municipalités. De plus, très souvent, elles laissent aux gouvernements le fardeau de la décontamination des sites abandonnés. L’ancien maire de Sudbury, John Rodriguez, affirme qu’il a toujours dû « mendier » pour pouvoir financer les services publics. On compte actuellement 345 sites dits orphelins au Québec, dont la décontamination devrait coûter 264 millions $ au trésor public. Seulement pour la mine « Manitou » en Abitibi- Témiscamingue, il coûtera 50 millions $ pour décontaminer et réhabiliter le site abandonné par la compagnie. Si l’imposition est insupportable pour les compagnies minières, la charité leur semble tout à fait acceptable.

Partout dans le monde, lorsqu’une compagnie veut exploiter une mine, elle est tenue de payer des redevances pour compenser les habitants. Au Québec, le régime actuel prévoit que les minières versent 12 % de redevances sur les profits qu’elles réalisent. Si cela peut, à première vue, paraitre équitable, la réalité est tout autre. En avril 2009, un rapport du Vérificateur général du Québec a révélé que de 2002 à 2008, les compagnies minières ont extrait du sol québécois des métaux pour une valeur de 17 milliards de dollars. Quatorze d’entre elles n’ont versé aucune redevance, et les autres n’ont remis au trésor public que 259 millions de dollars, soit deux fois moins que ce qu’il en a coûté au gouvernement en infrastructures, en crédits d’impôt et en allégements fiscaux de toutes sortes.

Et si les gouvernements refusent d’accorder aux compagnies les privilèges qu’elles demandent, ces dernières vont tout simplement ailleurs ou pratiquent le chantage à l’emploi. Dans le cadre de la mondialisation et d’une économie libéralisée, elles peuvent facilement « délocaliser » leurs usines dans des pays moins regardants en termes de droits de l’homme, de droits sociaux ou de préservation de l’environnement, en exportant les minerais vers des sites de raffinage. Par exemple, les mines canadiennes vendent de plus en plus de minerai brut à la Chine, qui leur renvoie transformé, au double de sa valeur.

Pour Richard Desjardins, le constat est simple : « Pour nous, c’est une très mauvaise business, les mines. Dans certains pays comme la Norvège, l’État va toucher jusqu’à 50% des profits miniers. On est loin du compte, ici. »

Les Claims

Autre aberration soulignée par les réalisateurs : les « claims ». Dans le Québec d’aujourd’hui, pour acquérir un droit de propriété sur la ressource minière, une compagnie n’a qu’à placer un claim – réclamation – sur un territoire déterminé où elle croit pouvoir trouver de l’or, de l’argent, du fer, du zinc, du titane, du cuivre, des diamants ou autres métaux. Le claim équivaut à dire: « Je réclame le droit exclusif d’exploiter et de m’approprier la substance minérale que recèle ce terrain ».

Cette réclamation s’adresse au gouvernement, propriétaire en titre, au nom de la collectivité, de tout le sous-sol québécois. Automatiquement, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) acquiesce. La compagnie se trouve ainsi en possession d’un droit minier. Par la suite, elle obtient facilement du MRNF un bail minier ou une concession minière. Une compagnie peut placer un claim aussi bien sur les terres publiques que sur un terrain privé. Un propriétaire ne peut s’opposer à l’intrusion sur son terrain d’un individu ou d’une entreprise en possession d’un droit minier.

En autres mots, toute entreprise détentrice d’un claim peut faire tout ce qu’elle veut sur ses terres sans rendre de comptes. La partie la plus habitée de l’Abitibi est sous claim. Soulignons que même si la propriété privée est érigée en valeur cardinale en Amérique du Nord, le sol et ses ressources restent un bien éminemment collectif au même titre que l’eau ou l’atmosphère, par exemple.

Collusion entre l’industrie minière et les gouvernements

Desjardins et Monderie accusent les gouvernements canadien, ontarien et québécois de complaisance et de complicité dans le saccage de nos ressources naturelles. Des gouvernements qui, selon les cinéastes, ont bradé sans sourciller nos richesses collectives en délivrant à bas prix « des permis de polluer ». Selon les réalisateurs, même le premier ministre canadien Wilfrid Laurier (1896-1911) aurait touché un pot-de-vin pour avoir favorisé l’exploitation minière. « Ça fait partie de l’histoire du Canada, ça. Il y a parfois une proximité troublante. Le premier ministre (Laurier) qui touche un chèque de 5000 piasses, c’en est une illustration assez flagrante! »

Réaction de l’industrie

Comme on aurait pu s’y attendre, l’industrie n’a pas très bien accueilli le film pamphlétaire de MM. Desjardins et Monderie. La porte-parole d’une entreprise minière les accuse d’avoir une vision passéiste. Elle reconnaît que dans le passé, les mines ont eu leurs torts, mais soutient que les choses se sont grandement améliorées depuis. Robert Monderie avance que les entreprises minières ont le devoir d’agir de façon responsable : « Aujourd’hui, les nouvelles mines ne peuvent plus déverser leurs résidus dans le lac, mais elles ne sont pas responsables des méfaits passés: tout ces résidus qui restent dans les nappes phréatiques, dont l’arsenic au fond du lac Témiscamingue, j’aimerais ça que les industries minières prennent la responsabilité dans la décontamination pour le milliard de dommages déjà causés. Le ministère des Ressources naturelles paie à leur place et leur collusion là comme ailleurs est inacceptable. »

Appel à la nationalisation de l’industrie

Desjardins et Monderie lancent un appel en faveur de la nationalisation de l’industrie minière. À tout le moins, pour eux, il est urgent de revoir la Loi sur les mines pour mettre fin aux « méthodes issues du Far West » et au « vandalisme corporatif ». Les effets de l’exploitation minière sur la population et sur l’environnement sont dévastateurs et souvent, irréversibles. En bout de ligne, il faut se demander si cela en vaut la peine, lorsqu’on compare les profits versés aux collectivités avec les coûts totaux sur les plans environnemental et humain… La dernière phrase du film fait figure de devise : « Il est à peu près temps d’être maîtres chez nous. »

Le meilleur documentaire franco-ontarien que vous n’avez jamais vu

Il y a environ deux semaines, je faisais une recherche YouTube pour le mot « franco-ontarien », dans l’espoir de trouver un vieux clip de Marie Soleil ou bien encore un vieux sketch de Volt pour mettre sur la page de taGueule en attendant le lancement imminent. Rien d’intéressant sur la première page. Deuxième page presqu’aussi plate à l’horizon.

Quand tout à coup, je tombe sur un titre qui m’intrigue. « J’ai besoin d’un nom (1978) documentaire franco-ontarien ». 6 views. Mis en ligne par « ontarois ». Son seul vidéo. Aucun commentaire. En ligne depuis une semaine.

J’ai vu des vieux documentaires sur le Québec, sur le Canada, sur l’Acadie, sur l’Ontario français, sur CANO, mais celui-ci ne me disait rien. Pourquoi j’en avais jamais entendu parler?

La mythologie franco-ontarienne

La décennie des années ’70 a une place importante dans l’histoire canadienne, québécoise, et franco-ontarienne. C’est là qu’on arrêté d’être canadiens-français, qu’on est devenu autre chose, qu’on a eu un drapeau, et qu’on attendait de voir ce qu’allaient faire nos cousins québécois, sans trop savoir ce que ça voulait dire pour nous. Mes parents, comme ceux de plusieurs gens de mon âge, ont vécu cette époque, mais je n’en connais que quelques anecdotes ici et là; la première Nuit sur l’étang, la création du drapeau franco-ontarien, une soirée passée à écouter tous les albums de Charlebois. En fait, c’était souvent des choses que j’apprenais à l’école et je demandais par la suite à mes parents leur version des faits.

Where have you been my whole life?

Mais là, j’avais devant moi un document d’une authenticité indiscutable (production de l’ONF) et d’une importance capitale. J’étais sérieusement abasourdi, en tant que franco-ontarien, étudiant en communications, et documentaire-ophile, que j’avais jamais entendu parler de ce film.

J’ai regardé le premier 5 minutes, et j’ai compris immédiatement que ce n’était pas le genre de film à regarder de façon distraite en regardant le hockey. J’ai tout de suite fait parvenir le lien à quelques autres collaborateurs de taGueule et j’ai fermé mon ordinateur, avec la ferme intention de m’enfermer dans mon sous-sol pour pouvoir me concentrer sur le film.

What the fuck?

Et j’ai été jeté à terre. Complètement. J’ai été en tabarnak toute la semaine après ça. Complètement outré. Ce film, c’est le genre de film qu’on devrait nous montrer au secondaire. Au Québec, on leur enseigne le Refus global, la Révolution tranquille, Speak White

Me semble que la moindre des choses serait de nous montrer ce film.

En gros, c’est un documentaire sur une réunion de l’ACFO à Sudbury, en 1976. Cette réunion sert de trame de fond au film, qui prend la forme d’un habile montage d’entrevues avec des intervenants parfois pertinents, parfois risibles, toujours percutants. Je veux même pas en dire plus.

Regardez le film. Pour l’amour de tout ce qui est franco-ontarien, regardez ce film. Faites-le circuler, parlez-en, n’importe quoi.

It’s when I remember who I was that I can’t remember who I am

Ce qu’on comprend en regardant ce film, c’est que les déboires actuels de l’Ontario français par rapport à l’assimilation, à la politique, et à la culture elle-même remontent à cette époque. Malgré tous les acquis de la communauté depuis 1978, les questions soulevées par le film sont toujours extrêmement pertinentes, et on n’y a pas encore trouvé de réponse. On a toujours besoin d’un nom.

Tu ne voleras point

Mon ti-loup,

Je prends une fois de plus le temps de t’écrire parce que je n’aime pas parler à une machine pour laisser des messages.  Il faut que je te dise absolument que je ne suis pas très fière de ce vous faites toi et ta bande.

Veux-tu bien m’expliquer c’est quoi ces histoires de robots qui appellent du monde pour leur raconter des mensonges? Premièrement, un robot, ça ne parle pas et si ça parle, ça ne raconte pas de menteries.  Maman ne pensait jamais que tu ferais quelque chose comme ça mon trésor.  Tu sais pourtant que c’est contre nos valeurs de raconter des mensonges, on te l’a répété souvent. Et ne me dis pas que ce n’est pas toi, je te connais trop bien.  N’oublie pas, une maman sait tout! Tu dois cesser de jeter la faute sur les autres mon bébé. Tu es un grand garçon maintenant et tu dois prendre tes responsabilités!

Quand t’étais petit, ton entraîneur au hockey avait dit aux joueurs de l’équipe des rouges que la partie aurait lieu dans un aréna à l’autre bout de la ville. Tu te souviens? Comment oublier une telle humiliation! Vous aviez gagné par défaut ce soir-là. Que Dieu vous bénisse! J’étais tellement gênée que mon p’tit poussin soit associé à une telle ignominie. Papa disait que vous l’aviez volée celle-là.  Il n’avait pas tort pour une fois. On te l’a répété souvent mon chéri : « Tu ne voleras point ». Tu sais très bien de quoi je parle.

Ce qui m’inquiète le plus, c’est que tu commences à te comporter comme l’espèce de cowboy du Texas qui a des petits yeux rapprochés. Tu sais, ses parents n’ont jamais vraiment eu confiance en lui. Mais moi je t’aime mon ti-pou et je serai toujours là pour toi.

Prends soin de toi mon poussinot.

Xxx

Maman

Pourquoi certains espaces sont-ils moins diversifiés que d’autres?

Ceci est une réponse à l’article Immigration: le Nouveau-Brunswick est-il xénophobe? par David Caron publié le 22 février 2012.


C’est un drôle de titre qu’a choisi de donner David Caron à son article : le Nouveau-Brunswick est-il xénophobe. Drôle, premièrement, parce qu’il annonce qu’il parlera du Nouveau-Brunswick, mais parle essentiellement de l’Acadie, comme s’il s’agissait de la même chose. Deuxièmement, parce qu’à considérer les discours officiels de la province et de l’Acadie via son organe de représentation la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, on cherche en vain la moindre trace de xénophobie. Qui donc est xénophobe si ce ne sont pas les institutions publiques, les instances de représentation ? On comprend qu’un État puisse avoir des politiques « xénophobe » et on peut attribuer le qualificatif à la population qui les a votées. Il s’en suit généralement un devoir de mémoire. Mais il n’en est rien au Nouveau-Brunswick.

Les discours semblent plutôt faire consensus quant aux bienfaits de l’immigration : on veut que les immigrants viennent. La population de la province décline et vieillie et tous voient, francophones et anglophones, dans l’immigration une bouée de sauvetage, un moyen de garder peut-être pour quelque temps encore la tête hors de l’eau. Xénophobe, donc ? Les élites ne le sont très certainement pas. Est-ce à dire que la xénophobie serait à trouver dans le cœur et l’âme même de tout un chacun ? Et comme il est question d’Acadie dans le texte de Caron, se pourrait-il que l’individu Acadien, par un trait de caractère propre, soit xénophobe, avec preuve à la charge le faible taux d’immigration dans ses villes et villages ?

Une très inégale diversité

On dresse souvent un tableau homogène des communautés francophones hors Québec qui contraste avec le multiculturalisme canadien anglophone – car force est d’admettre au passage que c’est surtout en anglais que se vit le multiculturalisme. C’est un contraste pervers parce qu’il oppose une statistique décontextualisée (un taux d’immigrant de 19 % au pays) à des expériences concrètes et à des chiffres locaux (un taux d’immigrants de 4 % à Moncton). On omet les considérables disparités régionales, la différence entre les milieux urbains et ruraux, anglophones et francophones. Mais des décennies de discours multiculturel promu par le gouvernement ont donné l’impératif noble d’être mondialisés, ouverts sur la différence, quand bien même cette différence ne serait qu’hypothétique, ont donné l’image d’un Canada-mosaïque uniforme d’un océan à l’autre à l’autre.

Trudeau disait du Canada qu’il était le lieu d’un homme nouveau :

« Je crois fermement que les Canadiens sont en train de modeler une société dénuée de tout préjugé et de toute crainte, placée sous le signe de la compréhension et de l’amour, respectueuse de la personne et de la beauté »

Pierre-Elliott Trudeau

En devenant doctrine officielle, le multiculturalisme s’est fait, dans biens des villes et villages, valeur canadienne avant de devenir réalité sociologique et citoyenne. Certaines régions attendent d’ailleurs toujours. Si le NB ne compte que 4 % d’immigrants, contre la moyenne fédérale de 19 %, c’est sans doute, donc, que les habitants de ce coin de pays sont moralement reprochables, empreints encore de préjugés que n’auraient pas les Québécois, les Ontariens, les Britanno-Colombiens, bref les autres Canadiens. Mais ces statistiques canadiennes sont un peu trompeuses. Manifestement notre mosaïque n’est pas tissée du même fil partout.

Montréal, Toronto et Vancouver s’accaparent à elles seules plus des deux tiers des immigrants. Edmonton, Calgary, Victoria, Ottawa, Winnipeg suivent. Pour ne parler que de l’immigration au Québec, la région de Montréal attire trois quarts des nouveaux arrivants et la province s’accapare plus que sa part d’immigrants francophones.

Dès lors qu’on cesse de comparer une province majoritairement rurale ne comprenant que des villes de taille moyenne à une moyenne fédérale, une tout autre perspective se présente. La population combinée des trois principaux centres urbains du NB : Moncton, St-Jean et Fredericton (soit un total de 334 501 habitants) équivalent à trois des dix-neuf arrondissements de Montréal ! Et la province en entier compte moins d’habitants qu’Ottawa !

D’ailleurs, si l’on compare la situation des villes francophones de taille équivalente au pays – elles sont toutes au Québec sauf Sudbury, et j’ajoute St. John’s par souci de comparaison régionale – on se rend rapidement compte qu’elles ne sont pas, elles non plus, des oasis de diversité. En rafale, avec les taux d’immigrants :

  • Moncton – 3,4 %
  • Sudbury – 6,6 %
  • Lévis – 1,5 %
  • Trois-Rivières – 2,2 %
  • Saguenay – 1,1 %
  • Drummondville – 3 %
  • Saint-Jérôme – 2,7
  • Et à Terre-Neuve, St. John’s – 4 %

Ça commence à faire beaucoup de xénophobes, vous ne trouvez pas ?

L’immigration n’est pas qu’une question individuelle

Ceci étant dit, imputer le faible taux d’immigration (on en parle souvent comme si c’était un travers en soi) à l’ouverture de la « population d’accueil » revient à volontariser un peu trop le processus de migration et d’intégration, et à jeter du revers de la main une littérature entière consacrée aux déterminants sociaux et institutionnels de la « rétention ».

J’essayerai de donner deux éléments de réponse pour comprendre sociologiquement la question, d’autres diront le problème, de l’immigration au Nouveau-Brunswick.

Réseaux informels et complétude institutionnelle

Premièrement, les travaux inspirés par l’École de Chicago en sociologie – je pense, au Canada à Raymond Breton – ont démontré que le parcours d’un immigrant est fortement influencé par les ressources financières, politiques et symboliques dont dispose le groupe auquel il appartient et/ou s’identifie. C’est à lui que l’on doit le concept de « complétude institutionnelle » si utile depuis 40 ans pour les minorités francophones. On parvient, grâce à ce concept, à démontrer que les associations, les médias, les réseaux qui se construisent autour de groupes ethniques ou culturels contribuent non seulement à attirer les immigrants – les Haïtiens se dirigent essentiellement à Montréal et à Miami, les Turcs en Allemagne, les Sénégalais en France, les Chinois à Vancouver – mais déterminent en partie le parcours d’intégration des individus – les Juifs hassidiques d’Outremont ou les Acadiens de Moncton étant des exemples de complétude institutionnelle accomplie qui permet de contrer l’assimilation.

Plus un groupe dispose de ressources permettant à l’individu de satisfaire l’ensemble de ses besoins – commerces, emplois, religion, médias, associations –, plus il sera en mesure d’attirer des membres et moins les individus auront tendance à sortir du groupe et à se fondre dans le « melting pot » ; bref, plus y il a complétude institutionnelle, plus il y aura attraction et persistance de la différence. Sans présence institutionnelle il y a assimilation. Et pour un ensemble de raisons, de tels réseaux ethniques et culturels existent principalement dans les grandes villes, dans les centres économiques les plus dynamiques et sont le résultat d’un long processus ou des hasards migratoires (la migration massive qu’a causée la famine en Irlande au XIXe siècle a permis la mise en place relativement rapide de réseaux Irlandais dans plusieurs villes, notamment par le biais de l’Église catholique).

Le défi d’attirer et de retenir des immigrants est donc d’autant plus grand pour ces milieux plus ruraux, plus périphériques, éloignés des grands centres et de la vie économique. Ces lieux ne sont que rarement des points d’entrée, sont le plus souvent des lieux de transit – voir à ce sujet le film de Dufault et Godbout, Pour quelques arpents de neige qui démontre à merveille la logique de l’immigration et de l’intégration dans les années 1960 : les immigrants débarquent à Halifax et prennent le train vers Montréal. Les provinces maritimes ne seront qu’un espace à franchir, et les traces de cette logique se font encore sentir aujourd’hui.
oehttp://www.onf.ca/film/Pour_quelques_arpents_de_neige_/
Les immigrants qui arrivent dans ces lieux périphériques se retrouvent plus isolés, dans une économie moins diversifiée et une population tissée de liens différents, souvent plus intriqués que celle des grandes villes, à plus forte raison quand il s’agit de groupes eux-mêmes minoritaires. Le(s) tampon(s) qui ailleurs amorti(ssent) le choc d’intégration est moins épais, et parfois carrément inexistant. La pression est mise ailleurs, elle prend souvent une tournure plus personnelle.

Or, multiculturalisme officiel oblige, nous devons tous être ouverts, même si l’ouverture ne prend pour nous qu’un sens abstrait, parce que la diversité est absente de notre quotidien. La diversité devient un genre de conte de fées, de mythe où on imagine un peu bêtement que le contact entre Soi et l’Autre devrait se faire sans heurts, dans la bonne entente et l’harmonie parce que nous sommes tous « dénués de tout préjugé et de crainte ». Comme si nous devions toujours déjà être prêts à recevoir des immigrants, un peu comme nous nous attendons à ce que les immigrants nous arrivent déjà intégrés.

Un tel discours, pour vertueux qu’il soit, ressemble drôlement au discours néolibéral utopique d’une humanité réconciliée dans le marché, unie dans la consommation, dont les différences ne sont jamais de fond, mais de style. Et le style, c’est une question de marché. Alors qu’en réalité, il faut du temps, de l’accoutumance. La rencontre de l’Autre n’est pas toujours sans heurts et sans incompréhensions – en bons francophones, notre histoire faite de luttes pour la reconnaissance et l’égalité devrait nous le rappeler !

Devenir la minorité de la minorité sur un territoire contesté

Il y a ensuite le défi supplémentaire que représente l’immigration au sein de communautés linguistiques minoritaires. Quoi qu’en dise le manifeste de taGueule – « nous ne souffrons pas du syndrome minoritaire » – la minorité est un fait sociologique, elle représente un rapport particulier à un territoire, au pouvoir, à la langue, à la sphère publique, aux médias. Si nous pouvons, individuellement, tous être émancipés, il n’empêche que notre existence collective est irrémédiablement celle d’une minorité démographique ; la francophonie canadienne hors Québec ne cessera d’être minoritaire que le jour où elle cessera d’être francophone. Point.

Le défi qui se pose dans un tel contexte, et le NB en est un bon exemple, est le suivant : deux groupes linguistiques luttent pour l’attraction d’immigrants, deux groupes cherchent à mettre sur pied des structures d’accueil – les francophones veulent des immigrants francophones et les anglophones des immigrants anglophones, chacun cherche à attirer les allophones dans son camp et Dieu sait que la compétition est démesurée quand on se bat contre l’anglais – et cette concurrence inévitable fragmente ultimement les réseaux informels si importants pour l’intégration des nouveaux arrivants.

Le cas de Moncton est marquant : l’Université de Moncton, grâce à ses efforts actifs de recrutement, est parmi les plus diversifiées au pays – 15 % de sa population vient de l’international, contre une moyenne fédérale de 8 %. D’ailleurs, la province occupe le second rang en matière d’internationalisation des universités derrière la Colombie-Britannique. C’est donc que des étrangers viennent, mais ne restent pas. N’est-ce pas là la preuve de la « xénophobie » néo-brunswickoise ?

Un début d’explication se trouve peut-être dans le fait que les efforts faits par l’U de M sont contrés, en un sens, par ceux de la Ville de Moncton. L’U de M recrute en Haïti, au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, tandis que la Ville de Moncton, elle, recrute essentiellement des immigrants investisseurs en Corée du Sud. L’espace du campus, qui demeure pour les communautés francophones l’un des chefs lieux de la diversité (à Saint-Boniface c’est le quart des étudiants qui viennent de l’international !), est sans rapport avec l’espace de la ville. Les réseaux internationaux qui se tissent d’un côté ne trouvent pas écho de l’autre. Les deux logiques sont concurrentes malgré elles, notamment parce que les francophones et les anglophones ne recrutent pas les mêmes immigrants – il suffit de faire un tour dans les universités des deux langues pour s’en rendre compte – et surtout, ils ne cultivent pas les mêmes attentes. Ils ne peuvent pas cultiver les mêmes attentes. On demande à l’immigrant francophone de participer à la vie de la communauté francophone, mais sa réalité doit transiger avec l’anglais. Cet équilibre constant n’est pas pour tout le monde, et n’est pas une réalité pour les immigrants qui font le choix de l’anglais. Il y a une asymétrie indéniable.

Et puis il y a la tentation du Québec, qui promet un contexte linguistique plus simple, une métropole multiculturelle et un fast track vers la résidence permanente. Le Nouveau-Brunswick, et en particulier l’Acadie, est en manque de moyens face à une telle concurrence.

Être… ici on le peut

Enfin, comme le souligne David Caron, la province se hisse au sommet d’un honteux palmarès, qui n’y est pas pour rien dans la situation et dont les premières victimes ne sont pas que les immigrants. Palmarès qui ne fait que rajouter à l’ironie du slogan de la province, payé au prix effarant de 1 million $  et qui a récemment été retiré, après une brève existence : « Être… ici on le peut ».

Bref, peut-être existe-t-il de la xénophobie dans la province (et j’aurais tendance à croire qu’elle est plutôt linguistique que raciale ou ethnique), mais l’hémorragie démographique à laquelle fait face la province s’expliquerait sans doute mieux par son économie chancelante, par son profond clivage intérieur entre les deux groupes linguistiques officiels, et par l’emprise de la famille Irving sur l’économie et la presse (une situation à peu près unique au sein des pays développés) qui rendent périphérique les débats publics et les choix de société, que par un défaut moral de sa population.

La province fait du sur place depuis trop longtemps, stagne dans ses divisions internes et dans son absence de vie civique significative. À moins qu’une nouvelle conscience citoyenne émerge et puisse se manifester dans des espaces publics ouverts, la province risque d’avoir autant de mal à accueillir des immigrants qu’à retenir sa population.

Mathieu Wade
Acadien, doctorant en sociologie à l’Université du Québec à Montréal


Photo: Pour quelques arpents de neige, ONF, 1962

La francophonie au Maine

Le Franco-américain? Qui est-il? Une espèce en voie de disparition dites-vous? Pourtant, il mérite tout de même qu’on s’intéresse à lui. Au 19e siècle et au début du 20e siècle, nombreux ont été ceux qui ont quitté le Québec (et par extension l’Acadie) pour la Nouvelle-Angleterre pour travailler dans les usines de textiles, notamment. En fait, de nos jours, il semblerait que près de la moitié de la population de cette région des États-Unis auraient des racines canadiennes-françaises quelconques.

Au Maine, près d’un tiers de la population déclare avoir des racines francophones et près de 7% de la population, surtout concentrée dans trois régions : le nord, le centre et le sud, parlent toujours le français à domicile. De son côté, le comté d’Aroostook compte même plusieurs communautés majoritairement francophones. Fait intéressant, car en 2014, le comté sera l’un des trois hôtes du prochain Congrès mondial acadien qui se tiendra également dans le Madawaska (Nouveau-Brunswick) et le Témiscouata (Québec).

Jason Parent est un fier francophone de cette région. Il est également président du comité organisateur du

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Maine pour cet événement. J’ai profité de cette occasion pour en savoir davantage sur cette communauté francophone méconnue. Quoique parfaitement bilingue, l’entretien suivant est en anglais pour la simple raison que M. Parent affirme avoir plus de facilité à s’exprimer en anglais à l’écrit (l’entretien a eu lieu par courriel).


Briefly, could you paint me a portrait of the present situation of the francophone population in Aroostook County (and the state of Maine).

Maine has the second highest percentage of French Americans in the U.S. Only New Hampshire has a higher percentage of French Americans. In Aroostook County (particularly the St. John Valley region of Aroostook County) many Acadians still speak French at home. See the percentage of French speaking people as cited below in some of the larger communities in the St. John Valley:

Madawaska, Maine (pop. 4,534) – 84% French-speaking

Fort Kent, Maine (pop. 4,233) – 61% French-speaking

Van Buren, Maine (pop. 2,631) – 79% French-speaking

Frenchville, Maine (pop. 1,225) – 80% French-speaking

Eagle Lake, Maine (pop. 815) – 50% French-speaking

St. Agatha, Maine (pop. 802) – 80% French-speaking

St. Francis, Maine (pop. 577) – 61% French-speaking

Grand Isle, Maine (pop. 518) – 76% French-speaking

Saint John Plantation, Maine (pop. 282) – 60% French-speaking

Hamlin, Maine (pop. 257) – 57% French-speaking

The French that is spoken in many of the homes in the St. John Valley is an old world French that is most often mixed with English in the same sentence. For example it would be uncommon for someone in the Valley to refer to a computer by its French term ordinateur – rather the person speaking would likely say the word computer in the middle of an otherwise French sentence.

How has the situation evolved over the years?

The history of a supportive climate for speaking French in Maine has swung from extreme to extreme over the generations and has somewhat settled in a lukewarm place. In the early part of the last century, Maine had the highest percentage of people registered as members of the Klu Klux Klan in the United States. Unlike in the south where the KKK was forwarding an anti-African American agenda, in Maine the KKK was positioned against the French and Catholics. In the middle part of the last century laws were passed by the state prohibiting the speaking of French in schools. If mobile casino French was heard on the playground, students in my parent »s generation were punished for speaking the language and required to write repeatedly on the chalkboard « I will not speak French at school. »

In the 1990″s a revival of sorts happened as a successful grant was written to the Federal Government Department of Education to introduce a new French Immersion Program into schools in the St. John Valley. The immediate results were mixed as not all school districts in the Valley signed on with the project. The schools (particularly those in the western part of the Valley) that didn »t take advantage of the program didn »t do so largely because the damage had already been done by nearly a century of discrimination of the French people. For some, the French Heritage was not something you ran up the flagpole – rather many families chose to hide their ancestry by anglicizing their last name. For example some Roys became Kings, Levesques became Bishops, LeBlancs became Whites, etc. Unfortunately, funding for the project ran out within the last decade. Without funding, the French immersion project is far less effective and has all but disappeared in some of the schools.

Are the younger generations still speaking it?

There is a bubble of youth in the communities that engaged in the French Immersion Program that do speak French quite well. Otherwise, you do hear French spoken by the younger generation on occasion. Much like their parents and grandparents, the French is a unique Valley Franglais.

Do they still have close connections to their heritage?

The coming of the World Acadian Congress has provided a resurgence of sorts for the Acadian Heritage in northern Maine. The youth have a very keen understanding of what it means to be Acadian. They don »t feel that speaking French is a litmus test for being Acadian. They understand that geopolitical decisions, made long before they were even imagined, have dictated the current situation with the erosion of the French language in our region.

Are the older generations still passing it down?

Yes, especially the grandparents. What is particularly heartwarming is that they are passing down the unique local French spoken here to their grandchildren. The youth hear the difference from the more formal French they are learning in school. It sparks an interesting dual learning opportunity and cross cultural experience of sorts.

How often could a visitor hear the french language in public spaces?

Everyday and at all times. It is very dominant in the St. John Valley. What one should expect to hear is that Franglais I noted — a unique blend of French and English that is seamless within the same sentence and seemingly understood by all.

Theoretically, would it be possible to live only in french in certain communities?

Yes. Some more elderly members of the community do live and speak only in French. Government and social agencies have hired personnel accordingly to interface with such citizens in the St. John Valley.

Do you believe that the World Acadian Congress will help advance the situation?

Most certainly. I have always been a believer that economic incentives are the only true motivational force. The St. John Valley has never in my lifetime had such a tremendous opportunity to realize such tremendous economic windfall on the basis of our culture and language. I spoke only French at home before I was enrolled in grade school. From that point forward English became my dominant language because the world around me dictated it be.

From my perspective, cultural and linguistic enlightenment, much like enlightenment on issues pertaining to conservation and the environment, are only realized altruistically by a few « die hards » who really believe in the cause above all else. For the rest, it is not truly embraced until it makes sense to their pocketbook or will benefit their immediate situation. When Maine added a return deposit for beverage containers, nearly the entire population separated its bottles and cans and now bring them religiously to their local redemption center. Had that not been instituted you can bet that the percentage of those recycling would be negligible today. I believe the Congres Mondial Acadien will be the bottle deposit bill for the Acadian Culture and French Language in our region. Like the bottles and cans, our culture its about to find its way to redemption!

What are some of your hopes?

My greatest hope is that we not only save and bolster our French – but renew a pride and confidence in our Brand of French. That we take this opportunity when the Acadian and French World comes to our doorstep to understand and demonstrate that we are just as good as our fellow French speakers around the world. I also hope that our participation as one of the three regions in the International territory of Acadian of the Lands and Forests brings light to the fact that not speaking French is not a disqualifier to being Acadian. There are some people that live in the Valley and other Acadians in Maine and around the United States that don »t speak

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French largely because of the hand that history has dealt them. In all that we do to bring the Acadian Congress to our region, we want for our event in 2014 to say to the World that you are not ex-communicated from the family if you don »t speak French. Our history with the dominant English speaking population in Maine and the efforts to strip us of our pride as citizens of our own state and country because we were different dictates that we understand and have learned that the stick approach is wrong and the carrot approach is much more effective.

And finally, why should one be interested in learning about the history of the francophone population in Aroostook county?

Fundamentally because it is so unique. It is a story defined by triumph over repeated tragedy. The mere fact that we exist as we do today is testament to the spirit of our people. The history of the Acadians in Maine »s St. John Valley is marked with one upheaval after another. From the deportation from Acadie and subsequent migrant people that again lost their homes in present day Fredericton to the separating of families and a people into two different countries after the Bloodless Aroostook War to the hostilities afforded French speakers in Maine in the last century – it is amazing that we are here to tell the story. Moreover, it is exciting that the center of the Acadian universe will be here in just two short years!


Lecture recommandée

Voyages: A Maine Franco-American Reader


Photo: Souper à la résidence de Monsieur J.H. Dubé, fermier de patates, Wallagrass, Maine.
Photographe: Jack Delano, Octobre 1940, National Library of Congress

Lettre aux éditeurs: Pour un « Parlement franco-ontarien »

Cette lettre à l’éditeur sur la création d’un forum pour les franco-ontariens a été publiée dans plusieurs hebdomadaires des quatre coins de la province en janvier 2012Monsieur Dignard nous a contacté pour qu’on la publie sur chez nous. La voici.


Pour un « Parlement franco-ontarien »

Moi j’estime que le temps est venu de créer un véritable forum où les Franco-Ontariennes et les Franco-Ontariens se rencontreraient pour discuter de n’importe quelle question concernant le développement et l’épanouissement de l’Ontario français.  Je parle ici d’un forum où les individus (pas des représentants de groupes, d’associations ou d’institutions avec les mains liées) se pointeraient périodiquement à des endroits différents en province pour adopter des positions qui seraient dans l’intérêt supérieur de la communauté franco-ontarienne.  J’appellerais un tel forum Le Parlement franco-ontarien.

Je m’imagine une rencontre quelques fois l’an de personnes passionnées, voire désabusées, qui n’ont pas de forum et qui en cherchent un pour faire valoir des idées concernant le mieux-être des Nôtres.  En d’autres termes, il s’agirait d’une assemblée complètement libre de se prononcer sur n’importe quel volet de la situation franco-ontarienne n’importe où en province.  À mon avis, certaines résolutions prises dans ce forum pourraient faire avancer ou débloquer des dossiers importants mais stagnants en Ontario français.  Certaines propositions pourraient être récupérées par des décideurs publics (ce serait tant mieux) et d’autres résolutions pourraient même faire la leçon à certains de nos pseudos leaders politiques et communautaires.

Qui serait membre de la députation ?  Tous ceux et celles qui habitent en Ontario, qui parlent le français et qui veulent en faire partie.  Comment opérerait ce forum ?   Aucune subvention gouvernementale.  Les gens qui souhaitent assister aux rencontres paieraient toutes les dépenses de leur poche.  Si un philanthrope offrait un don sans aucunes conditions envers ce Parlement, on prendrait l’argent évidemment.  Comment s’organiserait une première rencontre ?  Quelques personnes intéressées retiendraient une date, identifieraient un lieu de rencontre, lanceraient une invitation publique et on verrait ce que cela donne comme participation.  Comment se déroulerait la première assemblée et qu’est-ce qui serait discuté ?  Les gens présents à cette rencontre le décideraient sur place.  Et s’il s’agissait d’un fiasco comme première réunion ?  Pas la fin du monde… il n’y aurait vraisemblablement pas une deuxième rencontre !

Y a-t’il des preneurs pour une première session ?

 

Serge Dignard
North Bay, Ontario


Photo: Extrait du documentaire J’ai besoin d’un nom, ONF, 1976

Une gifle aux Franco-Ontariens

Le 17 février, la Fiducie du patrimoine ontarien a inauguré le nouveau Centre d’interprétation du Parlement, à Toronto, et a lancé la programmation de la Semaine du patrimoine 2012. Pas un seul invité d’honneur, pas un seul dignitaire n’a prononcé un mot un français !

La maîtresse de cérémonie était Nil Köksal, présentatrice à CBC News Toronto. Elle n’a même pas dit Bonjour ou Bienvenue ! Le directeur général de la Fiducie, Richard Moorhouse, n’a pas daigné glisser une toute petite phrase en français dans ses deux allocutions. Le lieutenant-gouverneur David C. Onley, qui peut pourtant s’exprimer en français, s’est contenté d’un discours unilingue anglais.

Le président de la Fiducie, le professeur Thomas Symons, n’a pas tenté de dire quelques mots dans la langue de Molière. Il a cependant noté qu’une des lois adoptées par le Parlement du Haut-Canada, à York, reconnaissait l’usage du français dans les écoles, notamment dans le Western District (région de Windsor).

À la fin de la cérémonie, la Voice Intermediate School a interprété l’hymne national Ô Canada dans sa version anglaise et non bilingue. Une dernière gifle !

Plusieurs membres de la communauté franco-torontoise étaient présents, notamment des représentants de la Société d’histoire de Toronto, de FrancoQueer, de la Place Saint-Laurent et des médias. Ils ont évidemment déploré cet incident et certains ont promis de déposer une plainte auprès du Commissariat aux services en français.

Il faut souligner que la Fiducie du patrimoine ontarien a veillé à ce que 99% des éléments d’exposition dans son nouveau Centre d’interprétation soient dans les deux langues.

[button text=’ Cliquez ici pour porter plainte au Commissariat aux services en français de l’Ontario ‘ url=’ http://www.csf.gouv.on.ca/fr/content/formulaires ‘ color=’ #bf1e2e ‘]


Texte paru dans l’Express de Toronto, 22 février 2012.

Photo: Dennis Morgan et Bette Davis, In This Our Life, 1942

Vous avez dit schizophrénie linguistique?

Ce qui m’a le plus surprise il y a dix ans quand je suis arrivée au Canada, ce sont toutes ces histoires sur les langues officielles, on s’entend, il y en a que deux au Canada mais oh boy que cela me semblait compliqué. Une décennie plus tard, je ne comprends toujours pas. Pourquoi certains francophones font une crise quand leurs gamins parlent l’anglais (regardez les débats sur l’introduction de l’anglais intensif au Québec, ou chez nous les discussions sur le fait de parler anglais dans les couloirs des écoles francos)?

Pourquoi mes étudiants anglophones me répètent ad nauseam qu’ils ne parlent pas un crisse de mot de français malgré toutes les heures passées à l’école à l’apprendre? Au passage, qu’est-ce qu’ils croient, que c’est facile d’apprendre l’anglais??? (En tout cas moi aucun progrès en vue après 10 ans…).

En France, j’ai connu des couples mixtes dont les enfants étaient parfaitement bilingues, et que je te parle allemand avec maman et français avec papa, ou arabe et français. J’ai même eu un chum qui parlait italien avec sa maman, anglais avec son papa et français comme tout le monde. Je n’avais jamais rencontré de mi-lingues ou de schizophrènes linguistiques. A l’école, j’ai appris l’anglais, le latin, l’espagnol et le russe; mon frère, lui, il a fait anglais, latin, allemand et italien. On se débrouille toujours avec notre français, enfin je crois, vous me laisserez savoir.

Cette question m’est revenue à l’esprit lors d’un récent voyage au Sénégal. L’amie avec qui j’étais parle : wolof (ça c’est la langue véhiculaire du Sénégal), peul, malinké, toucouleur, bambara, et bien sûr français (la langue de l’école) et l’anglais (à Sudbury, elle a vite compris qu’elle n’avait pas le choix!). Au Sénégal, le français est la langue officielle et il y a six autres langues qui sont reconnues langues nationales. Bien d’autres sont parlées. Alors je me suis demandée : c’est quoi notre problème???

Bon OK, le premier président c’était Léopold Sédar Senghor, un des plus grands poètes francophones à mes yeux (et je ne suis pas la seule), alors bon ça en jette et ça doit aider… nous au Canada, on aimerait juste que nos politiciens aient déjà lu un poème dans leur vie, mais bon cela ne peut être l’explication… Bah non, comme vous le savez, le Sénégal n’est pas une exception, en fait beaucoup de pays ont plusieurs langues officielles et personnes ne fait de brouhaha… bah sauf le Canada et la Belgique!

Mais je reviens à mon amie. Elle n’est pas exceptionnelle (enfin si, mais ce n’est pas de ça qu’on parle), durant les cinq jours que j’ai passés dans son village assise sur ma paillasse à trier des arachides, palabrer ou piller des arachides (crisse de peanuts!), j’en ai rencontré du monde. Les gens s’arrêtent prendre un thé et palabrer. Je ne comprenais rien bien sûr mais l’oreille s’affine au fil du temps ou une situation vous indique que ce locuteur n’est pas peul (la langue maternelle au sens propre de mon amie, bah en fait non sa vraie langue maternelle, c’en est une autre parlée comme uniquement dans son village, le peul c’est la langue principale dans laquelle elle a grandi car c’est sa langue paternelle!). Alors j’ai posé des questions. Honnêtement, ils pensaient que je venais de la planète Mars et pas simplement parce que j’étais la seule toubab dans le coin. À peu près tout le monde dans le village parlent peul, malinké ou toucouleur car on s’habitue, on côtoie des gens qui parlent différentes langues depuis toujours, donc on les a apprises au fil du temps.

La règle de politesse est la suivante : on parle dans la langue de son groupe mais on comprend la langue de l’autre qui peut parler dans sa langue. Bref, les gens sont naturellement multilingues et sains d’esprit. On est loin de l’idée de la langue véhiculaire wolof parlée à Dakar ou du français appris à l’école, mais ces langues-là aussi ils les parlent et les comprennent. J’ai compris alors assise dans la terre battue, adossée à une case et entourée de chèvres paisibles, pourquoi Senghor avait toute sa vie défendu la langue française, la francophonie comme « idéal » et non comme « idéologie »; pourquoi le ministre de De Gaulle, l’académicien, et le premier président du Sénégal libre avait aussi été le chantre de la négritude. Parce qu’il s’agit bien d’une culture commune, d’un idéal commun, d’un respect commun entre les peuples et non d’une question linguistique.

La linguistique, ce n’est que de la technique; ce n’est pas l’Homme, ce n’est pas la culture. C’est l’homo faber avec son outil versus l’homo sapiens qui pense. Alors allons-nous continuer longtemps à jouer à l’homo faber?