15 au 19 mai 2012. Sears. Centre Rideau. Ottawa.

Aujourd’hui, je ne parlerai pas de café, mais de montre. Bien sûr, cet article traitera, comme les deux derniers parus dans le cadre de la chronique «Do you want more coffee?», des services en français dans un milieu anglophone comptant une minorité francophone importante. Les articles de cette catégorie s’intéressent essentiellement, pour le moment, à la ville d’Ottawa : j’invite bien sûr d’autres rédacteurs à parler de leur expérience dans des espaces différents et à compléter cette chronique.

Pour remettre en contexte le petit récit qui va suivre, je voulais rappeler que je suis francophone et que, comme beaucoup au Canada, je maîtrise aussi l’anglais (lu, entendu, écrit et parlé). J’ai fait le choix, dans les échanges que je relate ici, de jouer l’unilingue francophone, capable toutefois de comprendre l’anglais bien qu’incapable de répondre dans une autre langue que le français. Le but de cette «expérimentation» est de promouvoir l’usage du français hors Québec, peut-être même de réveiller une certaine fierté et, surtout, de prouver que les petites actions, par leur accumulation, peuvent avoir des impacts non négligeables (à l’instar du bruit d’une cuillère en bois sur une casserole qui, accompagné de centaines d’autres, produit un véritable tintamarre).

Le 15 mai 2012, je me suis rendue au Centre Rideau, à Ottawa, pour y trouver une montre en prévision d’un cadeau. L’employé au comptoir d’informations du centre commercial parlait français et a pu m’indiquer sur un plan plusieurs boutiques pouvant m’intéresser.

J’ai fini par me rendre au Sears, qui disposait d’un petit rayon de montres de différentes marques. N’étant pas certaine de laquelle choisir sur le moment, j’ai voulu ramener chez moi un magazine.

Trois vendeuses étaient en train de discuter, accoudées aux comptoirs vitrés des présentoirs à bijoux. Je me suis approchée et leur ai demandé, en français, où est-ce que je pouvais trouver le catalogue du magasin. Elles m’ont fixée un instant, se sont regardées les unes les autres en levant les sourcils, puis l’une d’entre elles a dit : «None of us speak French.» Elles seraient vraisemblablement retournées à leur conversation si je n’avais pas insisté : «Mais est-ce que quelqu’un d’autre parle français ici?». Celle qui se tenait derrière le comptoir s’est alors saisi d’un téléphone et a demandé à parler à un agent de la sécurité en particulier.

Quelques minutes plus tard, un jeune homme dont la tenue suggérait effectivement qu’il faisait partie du personnel de la sécurité de Sears est venu se joindre à nous. Il parlait français, avec un accent latino : «Bonjour. Je peux faire la traduction si vous voulez.» S’en est suivi un échange assez amusant, entre mes questions en français, sa traduction en anglais pour les vendeuses, leurs réponses en anglais et sa traduction en français pour moi. Ce n’est pas sans mal que je me suis retenue d’interagir directement en anglais avec les vendeuses…

Il m’a ensuite accompagnée jusqu’au rez-de-chaussée, où se trouvait le présentoir des catalogues du magasin. Sur le chemin, j’ai discuté avec lui de sa maîtrise du français. Il m’a expliqué qu’il était un amoureux des langues et qu’il en parlait pour le moment quatre (portugais brésilien, espagnol, anglais et français). En rigolant, je lui ai dit qu’il devrait être augmenté pour cette capacité à servir les clients dans leur langue et à faire, de fait, le travail d’un vendeur en plus de celui d’assurer la sécurité. Il m’a avoué que c’était justement l’un des sujets d’actualité avec son patron. Sur le magazine que je venais de récupérer, je lui ai demandé d’écrire son nom et celui du responsable de la succursale.

Le 17 mai 2012, j’envoyai un courriel au «Store Manager» de ce Sears, Benjamin Weiss, où je louais la qualité du service en français assuré par son employé, Erick Mynssen.

Le 19 mai 2012, Benjamin Weiss me répondait : «Merci beaucoup ! Thank you so much for your kind comments regarding Erick». Le même jour, Erick m’informait que mon message avait été envoyé à l’ensemble des directeurs locaux et régionaux, qui l’avaient félicité en retour. Mais pas d’augmentation ou de prime en vue (j’étais un peu trop optimiste)… même s’il a vu son nom affiché sur le tableau des employés performants dans son magasin (son courriel : «As far as rewards I had my name up on the Wow board of the store but unfortunately I did not receive anything else, Sears kind of takes its associate’s skills for granted»).

Décidément, il y a bien quelque chose de pourri au royaume du Danemark…

Dimanche, comme souvent, j’ai dû me rendre à l’aéroport de Sudbury et recevoir en plein dans la face la même claque — cette photo d’une ineptie sans borne. Pourquoi un conseil scolaire francophone se sentirait-il obligé de placarder des affiches en anglais un peu partout à travers la ville? Quelle bonne impression, quel beau message pour le francophone qui arriverait pour la première fois à Sudbury par avion!

Pour faire bonne mesure, il faut préciser que le conseil scolaire francophone catholique (déjà un reliquat du passé que l’on aimerait voir disparaître…) a lui aussi défiguré notre belle ville laide avec des affiches en anglais. Est-ce que quelqu’un a déjà vu les conseils scolaires anglophones imprimer des affiches en français? Étant donné le récent abandon de l’enseignement du français avant la 4ème année par le conseil anglophone publique, on peut en douter.

Je sais, les critiques me diront: «oui, mais il faut bien attirer des clients, les conseils reçoivent leur financement en fonction du nombre de clients inscrits!». Mais pourquoi faudrait-il accepter de se plier à cette logique marchande? L’éducation n’est pas une valeur marchande, ni au postsecondaire, et encore moins au secondaire et au primaire. Le droit à l’éducation en français nous est garanti par la Charte. Nous n’avons pas à recruter, en anglais, pour s’en sortir économiquement.

Plus ça va, plus je me dis que finalement, beaucoup d’acteurs au Canada travaillent très fort pour accomplir les recommandations de l’infâme rapport Durham. Certains le font consciemment, d’autres sont simplement trop idiots ou naïfs pour ne pas voir qu’ils marchent dans les combines des premiers et se rendent donc coupables du même crime. Enfin, un petit groupe constitue des collaborateurs zélés de ces assimilationnistes forcenés. Bizarrement, ils tendent à se concentrer dans le domaine de l’éducation.

D’autres critiques plus fervents m’accuseront de racisme. Mon propos n’a rien à voir avec la présence d’anglophones dans nos écoles. Je ne suis pas contre, au contraire je veux bien prendre tous les anglophones francophiles! Cela fait partie de la diversité et si on pouvait, comme à Hearst assimiler quelques anglophones, j’en serais ravie. En revanche, j’ai de très gros problèmes avec la manière dont les écoles gèrent la présence de ces chères têtes blondes anglophones dans nos classes mais ce sera pour une autre fois. Revenons-en à nos moutons. Ce que je trouve aberrant c’est que nos institutions — soit disant garantes de notre «vitalité», ou de notre «survie» pour être plus pessimiste, et en fait de notre lente mort programmée et organisée — s’expriment publiquement en anglais, et qui en plus est pour faire du recrutement! Le monde marche vraiment à l’envers. Sortons nos casseroles ou mettons-nous tout de suite à ne parler qu’en anglais; that’s it, that’s all; la messe est dite; comme dans Hamlet, on crèvera tous!

Leçon 5 : Bienvenue au « Tohu-bohu des lettres »

«Tohu-bohu au pays de lettres», on doit l’admettre, est notre livre préféré. Le texte de Josée Larocque est absolument extraordinairement bien écrit ; les illustrations de Christian Quesnel sont tout simplement merveilleuses. La maison Bouton d’or d’Acadie nous offre une belle découverte. Mais il y a plus encore. Ce livre représente une excellente introduction à la ponctuation pour les petits… et les grands. Vous aurez donc deviné qu’aujourd’hui les mamans canes veulent faire un petit brin de causette sur la ponctuation.

L’histoire raconte qu’au pays des lettres, rien ne va plus car les minuscules et les majuscules sont fâchées. Alors Monsieur Point, accompagné de ses amis Monsieur Point d’interrogation, monsieur Point d’exclamation et la petite virgule, consultent pour trouver une solution à la chicane des lettres. Vous remarquerez que les signes de ponctuation sont beaucoup plus intelligents que M. Charest… mais là n’est point notre propos.

Notons tout d’abord que la ponctuation tout comme les majuscules ne sont pas de jolies décorations que l’on peut mettre un peu partout telles les enluminures du Moyen-âge. La ponctuation fait partie intégrante de la grammaire dans la mesure où elle donne un sens à la phrase. Remarquez par exemple l’usage de la ponctuation dans les deux phrases suivantes:

Le premier ministre, dit l’étudiant, est un imbécile.

Le premier ministre dit: l’étudiant est un imbécile.

La ponctuation nous indique donc qui est l’imbécile (même si on sait tous qui c’est en réalité… mais là n’est point notre propos).

Autre exemple:

Gabriel continue la lutte. (Il s’agit là d’un constat).

Gabriel, continue la lutte. (Il s’agit là d’une injonction).

1. Quand faut-il mettre une majuscule?

Bien entendu, on met une majuscule au début d’une phrase qui se clôture par un point (tout simple, ou d’interrogation ou d’exclamation). Notez bien que l’on ne met pas de majuscule après deux points, contrairement à l’anglais, sauf si vous citez une phrase entre guillemets, qui, dans le texte original, aurait débuté une phrase et aurait donc eu une majuscule.

On met également une majuscule aux noms propres (prénoms, noms, villes, pays, marques). Une faute couramment commise concerne les nationalités. La règle est simple: les noms de nationalité prennent une majuscule; les adjectifs de nationalité n’en prennent pas (une fois encore contrairement à l’anglais). Donc:

Les étudiants québécois aiment beaucoup les casseroles.

Certains Québécois de plus de 50 ans se comportent comme des nantis.

Autre problème couramment rencontré: les mois de l’année ne prennent pas de majuscule (contrairement à l’anglais une fois de plus).

Le mardi 22 mai sera à marquer d’une pierre blanche.

2. Du bon usage de la virgule

Comme nous le raconte l’histoire, il y a plein d’ouvrières virgules mais il ne faut point trop les fatiguer. La virgule sert à séparer, dans la même phrase, des éléments de même nature ou de même fonction. En général, il n’est pas nécessaire de l’utiliser si vous vous servez d’une conjonction de coordination (mais, ou, et, donc, or, ni, car… l’autre jour, je l’ai rencontré M. Méouédonkornikar, très sympathique!). Bien sûr, la virgule sert aussi à faire une énumération:

Ce premier ministre est irrespectueux, hautain, arrogant et méchant.

Nota bene: nous voyons souvent des personnes utiliser des points-virgules dans le cas d’une énumération, c’est une erreur. Le point-virgule sert, comme la virgule, à séparer des éléments semblables mais bien plus long. Par exemple:

Ils n’étaient pas contents ; ils ont sorti leurs casseroles ; ils voulaient enfin se faire entendre.

La virgule est aussi souvent mise à contribution au début d’une phrase à la suite par exemple d’un complément circonstanciel.

De nos jours, il est de bon ton de prendre des marches nocturnes.

3. Quelques petits détails…

Il arrive que le point soit utilisé pour faire une abréviation… encore faut-il bien utiliser ces abréviations!

Ainsi, Monsieur peut être remplacé par «M.» et madame par «Mme». Pourquoi monsieur a-t-il un point et non madame? La règle est simple: si la dernière lettre de l’abréviation est la dernière lettre du mot complet (comme le –e de Madame), il n’y a pas de point. Si ce n’est pas la dernière lettre (-m n’est pas la dernière lettre de monsieur) alors il y a un point:

Mademoiselle – Mlle

Docteur – Dr

Docteure – Dre

Ibidem – Ibid.

Professeur – Prof.

Id est – i.e.

Une fois n’est pas coutume, les règles de l’anglais sont la cause de nos erreurs.

Revenons à M. Méouédonkornikar. Les conjonctions de coordination ne sont jamais précédées d’une virgule si elles relient deux phrases de même nature.

Ils sont venus, ils ont vu, ils ont vaincu.

En revanche, il peut y avoir une virgule s’il s’agit de lier deux propositions qui ont une nature différente.

Charest n’était que premier ministre, et pourtant les principes de droits pour lesquels le peuple québécois s’était battu étaient clairs et bien établis.

On peut aussi mettre une virgule si l’on veut insister sur le contraste ou l’opposition entre deux propositions.

Le premier ministre s’entête, et même se rend ridicule.

Allez! À vos casseroles!

Mars 2012. Université d’Ottawa.

Pendant tout le mois de février, j’avais continué mes expérimentations, qui consistaient à systématiquement tenter de parler français aux commerçants des villes hors Québec, présentant toutefois une forte minorité francophone. Mais, bien vite, j’avais renoncé à défendre mes convictions et ce, au sein même de mon Université.

Malgré plusieurs tentatives de commande en français, cela faisait près d’un mois que je m’étais résignée à m’adresser en anglais aux serveurs et aux serveuses des prestataires extérieurs installés dans les locaux de l’Université d’Ottawa – je parle ici essentiellement du Second Cup au rez-de-chaussée de la bibliothèque Morisset et du Starbucks du Pavillon Desmarais.

Je me sentais un peu butée, même bête, de persister à utiliser ma langue devant leurs yeux ébahis, leur incompréhension. J’avais parfois eu la chance de tomber sur un francophone ou sur un anglophone capable de me comprendre sans problème, mais, depuis que je passais mes commandes en anglais, impossible de savoir si mon interlocuteur aurait pu comprendre le français.

Surtout, je ne me sentais pas légitime dans ma démarche; si l’Université assurait le bilinguisme de ses propres services, j’étais convaincue qu’elle n’avait aucun droit de regard sur la politique de recrutement des services fournis par des entreprises extérieures dans ses locaux. Par ailleurs, mes amis québécois ou franco-ontariens ne m’apportaient pas vraiment leur soutien. Je sentais même que je les mettais mal à l’aise lorsque j’insistais trop longtemps pour avoir accès à un service en français alors que nous faisions la file ensemble pour acheter un café ou un encas. La dernière fois que j’avais demandé à être servie dans ma langue, j’avais eu droit, de la part de l’employée qui avait été appelée pour s’occuper de moi, à un ironique et méprisant: «J’adooore les Français…».

Et puis il a commencé à faire beau, et très chaud. Bizarrement, c’est ça qui m’a remotivée ! Le 5 avril 2012, j’ai écrit un courriel à la Commission permanente des affaires francophones et des langues officielles de l’Université d’Ottawa pour savoir si mon sentiment était fondé: les prestataires extérieurs présents sur le campus étaient-ils libres de recruter des unilingues anglophones? Et, si c’était le cas, serait-il envisageable d’imposer le bilinguisme ou la volonté de se former comme critère d’embauche, étant donné que le prestataire installé dans l’enceinte de l’Université, vu l’affluence de la population étudiante, faisait sans doute d’importants bénéfices grâce à cette localisation?

Cinq jours plus tard, j’avais ma réponse: à ma surprise, j’apprenais qu’il y avait bien une clause de bilinguisme dans les contrats passés avec les sous-traitants embauchés par l’Université et les entreprises privées louant des locaux sur le campus!

Le lundi 7 mai 2012, je recevais un second courriel. La responsable du service alimentaire, après avoir insisté sur le fait que l’une des priorités de l’Université était de s’assurer que ses sous-traitants embauchent du personnel bilingue, m’annonçait avoir informé le directeur de Chartwells (responsable de l’exploitation de la majorité des points de vente) de la difficulté à se faire servir en français. Un suivi avait été fait auprès du personnel et une personne avait été mandatée par la compagnie afin d’assurer la formation continue des employés parlant le français comme deuxième langue et de favoriser l’embauche de candidats bilingues.

Depuis, j’ai vu plusieurs changements dans les services fournis par les entreprises privées sur le campus. Mais ce sera l’objet d’un autre article!

Primordialogues inédits

Toutes les deux semaines, depuis quelques mois, je prépare une petite section de poésie pour le journal Le Voyageur. Dernièrement, je m’inspire des nouvelles que j’ai couvertes afin de produire des poèmes parfois plutôt absurdes. Cette semaine, nous n’avions pas assez d’espace dans le journal pour publier le poème d’actualité. Si vous êtes lecteurs du journal Le Voyageur, essayez donc de deviner les histoires qui ont inspirées le texte!

Si vous me permettez, je vous invite à me soumettre des textes poétiques pour la rubrique poésie de Le Voyageur.


voyages, le 23 mai 2012

je m’entoure de livres comme un observatoire de neutrinos
s’entoure de roche s’enfouit dans le bouclier canadien
et cherche à décortiquer le destin d’à peu près tout
ce qu’on ne peut et ne peut pas voir

l’énergie noire des physiciens fait rayonner l’univers
vers l’infini de plus   en plus   rapidement
la synergie de l’esprit et la page blanche
fait krak boom big bang
big crunch

j’ai un poème entre les dents

je tiens ma plume comme le bras
d’une machine à sous
si je perds les lumières   s’éteignent
le trou noir m’aspire
les physiciens

applaudissent

je tombe dans la page blanche comme un astéroïde
tombe sur la terre   creuse le lac Wahnapitae
ici   un jour   il y aura des poissons
ici   un jour   il y aura une Première Nation
ici   un jour   il y aura une conférence de presse

je prends des notes


au concours de beauté de mademoiselle univers canada
on demande aux candidates si les zombies
devraient être protégés par la loi
contre l’intimidation

le silence des soi-dites beautés
en dit long

on leur chuchote une indice



« … brains… »


quand les anglophones revendiquent
leur propre greater sudbury book fair
on les dirige vers le Chapters
un peu   pas trop
jaloux


sur le toit du centre Rainbow
Edgar Allan Poe joue au baseball   chique du tabac
lance le corbeau comme une chanson de country
tout le monde   frappé de mélancolie
laisse tomber leur gant
descend l’ascenseur
se met en ligne pour
The Avengers

poésie vs. popcorn

les hurlements du Hulk   sous-titrés en français
« j’ai besoin d’un nom »
c’est un smash

Deux polices de la langue très différentes

Le 23 septembre 1996. En réclamant davantage d’affichage commercial en français, l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) tentait d’attirer sur elle un peu de l’attention médiatique dont profitait alors Howard Galganov d’Alliance Québec, qui contestait la loi québécoise limitant l’affichage commercial en anglais.


Je suis devenu assez vieux pour voir l’histoire se répéter et ça n’a rien de réjouissant. Les plus jeunes que moi n’ont qu’à feuilleter le livre Bâtir sur le roc, une histoire de l’ACFO du Grand Sudbury publiée par Prise de parole, pour se faire une mémoire d’emprunt.

En profitant du courant d’air déplacé par Howard Galganov, le militant qui réclame de l’affichage commercial en anglais à Montréal, voici que l’Association canadienne-française de l’Ontario à Sudbury et à Ottawa réclame à son tour des affiches en français. L’occasion est belle, après tout, de mettre l’émoi anglais au service du français. Or, ce n’est pas la première fois que l’ACFO de Sudbury s’y essaie. Ils ont déjà fait ce bel effort dans les années soixante-dix. Aujourd’hui, peu de traces en restent. Malgré les trente années de débat constitutionnel qui ont suivi, Sudbury ne s’affiche pas plus en français aujourd’hui. Car en vérité, une affiche commerciale française en Ontario, c’est au mieux une dépense inutile et au pire, un irritant inutile. Pour tout dire, même les commerçants francophones n’affichent pas en français.

On dit qu’il y a deux minorités de langue officielle au Canada. Parfois même, comme ces temps-ci, on prétend que leur cause est la même. C’est ainsi qu’un chroniqueur de la Montreal Gazette a pu reprocher aux Franco-Ontariens la timidité de leur version du brouhaha de Galganov. Eh bien, voilà justement la preuve que les deux minorités ont en vérité bien peu en commun à part leur nombre. Le gouvernement du Québec subventionne trois universités unilingues anglaises ; le gouvernement de l’Ontario, aucune université unilingue française. Il y a sept collèges anglais au Québec établis depuis longtemps, contre deux collèges tout récents en Ontario. Ne cherchez pas en Ontario l’équivalent des hôpitaux anglophones du Québec, des médias, des services, des commerces anglophones, et ainsi de suite.

Mais la plus grosse différence, la voici. Howard Galganov a pour cible une loi, qu’il juge injuste et oppressive peut-être, mais une loi formelle aux limites claires. Les Canadiens-Français d’Ontario, eux, ont pour cible une loi autrement difficile à contester : la loi des attitudes. En Ontario, les lois couchées sur papier sont de notre bord. La constitution canadienne garantit l’éducation en français. Or l’Ontario s’en balance sans que personne ne s’en indigne. De même, la loi 8 sur les services gouvernementaux en français peuvent rester fictifs sans que personne ne s’en offusque. En Ontario, on n’aura jamais besoin d’une loi officielle pour limiter le français comme on en a une au Québec pour limiter l’anglais. Ici la loi des attitudes est un frein bien suffisant. C’est une loi si bien ancrée dans les cœurs et les esprits de la majorité qu’elle se passe bien d’une police de la langue.

En dépit de leur forte population canadienne-française et en dépit de trente ans de discours sur le beau Canada bilingue, Sudbury, Timmins ou Kapuskasing demeurent des villes anglaises qui n’ont jamais voulu montrer leur visage français. On peut décrire la mentalité ontarienne de bien des manières, mais jamais on ne pourra dire qu’elle aime les « visage à deux faces ». Pour avoir deux faces, pour jouer le majoritaire minoritaire, il faut un Anglo-Montréalais comme Howard Galganov. Et pour ne pas perdre la face, l’ACFO s’en tiendra à des demandes timides et vite oubliées.


Ce texte fut publié dans le recueil de nouvelles De face et de billet, par Normand Renaud, aux éditions Prise de parole, 2002. Reproduit avec permission.

Photo: Bon Cop, Bad Cop

Comprendre le Canada? C’est pas la peine.

On pense que ça ne nous touche pas de très près et pourtant. Le gouvernement Harper a annoncé récemment la suppression du programme «Comprendre le Canada – Études canadiennes», qui relève du Conseil international d’études canadiennes (CIEC). Cet organisme sans but lucratif vieux de 30 ans ayant des membres dans 39 pays rend ses comptes au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Des milliers de chercheurs membres du CIEC publient annuellement des centaines d’articles sur la société canadienne, en plus d’organiser des séminaires et colloques. La disparition de ce programme met le CIEC en péril.

Ça nous concerne comment, gens du Nord de l’Ontario, de l’Acadie ou d’ailleurs? Voyez ci-dessous. C’est la réaction désolée de la professeure Claudine Moïse, une chercheure en sociolinguistique qui a séjourné plusieurs fois au Canada (à Sudbury entre autres), et dont les recherches ont porté, par exemple, sur la construction de l’identité franco-ontarienne dans les discours. En somme, c’est une bête rare: une sympathisante des minorités francophones du Canada qui habite à Montpellier (France) et qui enseigne à Grenoble (France), autrement dit, une alliée à l’étranger comme il nous en faudrait bien plus. Or, avec la fin de ce programme, il y en aura désormais bien moins.


Sudbury, le CIEC et une histoire française… Fin du film.

Tout mon travail de recherche a commencé avec le Canada, et plus précisément avec Sudbury, un terrain que je suis allée explorer et qui m’a fait basculer; c’était en 1990, plus de vingt ans déjà. J’étais partie pour faire mon doctorat et la minorité franco-ontarienne s’est livrée. L’existence minoritaire, inconnue de ma vie de France, m’a transformée dans mes habitudes homogènes. C’est alors que j’ai glissé – quand d’aucuns penseront «riper» ou «déraper» -. Dans un temps lent, qui était le mien et celui de l’enquête, j’ai arpenté pendant six mois la ville d’hiver et de printemps de Sudbury pour faire de l’ethnographie sans le savoir: j’ai marché, regardé, noté, enregistré, rêvé, interprété. Sudbury m’a adoptée. J’étais partie avec une bourse du Conseil international d’études canadiennes, ou, pour le dire autrement, avec des fonds du gouvernement canadien.

J’ai donc fait mon doctorat, j’ai croqué puis dessiné mon sujet au fil des jours; j’ai essayé de rendre les paroles offertes en traçant les mises en discours de soi quand on est minoritaire. Comme les «hasards de la vie» sont les jeux de dés de nos détours intérieurs, ma vie résonnait et résonne encore du nord de l’Ontario. Ainsi, mon travail m’a portée à dépasser les simples enjeux académiques. Cette première partance intellectuelle a ébauché le canevas de mes premiers questionnements, que je n’ai pas lâchés depuis. Ils se sont imposés à moi à Sudbury, ville du nord de l’Ontario et ne m’ont pas quittée. Il se sont affirmés et affinés dans leur appréhension et leur résolution, les années passant. J’ai soutenu mon doctorat après du temps passé à Toronto auprès de collègues du Centre de Recherches en Éducation franco-ontarienne. Monica Heller et Normand Labrie notamment m’ont donné à comprendre les complexités langagières du Canada, ils m’ont offert tous les outils théoriques d’analyse pour parfaire mon chemin. J’ai passé cette année à Toronto grâce à des fonds du CIEC.

En 1999 je rendais à l’ambassade du Canada un rapport de 60 pages sur l’aménagement linguistique au Canada, j’avais obtenu une bourse du CIEC pour un complément de spécialisation. Je proposais pendant plusieurs années un séminaire à l’université d’Avignon où j’étais titulaire. Ce texte qui tentait de détricoter la complexité en ce domaine se voulait explicatif et pédagogique; il était l’aboutissement d’une année de réflexion et de séjours à Ottawa, notamment au sein du ministère Patrimoine canadien. Et le Canada et Sudbury se sont implantés dans cette université, il y a eu les cours et les séminaires, il y a eu pendant des années des ateliers d’écriture que nous organisions avec ma collègue et amie Hilligje Vant’ Land . Les étudiants ont plongé dans les variations outre Atlantique, ont lâché leur appréhension en écriture pour aller vers une écriture libérée avec Marguerite Andersen, André Carpentier, Robert Dickson, Jacques Godbout, Gérald Leblanc, Robert Marinier, Sylvie Massicotte ou Yvon Rivard. Ces ateliers étaient en partie financés par les Études canadiennes.

Après ma soutenance de thèse en 1995, j’ai continué à travailler sur le nord de l’Ontario. J’en avais besoin, intérieurement et intellectuellement. Et j’ai pris part sans hésiter un seul instant, et jusqu’à récemment encore, aux projets de recherche proposés par Monica Heller, qui ont toujours cherché à comprendre le changement des minorités linguistiques et culturelles au Canada face à la mondialisaiton. C’est avec elle, autour des projets, entre tâtonnements, échanges, travail en équipe, retours théoriques que s’est ébauchée mon évolution.

Dans une belle tradition ethnographique, nous sommes allés sur le terrain et avons débroussaillé notre champ, avons observé et interviewé. L’équipe a ramené pendant toutes ces années d’innombrables entrevues, davantage fragments d’enquête et éléments de nos regards croisés sur les changements en cours que traces analysées dans leur intégralité; je me consacrais au Nord, de Sudbury à Hearst, et, avec un collègue, Marcel Grimard, partais pour trois semaines d’été indien de 1998 sur les routes avec une question en tête, «c’est quoi être francophone dans le nord de l’Ontario ?». Comment, à l’heure de la mondialisation, se redéfinissent les appartenances, comment les détenteurs de pouvoir, les faiseurs d’action et d’idéologie vivent les changements identitaires, les restructurations étatiques et économiques, les enjeux linguistiques? Comment se construisent les discours en marge des discours hégémoniques? Nous avons mené une quarantaine d’entretiens, avec des agents des ministères, enseignants, entrepreneurs, artistes mais aussi d’anciens mineurs et des employés.

Nous avons roulé et vécu. Ce temps d’automne a été une façon de reprendre contact avec le nord de l’Ontario dans une période de mutation et de mondialisation. En résonance avec mon doctorat, j’ai perçu dans leur nouveauté les changements en cours. Rien n’aurait sans doute été pareil sans l’expérience antérieure, sans l’effet de palimpseste du terrain défriché quelques années auparavant, sans les signes qui surgissent au détour des évocations et des paysages en archipel. Le travail d’analyse s’imprègne des charnières et des sutures, des fracas et des naufrages, des déambulations et des rêveries d’une telle enquête, hors aussi de nos réflexions en chambre. J’ai pris beaucoup de notes.

Lors d’un second volet de ce projet, je gardais le nord de l’Ontario comme terrain, j’aurais pu choisir de percer davantage le monde artistique autour de festivals ou de scènes théâtrales; je décidai de me centrer sur le milieu touristique, alors en plein bouleversement et renouveau économique dans une perspective mondialisante. Et je repartis dans le Nord, accompagnée un temps par une collègue, Maïa Mayrymowich; c’était en juillet 2003, temps propice aux vacances et au vagabondage; je vécus les décors solitaires d’un tourisme en balbutiement. J’avais minutieusement préparé mes étapes et avais pris des contacts avec les faiseurs de promenades et d’aventures dans tout le Nord. Destination Nord, organisme chargé du développement du tourisme a été mon pôle ressource. J’ai rencontré les principaux acteurs à Kapuskassing, et j’ai alors mieux compris les enjeux, les limites et les missions à venir du développement touristique, objet de bien des espoirs d’une minorité mondialisée.

Tous ces différents projets et d’autres encore m’ont constituée, il y a toujours eu une participation des Études canadiennes; alors qu’aujourd’hui je suis Professeure des Universités à l’Université de Grenoble 3, je n’ai jamais arrêté avec le Canada, le Nord de l’Ontario puis plus récemment avec Moncton et l’Acadie. Toutes ces années passées à approfondir la connaissance des minorités francophones, toutes ces années à développer des cours, des activités dans l’université française, tous les étudiants qui sont partis eux-mêmes en stage, pour des recherches, pour des mémoires, tous les collègues français que j’ai sensibilisés sur des projets, tous ces échanges ont été possibles grâce à la volonté du gouvernement canadien via le CIEC. Les bourses octroyées ont permis de faire connaître les questions propres au Canada, de publier, de développer de l’humanité et des liens indéfectibles d’un bord à l’autre de l’océan mais aussi et tout simplement de favoriser des échanges et des investissements économiques qui ont dépassé les quelques sommes octroyées à ma petite personne.

Aujourd’hui le gouvernement canadien a décidé de tout simplement fermer les bureaux à Ottawa du CIEC. Il croit sans doute faire des économies pour «rationaliser les dépenses» et juguler le déficit. Sans parler des bénéfices humains et du rayonnement international, ce calcul à courte vue oublie qu’un dollar investi auprès d’un-e canadianiste passionné-e s’est démultiplié sans compter pour aller dans les caisses de ce même gouvernement. D’une façon ou d’une autre, cette décision est désolante d’inconscience et de bêtise.

La place du français dans la place publique

La fin de semaine dernière, taGueule parrainait une table ronde sur la place du français dans la place publique au Salon du livre du Grand Sudbury. Nos quatre panélistes ont débattu plusieurs questions, notamment par rapport au rôle de l’individu vs. le rôle du gouvernement et des commerçants dans l’affichage et l’offre de services en français; de l’offre de services publiques en français vs. l’offre de services privés en français; et bien encore.

Les portes sont maintenant ouvertes pour une discussion encore plus élargie. On vous invite à écouter l’enregistrement de la table ronde ci-dessous et à prendre position dans la section commentaires en bas de page ou collant un commentaire à un moment précis dans la discussion en cliquant dans la zone grise de la bande sonore.

Quand la santé mentale échappe à la Loi sur les services en français…

La semaine dernière (7 au 12 mai) avait lieu la Semaine de la santé mentale. Partout à la télé et à la radio, on entendait parler de nouveaux services offerts dans diverses communautés: activités, programmation, thérapie, groupes d’appui, et aide en milieu de travail ou scolaire, pour les personnes âgées, les adultes, les jeunes et les autochtones.

J’appuie toutes ces initiatives. Malheureusement on ne fait aucune mention de l’aide que l’on apporte aux femmes ainsi qu’aux francophones de Sudbury. Les services offerts aux gens de ces deux catégories laissent souvent à désirer. Par exemple, saviez-vous qu’au Centre de santé mentale (site Kirkwood), quatorze psychiatres reçoivent des patients en situation de crise ou encore en les suivant sur une base régulière? De ces quatorze médecins, quatre seulement sont des femmes, trois seulement s’expriment dans un anglais convenable, et un seul (homme) parle français. Nous avons donc une chance sur quatorze de consulter un médecin francophone. De plus, les statistiques démontrent que les femmes sont généralement plus à risque de faire des dépressions ou de souffrir de maladie mentale. Malheureusement, en cas de besoin, celles-ci seront probablement dirigées vers un médecin/homme. Ainsi, si elles sont francophones, les chances d’avoir un médecin qui soit une femme sont très petites, voire nulles si elles demandent un médecin/femme francophone.

Nous savons tous combien il est plus facile d’exprimer ses émotions dans sa langue maternelle. Et si par exemple, une femme a été abusée sexuellement, comment pourra-t-elle se confier à un médecin qui l’intimide parce qu’il est un homme et en plus parce qu’elle ne le comprend pas?

On ne peut parler des services en santé mentale sans mentionner les soins reçus dans les hôpitaux. Si vous êtes déjà allés visiter un ami ou un membre de votre famille à l’hôpital (site Kirkwood ou encore au 6e étage de Horizon Santé-Nord), vous avez sûrement remarqué que la majorité du personnel infirmier est anglophone. Il en est de même pour le personnel de soutien, les psychologues, les thérapeutes, le pasteur, etc. En plus, les informations affichées sont strictement en anglais. Heureusement, les membres de la famille peuvent s’informer en français auprès de la secrétaire. Mais en quoi cela aide-t-il au patient?

Comment un patient ou une patiente francophone en état de crise peut-il/elle se faire comprendre ou aider si tout se passe en anglais? Prenons par exemple le cas d’une femme d’une quarantaine d’année, souffrant de stress post-traumatique et de dépression depuis plusieurs années. Celle-ci arrive en ambulance parce qu’elle a voulu s’enlever la vie. Est-ce le moment pour elle de demander des services en français? En est-elle même capable? Elle est à peine consciente et on essaie de lui faire avaler une boue noire. Lorsqu’elle parvient à ouvrir les yeux tout se déroule en anglais, ce qui ne fait qu’aggraver la situation traumatique qu’elle vit. Force est de constater qu’il serait beaucoup plus rassurant pour elle si on lui parlait dans sa langue maternelle. Elle veut mourir alors si on cherche à la convaincre que ce n’est pas la solution à ses problèmes, on pourrait sans doute mieux y parvenir en lui parlant en français. Un patient atteint du cancer peut demander un interprète (même si cela est loin d’être idéal) mais lorsqu’il s’agit de santé mentale, de parler de ses émotions, d’agressions, d’anxiété, de dépression, du fait qu’il ou elle soit bipolaire ou suicidaire c’est beaucoup plus délicat et personnel.

La Loi 8 sur les services en français indique que ces services doivent être offerts dans les régions désignées. Il est clair que dans un milieu comme le nord-est de l’Ontario ceux-ci devraient déjà être établis. On ne devrait pas avoir à les demander dans nos moments les plus faibles. Les émotions se vivent d’abord dans la langue maternelle d’une personne. Ainsi lorsqu’on offre des soins en santé mentale, il importe encore plus d’offrir activement des services en français aux patients démunis et abattus. Si on a espoir que l’aide et la thérapie soient efficaces, ces gens ont besoin de se sentir compris et en confiance.

Somme toute, si on veut parler d’améliorer les services en santé mentale, il faudrait examiner de près ce qu’on offre à nos femmes et à nos francophones. Pourquoi n’embauche-t-on pas plus de psychiatres femmes et/ou francophones? L’Hôpital régional de Sudbury (aujourd’hui appelé Horizon Santé-Nord) est inclus dans l’énumération de la Loi 8. Cela dit, on ne parle pas du 6e étage (santé mentale) à Horizon Santé-Nord ni du site Kirkwood (anciennement l’Hôpital Algoma). Pourquoi avoir négligé d’inclure ces deux endroits?


Image: Maria Rubinke

Accent grave

La télévision, nous dit-on, est un médium en voie de disparition. Video killed the radio star. La technologie avance et la télévision, avec ses horaires fixes et ses publicités invasives, ressemble de plus en plus à un dinosaure que l’on abandonnera sous peu.

Il est vrai que les modes de diffusion de la télévision ne sont plus les mêmes. C’est le cas depuis l’arrivée du câble. Puis après ça le Pay-Per-View. Ensuite est arrivé HBO avec la boxe et les séries exclusives. Ensuite, le câble numérique a fait exploser les chaînes spécialisées, et donc aussi la tarte des annonceurs. Dès lors, on commence à annoncer la mort imminente de la télévision généraliste, de la programmation régionale, du basic cable à l’ancienne, au profit de ces nouvelles chaînes spécialisées. La vague de l’individualisme ne faisait que commencer; arrivent par la suite les coffrets DVD, les torrents piratés, les sites de streaming à Hong Kong, les PVR, tou.tv, Illico, etc.

Malgré tout cela, la télévision généraliste survit. Elle survit, et peut même connaître du succès. Parlez-en aux frères Rémillard. En transformant TQS en V télé, ils ont prouvé qu’avec une bonne stratégie, on peut être profitable. Avec leur programmation frugale, leur stratégie Web, et un respect pour leur public cible, ils ont renversé la tendance.

Ce n’est pas pour dire que c’est facile. Il faut créer du contenu de qualité pour qu’il soit visionné, consommé par la masse. Le public, plus intelligent qu’autrefois, sait ce qu’il veut et sait comment le trouver.

Ce qui m’amène à cette nouvelle chaîne franco-canadienne, Accents. Un genre de APTN de la francophonie canadienne. Une chaîne comme celle-ci, me semble-t-il, doit avoir pour but d’avoir un impact sur les communautés francophones canadiennes. Si tu veux un impact, il faut que le monde te regarde, c’est la base. La vidéo promotionnelle auquel on a eu droit est idéologique au boutte. On lance à tous bouts de champs l’idée du pays, on parle des Acadiens, on montre des jeunes qui veulent en savoir plus sur les autres cultures francophones du pays, sur la langue qui nous unit, etc. Edmonton, Vancouver, Moncton. Métis, Franco-Manitobains, Acadiens. Du beau nationne-buildingue. Par contre, tout au long de la vidéo, je n’entends rien sur le Québec. Et là, je veux dire rien. On parle du Canada, du pays, des 9,5 millions de francophones. J’entends des accents, mais pas d’accents québécois.

C’est absurde. C’est grave. C’est stupide. Le Québec a l’expertise, l’expérience. En plus, les Québécois se sont servis de la télé pour s’émanciper culturellement. C’est au Québec que se fait la télévision francophone de qualité au Canada. Il existe, au Québec, un marché médiatique de masse en français. Des vedettes. Du prime time. Des late show, de la télé réalité, du documentaire, des quiz. De la bonne télé, de la moins bonne télé, mais de la télé que l’on regarde. Et on veut créer une télévision généraliste sans eux? Dans quel but? Pense-t-on vraiment pouvoir créer assez de bonne programmation franco-canadienne pour remplir une grille horaire? On a TFO depuis des années, en Ontario, en Acadie, pis oui, au Québec, et on a encore pas nécessairement une grille horaire de qualité. Mais TFO grossit. De plus en plus de gens regardent de plus en plus TFO. Pourquoi ne pas juste booster TFO, continuer dans cette veine?

Bon. Je n’ai plus vraiment envie de chialer. Je veux juste souligner, en fin de billet, que cette initiative nous est présentée par la Fondation canadienne pour le dialogue des cultures. Est-ce que je peux me demander entre quelles cultures on essaye de créer un dialogue? Selon moi, et c’est vraiment juste moi, le seul dialogue que l’on devrait chercher à ouvrir en est un entre la masse québécoise, canadienne, francophone, et les petits ilots de francité ailleurs dans la mer anglo-américaine. Faudrait pas manquer le bateau, la mer a l’air rough.